Déclaration de M. Michel Rocard, Premier ministre, sur la modernisation de l'administration et les relations entre administrations européennes, Paris le 17 avril 1989.

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Circonstance : Journées européennes d'informatique administrative à l'occasion du SICOB à Paris en avril 1989

Texte intégral


Mesdames et Messieurs,
En introduisant ces premières journées européennes d'informatique administrative, je veux remercier tous ceux qui ont contribué à leur réalisation :
- la Commission des Communautés européennes, qui a partagé avec mes services la responsabilité d'organiser ces journées et participe activement aux sessions ;
- les cabinets d'étude mandatés par la Commission pour réaliser les analyses qui vous seront présentées au début de chaque journée ;
- les animateurs des séances et des tables-rondes et les auditeurs, provenant des administrations, des entreprises et de la presse, qui prendront le temps d'assister aux séances et de dialoguer avec les orateurs.
Je tiens enfin à saluer tout particulièrement les responsables du SICOB. Ils apportent l'infrastructure du salon et leur soutien constant à cette réflexion sur la modernisation de l'administration.
Pourquoi des journées européennes d'informatique administrative ?
D'abord parce qu'il convient de célébrer, si je puis dire, avec de plus en plus de solennité le mariage toujours renouvelé des technologies de l'information et de l'administration publique. Cette dernière , dont la matière première est l'information -information "sensible" à tous égards- ne peut rester à l'écart des bouleversements qui se poursuivent dans le domaine de l'ordinateur, des télécommunications, des logiciels "intelligents". Quand l'outil change, les pratiques doivent aussi changer.
S'insérer convenablement dans la révolution de l'information constitue, pour l'administration, l'une des composantes de ce que j'ai appelé, dans une circulaire récente, le renouveau du service public.
La réforme administrative, c'est-à-dire l'adaptation de l'administration aux exigences du temps, comporte en effet de nombreux aspects qui supposent un recours raisonné aux ressources des technologies de l'information :
- l'informatique distribuée en réseau contribue à la déconcentration des responsabilités tout en maintenant l'information de l'administration centrale. Le développement des responsabilités de tous est une des conditions de l'amélioration des conditions de travail des personnels des administrations ;
- les techniques nouvelles de télécommunications assurent des capacités sans précédent d'échanges de documents et de données entre partenaires. La communication se fera plus simplement et plus directement non seulement d'une administration l'autre, mais aussi entre administrations et entreprises ;
- les logiciels de traitement de la connaissance apportent enfin des possibilités, tout à fait insoupçonnées il y a quelques années, pour faciliter l'exécution des tâches fondamentales de la fonction administrative : recherche documentaire, aide à la décision, formation professionnelle, dialogue avec le public ...
Tout ceci doit entraîner, non seulement un meilleur fonctionnement interne de l'administration, mais un accroissement sensible des services qu'elle rend aux citoyens et aux entreprises.
Au sein des services administratifs, de nombreuses fonctions d'exécution seront progressivement remplacées par des fonctions de décision. Cela impliquera une redéfinition des métiers et des carrières ainsi que des procédures et des structures administratives. C'est dire l'importance d'une gestion prévisionnelle des missions, des emplois, des effectifs et des carrières. Je ne saurais trop insister sur cette dimension et sur l'apport des technologies modernes à la mise au point de tels outils.
Vis-à-vis des usagers, il en découlera une simplification des formalités. Le guichet ou la procédure unique se substituant, je l'espère définitivement, aux trop nombreuses procédures qui existent actuellement. Les échanges électroniques de documents ou de données seront généralisés, diminuant les coûts de gestion et les délais. Des systèmes de renseignements administratifs de plus en plus performants seront mis en place.
Ces avantages ne seront pas obtenus sans des efforts importants. Une réflexion stratégique à moyen terme s'impose, pour redéfinir l'ajustement des moyens aux fins. Cette réflexion doit associer tous les personnels qui ne peuvent accepter vraiment toutes ces transformations que s'ils les comprennent et s'ils se les approprient. Les projets d'administration ou de service convenablement préparés et longuement discutés à tous les niveaux, doivent être un outil de ces transformations.
Par ailleurs, il convient de prendre de grandes précautions pour le bon fonctionnement d'ensemble du système administratif, au regard des exigences de communication, mais aussi au regard de la protection à assurer aux libertés publiques ou à la sécurité des fichiers et des transmissions.
Enfin, (peut-être est-ce, dans l'administration comme dans l'entreprise, le problème le plus urgent, mais aussi le plus difficile) il convient de former les responsables de tous niveaux aux nouveaux enjeux de gestion, comme aux nouvelles méthodes, qu'ils doivent dorénavant maîtriser.
Vous voyez que, en France comme sans doute dans la plupart des pays européens, il nous faut entreprendre une démarche cohérente de modernisation, sur le triple plan de la technique, de l'organisation et de la gestion des hommes. Cette démarche suppose d'aborder les problèmes en profondeur, dans une perspective de moyen et long terme. C'est la raison pour laquelle j'ai demandé aux membres de mon Gouvernement d'intégrer toutes les initiatives et les expériences développées ces dernières années dans des plans de modernisation qui mettront toutes ces réalisations en cohérence.
L'impact de la révolution technologique se fera sentir de la même façon, me semble-t-il, dans les relations entre les administrations nationales et la Commission, au sein de la Communauté européenne.
Depuis plusieurs années déjà, des efforts ont été accomplis qu'il faut saluer très haut. Ce n'est sans doute encore qu'un début au regard des échanges qui devront s'instaurer entre administrations après 1993, et auxquels les technologies de l'information apporteront leurs immenses ressources.
La libre circulation des personnes, des biens et des services nécessitera, avant même que l'on ait toujours pu harmoniser les réglementations en amont, des réseaux ou plate-formes communes de transmission des données et documents permettant de traiter celles-ci avec des temps de réponse acceptables. Ceci signifie en fait, qu'au moins sur le plan de la forme, il conviendra de rapprocher et de simplifier au maximum les procédures s'appliquant aux agents économiques. Il serait insupportable en effet d'ajouter la complexité communautaire à celle des pratiques nationales.
Mais il semble bien que nombre d'autres applications utilisant les technologies de l'information, pourront être envisagées par les administrations pour contribuer à la construction européenne.
La santé et la protection sociale, les transports, l'environnement, l'éducation et la formation professionnelle : voilà des domaines qui pourront faire l'objet d'études communes, visant à définir des réseaux de services cohérents, sur lesquels chaque pays pourra développer ses propres systèmes sans mettre en danger l'unité d'ensemble.
Là encore, les administrations des pays européens, la Commission, mais aussi les usagers des services publics, devront travailler ensemble au mieux de l'intérêt général, en additionnant, si vous me permettez de le dire, leurs valeurs ajoutées et non leurs dysfonctionnements éventuels.
Il faudra apprendre à identifier les interlocuteurs, s'adapter à leurs méthodes de travail et à leurs langages, définir des expériences pilotes, en tirer des stratégies à plus long terme, dialoguer et rendre compte ... En ce qui concerne votre domaine technique, s'ajoutera la nécessité de connaître et de défendre les ressources industrielles et scientifiques dont notre continent se doit de conserver la maîtrise.
C'est dire que le programme de travail pour les années à venir est riche. Je souhaite que vos travaux apportent des suggestions utiles sur ces questions difficiles. En ce qui concerne la France, Monsieur le ministre d'État chargé de la fonction publique et des réformes administratives, et Madame le ministre des affaires européennes, qui clôtureront les sessions, recueilleront vos propositions et m'en feront part. En liaison avec les autres gouvernements et la Commission, j'espère qu'il sera possible de leur donner des suites nombreuses et fertiles.