Déclaration de Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, sur le projet de modernisation du système de santé publique, Paris le 8 juillet 2015.

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Vous examinerez, dans les prochains jours, le projet de loi de modernisation de notre système de santé adopté par l'Assemblée nationale en première lecture en avril dernier. Après l'examen par votre Commission ce mois de juillet, le texte sera débattu en séance publique au début du mois de septembre. Ce calendrier permettra une adoption définitive à l'automne, et nous devons collectivement nous en réjouir.
Parce qu'il s'agit d'un texte attendu. Attendu par les Français, qui nous font part de leurs difficultés pour se soigner, pour s'informer, pour se protéger. Attendu par des professionnels de santé qui ont besoin de cadres nouveaux pour accompagner leurs patients en développant une médecine de parcours. Attendu par notre système de santé, qui doit être modernisé pour rester performant et accessible à tous.
I - Ce projet de loi est le fruit d'un long travail et d'une intense concertation. Il poursuit un grand objectif : celui de permettre à notre système de santé de répondre aux grands défis qui lui font face.
Ces défis, vous les connaissez : c'est le creusement des inégalités de santé, le développement des maladies chroniques et le vieillissement de la population. Notre système de santé a été largement façonné au sortir de la seconde guerre mondiale. Depuis, notre société a évolué. Le quotidien de nos concitoyens aussi, et donc leurs besoins en matière de santé. Les professionnels de santé nous le disent. Ce constat est très largement partagé.
En 2013, j'ai donc lancé les travaux visant à engager la modernisation de notre système de santé. La Stratégie nationale de santé a été construite de manière collaborative, participative. Patients, professionnels et autres acteurs de santé : chacun a pu faire entendre sa voix au cours des centaines de forums régionaux qui se sont tenus partout en France. Nombre d'entre vous ont pris part à ces travaux, et je tiens à vous remercier pour votre engagement.
Cet engagement, il vous appartient désormais de le poursuivre au Parlement autour de ce texte.
II - Trois grands axes viennent structurer ce projet de loi : la prévention, la proximité des soins et les droits des patients.
La prévention, d'abord. Ce doit être le cœur de notre action. Parce que beaucoup de maladies pourraient être évitées, il nous faut aider nos concitoyens à mieux se protéger.
Les mesures sont nombreuses et nous aurons l'occasion d'y revenir. Je veux insister sur la place de la jeunesse dans cette nouvelle stratégie de prévention.
- L'éducation en santé commencera dès le plus jeune âge, avec la mise en place d'un parcours éducatif, de la maternelle au lycée ;
- Nous nous dotons de nouvelles armes pour lutter contre le tabagisme. J'ai déjà eu l'occasion de le dire, je veux faire de la génération d'enfants qui naît aujourd'hui la première génération d'adultes non-fumeurs. Avec la mise en place du paquet neutre et l'interdiction de fumer en voiture en présence d'enfants de mineurs, nous allons « casser » l'attrait du tabac ;
- Agir pour la santé des jeunes, nous le faisons aussi en luttant contre l'alcoolisation massive avec la création d'un délit d'incitation à la consommation excessive d'alcool, et en favorisant le dépistage des infections sexuellement transmissibles.
Nombre d'autres mesures viennent renforcer nos stratégies de prévention. La lutte contre l'obésité avec la mise en place d'un étiquetage clair et lisible des aliments. L'ouverture des salles de consommation à moindre risque qui permettront d'accompagner les toxicomanes vers le sevrage et de protéger les riverains. Avec l'ensemble de ces mesures, nous agissons dès le plus jeune âge, nous agissons partout, pour donner aux Français toutes les armes pour protéger leur santé.
Le deuxième volet du projet de loi c'est le développement d'une médecine de proximité articulée autour du médecin traitant.
Nous sommes tous ici élus et nous connaissons donc les difficultés auxquelles sont confrontés de très nombreux Français. Difficulté à trouver le bon interlocuteur lorsqu'on est malade. Difficulté à se soigner lorsqu'on n'a pas les moyens d'avancer les frais. Difficulté à s'orienter dans un système de santé complexe. Avec ce projet de loi, nous faisons tomber les barrières qui limitent l'accès aux soins, qu'elles soient géographiques, financières ou administratives.
Trois exemples de mesures s'inscrivant dans cette dynamique :
- la généralisation du tiers payant à tous les Français, d'abord. Beaucoup de nos concitoyens renoncent à se soigner faute de pouvoir avancer les frais. C'est une mesure de progrès pour les Français, mais aussi une avancée pour notre système de soins qui renforcera la place du médecin généraliste comme interlocuteur direct des patients ;
- la mise en place d'une lettre de liaison transmise par l'hôpital au médecin traitant dont le patient sort de l'hôpital. Il s'agit là d'une mesure attendue, qui permettra de mieux coordonner les prises en charge, avec un hôpital tourné vers la ville ;
- Enfin, la mise en place d'un numéro d'appel national unique pour joindre un médecin de garde est aussi une avancée majeure. Trop de patients sont aujourd'hui contraints de se rendre aux urgences dès lors que les cabinets médicaux sont fermés.
Avec ce projet de loi, nous passons donc d'une organisation hospitalo-centrée à un système qui fait du médecin généraliste le centre de gravité de la prise en charge du patient.
Le troisième volet du texte, c'est le renforcement des droits des patients.
La loi Kouchner de 2002 a constitué une avancée considérable en matière de démocratie sanitaire. Aujourd'hui, nous ouvrons une nouvelle étape en reconnaissant aux patients de nouveaux droits individuels et collectifs.
Le rôle des associations d'usagers est renforcé, et leurs initiatives sont valorisées. Les patients seront désormais représentés dans les organes de gouvernance de toutes les agences sanitaires nationales. Ils pourront à l'avenir faire valoir leurs droits collectivement, puisque nous mettons en place l'action de groupe en santé.
Reconnaître des droits aux patients, c'est aussi créer un droit à l'oubli, pour mettre fin aux discriminations insupportables dont sont victimes d'anciens malades en matière d'assurance et de prêts bancaires.
Enfin, nous permettons enfin à notre pays de rejoindre le mouvement de l'open data. Nous disposons d'un grand atout : la quantité et la qualité des données collectées par nos hôpitaux et l'Assurance maladie. Ces données doivent être valorisées. Les chercheurs, les professionnels, les start ups, doivent pouvoir les utiliser pour faire progresser nos connaissances et notre capacité à agir. Nous engageons donc ce mouvement, et nous le faisons évidemment dans le strict respect de la vie privée des citoyens.
III - L'examen par l'Assemblée nationale a permis de répondre à certaines inquiétudes et d'enrichir encore le texte.
Réformer notre système de santé, faire bouger les lignes, cela entraine nécessairement des interrogations, des inquiétudes. Certains professionnels les ont exprimées et j'ai tenu à y répondre point par point. En réaffirmant, d'abord, que ce projet de loi ne remet en aucun cas en cause les principes fondamentaux de la médecine française, en particulier la liberté d'installation et la liberté de choix de son médecin. En clarifiant, ensuite, certaines dispositions qui avaient suscité des craintes.
En matière d'organisation territoriale, le texte qui vous est soumis identifie plus clairement le médecin généraliste comme pivot de l'organisation des parcours de soins. Il apporte toutes les garanties de sécurité et de fiabilité nécessaires à la mise en place du tiers payant : le système sera simple, fonctionnera en un « clic », et le médecin sera payé dans un délai de 7 jours par un flux unique. Ces clarifications répondent aux inquiétudes qui avaient été exprimées par les professionnels. Elles témoignent de l'utilité de la concertation qui s'est tenue.
L'examen du texte par l'Assemblée nationale a par ailleurs permis d'ouvrir de nouvelles voies. Je ne prendrai qu'un exemple : celui de la santé environnementale. Nous connaissons les effets de l'environnement sur notre santé. La pollution de l'air, les perturbateurs endocriniens, viennent renforcer certaines pathologies et fragilités. A la suite du passage du texte en Conseil des ministres, j'ai travaillé avec des parlementaires, notamment Aline ARCHIMBAUD, pour créer un chapitre « santé-environnement » dans ce texte. Des mesures fortes ont ainsi été adoptées par l'Assemblée nationale.
- L'information au public en matière de pollution de l'air est renforcée : ses conséquences sanitaires seront désormais plus clairement exprimées.
- Les débats parlementaires ont également permis d'enrichir le projet de loi d'un article relatif à la lutte contre le radon, qui est l'un des polluants de l'air intérieur le plus nocif pour la santé.
- Nous introduisons le concept d'exposome dans la définition de notre politique de santé. Cette mesure, très attendue par les associations, permet de prendre en compte l'ensemble des risques, y compris environnementaux.
- Enfin, nous connaissons les effets du Bisphenol A en matière de santé et avons déjà, ensemble, interdit son utilisation dans les contenants alimentaires.
Avec ce texte, sa présence dans les jouets pour enfants sera elle-aussi interdite. C'est une mesure forte, qui montre que notre pays est à nouveau pionnier en matière d'encadrement des perturbateurs endocriniens.
Ce volet santé-environnement témoigne bien de l'ambition de ce texte : reconnaître les nouveaux besoins de santé, quelles que soient leurs origines, et y répondre par des mesures concrètes. Il est aussi un bel exemple de travail commun, avec les parlementaires.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs,
Je viens de vous présenter les grandes lignes du projet de loi de modernisation de notre système de santé. Les défis sont nombreux, les attentes des Français sont fortes, alors nous proposons un texte ambitieux. Mieux prévenir, mieux accompagner, mieux reconnaître les droits des patients : derrière ces trois objectifs, il y a des mesures fortes, concrètes. C'est une nouvelle page de l'histoire de notre système de santé que nous ouvrons ensemble, et je souhaite que nos débats soient à la hauteur des attentes de nos concitoyens.
Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.
Je vous remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 17 juillet 2015