Interview de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, à "BFM/TV" le 8 septembre 2015, sur l'accueil de réfugiés par la France et les pays européens, sur le contexte de l'intervention militaire en Syrie, sur la taxe audiovisuelle.

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Média : BFM TV

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Michel SAPIN, ministre des Finances, est notre invité, bonjour.
MICHEL SAPIN
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Michel SAPIN, 24.000 nouveaux réfugiés accueillis par la France dans les deux ans qui viennent, c'est l'Europe qui décide pour nous ?
MICHEL SAPIN
Non, c'est nous qui proposons, c'est nous qui, avec Angela MERKEL en particulier, considérons qu'il est absolument nécessaire, parce que c'est dans ce qui est à la hauteur de ce que représente l'esprit européen, que l'Europe, en tant que telle, accueille des réfugiés, des gens qui sont là pour sauver leur peau, et puis ensuite qu'il est juste de répartir, entre les pays européens, le poids de ça, parce que c'est un poids, c'est une générosité, mais enfin c'est un poids.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Obligatoire, c'est une générosité obligatoire, c'est ce que veut l'Europe.
MICHEL SAPIN
Bien sûr, l'obligatoire, vous l'avez compris, ne nous concerne pas, nous nous sommes dans le volontaire, et le volontaire rejoint ce que l'on nous demande comme effort. Mais il y a un certain nombre d'autres pays, le président de la République hier les a désignés, sans les nommer, il ne s'agit pas de montrer du doigt tel ou tel…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des pays d'Europe de l'Est, par exemple.
MICHEL SAPIN
Des pays d'Europe de l'Est, que nous avons su, à un moment donné, nous aussi, accueillir, parce qu'au moment où le Mur tombait, au moment où les difficultés existaient pour eux, au moment où la reconstruction était nécessaire, de leur économie et de la société, nous avons été présents, et je crois qu'il est nécessaire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
A eux d'accueillir donc !
MICHEL SAPIN
Qu'ils soient aussi présents, à la hauteur de ce qu'ils représentent, ni plus, ni moins, pour répondre à une pression, qui est une pression de la vie, qui est une pression pour sa sauver, de la part de ces populations, voilà. C'est ça la proposition franco-allemande, c'est ça aussi l'Europe.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Allemagne va accueillir 31.000 réfugiés, j'ai vu cela, 120.000 sur le continent européen, l'Allemagne va faire un effort de 3 milliards d'euros dès la première année, combien est-ce que ça va nous coûter ?
MICHEL SAPIN
On a, en France, pas la même pression qu'en Allemagne, vous le savez. En Allemagne, beaucoup de ceux qui partent de Syrie ou d'Irak ont une idée, c'est d'aller en Autriche ou en Allemagne, c'est ça leur préoccupation, d'abord parce qu'on leur dit qu'il faut aller là-bas, ensuite parce que c'est vrai qu'en Allemagne, à l'inverse de la France, il y a un manque de main-d'oeuvre. Chez nous il y a beaucoup de jeunes qui arrivent sur le marché du travail, auxquels il faut trouver du travail, en Allemagne il y a, tous les ans, moins de monde sur le marché du travail, donc ils sont prêts à accueillir. Nous, nous n'avons pas la même pression migratoire, de ce point de vue là, pas de la part des réfugiés. Donc nous faisons un geste qui est un geste à la hauteur de la générosité nécessaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, non mais d'accord, mais à la hauteur, à la hauteur…
MICHEL SAPIN
Entre nous soi-dit, bien sûr qu'il y a…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez dégager, dans le budget, je ne sais pas moi, une ligne spéciale consacrée à l'accueil des réfugiés ?
MICHEL SAPIN
Evidemment.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez chiffré déjà ?
MICHEL SAPIN
Le travail est en cours, on a travaillé hier après-midi avec le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça va coûter combien ?
MICHEL SAPIN
On doit travailler avec les collectivités locales, parce que ce sont les collectivités locales qui vont les accueillir, elles sont prêtes aussi à faire des actes de générosité. On va travailler avec les départements, parce que ce sont les départements…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais ça va coûter combien au pays ?
MICHEL SAPIN
Je ne vais pas vous dire un chiffre ici, mais c'est une question de quelques millions, ça n'a rien à voir avec les enjeux globaux qui sont ceux de l'équilibre du budget de l'Etat et des collectivités locales. C'est totalement à la mesure de ce que nous pouvons faire, et ça ne se fera pas au détriment d'une autre politique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Franchement, j'ai une autre question après l'intervention du président de la République hier, franchement, s'il n'y avait pas eu la publication de la photo du petit Aylan, François HOLLANDE aurait-il décidé de vols de reconnaissance au dessus de la Syrie, franchement ?
MICHEL SAPIN
C'est difficile de répondre à votre question, parce que cette photo a été un moment d'émotion…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est pour ça que je vous pose la question.
MICHEL SAPIN
Et a été un moment, au-delà du drame pour la famille, pour le gamin lui-même, ça a été aussi un moment de prise de conscience, pas d'un président de la République, mais de l'ensemble des Français, de ce que cette question, qu'on appelait « des migrants », est une question de gens qui veulent sauver leur peau, ce n'est pas la même chose. Quand vous faites la confusion entre ceux qui viennent chercher du boulot et ceux qui viennent sauver leur peau, à ce moment-là tous les amalgames sont possibles. Là, cette photo, je lui ai trouvé comme mérite extraordinaire, au-delà de la tristesse et du drame, d'aider chacun à prendre conscience de la réalité de ce qu'est aujourd'hui la condition des réfugiés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que vous n'aviez pas pris conscience de la réalité avant la photo, si je comprends bien, Michel SAPIN, non ?
MICHEL SAPIN
Je l'ai dit, ça vaut pour tous les Français, et je pense que pour tous les Français…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour vous, pour nous, pour la classe médiatique, pour les politiques ?
MICHEL SAPIN
Pour tous les Français, c'était une manière de prendre conscience exactement du phénomène.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc pour François HOLLANDE ?
MICHEL SAPIN
Mais pour tous les Français. Je pense que le président de la République était peut-être le mieux placé pour avoir connaissance de tout cela avant les autres, mais ça ne sert à rien d'avoir une connaissance personnelle si elle n'est pas suffisamment partagée. Elle est partagée. Ensuite, est-ce qu'il y a un lien entre la photo et l'intervention éventuelle ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui.
MICHEL SAPIN
Non, la question n'est pas celle-là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ?
MICHEL SAPIN
La question n'est pas celle-là. Aujourd'hui, la question qui est posée, elle est posée au président de la République, au ministre de la Défense, au ministre des Affaires étrangères, c'est : Daech continue à être puissant en Syrie, Daech, depuis la Syrie, depuis la Syrie, organise un certain nombre d'opérations qui peuvent mettre en cause notre sécurité, y compris notre sécurité sur notre territoire, il est donc du devoir de la France, d'abord – c'était très bien dit hier – de s'informer, d'avoir les informations sur ce qui s'y passe…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est indispensable si on veut bombarder.
MICHEL SAPIN
Et, éventuellement, à partir de là, frapper.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une opération en Syrie était exclue il y a encore quelques jours. François HOLLANDE, il y a 2 ans, voulait bombarder Bachar EL-ASSAD, il y a 10 jours il parlait de le neutraliser, maintenant on est prêt à attaquer les adversaires de Bachar EL-ASSAD.
MICHEL SAPIN
Ne confondons pas tous les sujets même si…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, je ne confonds pas, mais ce n'est pas tous les sujets, ils sont imbriqués les uns les autres, vous le savez.
MICHEL SAPIN
Même si la situation en Syrie est une forme de chaos généralisé, qui fait qu'on peut combattre Bachar EL-ASSAD, qui massacre son peuple, comme on dit doit combattre ceux qui, Daech ou autres, martyrisent des populations. Donc, ce n'est pas l'un, c'est l'autre, on est capacité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais n'est-on pas dans une opération de communication ? Quelle sera l'efficacité de ces frappes aériennes ?
MICHEL SAPIN
La question est d'être efficace sur ce point. Nous avons participé, nous participons aujourd'hui, à une coalition en Irak, nous frappons en Irak. Qui est-ce qui doit reconquérir le territoire en Irak ? C'est le pouvoir irakien. Les choses sont difficiles, mais elles sont claires. En Syrie, qui est-ce qui va reconquérir l'autorité ? Aujourd'hui, vous voyez bien le chaos, il y a donc nécessité, au-delà de la frappe contre Daech, de trouver une solution politique, quel est le pouvoir qui aura la légitimité pour reconquérir l'autorité sur le territoire syrien. C'est le coeur du sujet, au-delà des frappes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc, discutons avec les Russes, discutons avec les Iraniens…
MICHEL SAPIN
Discutons avec tous ceux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Discutons avec tous ceux qui sont les alliés d'ASSAD.
MICHEL SAPIN
Mais non, qui ont une capacité à trouver…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais si, qui sont les alliés d'ASSAD.
MICHEL SAPIN
A trouver un débouché politique, évidemment, au-delà de ASSAD.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Impliquons les pays du Golfe…
MICHEL SAPIN
Tout le monde est bien conscient qu'il ne peut y avoir de solution avec ASSAD, qui est le premier massacreur.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, donc la solution est politique, parallèlement.
MICHEL SAPIN
Elle est politique, parallèlement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et puis impliquons la Turquie, qui bombarde les Kurdes, Kurdes eux-mêmes opposés à Daech et Kurdes qui sont nos alliés, et nous sommes alliés de la Turquie…
MICHEL SAPIN
Comme quoi, comme disait quelqu'un, l'Orient est compliqué.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, l'Orient est extrêmement compliqué, on est bien d'accord.
MICHEL SAPIN
L'Orient est compliqué, et comme quoi, par exemple chez les Kurdes, il y a plusieurs factions chez les Kurdes qui ne se battent pas exactement de la même manière contre les mêmes personnes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est d'accord. Parlons du fameux redressement économique. Est-ce que la France est en train de se redresser économiquement selon vous ?
MICHEL SAPIN
La France va mieux.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Elle va mieux ?
MICHEL SAPIN
Est-ce qu'elle va suffisamment mieux ? Non. Donc, il ne s'agit pas de dire « je suis satisfait de ce qui se passe. » Mais entre une France, aujourd'hui, qui retrouve une croissance de 1 %, et au-delà, tout le monde est d'accord…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien à la fin de l'année ?
MICHEL SAPIN
A la fin de l'année, je ne sais pas ce que veut dire à la fin de l'année, donc… nous nous sommes fixés un objectif pour l'année 2015…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce que le président de la République a dit « plus de 1 %. »
MICHEL SAPIN
De 1 %...
JEAN-JACQUES BOURDIN
On sera à plus de 1 % ?
MICHEL SAPIN
Oui, on sera à plus de 1 %.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A combien ? 1,2, 1,3, 1,4 ?
MICHEL SAPIN
La beauté des chiffres c'est qu'on pourrait leur faire dire n'importe quoi, donc je voudrais essayer de ne pas dire n'importe quoi sur ces chiffres-là. nous allons avoir une croissance moyenne, sur l'ensemble de l'année, de 1 %, ou un peu au-delà, mais notre objectif c'est qu'à la fin de cette année, nous soyons sur un rythme de croissance, sur une capacité de croissance, supérieure à 1 %, qui avoisine le 1,5 %, parce que c'est autour de cette croissance-là – la croissance c'est l'activité dans les entreprises, les commerces, l'artisanat, les services – que l'on peut créer suffisamment d'emplois, pour faire reculer durablement le chômage. Donc, la France va mieux, pas encore suffisamment mieux, raison de plus pour continuer ou amplifier les politiques que nous avions menées, qui sont, une partie, je ne dirais pas la totalité de l'explication du mieux, mais une partie du mieux, ce que nous faisons pour les entreprises et ce que nous faisons pour les ménages.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'imagine que vous espérez que les cours du pétrole resteront très bas, Michel SAPIN, parce que ça participe à la croissance aussi !
MICHEL SAPIN
Ça participe évidemment de la question du pouvoir d'achat, chacun le voit bien, ça coûte moins cher de remplir sa cuve de fuel aujourd'hui, et pour les entreprises qui sont consommatrices de fuel, ça coûte moins cher. Ce n'est pas le seul sujet, il y a aussi une politique monétaire, il y a aussi les taux d'intérêt qui sont très faibles, et il y a des politiques menées en France, en particulier des politiques de compétitivité, qui consistent à baisser les charges…
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'ailleurs, vous allez poursuivre, j'ai vu, le Pacte de compétitivité en 2016, c'est ce qu'a annoncé hier le président la République.
MICHEL SAPIN
Mais c'est important. Pourquoi je dis ça ? Parce qu'à chaque fois, et c'est normal, les uns ou les autres, parce qu'ils en voudraient plus ou parce qu'ils en veulent moins, disent « mais si on changeait, si on bougeait, si on en rajoutait, si on en retirait », mais on ne peut pas diriger, en tous les cas donner des indications, à une économie comme la nôtre, si on est en tout le temps en train de bouger.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais si la France est en train de se redresser, mais pourquoi est-ce que François HOLLANDE, lui, ne se redresse pas, dans tous les sondages, dans les enquêtes d'opinion, dans le regard que les Français portent sur lui ?
MICHEL SAPIN
Parce que l'économie et la politique ne sont pas éléments indexés l'un sur l'autre, que dans la politique il y a aussi beaucoup d'éléments et, surtout, pour une raison très simple, ce n'est pas parce que, je viens de le dire, la France va mieux, que pour autant les Français le perçoivent comme tel. C'est normal. Quel est le seul sujet ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le chômage ?
MICHEL SAPIN
Le seul sujet c'est le chômage. Donc, tant que sur le chômage ça n'a pas clairement et durablement, de manière – pour que les Français se disent « ça y est, c'est parti dans le sens… » - baisser…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur combien de mois le chômage doit-il baisser pour que le président de la République puisse se représenter ? C'est la question que tout le monde se pose, et que je vous pose Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Mais là aussi ce n'est pas de la statistique, ce n'est pas de la mathématique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, il ne s'agit pas de…
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas à partir de 3 mois ou à partir de 4 mois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est 6 mois quoi ! Il faut 6 mois de reprise.
MICHEL SAPIN
Mais je veux dire simplement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
6 mois de baisse du chômage.
MICHEL SAPIN
Il faut que le chômage baisse…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Durablement comme on dit…
MICHEL SAPIN
Durablement, eh bien il baisse…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Durablement.
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas il baisse un mois et il remonte le mois suivant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On est bien d'accord, plusieurs mois.
MICHEL SAPIN
Et à partir de ce moment-là vous verrez que l'état d'esprit des Français, je pense, sera modifié, y compris leur vision de la politique et des responsables d'aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez baisser les impôts, vous l'avez dit.
MICHEL SAPIN
L'impôt sur le revenu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Impôt sur le revenu, oui, l'impôt sur le revenu, pour, j'ai vu, 8 millions de foyers, c'est ce qui est prévu…
MICHEL SAPIN
C'est ce que le président de la République a dit hier, oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un peu plus de 2 milliards d'euros, on est bien d'accord ?
MICHEL SAPIN
C'est aussi ce que le président de la République a dit hier.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors pour qui ? Ceux qui paient entre 1500 et 2500 euros par an, les foyers qui paient entre 1500 et 2500 euros d'impôt par an,  peu près, ce sont ceux-là qui seront les plus touchés ? Enfin, les plus touchés…
MICHEL SAPIN
Les plus concernés en tous les cas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Les plus concernés.
MICHEL SAPIN
On est dans les ordres d'idée, nous ne sommes pas encore dans le détail de l'ensemble du dispositif, on a encore quelques jours pour mettre en oeuvre l'orientation qui a été fixée par le président de la République. Mais quel est l'état d'esprit ? Depuis 2010, 2011 – 2011, 2 ans avant notre arrivée si je puis dire – des décisions de hausses d'impôt, du revenu, sur le revenu, ont été prises, les unes par SARKOZY, les autres, si je puis dire, par François HOLLANDE. Il y a des gens qui ne payaient pas d'impôt en 2010, sur le revenu, dont les revenus n'ont pas véritablement augmenté, et qui se sont mis progressivement ou brutalement à payer des impôts sur le revenu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je rappelle que vous êtes arrivé au pouvoir en 2007 ! 2012, pardon… donc, à partir de 2010, d'accord…
MICHEL SAPIN
Que les choses… partagées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord.
MICHEL SAPIN
Les uns et les autres parce qu'il fallait…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez augmenté les impôts.
MICHEL SAPIN
Il fallait lutter contre les déficits, qui étaient abyssaux, il y a eu des augmentations de l'impôt sur le revenu. Vous avez, ici je me souviens même de débats avec vous, sur par exemple la question des heures supplémentaires, qui avaient été « défiscalisées » et « refiscalisées. » Ce n'est pas les gens très riches qui ont bénéficié de ça, ce sont souvent des gens très modestes, qui avaient travaillé un peu plus, ils avaient des heures supplémentaires, ils ne payaient pas d'impôt dessus, donc ils ne payaient pas d'impôt du tout. Et puis tout d'un coup – tout d'un coup, parce que nous l'avons souhaité, nous l'avons voulu, parce que je pense que c'était plus juste du point de vue de la comparaison avec d'autres revenus – on dit c'est de nouveau fiscalisé. Donc, des gens se sont mis à payer des impôts.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez eu tort ?
MICHEL SAPIN
Non, je pense que c'était nécessaire dans le moment, parce qu'il fallait… on ne peut pas dire aux Français « on va tout arranger sans que personne ne fasse d'effort. »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, vous avez augmenté les impôts, Nicolas SARKOZY a augmenté les impôts, vous avez augmenté les impôts…
MICHEL SAPIN
Et maintenant, dans le contexte d'aujourd'hui, parce que la France va mieux, parce que nous allons faire en sorte qu'elle aille encore mieux demain, nous avons la capacité de rediminuer, de diminuer à nouveau, ou de remettre à niveau, ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, qui va bénéficier de cette baisse ?
MICHEL SAPIN
Cette année, par exemple, vous avez 9 millions de gens qui en bénéficient, ce sont… un smicard, aujourd'hui, célibataire, ne paye plus d'impôt sur le revenu. Je prends cet exemple-là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et demain, en 2016, les nouveaux ?
MICHEL SAPIN
… et donc, au dessus de ceux-là ceux qui ont des revenus au dessus, il faut…
JEAN-JACQUES BOURDIN
… Entre 1500 et 2500 d'euros d'impôt payé par an.
MICHEL SAPIN
Je ne veux ni conforter, ni contredire ces chiffres-là, c'est des choses très précises, très détaillées, chacun regarde sa feuille de paie, chacun se sent concerné, je ne veux pas que quelqu'un, là, parte dans un instant et dise « tiens, je vais pouvoir en bénéficier ou pas en bénéficier », ces choses-là seront précises, mais il va y avoir 8 millions – c'est le chiffre du président de la République – de foyers fiscaux, ça fait plus de monde, de foyers fiscaux qui vont voir, de nouveau, leur impôt baisser l'année prochaine, après cette année, l'année prochaine, et un certain nombre d'entre eux…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On devrait faire des économies quand même, non ?
MICHEL SAPIN
Il faut faire des économies, oui, absolument.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour pouvoir baisser les impôts.
MICHEL SAPIN
Oui, puisqu'on ne va pas le faire en augmentant les impôts de l'autre côté et on ne va pas le faire en augmentant le déficit, puisque justement on lutte contre le déficit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pas d'augmentations de taxes ?
MICHEL SAPIN
Non… taxes, tout le reste…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Tout le reste.
MICHEL SAPIN
Comme l'a dit très bien le président de la République, on ne va pas augmenter les taxes pour baisser les impôts.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, on est bien d'accord. Alors, comment allez-vous faire ?
MICHEL SAPIN
Ce que nous faisons, ce qui se voit peut-être peu…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez économiser où ?
MICHEL SAPIN
Pas suffisamment peut-être, c'est que nous faisons, nous faisons, sur la dépense publique, des économies considérables.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Encore plus d'économies où ?
MICHEL SAPIN
Là on est sur 2 milliards à trouver.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, à trouver.
MICHEL SAPIN
Pour vous et moi, 2 milliards, c'est même incommensurable, on ne se rend pas compte. Vous connaissez le niveau de la dépense publique en France ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, énorme.
MICHEL SAPIN
Mille milliards. On parle de l'Etat, mais enfin, il y a l'Etat, il y a la Sécurité sociale, il y a les collectivités locales, au total la dépense publique c'est 1000 milliards. Vous pensez, Monsieur BOURDIN, que sur ces 1000 milliards, on n'est pas capable de trouver 2 milliards d'économies supplémentaires ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez déjà une idée…
MICHEL SAPIN
Moi je sais que c'est possible, le travail a été fait, on est en capacité de le faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des économies à faire ?
MICHEL SAPIN
Je vais vous prendre un autre exemple.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez-y.
MICHEL SAPIN
On en a déjà parlé ici. J'ai mis en place, mon prédécesseur a mis en place, un système qui s'appelle le STDR. C'est quoi ? C'est l'endroit où ceux qui ont des comptes à l'extérieur reviennent nous voir en disant « finalement, j'avais un compte en Suisse, ou ailleurs, je préfère vous le déclarer et payer des impôts sur ce comptes. » Le nombre de ceux qui se présentent, et les sommes qui sont en jeu, sont bien plus considérables que celles que nous prévoyons. Voulez-vous que je vous le dise d'une autre manière ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Allez, donnez-moi les chiffres, mais donnez-moi les chiffres.
MICHEL SAPIN
Cette année, plus de deux milliards six cent millions d'impôts ou de pénalités…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Récupérés…
MICHEL SAPIN
Récupérés par ce seul biais-là, deux milliards six cent millions…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous pensez que vous allez en récupérer encore plus…
MICHEL SAPIN
Encore plus, je ne sais pas, mais au moins autant, je le pense, et j'avais prévu pour l'année prochaine que ça allait baisser, parce qu'il y a un moment donné, on se dit : ça va finir par baisser, eh bien, je vois bien que le rythme continue à un rythme extrêmement élevé. Si nous pouvions, et ce sera le cas, couvrir une partie des baisses d'impôts pour les plus modestes des Français par les impôts qui seront naturellement payés par ceux qui avaient caché leur argent à l'étranger, je trouve qu'il y a, là, quelque chose de juste et d'efficace.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais en tous les cas, la redevance télé n'augmentera pas si j'ai bien compris, d'une part, et pas d'élargissement aux Box des opérateurs, qui permettent parfois de regarder la télévision ?
MICHEL SAPIN
Le président de la République a dit hier…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça, il a été très clair…
MICHEL SAPIN
Qu'il ne voulait pas qu'il y ait d'augmentation exagérée de la redevance télé, je vous rappelle…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Exagérée, c'est-à-dire qu'il y aura une augmentation ?
MICHEL SAPIN
Je vous rappelle qu'il y a une indexation qui est votée, enfin, qui est automatique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, bon, indexation, et pas plus ?
MICHEL SAPIN
Donc ce qu'il a dit hier, nous verrons quels seront les derniers arbitrages…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est indexation et pas plus ?
MICHEL SAPIN
Il ne s'agit pas d'augmenter de manière exagérée…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc indexation et pas plus, Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
Il ne s'agit pas d'augmenter de manière exagérée, je reprends les termes du président de la République…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est-à-dire indexation et pas plus.
MICHEL SAPIN
L'autre élément qui est très important, parce qu'il est très intéressant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous ne voulez pas vous engager, là, oui, allez-y !
MICHEL SAPIN
C'est la question de : est-ce qu'on change la manière de percevoir cette taxe audiovisuelle, il y a un vrai débat, peut-être que dans trente ans, ou dans quarante ans, il n'y aura plus de télévision au sens d'aujourd'hui, donc il n'y aura plus la base pour payer la taxe audiovisuelle, ce n'est pas le cas aujourd'hui. Aujourd'hui, il y a toujours autant de télévision, moi, je…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors, on va changer la manière de percevoir cette taxe ?
MICHEL SAPIN
Non, le président de la République, hier, a dit qu'il n'y était pas favorable. Le débat est intéressant, il est porté par des professionnels, parce que, qu'est-ce que serait la conséquence aujourd'hui ? Il y aurait à peu près un million de personnes qui ne paient pas, souvent, ce sont des jeunes, parce qu'ils regardent ça… et qui, tout d'un coup, se mettraient à payer. Dans le genre, geste : on baisse les impôts d'un côté, et on les augmente de l'autre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et on augmente les taxes…
MICHEL SAPIN
Je pense que…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça, évidemment…
MICHEL SAPIN
Ça ne serait pas très bon.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, retour de la pub entre 20h et 21h, c'est une façon de… ?
MICHEL SAPIN
J'ai vu que ce débat était ouvert…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous y êtes favorable ?
MICHEL SAPIN
J'ai vu que le débat était ouvert.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce que vous y êtes favorable ? C'est une solution ?
MICHEL SAPIN
Oui, c'est une solution, je vois bien les avantages, je vois bien aussi les inconvénients, quand on dit que le service public lui-même doit se protéger…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes favorable à cette solution ?
MICHEL SAPIN
Je pense qu'il est nécessaire de l'examiner attentivement, pour voir ce qu'il est possible de faire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc ce sera examiné ? Retour de la pub entre 20h et 21h, ce sera examiné ?
MICHEL SAPIN
C'est examiné, mais je pense que c'est utile de l'examiner…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur les chaînes publiques…
MICHEL SAPIN
Je ne dis pas… rien n'est décidé, on verra là aussi quels seront les arbitrages, mais ça vaut le coup de l'examiner, comme le propose d'ailleurs la présidente de FRANCE TELEVISIONS. Elle, elle demandait un petit tout, je peux le comprendre, mais on ne peut pas tout avoir, et il faut aussi faire des économies, même à FRANCE TELEVISIONS, qui est une entreprise publique, on peut aussi faire des économies dans la dépense publique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Michel SAPIN, dernière chose, demain, ce rapport sur la réforme du droit du travail…
MICHEL SAPIN
Très important…
JEAN-JACQUES BOURDIN
On attend, oui, très important, j'ai compris en écoutant le président de la République, négociations branche par branche, en fonction de la réalité des besoins de l'entreprise. Est-ce que vous y êtes favorable ? Est-ce qu'il va falloir modifier la Constitution, aller jusqu'à modifier la Constitution ?
MICHEL SAPIN
Non, il n'y a pas besoin de modifier la Constitution dans ce domaine-là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon.
MICHEL SAPIN
Non, il n'y a pas besoin, il peut y avoir besoin de modifier le code du travail, un certain nombre d'éléments, mais cette orientation-là, c'est celle que j'ai entamée, vous ne vous en souvenez peut-être pas, mais au début de ce quinquennat, j'étais ministre du Travail, et avec les organisations patronales et syndicales, il y a eu une grande négociation, on a appelé ça l'ANI, l'Accord National Interprofessionnel, qui a ouvert la possibilité dans les entreprises, dans les cas de licenciements, de plans sociaux, qu'il y ait des accords majoritaires dans les entreprises pour essayer de résoudre le mieux possible…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui s'imposerait…
MICHEL SAPIN
Qui s'impose ensuite à chaque…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui s'imposerait aux contrats, même aux contrats individuels passés entre le salarié et l'entreprise ?
MICHEL SAPIN
Absolument, c'est ce qui a déjà été décidé, et ce qui est déjà en cours, mais uniquement dans les cas qui concernent des plans sociaux ou les risques de licenciements. Là, la discussion…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça serait généralisé ?
MICHEL SAPIN
Là, la discussion, c'est pour qu'une entreprise puisse se développer, pour qu'une entreprise puisse mettre les nouvelles technologies en place, parce qu'il y a des formations nécessaires, parce qu'il faut se préparer à l'avenir donc de manière positive, de manière conquérante, est-ce qu'il est possible, dans l'entreprise, d'organiser le travail autrement par accord majoritaire dans l'entreprise, tout est dans le « majoritaire », il ne s'agit pas que le chef d'entreprise…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est l'esprit du futur projet de loi ?
MICHEL SAPIN
Je pense que c'est l'esprit en tous les cas dans lequel travaille monsieur COMBREXELLE, qui a été un de mes collaborateurs exceptionnel…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je sais…
MICHEL SAPIN
Très…, comment dirais-je… pondéré…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, c'est l'esprit du futur projet de loi ?
MICHEL SAPIN
Très attaché à la protection des salariés, mais qui est aussi très attaché à ce que l'économie soit souple et que les entreprises puissent prendre des décisions…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il est pour quand ce projet de loi, selon vous ?
MICHEL SAPIN
Eh bien, j'ai compris que le président de la République avait annoncé que, au début de 2016, il y aurait un projet de loi dans ce domaine. Ce qui me paraît être une bonne date, qui est d'ailleurs la date habituelle à laquelle…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Premier trimestre 2016…
MICHEL SAPIN
Ces genres de textes sont discutés de manière à ce que, peut-être, à l'été 2016, le texte soit applicable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Michel SAPIN d'être venu nous voir ce matin.
MICHEL SAPIN
Merci.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 septembre 2015