Point de presse de MM. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et John Manley, ministre canadien des affaires étrangères, sur la Conférence de Durban, la mondialisation et le prochain sommet des pays industrialisés au Canada, Paris le 6 septembre 2001.

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Circonstance : Visite de M. John Manley à Paris le 6 septembre 2001

Texte intégral

Mesdames et Messieurs,
Je viens d'accueillir avec plaisir pour un déjeuner à la fois amical et de travail, M. John Manley, que nous avons déjà rencontré à Ottawa et à plusieurs reprises dans des réunions des ministres des Affaires étrangères du G7/G8. Nous nous retrouvons avec plaisir aujourd'hui. Nous avons parlé d'un ensemble de sujets importants lié à l'actualité. Nous avons évidemment fait le point de la situation tragique au Proche-Orient et des efforts des uns et des autres pour retrouver une perspective de paix. Nous avons assez longuement parlé des G7/G8. Vous savez que le Canada est le prochain pays hôte du G7/G8 et a donc commencé à réfléchir avec ses partenaires, à la façon d'organiser ce sommet, l'an prochain, d'une façon qui soit, je le comprends, dans l'esprit du Premier ministre canadien, modifié dans un esprit "retour aux sources", qui permette à la fois travailler bien, utilement et efficacement et en réglant quelques problèmes que nous avons vu se développer ces dernières années.
On a parlé de ces questions de mondialisation, d'anti-mondialisation, comment il faut traiter ces sujets. Je crois que c'est important qu'il y ait entre la France et le Canada, qui ont une grande expérience de ces G7/G8, un échange sur ce point, qui sera très utile pour les prochaines échéances.
Nous avons fait le tour des questions bilatérales, mais elles sont très nombreuses. Les relations sont bonnes et intenses grâce à une consultation politique régulière au plus niveau. Nous avons abordé quelques autres perspectives de négociations internationales, comme l'OMC. Nous avons parlé diversité culturelle, Francophonie et Sommet de Beyrouth. Nous avons parlé Afrique. Nous avons donc parlé à peu près de tous les sujets qui sont importants en même temps, en ce moment, pour nos deux pays.
(...)
Q - Avez-vous une réaction sur la situation à la Conférence de Durban. Vous aviez dit, il y a deux jours, que vous vous donniez une journée ou deux pour réfléchir si le Canada avait quitté la Conférence. Il semble maintenant qu'il y a une proposition de compromis qui a été soumise par l'Afrique du Sud qui renonce à condamner l'Etat israélien comme un Etat raciste. Est-ce que vous pensez que c'est de nature à résoudre le contentieux ? J'aimerais aussi avoir votre position, Monsieur Védrine, là-dessus ?
R - En ce qui me concerne, je dirais qu'il est clair que la Conférence de Durban avait commencé par dérailler, que les Européens et les Canadiens et un ensemble d'autres ont fait de gros efforts dans des conditions difficiles pour essayer de la remettre sur les rails. Le ministre belge qui préside l'Union européenne et qui est encore là-bas, me disait il n'y a pas longtemps, qu'il semblait que la présidence sud-africaine qui, elle-même était très désireuse que la conférence soit finalement utile, a fait un gros effort sur l'un des deux textes mais au moment où je vous parle, je ne connais qu'une partie des textes. Il va y avoir une délibération au sein des Quinze et avec nos grands partenaires. Je pense que c'est dans la soirée ou la nuit qui vient que nous saurons finalement ce qui est acceptable ou pas et si cela mérite de discuter ou non.
Q - Monsieur le Ministre, vous avez parlé de mondialisation, vous avez dit que ce sujet a été évoqué lors de votre déjeuner. La France et l'Allemagne ont annoncé hier la création d'un groupe de travail sur cette question. Vous étiez à Berlin, est-ce que l'on peut en savoir un petit peu plus ? Et en même temps je voudrais savoir, si, à la suite de cela, vous entendez présenter des propositions précises auprès du Canada, du ministre canadien à l'occasion du G7 l'an prochain ?
R - La question de la mondialisation, la question de l'analyse des mouvements anti-mondialisation, la question de la régulation, la question de l'analyse des obstacles à la régulation ; c'est une question qui concerne tout le monde, qui concerne tous les gouvernements, je dirais, un peu plus ceux qui sont nettement engagés dans une politique visant à une mondialisation mieux maîtrisée et donc plus régulée. Il y a des niveaux de réflexion assez divers. Il y a un échange qui se développe au niveau du G7, qui a d'ailleurs déjà commencé avant Gênes, au niveau des ministres des Affaires étrangères du G7. Le Canada a désormais un rôle particulier puisqu'il prépare le prochain sommet, qu'il l'accueillera, qu'il sera donc amené à faire des propositions à ses partenaires. Il y a une discussion en Europe au sein des Quinze menée sur différents plans, à la fois sur le déroulement du Sommet puis en même temps sur la question du dialogue de fond. Sur quel sujet dialogue-t-on ? Avec qui ? A quel moment ? Et à l'intérieur de ces multiples concertations, en effet la France et l'Allemagne ont décidé d'avoir une concertation bilatérale plus poussée sur ce sujet. Elle n'est pas encore organisée dans le détail mais de toute façon, outre la chancellerie, l'Elysée, Matignon, ce qui va de soi, elle associera étroitement les ministères des Affaires étrangères et les ministères des Finances qui sont tous deux directement concernés, sous une forme qui n'est pas encore déterminée. Mais cela s'inscrit dans ce mouvement général de réflexion dont nous voulons pouvoir tirer des leçons assez vite, parce que naturellement les gouvernements ne vont pas renoncer à se réunir, ils ne vont pas renoncer à travailler. D'autant qu'en général ils travaillent pour la régulation. Mais, il faut que cela soit mieux compris, et que ce soit précédé, accompagné et poursuivi sous des formes de dialogues qui sont à peut-être redéfinir. Voilà tous ceux qui s'engagent. Mais n'oubliez pas les différents aspects. Il n'y a pas qu'un groupe, il y a de très nombreux niveaux de réflexion sur ce point.
Q - Les gouvernements ne peuvent pas renoncer à se réunir ?
R - C'est une boutade, parce que c'était une évidence.
Q - Mais en se réunissant à un endroit comme à Kananaskis, qui est un nid d'aigle avec une seule route qui y mène, quel message est-ce que cela donne ? Qu'on s'enferme pour se réunir ?
(...)
R - Non , je trouve excellente la réponse de mon collègue canadien. De toute façon dans ces réunions, tout le monde a intérêt à ce qu'il y ait une possibilité d'échanges informels, dans une ambiance sereine et tranquille, indépendamment des nécessités ou de l'urgence médiatique, c'est utile pour tout le monde. C'est important que les dirigeants des grands pays dans des formats variés, puissent se parler franchement de tout ce qui les préoccupent. C'est vrai des Conseils européens, c'est vrai du reste. A chaque fois, il faut que ces réunions soient le plus utile possible, il ne faut pas qu'elles soient "speedées" ou qu'elles soient coupées sans arrêt par des préoccupations qui n'ont rien à voir avec des travaux. Cela ce n'est pas une volonté d'isolement. Je pense que si vous avez à écrire un papier, vous allez vous chercher un endroit tranquille un moment donné. Cela s'applique au travail gouvernemental.
(...)

(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 septembre 2001)