Texte intégral
PIERRE WEILL
Notre invité ce matin, Michel SAPIN, le ministre des Finances et des Comptes publics. Bonjour Monsieur SAPIN.
MICHEL SAPIN
Bonjour.
PIERRE WEILL
Croissance zéro au deuxième trimestre, en France, quest-ce qui na pas marché ?
MICHEL SAPIN
On vient de parler des statistiques chinoises, les statistiques françaises sont évidemment le reflet de la vérité, elles sont établies par un organisme indépendant, lINSEE. Si on veut regarder cette vérité il faut regarder dailleurs les deux chiffres successifs, celui du premier trimestre
PIERRE WEILL
0,6 %.
MICHEL SAPIN
Qui a été révisé, à linstant, à 0,7 %, et le chiffre du deuxième trimestre qui est la stabilité, et donc, si on veut regarder les choses en face il faut regarder de combien la France a vu croître sa richesse, au premier semestre de cette année, c'est-à-dire de lordre de 0,7 %, exactement comme lAllemagne. On vient davoir à linstant les chiffres de lAllemagne, exactement comme lAllemagne. Cest vrai que le chiffre du deuxième trimestre, comme ça, peut paraître décevant, moi jaurai préféré 0,1 ou 0,2 % de croissance, mais comme
PIERRE WEILL
Quest-ce qui na pas marché ?
MICHEL SAPIN
On était monté très très haut au premier trimestre, et on a continué à rester à ce niveau, très élevé, au deuxième trimestre. Ce que je constate, simplement, cest que nous avons ce quon appelle, ce que les statisticiens appellent un « 0,8 % dacquis de croissance. » Pour le dire autrement, même sil ne se passe plus rien ce qui ne sera pas le cas nous avons, aujourd'hui, acquis 0,8 % de croissance au cours de cette année 2015. Cest la première fois, depuis 3 ans, que nous avons un chiffre de cette nature. Ce qui veut dire quoi ? Ce qui veut dire quau-delà des à-coups dun trimestre sur lautre, la France est en reprise dactivité, la France est en reprise de croissance, et nous avons absolument besoin de cette croissance. Je pense que vous vous en souvenez, moi javais fixé comme objectif de croissance, pour 2015, 1 %, cet objectif de 1 % sera atteint. Cest beaucoup plus que les années précédentes, mais cest encore insuffisant, cest pour ça quil faut continuer.
PIERRE WEILL
Insuffisant pour faire baisser le chômage ?
MICHEL SAPIN
Insuffisant en termes de reprise de linvestissement, même si linvestissement reprend, là, dans les derniers chiffres linvestissement des entreprises reprend. Cest indispensable. Vous ne pouvez pas créer des emplois si vous navez pas de linvestissement supplémentaire, sil ny a pas des machines supplémentaires, sil ny a pas, dune manière ou dune autre, une capacité pour ces entreprises à embaucher en plus. Donc, linvestissement a repris. Mais pour que le chômage recule vraiment, recule sûrement, pas simplement un mois par rapport à un autre, oui, il faut une croissance supérieure à 1 %, et cest ce que nous visons, bien entendu, vers la fin de lannée, et lannée prochaine, puisquil faudra à peu près 1,5 % de croissance. Pour linstant tous ces chiffres, qui sont des chiffres un peu éloignés des gens, ce sont des chiffres qui correspondent aux objectifs que nous nous sommes fixés, avec ces chiffres le chômage reculera.
PIERRE WEILL
Chômage, une baisse crédible, vous y croyez à partir de quand, précisément ?
MICHEL SAPIN
Je ne veux pas quon recommence avec ce quon nous a beaucoup reproché, je peux comprendre quon nous lait reproché, en fixant une date, en disant « à la fin de cette année il y aura une inversion de la courbe, ou de ceci, ou de cela. » Tout lobjectif, de notre politique, cest de faire en sorte que les entreprises soient plus fortes, aient plus de capacités pour investir, de manière à ce quelles créent des emplois, cest ça lobjectif. Dailleurs, si vous regardez des chiffres qui vont tomber
PIERRE WEILL
Et franchement, vous y croyez ce matin, avec une croissance nulle, 0 pour le deuxième trimestre en France ?
MICHEL SAPIN
Il faut faire attention aux chiffres. Si vous dites croissance nulle, vous allez donner le sentiment dune France à larrêt, la réalité nest pas celle-là. La réalité cest que vous êtes à un niveau, pour le premier semestre, qui est de 0,7, 0,8 %, au-dessus de celui de lannée précédente. Cest la première fois, je reviens sur ce point. On a 2012, quasiment 0 de croissance, 2013, quasiment 0 de croissance, 2014, 0,2 % de croissance, avec des chiffres comme ça, le chômage ne peut quaugmenter. Cest la première fois, la première année, que la croissance reprend en France, cest ça quil faut regarder en face.
PIERRE WEILL
Les économistes disent que pour faire baisser le chômage il faudrait une croissance de 1,5 %, on en est loin.
MICHEL SAPIN
On est sur le chemin. On ny est pas encore, mais on est sur le chemin. Les économistes dailleurs disaient, il y a 10 ans, quil fallait 2,5 % de croissance, ils sont arrivés aujourd'hui à 1,5 % de croissance, je crois quils ont raison, cest à peu près le chiffre quil convient datteindre. Nous serons, je pense, à la fin de cette année, sur un rythme de cet ordre-là, 1,5 % de croissance. Cest pour ça quil faut continuer les politiques qui sont les nôtres, parce que tout ça ne tombe pas du ciel, tout ça ne tombe pas uniquement par hasard, on a mis en place ce quon appelle le CICE, on a mis en place le Pacte de responsabilité, c'est-à-dire des capacités données aux entreprises pour investir et ensuite embaucher.
PIERRE WEILL
Donc, pas de changement de politique. Vous le savez, Michel SAPIN, le Parti socialiste a adopté fin juillet un rapport demandant une inflexion de la ligne économique du gouvernement en faveur des ménages et des collectivités, par exemple avec des baisses dimpôts pour relancer la consommation, ça pourrait peut-être relancer la croissance. Est-ce que vous allez changer ?
MICHEL SAPIN
Il est parfaitement légitime de sinterroger sur quel est le meilleur moyen pour faire quil y ait plus dinvestissements et plus demplois, cest notre objectif à tous, et cest tout à fait normal que, les uns ou les autres, dans la majorité ou dans lopposition, fassent des remarques sur ce point. Mais il y a une chose dont je suis certain, cest que si nous voulons réussir, il ne faut pas zigzaguer, il ne faut pas changer tout le temps de politique. Changer tout le temps de politique cest la certitude de donner le tournis aux acteurs économiques et aux chefs dentreprise, et à partir de là de nobtenir aucun résultat. Donc, la première des priorités cest de maintenant le cap. Nous avons une politique qui permet de redonner aux entreprises, année après année, de lordre de 10 milliards de capacités dinvestissement, leurs comptes sont en train de se redresser, ce quon appelle leurs marges, sont en train de se redresser, ce nest pas le moment darrêter. Quil faille infléchir
PIERRE WEILL
On peut maintenir le cap et ajuster.
MICHEL SAPIN
Absolument. Quil faille infléchir, ajuster, essayer de faire en sorte que les mesures soient les plus efficaces possible, quelles permettent le plus possible la reprise de linvestissement et le plus possible la reprise de lemploi, ça cest légitime, mais, par contre, je ne suis pas favorable à ce que lon vienne prendre, si je puis dire, sur ce qui était destiné aux entreprises, pour le transformer en baisses dimpôts pour les ménages. Cette année, oui. Je vous rappelle que là, en ce moment, arrivent, ou plus exactement narrivent plus, pour certains, des feuilles dimpôts, qui sont à la baisse et parfois même à la suppression de limpôt sur le revenu. Est-ce que vous savez quil y a, en ce moment, 9 millions de ménages, français, qui voient, sur leurs avis dimposition, leur impôt baisser, ou même être supprimé ? Cest plus de 2 milliards de pouvoir dachat supplémentaire, dont les Français vont se rendre compte, là, maintenant, et cest, évidemment, un effort utile en faveur des ménages.
PIERRE WEILL
Michel SAPIN, y aura-t-il, dans le budget 2016, de nouvelles baisses dimpôts ?
MICHEL SAPIN
Je pense quil faut déjà que nous essayons de conforter les objectifs qui sont les nôtres. Nos objectifs aujourdhui cest quoi ? Financer les priorités de la Nation. Priorité de la Nation, la sécurité, nous avons augmenté les budgets sécurité, pour lutter contre le terrorisme, à lintérieur comme à lextérieur de la France. La priorité cest léducation et la jeunesse, nous continuons à augmenter les budgets de léducation et de la jeunesse et, en particulier, de lEducation nationale avec des créations de postes de professeurs supplémentaires. Il faut aussi continuer à diminuer nos déficits. Là, cette année, en 2015, je me suis fixé un déficit de 3,8 %, cest mieux que ce que nous demande la Commission, nous allons atteindre ce déficit de 3,8 % par rapport au PIB, cest la première fois depuis des années et des années que nous allons atteindre notre objectif. Donc il faut financer la baisse de nos déficits et il faut continuer à financer la baisse des charges pour les entreprises. Cest ça la clé de notre politique et ça quil faut continuer à faire.
PIERRE WEILL
Donc pas de nouvelles baisses dimpôts en 2016 ?
MICHEL SAPIN
Nous verrons en 2016, où nous en serons, mais moi je ne veux pas tirer déchec sur lavenir, je ne veux pas annoncer, aujourd'hui, des décisions que nous ne serions pas capables de prendre ou de tenir en toute responsabilité. Il y a déjà un effort considérable, là, pour 9 millions de foyers fiscaux, cest ça qui va être, je dirais lactualité fiscale de cette rentrée, 9 millions de foyers, sur 37 millions, 9 millions de foyers qui voient leurs impôts diminuer, cest déjà beaucoup.
PIERRE WEILL
Michel SAPIN, que pensez-vous de laccord sur un plan daide globale à la Grèce de 86 milliards deuros sur 3 ans, en contrepartie elle doit mener de nombreuses réformes structurelles, vous approuvez ce plan ?
MICHEL SAPIN
Oui, cest un plan pour lequel nous nous sommes beaucoup battus, vous le savez, le président de la République, François HOLLANDE, le Premier ministre, moi-même, dans de très très nombreuses réunions, au cours des mois de mai, juin, début juillet, jusquau 13 juillet, nous nous sommes battus pour faire adopter le principe de ce plan. Là, nous sommes passés du principe aux modalités de mise en oeuvre de ce plan, nous allons devoir lexaminer cet après-midi
PIERRE WEILL
A Bruxelles.
MICHEL SAPIN
Cest la solidarité, les 85 milliards, cest la solidarité que nous devons à la Grèce, pour permettre à lensemble de la zone euro de retrouver de la stabilité, de la confiance, et y compris à notre économie française, dêtre dans la confiance.
PIERRE WEILL
Il ny aura plus de plan daide à la Grèce, cest le dernier ?
MICHEL SAPIN
Cest toujours très difficile de le dire ainsi, en tous les cas, ce plan, il est conçu pour réussir. Mais, je disais ça cest la solidarité, la solidarité ça ne marche quavec la responsabilité, et le gouvernement grec en ce moment, je le dis clairement, prend ses responsabilités. Prend totalement ses responsabilités, comme jamais aucun gouvernement, en Grèce, na su, jusquà présent, prendre ses responsabilités, dans la décision de faire des économies, dans la décision certains diraient « enfin ! » - de percevoir limpôt, dans la décision de mettre en oeuvre des réformes qui soient des réformes en profondeur, pour permettre à léconomie grecque de reprendre son activité.
PIERRE WEILL
Michel SAPIN, pourquoi on ne dit pas franchement que la Grèce ne pourra jamais rembourser sa dette et quil faudra en effacer une grande partie ?
MICHEL SAPIN
Parce que ce nest pas exact, par contre il est exact quil est nécessaire de reprofiler, de retravailler, la dette grecque. Il faut faire attention, il y a une différence entre
PIERRE WEILL
Reprofiler ?
MICHEL SAPIN
Oui, je vais vous expliquer. Si je vous dis, vous avez acheté un appartement, je vous dis « voilà, on va annuler votre dette », vous allez être tout content, vous allez dire « tiens, jai eu mon appartement gratuit », mais enfin, ceux qui vous auront prêté de largent, eux, ne seront peut-être pas tout à fait contents. Je rappelle que ceux qui ont prêté de largent, ceux qui vont prêter de largent, à la Grèce, cest vous et moi, ce sont les contribuables européens, ce nest pas un méchant banquier, venu de nulle part, et qui veut faire de largent sur le dos de la Grèce, non, cest la solidarité qui est arrivée là. Donc, nous devons dire aux Grecs « ce que vous avez emprunté, vous devrez le rembourser », mais pas dans nimportes quelles conditions.
PIERRE WEILL
Intégralement ?
MICHEL SAPIN
Pas dans nimportes quelles conditions. Dans un prêt il y a des intérêts, je pense quil faut que ces intérêts soient le plus faibles possible et le plus tard possible. Dans un prêt il y a des échéances, à quelle date doit-on le rembourser, et ça je pense quil faut laménager, pour que cela permette à la Grèce de retrouver de la respiration, de loxygène, de lactivité. Parce que, en Grèce, comme ailleurs, ils ne sen sortiront que par la croissance retrouvée et par lemploi.
PIERRE WEILL
Sur combien de temps ?
MICHEL SAPIN
Cest des choses dont nous aurons à discuter au cours du mois doctobre, cest la contrepartie nécessaire, légitime, des efforts que, aujourd'hui, la Grèce est en train de voter.
PIERRE WEILL
Michel SAPIN, le ministre des Finances, est notre invité ce matin, il reste avec nous dans ce studio pour répondre à vos questions, et à dautres questions de la rédaction.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 août 2015
Notre invité ce matin, Michel SAPIN, le ministre des Finances et des Comptes publics. Bonjour Monsieur SAPIN.
MICHEL SAPIN
Bonjour.
PIERRE WEILL
Croissance zéro au deuxième trimestre, en France, quest-ce qui na pas marché ?
MICHEL SAPIN
On vient de parler des statistiques chinoises, les statistiques françaises sont évidemment le reflet de la vérité, elles sont établies par un organisme indépendant, lINSEE. Si on veut regarder cette vérité il faut regarder dailleurs les deux chiffres successifs, celui du premier trimestre
PIERRE WEILL
0,6 %.
MICHEL SAPIN
Qui a été révisé, à linstant, à 0,7 %, et le chiffre du deuxième trimestre qui est la stabilité, et donc, si on veut regarder les choses en face il faut regarder de combien la France a vu croître sa richesse, au premier semestre de cette année, c'est-à-dire de lordre de 0,7 %, exactement comme lAllemagne. On vient davoir à linstant les chiffres de lAllemagne, exactement comme lAllemagne. Cest vrai que le chiffre du deuxième trimestre, comme ça, peut paraître décevant, moi jaurai préféré 0,1 ou 0,2 % de croissance, mais comme
PIERRE WEILL
Quest-ce qui na pas marché ?
MICHEL SAPIN
On était monté très très haut au premier trimestre, et on a continué à rester à ce niveau, très élevé, au deuxième trimestre. Ce que je constate, simplement, cest que nous avons ce quon appelle, ce que les statisticiens appellent un « 0,8 % dacquis de croissance. » Pour le dire autrement, même sil ne se passe plus rien ce qui ne sera pas le cas nous avons, aujourd'hui, acquis 0,8 % de croissance au cours de cette année 2015. Cest la première fois, depuis 3 ans, que nous avons un chiffre de cette nature. Ce qui veut dire quoi ? Ce qui veut dire quau-delà des à-coups dun trimestre sur lautre, la France est en reprise dactivité, la France est en reprise de croissance, et nous avons absolument besoin de cette croissance. Je pense que vous vous en souvenez, moi javais fixé comme objectif de croissance, pour 2015, 1 %, cet objectif de 1 % sera atteint. Cest beaucoup plus que les années précédentes, mais cest encore insuffisant, cest pour ça quil faut continuer.
PIERRE WEILL
Insuffisant pour faire baisser le chômage ?
MICHEL SAPIN
Insuffisant en termes de reprise de linvestissement, même si linvestissement reprend, là, dans les derniers chiffres linvestissement des entreprises reprend. Cest indispensable. Vous ne pouvez pas créer des emplois si vous navez pas de linvestissement supplémentaire, sil ny a pas des machines supplémentaires, sil ny a pas, dune manière ou dune autre, une capacité pour ces entreprises à embaucher en plus. Donc, linvestissement a repris. Mais pour que le chômage recule vraiment, recule sûrement, pas simplement un mois par rapport à un autre, oui, il faut une croissance supérieure à 1 %, et cest ce que nous visons, bien entendu, vers la fin de lannée, et lannée prochaine, puisquil faudra à peu près 1,5 % de croissance. Pour linstant tous ces chiffres, qui sont des chiffres un peu éloignés des gens, ce sont des chiffres qui correspondent aux objectifs que nous nous sommes fixés, avec ces chiffres le chômage reculera.
PIERRE WEILL
Chômage, une baisse crédible, vous y croyez à partir de quand, précisément ?
MICHEL SAPIN
Je ne veux pas quon recommence avec ce quon nous a beaucoup reproché, je peux comprendre quon nous lait reproché, en fixant une date, en disant « à la fin de cette année il y aura une inversion de la courbe, ou de ceci, ou de cela. » Tout lobjectif, de notre politique, cest de faire en sorte que les entreprises soient plus fortes, aient plus de capacités pour investir, de manière à ce quelles créent des emplois, cest ça lobjectif. Dailleurs, si vous regardez des chiffres qui vont tomber
PIERRE WEILL
Et franchement, vous y croyez ce matin, avec une croissance nulle, 0 pour le deuxième trimestre en France ?
MICHEL SAPIN
Il faut faire attention aux chiffres. Si vous dites croissance nulle, vous allez donner le sentiment dune France à larrêt, la réalité nest pas celle-là. La réalité cest que vous êtes à un niveau, pour le premier semestre, qui est de 0,7, 0,8 %, au-dessus de celui de lannée précédente. Cest la première fois, je reviens sur ce point. On a 2012, quasiment 0 de croissance, 2013, quasiment 0 de croissance, 2014, 0,2 % de croissance, avec des chiffres comme ça, le chômage ne peut quaugmenter. Cest la première fois, la première année, que la croissance reprend en France, cest ça quil faut regarder en face.
PIERRE WEILL
Les économistes disent que pour faire baisser le chômage il faudrait une croissance de 1,5 %, on en est loin.
MICHEL SAPIN
On est sur le chemin. On ny est pas encore, mais on est sur le chemin. Les économistes dailleurs disaient, il y a 10 ans, quil fallait 2,5 % de croissance, ils sont arrivés aujourd'hui à 1,5 % de croissance, je crois quils ont raison, cest à peu près le chiffre quil convient datteindre. Nous serons, je pense, à la fin de cette année, sur un rythme de cet ordre-là, 1,5 % de croissance. Cest pour ça quil faut continuer les politiques qui sont les nôtres, parce que tout ça ne tombe pas du ciel, tout ça ne tombe pas uniquement par hasard, on a mis en place ce quon appelle le CICE, on a mis en place le Pacte de responsabilité, c'est-à-dire des capacités données aux entreprises pour investir et ensuite embaucher.
PIERRE WEILL
Donc, pas de changement de politique. Vous le savez, Michel SAPIN, le Parti socialiste a adopté fin juillet un rapport demandant une inflexion de la ligne économique du gouvernement en faveur des ménages et des collectivités, par exemple avec des baisses dimpôts pour relancer la consommation, ça pourrait peut-être relancer la croissance. Est-ce que vous allez changer ?
MICHEL SAPIN
Il est parfaitement légitime de sinterroger sur quel est le meilleur moyen pour faire quil y ait plus dinvestissements et plus demplois, cest notre objectif à tous, et cest tout à fait normal que, les uns ou les autres, dans la majorité ou dans lopposition, fassent des remarques sur ce point. Mais il y a une chose dont je suis certain, cest que si nous voulons réussir, il ne faut pas zigzaguer, il ne faut pas changer tout le temps de politique. Changer tout le temps de politique cest la certitude de donner le tournis aux acteurs économiques et aux chefs dentreprise, et à partir de là de nobtenir aucun résultat. Donc, la première des priorités cest de maintenant le cap. Nous avons une politique qui permet de redonner aux entreprises, année après année, de lordre de 10 milliards de capacités dinvestissement, leurs comptes sont en train de se redresser, ce quon appelle leurs marges, sont en train de se redresser, ce nest pas le moment darrêter. Quil faille infléchir
PIERRE WEILL
On peut maintenir le cap et ajuster.
MICHEL SAPIN
Absolument. Quil faille infléchir, ajuster, essayer de faire en sorte que les mesures soient les plus efficaces possible, quelles permettent le plus possible la reprise de linvestissement et le plus possible la reprise de lemploi, ça cest légitime, mais, par contre, je ne suis pas favorable à ce que lon vienne prendre, si je puis dire, sur ce qui était destiné aux entreprises, pour le transformer en baisses dimpôts pour les ménages. Cette année, oui. Je vous rappelle que là, en ce moment, arrivent, ou plus exactement narrivent plus, pour certains, des feuilles dimpôts, qui sont à la baisse et parfois même à la suppression de limpôt sur le revenu. Est-ce que vous savez quil y a, en ce moment, 9 millions de ménages, français, qui voient, sur leurs avis dimposition, leur impôt baisser, ou même être supprimé ? Cest plus de 2 milliards de pouvoir dachat supplémentaire, dont les Français vont se rendre compte, là, maintenant, et cest, évidemment, un effort utile en faveur des ménages.
PIERRE WEILL
Michel SAPIN, y aura-t-il, dans le budget 2016, de nouvelles baisses dimpôts ?
MICHEL SAPIN
Je pense quil faut déjà que nous essayons de conforter les objectifs qui sont les nôtres. Nos objectifs aujourdhui cest quoi ? Financer les priorités de la Nation. Priorité de la Nation, la sécurité, nous avons augmenté les budgets sécurité, pour lutter contre le terrorisme, à lintérieur comme à lextérieur de la France. La priorité cest léducation et la jeunesse, nous continuons à augmenter les budgets de léducation et de la jeunesse et, en particulier, de lEducation nationale avec des créations de postes de professeurs supplémentaires. Il faut aussi continuer à diminuer nos déficits. Là, cette année, en 2015, je me suis fixé un déficit de 3,8 %, cest mieux que ce que nous demande la Commission, nous allons atteindre ce déficit de 3,8 % par rapport au PIB, cest la première fois depuis des années et des années que nous allons atteindre notre objectif. Donc il faut financer la baisse de nos déficits et il faut continuer à financer la baisse des charges pour les entreprises. Cest ça la clé de notre politique et ça quil faut continuer à faire.
PIERRE WEILL
Donc pas de nouvelles baisses dimpôts en 2016 ?
MICHEL SAPIN
Nous verrons en 2016, où nous en serons, mais moi je ne veux pas tirer déchec sur lavenir, je ne veux pas annoncer, aujourd'hui, des décisions que nous ne serions pas capables de prendre ou de tenir en toute responsabilité. Il y a déjà un effort considérable, là, pour 9 millions de foyers fiscaux, cest ça qui va être, je dirais lactualité fiscale de cette rentrée, 9 millions de foyers, sur 37 millions, 9 millions de foyers qui voient leurs impôts diminuer, cest déjà beaucoup.
PIERRE WEILL
Michel SAPIN, que pensez-vous de laccord sur un plan daide globale à la Grèce de 86 milliards deuros sur 3 ans, en contrepartie elle doit mener de nombreuses réformes structurelles, vous approuvez ce plan ?
MICHEL SAPIN
Oui, cest un plan pour lequel nous nous sommes beaucoup battus, vous le savez, le président de la République, François HOLLANDE, le Premier ministre, moi-même, dans de très très nombreuses réunions, au cours des mois de mai, juin, début juillet, jusquau 13 juillet, nous nous sommes battus pour faire adopter le principe de ce plan. Là, nous sommes passés du principe aux modalités de mise en oeuvre de ce plan, nous allons devoir lexaminer cet après-midi
PIERRE WEILL
A Bruxelles.
MICHEL SAPIN
Cest la solidarité, les 85 milliards, cest la solidarité que nous devons à la Grèce, pour permettre à lensemble de la zone euro de retrouver de la stabilité, de la confiance, et y compris à notre économie française, dêtre dans la confiance.
PIERRE WEILL
Il ny aura plus de plan daide à la Grèce, cest le dernier ?
MICHEL SAPIN
Cest toujours très difficile de le dire ainsi, en tous les cas, ce plan, il est conçu pour réussir. Mais, je disais ça cest la solidarité, la solidarité ça ne marche quavec la responsabilité, et le gouvernement grec en ce moment, je le dis clairement, prend ses responsabilités. Prend totalement ses responsabilités, comme jamais aucun gouvernement, en Grèce, na su, jusquà présent, prendre ses responsabilités, dans la décision de faire des économies, dans la décision certains diraient « enfin ! » - de percevoir limpôt, dans la décision de mettre en oeuvre des réformes qui soient des réformes en profondeur, pour permettre à léconomie grecque de reprendre son activité.
PIERRE WEILL
Michel SAPIN, pourquoi on ne dit pas franchement que la Grèce ne pourra jamais rembourser sa dette et quil faudra en effacer une grande partie ?
MICHEL SAPIN
Parce que ce nest pas exact, par contre il est exact quil est nécessaire de reprofiler, de retravailler, la dette grecque. Il faut faire attention, il y a une différence entre
PIERRE WEILL
Reprofiler ?
MICHEL SAPIN
Oui, je vais vous expliquer. Si je vous dis, vous avez acheté un appartement, je vous dis « voilà, on va annuler votre dette », vous allez être tout content, vous allez dire « tiens, jai eu mon appartement gratuit », mais enfin, ceux qui vous auront prêté de largent, eux, ne seront peut-être pas tout à fait contents. Je rappelle que ceux qui ont prêté de largent, ceux qui vont prêter de largent, à la Grèce, cest vous et moi, ce sont les contribuables européens, ce nest pas un méchant banquier, venu de nulle part, et qui veut faire de largent sur le dos de la Grèce, non, cest la solidarité qui est arrivée là. Donc, nous devons dire aux Grecs « ce que vous avez emprunté, vous devrez le rembourser », mais pas dans nimportes quelles conditions.
PIERRE WEILL
Intégralement ?
MICHEL SAPIN
Pas dans nimportes quelles conditions. Dans un prêt il y a des intérêts, je pense quil faut que ces intérêts soient le plus faibles possible et le plus tard possible. Dans un prêt il y a des échéances, à quelle date doit-on le rembourser, et ça je pense quil faut laménager, pour que cela permette à la Grèce de retrouver de la respiration, de loxygène, de lactivité. Parce que, en Grèce, comme ailleurs, ils ne sen sortiront que par la croissance retrouvée et par lemploi.
PIERRE WEILL
Sur combien de temps ?
MICHEL SAPIN
Cest des choses dont nous aurons à discuter au cours du mois doctobre, cest la contrepartie nécessaire, légitime, des efforts que, aujourd'hui, la Grèce est en train de voter.
PIERRE WEILL
Michel SAPIN, le ministre des Finances, est notre invité ce matin, il reste avec nous dans ce studio pour répondre à vos questions, et à dautres questions de la rédaction.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 août 2015