Texte intégral
Monsieur, le Maire,
On parle beaucoup d'Histoire et je voudrais dire en quelques secondes qu'effectivement on ne peut pas discuter de cette délibération si on ne se remémore ce qui se passe dans cette époque terrible du 17 octobre 1961.
D'ailleurs il y a une certaine contradiction dans les propos que j'entends et l'exposé des motifs du projet de délibération que je reprends et que je lis. Il ne vient pas de ma plume : " Cet épisode de la guerre d'Algérie, dit l'exposé, s'inscrit dans le contexte de l'époque. La Fédération de France du F.L.N. menant alors un combat contre les forces de l'ordre élues supplétives.
Je laisse d'ailleurs la responsabilité de " supplétive " dont je ne vois pas très bien ce qu'il veut dire. Je regrette que le Préfet de police ne soit pas là car après tout c'est une affaire qui concerne autant la Mairie de Paris, les Parisiens que la Préfecture de police, vous en conviendrez. Effectivement cette manifestation, qui n'a rien de pacifique, s'inscrit dans un climat où le Gouvernement de l'époque est constamment mis en présence d'attentats qui viennent du F.L.N. ou de l'O.A.S.
Beaucoup de forces de police sont touchées par des attentats aveugles et des assassinats. Ne les oublions pas dans un devoir sélectif de mémoire, ne les oublions pas. Je crois donc que l'absence du Préfet de police n'est pas anodine de ce point de vue. Je voudrais son avis sur la question.
Certes la vocation des hommes politiques 40 ans plus tard, qu'ils soient de droite ou de gauche, après une guerre, est de ne pas accepter dans la guerre les tortures, les répressions sauvages, les assassinats. Et c'est le devoir de l'historien que de mettre au clair la réalité des choses. La France reconnaît les torts qu'elle a dans cette terrible guerre d'Algérie.
Personne n'y voit d'inconvénient, personne, sauf que la guerre, mes chers amis, est un phénomène qui se passe à deux et que votre devoir de mémoire est un devoir de mémoire qui ne doit pas être sélective. J'attends notamment de la part du président algérien qui nous a rendu visite et qui était un leader du F.L.N. à l'époque, un leader ô combien important on y reviendra, j'attends de la part du Gouvernement algérien qu'il reconnaisse lui aussi ses torts.
J'attends que le Gouvernement algérien ouvre ses archives. Je souhaiterais que nos historiens français puissent avoir connaissance des archives du F.L.N. qui sont toujours tenues secrètes. Je souhaiterais que les commissions d'historiens mixtes entre historiens français et algériens puissent discuter sereinement pour fermer les plaies de ce qui s'est passé dans cette époque. Ce faisant d'ailleurs, je ne fais que reprendre le discours du premier Ministre actuel, M. JOSPIN, lorsqu'il a été confronté à l'Assemblée nationale aux révélations mettant en cause l'armée française dans les tortures en Algérie.
J'ai entendu de la part du premier Ministre des paroles mesurées, reconnaissant le caractère bilatéral du travail de mémoire. Je n'ai pas entendu de la part de M. BOUTEFLIKA la même déclaration. J'ai même entendu M. BOUTEFLIKA traiter de " collaborateurs " ceux qui étaient les compagnons de lutte de la France en étant Algériens.
Mes chers collègues, nous allons célébrer demain, un anniversaire. L'anniversaire non pas seulement de ce dont la France s'est rendu coupable, une lâcheté à l'égard des Harkis, mais aussi de ce qui apparaît comme un assassinat massif de ceux qui ont choisi la France. Les ordres, à l'époque, étaient donnés par celui-là même qui est actuellement Président de la République algérienne. Celui qui ne regrette rien et qui ne se repent pas.
J'accepte de me repentir des outrances qui ont été commises. J'accepte nos torts sur la torture, la répression mais je n'accepte pas que la France soit seule porteuse des péchés d'une guerre. Les atrocités étaient bilatérales comme, hélas le sont la plupart des guerres.
Peut-être cette plaque de commémoration trouvera, et je l'espère, dans quelques années, dans quelques décennies, la place que la reconnaissance bilatérale des fautes aura rendu possible.
Mais vous oubliez que demain nous allons célébrer le 40ème anniversaire, ce qui je l'espère sera répété chaque année, des Algériens qui sont morts pour la France. Le Gouvernement algérien de l'époque leur avait promis, après les accords d'Evian, qu'ils pouvaient revenir chez eux sans armes, et ils seront égorgés.
Je souhaite que le Maire d'Alger, le Maire de Constantine, le Maire d'Oran déposent en même temps que nous des plaques commémorant l'assassinat des dizaines de milliers d'Harkis qui ont été égorgés à cette époque. Il y a eu plus de victimes après les accords d'Evian que pendant toute la guerre d'Algérie.
Après ce qui s'est récemment passé, à une heure où la communauté musulmane est agressée en permanence par ceux qui confondent terrorisme, islamisme, agressée en permanence par ceux qui essaient de l'entraîner dans des mouvements de haine.
N'était-il pas opportun, avec explication préalable, par un travail pédagogique de mémoire de leur montrer que la France n'a pas été seulement celle qui a assassiné leurs frères ou leurs pères ? Est-ce véritablement le moment d'aller donner à tous les extrémistes musulmans des arguments, pour dire que le terrorisme peut se justifier par l'histoire.
Après ce qu'a dit le Maire de Paris, après les paroles mesurées qu'il a tenues en juin, pourquoi aujourd'hui, cette initiative malvenue en séance ? Je ne comprends pas.
Les Parisiens ne le comprendront pas. Votre initiative est malvenue et je la prends presque comme une provocation. Provocation inexplicable ou alors, c'est plus grave encore, une provocation que je ne peux que trop expliquer ! Je vous demande de retirer cette délibération et bien entendu, si vous ne la retirez pas, mon groupe votera contre.
(Source http://www.claude-goasguen.org, le 19 octobre 2001)
On parle beaucoup d'Histoire et je voudrais dire en quelques secondes qu'effectivement on ne peut pas discuter de cette délibération si on ne se remémore ce qui se passe dans cette époque terrible du 17 octobre 1961.
D'ailleurs il y a une certaine contradiction dans les propos que j'entends et l'exposé des motifs du projet de délibération que je reprends et que je lis. Il ne vient pas de ma plume : " Cet épisode de la guerre d'Algérie, dit l'exposé, s'inscrit dans le contexte de l'époque. La Fédération de France du F.L.N. menant alors un combat contre les forces de l'ordre élues supplétives.
Je laisse d'ailleurs la responsabilité de " supplétive " dont je ne vois pas très bien ce qu'il veut dire. Je regrette que le Préfet de police ne soit pas là car après tout c'est une affaire qui concerne autant la Mairie de Paris, les Parisiens que la Préfecture de police, vous en conviendrez. Effectivement cette manifestation, qui n'a rien de pacifique, s'inscrit dans un climat où le Gouvernement de l'époque est constamment mis en présence d'attentats qui viennent du F.L.N. ou de l'O.A.S.
Beaucoup de forces de police sont touchées par des attentats aveugles et des assassinats. Ne les oublions pas dans un devoir sélectif de mémoire, ne les oublions pas. Je crois donc que l'absence du Préfet de police n'est pas anodine de ce point de vue. Je voudrais son avis sur la question.
Certes la vocation des hommes politiques 40 ans plus tard, qu'ils soient de droite ou de gauche, après une guerre, est de ne pas accepter dans la guerre les tortures, les répressions sauvages, les assassinats. Et c'est le devoir de l'historien que de mettre au clair la réalité des choses. La France reconnaît les torts qu'elle a dans cette terrible guerre d'Algérie.
Personne n'y voit d'inconvénient, personne, sauf que la guerre, mes chers amis, est un phénomène qui se passe à deux et que votre devoir de mémoire est un devoir de mémoire qui ne doit pas être sélective. J'attends notamment de la part du président algérien qui nous a rendu visite et qui était un leader du F.L.N. à l'époque, un leader ô combien important on y reviendra, j'attends de la part du Gouvernement algérien qu'il reconnaisse lui aussi ses torts.
J'attends que le Gouvernement algérien ouvre ses archives. Je souhaiterais que nos historiens français puissent avoir connaissance des archives du F.L.N. qui sont toujours tenues secrètes. Je souhaiterais que les commissions d'historiens mixtes entre historiens français et algériens puissent discuter sereinement pour fermer les plaies de ce qui s'est passé dans cette époque. Ce faisant d'ailleurs, je ne fais que reprendre le discours du premier Ministre actuel, M. JOSPIN, lorsqu'il a été confronté à l'Assemblée nationale aux révélations mettant en cause l'armée française dans les tortures en Algérie.
J'ai entendu de la part du premier Ministre des paroles mesurées, reconnaissant le caractère bilatéral du travail de mémoire. Je n'ai pas entendu de la part de M. BOUTEFLIKA la même déclaration. J'ai même entendu M. BOUTEFLIKA traiter de " collaborateurs " ceux qui étaient les compagnons de lutte de la France en étant Algériens.
Mes chers collègues, nous allons célébrer demain, un anniversaire. L'anniversaire non pas seulement de ce dont la France s'est rendu coupable, une lâcheté à l'égard des Harkis, mais aussi de ce qui apparaît comme un assassinat massif de ceux qui ont choisi la France. Les ordres, à l'époque, étaient donnés par celui-là même qui est actuellement Président de la République algérienne. Celui qui ne regrette rien et qui ne se repent pas.
J'accepte de me repentir des outrances qui ont été commises. J'accepte nos torts sur la torture, la répression mais je n'accepte pas que la France soit seule porteuse des péchés d'une guerre. Les atrocités étaient bilatérales comme, hélas le sont la plupart des guerres.
Peut-être cette plaque de commémoration trouvera, et je l'espère, dans quelques années, dans quelques décennies, la place que la reconnaissance bilatérale des fautes aura rendu possible.
Mais vous oubliez que demain nous allons célébrer le 40ème anniversaire, ce qui je l'espère sera répété chaque année, des Algériens qui sont morts pour la France. Le Gouvernement algérien de l'époque leur avait promis, après les accords d'Evian, qu'ils pouvaient revenir chez eux sans armes, et ils seront égorgés.
Je souhaite que le Maire d'Alger, le Maire de Constantine, le Maire d'Oran déposent en même temps que nous des plaques commémorant l'assassinat des dizaines de milliers d'Harkis qui ont été égorgés à cette époque. Il y a eu plus de victimes après les accords d'Evian que pendant toute la guerre d'Algérie.
Après ce qui s'est récemment passé, à une heure où la communauté musulmane est agressée en permanence par ceux qui confondent terrorisme, islamisme, agressée en permanence par ceux qui essaient de l'entraîner dans des mouvements de haine.
N'était-il pas opportun, avec explication préalable, par un travail pédagogique de mémoire de leur montrer que la France n'a pas été seulement celle qui a assassiné leurs frères ou leurs pères ? Est-ce véritablement le moment d'aller donner à tous les extrémistes musulmans des arguments, pour dire que le terrorisme peut se justifier par l'histoire.
Après ce qu'a dit le Maire de Paris, après les paroles mesurées qu'il a tenues en juin, pourquoi aujourd'hui, cette initiative malvenue en séance ? Je ne comprends pas.
Les Parisiens ne le comprendront pas. Votre initiative est malvenue et je la prends presque comme une provocation. Provocation inexplicable ou alors, c'est plus grave encore, une provocation que je ne peux que trop expliquer ! Je vous demande de retirer cette délibération et bien entendu, si vous ne la retirez pas, mon groupe votera contre.
(Source http://www.claude-goasguen.org, le 19 octobre 2001)