Déclaration de Mme Pascale Boistard, secrétaire d'Etat aux droits des femmes, sur la lutte contre les violences faites aux femmes et l'organisation de la prévention, Saint-Denis le 17 septembre 2015.

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Je suis très heureuse d'être, parmi vous ici, à Paris VIII, en Seine-Saint-Denis. Très heureuse, parce que c'est un peu comme un retour à la maison !
Ma scolarité, je l'ai faite dans ce département, de la maternelle à la faculté. Et mes études supérieures, je les ai suivies ici même, dans cette fac. La Seine-Saint-Denis, c'est le territoire de ma jeunesse, j'y suis très attachée. Alors bien sûr, c'est un territoire qui connaît des difficultés, mais c'est surtout un superbe vivier d'énergies, de créativité et de combats.
Aujourd'hui, je suis là, devant vous, dans cet endroit où je me suis en partie construite intellectuellement, humainement, politiquement. Et, je vous le dis, vous avez fait le bon choix. Car Paris VIII a une longue et belle tradition de mixité sociale et d'origines, une vraie exigence d'ouverture et de formation à l'esprit critique. Connectée au monde entier, accueillante avec les réfugiés, qu'ils soient professeurs ou étudiants, Paris VIII a toujours été un melting pot bouillonnant d'idées, de combats et d'engagements.
C'est une université en prise avec la société et qui a, dès son ouverture, proposé des enseignements qui répondaient à de nouveaux besoins. La preuve que cette tradition perdure, c'est vous et cette formation que vous suivez, première du genre.
C'est important pour moi de venir à votre rencontre car vous êtes des précurseuses, il faut bien le dire ! Voilà tout juste 6 mois que vous avez commencé cette formation, il vous reste encore 6 mois ; j'arrive donc en milieu et c'est heureux, car vous allez, lors de notre échange, pouvoir me faire part de ce que vous avez appris et comment vous mettez ces connaissances en pratique. Car c'est bien de cela dont il s'agit : se former, afin de pouvoir être le plus efficace possible !
Nous allons donc discuter ensemble, ce matin. Et je suis sûre que le temps nous manquera ! C'est pourquoi je ne ferai pas un long discours !
Mais je souhaitais malgré tout venir vous dire en personne, et au nom du gouvernement, que nous travaillons au quotidien pour faire reculer durablement et définitivement toutes les violences faites aux femmes. Leur ampleur et leur côté encore tabou ne sont pas acceptables. Les chiffres, qui sont intolérables, ne représentent pourtant qu'une partie de la réalité. Et, si ce tabou demeure, c'est souvent parce que les femmes craignent de ne pas être reconnues et protégées en tant que victimes de violences.
Inverser le mouvement est un véritable enjeu de société.
Depuis 2012, 3 plans d'action ont ainsi été mis en place : je veux parler des plans Violence, Traite et Harcèlement dans les Transports. Du côté législatif, 3 lois emblématiques ont déjà été adoptées (pour renforcer la lutte contre le harcèlement ; pour transcrire la convention d'Istanbul dans notre droit et pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes). Et une loi est à venir pour lutter contre le système prostitutionnel. D'importantes avancées sont encore à faire. Mais le Gouvernement, depuis son arrivée, a fait du sujet de l'égalité réelle et des violences faites aux femmes des priorités absolues.
Car aucun geste, aucun mot, aucune attitude allant dans ce sens ne peuvent être tolérés. On ne peut pas non plus faire comme si une forme de fatalité ou de banalisation était acceptable, non !
En novembre 2013, le 4ème plan interministériel contre les violences faites aux femmes était présenté. J'insiste là-dessus : ce plan global, élaboré en collaboration avec plusieurs ministères, s'appuie sur la transversalité pour être plus efficace dans les actions et les réponses apportées. Il s'appuie également, j'y reviendrai plus tard, sur les acteurs clés que sont les associations, les professionnels dont vous êtes, et les travailleurs des collectivités territoriales, premiers témoins et connaisseurs de leurs champs d'intervention.
En quelques mots, ce plan est construit autour de 3 priorités :
- La première consiste à organiser l'action publique autour d'un principe d'action partagée, pour qu'aucune violence déclarée ne demeure sans réponse. Cela passe par la formation des professionnels au contact des victimes, l'amélioration de l'enregistrement des plaintes et des mains courantes. Mais aussi par la réorganisation de l'accueil des victimes en commissariats et en brigades de gendarmerie, pour qu'elles soient toujours orientées vers un intervenant social ou une association spécialisée.
- La seconde est de protéger efficacement les victimes. Et cela passe, entre autres, par le renforcement de l'ordonnance de protection, par le développement des places d'hébergement, mais aussi par la généralisation du téléphone portable d'alerte pour les femmes en très grand danger (TGD).
- Enfin, et c'est très important, le plan mobilise l'ensemble de la société, des agents des services aux médias, en passant par le grand public. Ces violences doivent devenir intolérables pour tous, et il faut que chacun, à son niveau, ait les outils pour réagir, que ce soit au travail, dans le milieu universitaire, sportif, culturel, au sein du foyer ou dans la rue…
C'est dans cet esprit qu'avait été créée, dès janvier 2013, la Mission interministérielle contre les violences (MIPROF), chargée de coordonner l'action du Gouvernement contre toutes les formes de violences, dont la prostitution et la traite. Cette mission élabore notamment un plan de formation des professionnels concernés, vous savez toutes ici l'énergie qu'y met Ernestine Ronai. Son travail m'est très précieux.
La loi du 4 août 2014 sur l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, quant à elle, vient renforcer un certain nombre de dispositifs contre les violences (Téléphone Grand Danger, éviction du conjoint violent du domicile familial, etc…)
Notre but est bien de mailler les territoires et de donner des moyens d'actions rapides et efficaces, pour qu'enfin la peur, la honte changent de camps. Il n'est pas tolérable que les femmes soient victimes d'une double peine : en plus d'être violentées, elles devraient porter le poids de cette culpabilité ?! Quelle aberration ! Non, ces différents outils législatifs, ces différents moyens, financiers et humains, nous les avons créés et imposés pour qu'enfin, les violences reculent durablement. C'est pourquoi des lieux d'accueil de jour ont été financés, dans plus de 60 départements. Le TGD est en cours de généralisation et ce sont plus de 400 téléphones qui sont actuellement déployés. Et, dans le cadre du Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance (FIPD), des postes de travailleurs sociaux sont ouverts dans les commissariats et les gendarmeries. Car, faire reculer toutes les violences implique d'avoir des personnels formés, au fait des droits, procédures et lois, capables de comprendre les situations et de trouver les bons mots.
Notre ambition est claire, elle est non négociable : faire de la France un pays où l'égalité est réelle, et non uniquement formelle. Et la lutte contre les violences en est une des conditions majeures. Et, parce que ces actions n'ont pas de frontière, ni théorique, ni réelle, nous nous sommes attaqués à l'espace public, afin que les femmes aient la liberté d'y circuler, au même titre que les hommes. C'est le plan de lutte contre le harcèlement dans les transports, présenté en juillet dernier.
Le gouvernement s'engage et agit, vous le voyez. Mais sans les travailleurs et les travailleuses de terrain, sans les relais au plus près, qu'ils soient institutionnels ou associatifs, rien ne serait possible à grande échelle. C'est pourquoi il était important pour moi de venir à votre rencontre. Vous êtes les 15 premières d'une promotion de hussardes, fers de lance d'un changement sur ces questions. Je vous en félicite. Je sais que certaines ont même payé de leur propre poche cette formation. C'est dire si elle importe à vos yeux ! A toutes, je dis merci pour votre engagement.
Merci car, faire reculer les violences, c'est y être confrontées au quotidien, dans toutes leurs formes. Et ce n'est pas évident. C'est pourquoi vous avez raison de faire ce choix de la formation. Car l'aspect professionnel apporté dans les réponses est primordial.
Vous faites partie du dispositif que met en place le gouvernement. Avec le 4ème plan de lutte contre les violences, nous avons voulu un plan d'action global, une politique complète et cohérente.
Parmi les dispositifs mis en place, il y a notamment, et de manière prioritaire, la formation initiale ou continue des professionnels.
Car ce sont les professionnels, vous, qui pouvez repérer, orienter accompagner, et protéger les femmes victimes de violences.
Cette formation supplémentaire vous donnera, je le sais, d'autres cordes à vos arcs. Le diplôme pour lequel vous vous êtes engagées vous aidera à mieux connaître et comprendre les processus des violences conjugales et leur impact, sur les enfants, sur les familles. Vous aurez alors une vision plus fine des mesures spécifiques d'urgence et les préconisations thérapeutiques, éducatives et d'orientation des victimes à mettre en œuvre.
En vous formant dans ce DU, cela permet aussi de développer un réseau de personnes compétentes et engagées contre ces violences. Mieux se connaitre, cela permet aussi de mieux travailler ensemble et d'être plus efficace sur le terrain.
Je sais aussi que vous travaillez sur un mémoire, cela va être utile pour améliorer la connaissance. Il y a trop peu de recherches et de valorisation de ces recherches. Et vous allez participer, tout comme le fait la Miprof au quotidien, à mieux connaitre, pour mieux agir.
J'aimerai à mon tour vous entendre.
Qu'est ce que vous apporte la formation ?
Comment pensez-vous mobiliser ces acquis sur le terrain ?
La parole est à vous,
Je vous remercie, et surtout, je vous écoute !
Source http://femmes.gouv.fr, le 21 septembre 2015