Déclaration de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du gouvernement, sur la crise de l'élevage et l'avenir de l'agriculture, à l'Assemblée nationale le 29 septembre 2015.

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Circonstance : Débat à l'Assemblée nationale sur la situation et l'avenir de l'agriculture, le 29 septembre 2015

Texte intégral

Mme la présidente. L'ordre du jour appelle le débat sur la situation et l'avenir de l'agriculture, en application de l'article 50-1 de la Constitution.
La parole est à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.
M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Mesdames, messieurs les députés, vous avez souhaité un débat sur la situation de l'agriculture, et en particulier sur la crise de l'élevage. C'est un débat légitime dans la mesure où, depuis cinq mois, une crise touche un certain nombre de secteurs, notamment ceux de l'élevage. De fait, trois crises se superposent : celle du secteur porcin, celle de la viande bovine et celle du secteur laitier.
Ces crises ont à la fois des causes conjoncturelles parfaitement identifiables – j'y reviendrai – et des causes structurelles, auxquelles il faudra apporter des réponses. Chaque secteur rencontre des difficultés, mais la question du prix constitue leur dénominateur commun. Je rappelle que, dès le début de ces crises, des discussions ont eu lieu et des engagements communs ont été pris pour essayer de revaloriser, par un accord entre industriels, producteurs et grands distributeurs, les prix payés aux producteurs. Cela a été le cas, le 17 juin, pour la viande bovine. Aujourd'hui, les prix de ce secteur ont été revalorisés, non pas à la hauteur de l'engagement initial, mais légèrement au-dessus des prix payés l'an dernier. Cette filière souffre de nombreux maux, et en particulier d'une nouvelle crise sanitaire, qui impliquent que les acteurs du secteur et les territoires concernés fassent des choix importants et structurels.
Quant à la crise du porc, en particulier dans l'ouest de la France, notamment en Bretagne, elle est liée à une situation qui s'est dégradée depuis environ dix ans. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2003, la production porcine française était de l'ordre de 2,4 millions de tonnes. Elle a baissé depuis, alors que, dans le même temps, cette production est passée de 4,8 millions à 5,2 millions de tonnes en Allemagne et de 3,6 millions à 3,8 millions de tonnes en Espagne. Dans ces pays, la production a donc augmenté quand, dans le nôtre, elle baisse depuis dix ans.
Je l'ai dit, certaines causes sont conjoncturelles. Je pense notamment à l'embargo russe, qui pèse sur la production de ce secteur en particulier. J'irai d'ailleurs à Moscou cet automne, le 8 et le 9 octobre, pour prendre des contacts et essayer de faire évoluer la situation, en particulier sur la question de l'embargo sanitaire. Pendant dix ans, cette filière a souffert d'un manque d'investissements, dans la production comme dans les outils d'abattage qui ont perdu beaucoup de leur productivité, donc de leur compétitivité. Sur ces sujets, il convient d'énoncer quelques vérités. Il faudra travailler sur des propositions structurelles pour sortir de cette crise porcine – j'y reviendrai.
Le secteur du lait, quant à lui, relève d'une autre situation. La crise est liée à des choix faits à l'échelle mondiale ; elle n'est pas uniquement européenne. C'est une crise du marché mondial, liée aux débouchés anticipés par de nombreux continents sur le marché chinois qui se sont révélés moins importants que ce qui était attendu. Cela vaut pour l'Europe, l'Australie et la Nouvelle-Zélande comme pour l'Amérique, en particulier l'Amérique du nord. C'est donc une crise de surproduction à l'échelle internationale. Je rappelle toutefois qu'en Europe la crise laitière est aussi liée à des choix. Chacun a pu constater que le choix de l'Europe et de la France de supprimer les quotas laitiers et de libéraliser a conduit à une très nette augmentation de la production (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen), pas forcément en France, où les engagements pris en 2008 ont été respectés, mais dans de nombreux autres pays qui ont dépassé les quotas prévus et ont dû payer des superprélèvements, qui ont d'ailleurs permis de financer les aides décidées récemment par l'Europe.
Ces trois crises ont donc trois causes conjoncturelles, mais il est nécessaire de travailler aussi sur l'avenir, le moyen et le long terme. Dans ce débat, les questions relatives à la compétitivité de l'agriculture sont souvent attendues – j'imagine qu'un certain nombre d'orateurs y reviendront. Dans ce domaine, si la compétitivité prix est un élément indiscutable de la compétitivité, elle ne suffit pas à définir la compétitivité globale de l'agriculture et des filières. Grâce au crédit d'impôt compétitivité emploi – CICE – et au Pacte de responsabilité, les allégements de charge réclamés légitimement s'élèvent aujourd'hui à près de 4 milliards d'euros dans le secteur de l'agriculture et de l'industrie agroalimentaire. Je le dis d'autant plus clairement qu'entre 2003 et 2012, hormis les exonérations sur les bas salaires décidées par François Fillon, rien n'a été fait pour alléger les charges !
M. Philippe Baumel. Il a raison !
M. Marc Le Fur. Et les emplois saisonniers ?
M. Philippe Baumel. C'est un gadget !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Cela a contribué à aggraver les difficultés que nous rencontrons aujourd'hui.
Plusieurs filières sont concernées. Nous n'avons pas attendu le débat d'aujourd'hui : nous avons anticipé en demandant des rapports notamment sur la situation de la filière porcine et même sur celle de la filière volaille. Je rappelle d'ailleurs qu'à mon arrivée en 2012, j'ai eu à gérer la crise majeure des exportations dans la filière volaille, avec les entreprises Doux et Tilly-Sabco. Aujourd'hui, nous avons su faire en sorte que cette filière se redresse – j'aurai tout à l'heure à acter la mise en place d'une interprofession dans ce secteur – et les exportations de volaille ont augmenté de plus de 20 %. Ce qui a été possible dans ce secteur doit aussi l'être dans d'autres, notamment dans la filière porcine. Un rapport sur cette filière avait été demandé dès 2013, afin d'analyser non seulement les raisons de la perte de compétitivité, mais aussi et surtout les moyens de sortir à moyen et long terme de la crise que nous connaissons.
S'agissant des questions environnementales, je ne reviendrai pas sur les améliorations permises notamment par les dispositions du Gouvernement sur les installations classées pour la protection de l'environnement – ICPE. M. Le Fur avait essayé à plusieurs reprises de faire des propositions, mais aucune n'avait été adoptée.
M. Marc Le Fur. Par votre faute !
M. Stéphane Le Foll, ministre. C'est ce gouvernement qui a fait progresser les choses.
Sur la question du prix, j'ai constaté, comme d'autres d'ailleurs, qu'après après avoir pris des engagements avec l'ensemble des acteurs de la filière porcine pour revaloriser le prix du porc et répondre ainsi à la demande des producteurs porcins, ce sont les groupements de producteurs porcins qui ont demandé la baisse du prix il y a quinze jours à peine. Nous pouvons en mesurer les résultats aujourd'hui, mais chacun assumera ses responsabilités : le ministre et le Gouvernement ont assumé les leurs.
Chacun devra assumer ses responsabilités, notamment devant les producteurs. La médiation que nous avons engagée se poursuivra et nous continuerons de défendre l'intérêt général de l'ensemble de la filière, et pas seulement l'intérêt particulier de quelques-uns de ses acteurs.
S'agissant de la filière bovine et porcine, nous avons choisi avec l'interprofession de valoriser l'origine française des viandes. Parallèlement à la revalorisation des prix, il était important d'assurer un débouché national à cette production nationale, qu'il s'agisse du vif, des produits frais et surtout de la salaison.
M. Marc Le Fur. Cela ne concerne pas les produits transformés, comme la charcuterie !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Des progrès indéniables dans ce domaine sont aujourd'hui constatés. Ainsi, dans ce domaine comme dans d'autres, la traçabilité permettra à la fois d'assurer un prix pour les producteurs et de préserver un marché à l'échelle nationale pour l'ensemble de la production française.
M. Philippe Le Ray. Il faut aller plus loin !
M. Stéphane Le Foll, ministre. C'est un point important. Je n'avais pas attendu la crise pour mettre en œuvre cette traçabilité, mais aujourd'hui je suis sûr que nous allons ensemble dans le bon sens, à condition que chacun prenne bien conscience que la perception de la traçabilité par le consommateur exige la définition de cahiers des charges comprenant des conditions sanitaires et même organoleptiques, pour justifier l'origine française des viandes. C'est l'enjeu du débat important que j'ai ouvert sur la question de la contractualisation. Il avait été évoqué après la crise laitière à l'occasion de la loi de modernisation agricole – LMA. Aujourd'hui, ce sujet manque à la fois de perspective et d'organisation. En raison des dispositions de la loi de modernisation de l'économie – LME – que vous avez votées, les relations commerciales entre les industriels et les producteurs sont séparées de celles prévalant entre les industriels et la grande distribution. L'enjeu est de définir des relations commerciales qui intègrent, au-delà de chacun des maillons de la chaîne, la grande distribution, les industriels et les producteurs. Ce n'est qu'ainsi que nous pourrons intégrer les coûts de production du secteur de l'élevage, lesquels sont essentiels pour définir le revenu et la marge des producteurs, dans des filières organisées, pour répondre aux besoins des consommateurs, des industriels, mais surtout à ceux des producteurs.
Le débat sur le logo « Viandes de France » renvoie aussi à celui sur l'approvisionnement local, que nous avons eu dans le cadre de la discussion sur les projets alimentaires territoriaux, à l'occasion de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt. La création de plateformes et la constitution d'un guide pour favoriser leur développement permettent aujourd'hui aux collectivités territoriales de favoriser l'achat local. Jusqu'à présent, quelques réformes ont été conduites, comme la révision de l'article 11 du code des marchés publics, mais aujourd'hui, le changement a lieu partout, à condition que chacun assume sa responsabilité d'acheter des produits locaux et de favoriser la production française. C'est un défi majeur qui sera relevé grâce à toutes les plateformes collectives qui ont été créées dans de nombreux départements – je souhaiterais qu'elles existent dans tous les départements.
Je rappelle, en outre, qu'en plein cœur de la crise de l'élevage, le groupe UDI devait déposer une proposition de loi sur le menu végétarien. J'attends des précisions sur cette question mais je ne crois pas que cela réponde aux attentes des producteurs.
M. Christian Jacob. Nous sommes d'accord !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous verrons bien !
S'agissant de la contractualisation et des enjeux de l'ensemble des filières, il était nécessaire de régler les difficultés conjoncturelles avec le plan de soutien à l'élevage de juillet, complété le 3 septembre : 100 millions d'euros de fonds d'allégement des charges ont été débloqués pour traiter les situations d'endettement bancaire des éleveurs, au travers des cellules d'urgence mises en place dans tous les départements dès février 2015. Ces cellules d'urgence et ce fonds d'allégement de charges doivent aider les éleveurs en difficulté. J'avais évalué leur nombre à 20 000, chiffre qui semble clairement se confirmer. Les aides sont en train d'être versées : 8 000 dossiers ont d'ores et déjà été traités. Nous continuerons ce travail jusqu'à la fin de l'année, afin que les exploitants puissent recevoir l'ensemble des aides indispensables pour surmonter ce moment difficile.
Se pose aussi la question de l'année blanche. C'est la première fois que nous nous engageons dans ce débat, que nous négocions avec les banques le report d'une annuité. Je rappelle que cela a été fait à la demande des professionnels, qui ne voulaient surtout pas revivre l'expérience des prêts bonifiés de trésorerie que le gouvernement précédent avait mis en place et qui doivent aujourd'hui être remboursés, mettant en difficulté les agriculteurs. C'est pourquoi ces derniers nous ont expressément demandé la mise en œuvre de ce dispositif de l'année blanche, qui est une première. Cette mesure est importante : elle est la meilleure réponse à la question de l'endettement, en particulier celui des éleveurs, et plus spécifiquement des éleveurs porcins.
Notre plan de soutien à l'élevage français consiste aussi en des reports, proposés jusqu'à trois ans, des prises en charge de cotisations sociales, à hauteur de près de 50 millions d'euros.
Par ailleurs, une baisse significative et pérenne des cotisations minimales maladie et invalidité sera proposée dès 2015 à tous les élevages, en particulier aux plus petits d'entre eux. En conséquence, pour les petites exploitations, la cotisation minimale passera de 853 euros à 453 euros en 2015 et à environ 50 euros en 2016.
Plusieurs dispositifs fiscaux accompagnent ce plan : remises de taxe foncière sur les propriétés non bâties, de taxe d'habitation pour les fermiers – cette mesure très importante fait suite à une demande de ces derniers –, reports et remises de versement de l'impôt sur le revenu et de l'impôt sur les sociétés, encaissements avancés de TVA.
Je veux saluer devant la représentation nationale l'engagement et la qualité du travail de tous les services de l'État et des organismes de protection sociale agricole, en particulier dans les cellules d'urgence. Ils agissent en lien direct avec les centres de gestion, les chambres d'agriculture et les établissements bancaires, qu'il faut parfois pousser à mettre en œuvre l'année blanche. Ainsi, ce plan de soutien à l'élevage se met aujourd'hui en place à l'échelle de tous les départements, notamment dans le cadre de cellules d'urgence qui traitent les dossiers un par un, en essayant d'apporter à chacun la réponse la plus adaptée. Qu'il s'agisse d'un allégement de cotisations MSA ou de charges, chaque dossier est traité afin de trouver la solution la plus adaptée à la situation rencontrée par l'ensemble des éleveurs français. Telle est la méthode que nous avons mise en place.
Quant à la question des prix, comme je l'ai déjà dit, nous avons fait en sorte d'agir très tôt. Et nous allons agir à nouveau, dans le cadre de réunions sur la problématique du lait et de la viande bovine. Je rappelle ma déception et ma colère lorsque j'ai appris que l'Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne – UGPVB – avait décidé que le prix au kilo, qui était arrivé à 1,38 euro sur le marché au cadran, devait encore baisser. C'est ce qui s'est passé, et je le regrette car ce n'était pas la demande des producteurs. Ces derniers avaient rencontré le ministre pour travailler en vue de trouver un accord. Et nous l'avions trouvé : il suffisait de continuer à gérer la traçabilité, de mettre en valeur l'origine française des viandes, de travailler en particulier sur la salaison afin de protéger notre marché national, d'utiliser les aides à l'exportation que nous étions prêts à débloquer et de gagner des marchés à l'exportation. Nous aurions pu tenir ce prix pour passer l'étape la plus difficile.
M. Guillaume Garot. Tout à fait !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je regrette ce qui s'est passé. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.) Tout cela nécessitera bien sûr des discussions de fond avec ceux qui ont soutenu la baisse des prix.
M. Jean Glavany. Ce sont des fossoyeurs !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je m'adresse aussi à M. Le Fur, qui les connaît très bien.
M. Jean Glavany. Ce sont ses copains !
M. Marc Le Fur. Vous les connaissez bien aussi, monsieur le ministre !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Je les connais bien aussi, mais vous, pour certains, vous les connaissez mieux que moi !
M. Jean Glavany. M. Le Fur est beaucoup plus proche de l'UGPVB que nous ne le sommes !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Au niveau européen, il y a eu des débats, bien sûr, et la France a été à l'initiative d'un sommet extraordinaire sur les questions agricoles afin de prendre en compte la situation de crise. Je rappelle qu'au début du mois de juillet, le commissaire européen à l'agriculture et au développement rural considérait qu'il n'y avait pas de crise ! Or, lors du conseil européen qui s'est tenu au début du mois de septembre, le commissaire a constaté et acté l'existence d'une crise. Il a débloqué 500 millions d'euros. Je rappelle que ce financement est lié aux superprélèvements que j'évoquais tout à l'heure et auxquels seront soumis les pays ayant dépassé leurs quotas laitiers au moment où la fin des quotas avait été signée. Ainsi, la France n'a contribué en rien à cet apport budgétaire européen,…
M. Guillaume Garot. Très bien !
M. Stéphane Le Foll, ministre. …mais elle bénéficiera de 63 millions d'euros qui viendront s'ajouter aux plans de soutien à l'élevage de juillet et de septembre.
M. Jean-Pierre Dufau. Excellent !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Cela permet de traiter l'ensemble des dossiers, l'ensemble des questions posées. C'est un atout, un acquis, et je m'en félicite.
Au-delà des aides proposées par l'Europe, il reste toutefois des divergences de fond au sein de l'Union européenne, en particulier sur la question du prix d'intervention, qu'un certain nombre de pays – aujourd'hui largement majoritaires – et la Commission européenne ont refusé de modifier.
Lors de ce conseil européen, en dépit des réticences et des difficultés, nous avons cependant adopté un principe. J'ai toujours préféré mettre un peu d'argent – le moins possible – dans la régulation des marchés plutôt que de mettre beaucoup d'argent dans les aides aux agriculteurs.
Voilà les sujets dont nous débattons à l'échelle européenne. Nous allons continuer à défendre nos idées, en particulier sur la question du prix d'intervention. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.)
Quant à la compétitivité, il s'agit d'une vraie question, souvent évoquée. J'ai déjà un peu anticipé nos débats en rappelant tout ce qui a été mis en œuvre : l'abattement d'assiette de contribution sociale de solidarité des sociétés – C3S – pour les coopératives, la baisse des cotisations familiales qui sera étendue à tous les salaires inférieurs à 3,5 SMIC. Dans le cadre du CICE, comme je l'ai déjà dit tout à l'heure, près de 4 milliards d'euros ont été destinés à l'agriculture et à l'agroalimentaire pour restaurer la compétitivité de ces secteurs.
M. Marc Le Fur. Les coopératives n'ont pas accès au CICE, vous le savez bien !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Qu'est-ce qui avait été fait auparavant ? Je l'ai dit : après les réductions Fillon en 2006, rien n'avait été fait pour intégrer cette question de la compétitivité. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Philippe Gosselin. Que faites-vous depuis trois ans ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. J'anticipe là vos débats et les procès faciles que vous nous ferez, messieurs les députés de l'opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. Du calme, s'il vous plaît !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Les faits sont clairs et des données chiffrées sont disponibles pour tous ceux qui s'intéressent à ces questions.
M. Alain Rousset. Très bien !
M. Bruno Le Maire. Vous êtes au pouvoir depuis 2012 !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous avons souhaité soutenir l'investissement – c'est nécessaire !
M. Jean Glavany. Aujourd'hui, Le Maire fait son cinéma, mais il n'a rien fait quand il était au gouvernement !
M. Stéphane Le Foll, ministre. C'est pourquoi nous avons mis en place un outil qui permettra aux régions d'aider les agriculteurs et les éleveurs à investir :…
M. Christian Jacob. Ils ne comptent pas sur vous !
M. Stéphane Le Foll, ministre. …près de 350 millions d'euros seront disponibles tous les ans dans le cadre des plans pour la compétitivité et l'adaptation des exploitations agricoles – PCAE. J'ai pu rencontrer des agriculteurs, notamment des jeunes agriculteurs, qui comptent sur ces PCAE et les intègrent dans leurs investissements pour moderniser,…
Plusieurs députés du groupe Les Républicains. Et en Bretagne ?
M. Stéphane Le Foll, ministre. …en Bretagne, dans les Pays de la Loire, en Auvergne et ailleurs, les bâtiments d'élevage et assurer ainsi la compétitivité et l'avenir de l'élevage français. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Jean Glavany. La droite n'avait rien fait !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Par ailleurs, près de 30 millions d'euros seront consacrés au soutien à l'investissement dans les industries de l'abattage-découpe. Vous les aviez complètement oubliées, messieurs les députés de l'opposition ! (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Une partie de notre compétitivité est liée à la modernité de nos outils industriels. C'est notre gouvernement qui consacrera 30 millions d'euros en 2015 et en 2016, soit 50 millions d'euros au total, pour soutenir l'investissement dans ce maillon extrêmement fragile et sensible qu'est le secteur de l'abattage-découpe.
Je vous le dis : lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, rien n'avait été fait ! Le retard était béant ! (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.) Il fallait donc rattraper ce que vous n'aviez pas fait, mesdames, messieurs les députés de l'opposition ! (Mêmes mouvements.)
M. Philippe Baumel. Vous n'aviez rien fait ! Zéro !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Cela coûte assez cher, mais c'est nécessaire, et je pense que vous accepterez de soutenir ces plans, qui sont très importants.
Il en va de même pour la méthanisation : lorsque nous sommes arrivés au Gouvernement, nous avons développé cette possibilité donnée aux éleveurs de percevoir des revenus complémentaires en produisant en même temps des énergies renouvelables. Avec Delphine Batho, nous avons présenté le plan « Énergie, méthanisation, autonomie, azote » – EMAA – dès 2013. Lorsque nous sommes arrivés au Gouvernement, il existait à peine 90 méthaniseurs agricoles, contre 4 000 en Allemagne. Aujourd'hui, la France en compte plus de 250, et l'objectif des 1 000 méthaniseurs sera atteint. Voilà encore un effort sans précédent pour changer la donne de l'élevage (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen), pour faire en sorte que l'agriculture prenne le pli des énergies renouvelables.
M. Christian Jacob. Vous allez voir ce qui va se passer aux prochaines élections ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. Philippe Baumel et M. Alain Rousset. C'est pathétique, monsieur Jacob !
Mme la présidente. S'il vous plaît, mes chers collègues !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur Jacob, mesdames,messieurs les députés de l'opposition, vous n'avez pas pensé que la compétitivité ne pouvait se réduire, à moyen et long termes, à la seule question du prix : elle doit aussi intégrer des logiques globales de structuration de filières, au travers de la contractualisation mais aussi d'une organisation plus collective de l'agriculture.
M. Charles de La Verpillière. Blablabla !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Il s'agira à la fois de mutualiser un certain nombre d'investissements et de prendre en compte, dans nos objectifs économiques, environnementaux et sociaux, des dynamiques collectives.
M. Guillaume Garot. Très bien !
M. Stéphane Le Foll, ministre. C'est ce que nous avons voté, à une large majorité, en créant les groupements d'intérêt économique et environnemental, les GIEE, qui ont fait l'objet d'un long débat. André Chassaigne avait évoqué cette idée. Si le processus est inachevé, de l'inachevé surgit souvent l'essentiel !
M. Christian Jacob. Les agriculteurs devraient être indemnisés pour avoir un ministre pareil !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Aujourd'hui, 116 GIEE couvrent plus de 100 000 hectares.
En outre, je veux souligner une recherche extrêmement importante de l'autonomie fourragère dans nos exploitations d'élevage.
M. Guillaume Garot. Très bien !
M. Stéphane Le Foll, ministre. La compétitivité future de la France dépendra de notre capacité à mobiliser toutes les ressources qui sont les nôtres, en particulier la surface, qui peut être mobilisée pour garantir une alimentation à bas coût. L'autonomie fourragère nous permettra demain d'être compétitifs, alors que d'autres pays sont directement dépendants du marché mondial de l'alimentation. Voilà un enjeu stratégique !
Outre ces 116 GIEE dont plusieurs intègrent cet objectif d'autonomie fourragère, il faut noter le développement des groupements agricoles d'exploitation en commun, les GAEC. Que n'ai-je pas entendu lorsque nous avons mis en place la majoration des aides sur les cinquante-deux premiers hectares et accru la transparence de ces structures afin d'assurer à chacun des associés d'un GAEC sa part de la surprime liée aux cinquante-deux premiers hectares ? Je le dis très clairement devant la représentation nationale, et j'aurai l'occasion de le préciser à nouveau : en août, 4 700 GAEC avaient été agréés depuis le 1er janvier, alors qu'au cours des périodes précédentes, ce chiffre oscillait entre 400 et 500. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
On observe donc une dynamique collective. Voilà l'enjeu de demain ! C'est ce qui fait la différence entre vous, mesdames, messieurs les députés de l'opposition, et ceux qui pensent l'avenir de l'agriculture.
M. Christian Jacob. Quand on pense qu'il faut écouter des âneries pareilles…
M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous devons garder des agriculteurs tout en leur permettant de s'adapter aux nouvelles conditions économiques liées aux transformations du monde. Voilà le choix que nous avons fait, et que vous avez fait, mesdames, messieurs les députés, en votant la loi d'avenir pour l'agriculture qui est, justement, un choix d'avenir. Voilà ce qui va garantir, demain, la compétitivité de l'élevage français. Ces enjeux de moyen et long termes sont aussi l'objet de notre débat. Il s'agit non pas simplement de discuter de la crise conjoncturelle et des réponses que nous devons y apporter – j'ai parlé des 150 millions d'euros mobilisés, des 3 milliards d'euros sur trois ans pour financer les investissements –, mais aussi de penser la manière dont l'agriculture pourra assurer demain sa présence territoriale tout en intégrant les enjeux sociaux, économiques et environnementaux.
M. Charles de La Verpillière. C'est du blabla ! Du baratin !
M. Stéphane Le Foll, ministre. C'est peut-être du blabla pour vous, mais c'est ce qui se passe aujourd'hui.
Les GIEE, les coopératives d'utilisation de matériel agricole – CUMA – et les GAEC sont les piliers de cette agriculture. Ils permettent de mutualiser les investissements et donc d'améliorer la compétitivité future de l'ensemble des filières.
Voilà, mesdames, messieurs les députés, ce que je voulais vous dire dans le cadre de ce débat. Plusieurs sujets sont au cœur des préoccupations des agriculteurs : les aides que nous devons nécessairement leur apporter, dans l'urgence, pour traiter la crise conjoncturelle, mais aussi notre capacité à nous projeter à moyen et à long termes, à nous doter d'outils qui permettront à l'agriculture française de rester la première en Europe et de rester un grand secteur économique, un grand secteur social…
M. Philippe Le Ray. Arrêtez-le !
M. Stéphane Le Foll, ministre. …et un grand secteur qui anticipe les grands enjeux environnementaux de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste.)
(...)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Stéphane Le Foll, ministre. Mesdames, messieurs les députés, je voudrais au préalable vous féliciter pour la tenue de ce débat, et rappeler à M. Herth que dans les fonctions qui sont les miennes, je suis allé non seulement, comme chaque année, au SPACE, mais aussi à tous les sommets consacrés à l'élevage ; j'ai effectué tous les déplacements, même pour les Terres de Jim – sauf cette année. je l'ai dit : j'organise mon agenda en fonction des agriculteurs et pas selon les injonctions ou les demandes des uns ou des autres. Moi, ce qui m'intéresse, ce sont les agriculteurs. Je suis issu d'un village de 256 habitants dans le canton de Loué, j'ai été à l'école publique de mon village, je suis allé au collège de Loué, et après au lycée Colbert de Torcy, à Sablé, et depuis je n'ai jamais bougé, jamais changé de circonscription. Par conséquent, je suis bien placé pour respecter profondément le monde agricole. J'aurais même pu, comme vous, monsieur Herth, devenir agriculteur. Ne me tenez donc pas un tel discours. Vous pouvez parler de posture à beaucoup de monde, mais pas à moi ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Je vais maintenant répondre sur le fond. Tout d'abord, monsieur Benoit, il est faux de dire que le budget de l'Europe aurait baissé en particulier en France s'agissant de la PAC. Il a baissé de 12 % sur l'ensemble de l'Europe et de 2 % pour ce qui est du budget européen. Bruno Le Maire ici présent le sait. Si on avait suivi une stratégie d'alliance avec l'Allemagne sur le budget européen à l'époque où il était négocié, cela aurait abouti à une baisse de 30 %, avec des conséquences bien plus graves sur la politique agricole commune. J'attends de voir ce qu'il en sera des prochaines négociations sur cette question et donc sur le budget de la PAC. On pourra alors juger de l'engagement du Président de la République et du Gouvernement pour la défense d'un budget à l'échelle européenne qui satisfasse les grands enjeux de la politique agricole commune.
Vous avez aussi évoqué, monsieur Benoit, la TVA emploi – ou TVA sociale –, chère à M. Arthuis, que je connais bien et que je respecte. Je voudrais faire un petit calcul devant vous. Cette TVA portait en particulier sur un taux supérieur de trois points. Sachant que la recette attendue par point supplémentaire se situait entre 6 milliards et 7 milliards, cela aurait fait au total 21 milliards au maximum. Or le Pacte de responsabilité atteint aujourd'hui 40 milliards. Vous pouvez donc ressasser le sujet de la TVA sociale, que vous n'avez pas mise en œuvre, mais le Pacte de responsabilité et le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi vont bien au-delà.
M. Thierry Benoit. Et les importations !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Allez en discuter avec M. Arthuis et il vous expliquera que la TVA s'applique à tous les produits, dont ceux qui sont importés. Je le répète : les 21 milliards qui auraient été obtenus par un taux supérieur de TVA représentent à peine la moitié des 40 milliards qui sont mis en place. Je rappelle en outre que cette TVA sociale se serait appliquée à tous les secteurs, donc l'agriculture en aurait répercuté un tiers de ce que l'on peut espérer aujourd'hui obtenir avec les mesures du Pacte de responsabilité. Et pourquoi votre majorité d'alors n'a-t-elle pas mis en place une telle mesure au lieu de renvoyer la décision après l'élection présidentielle ?
M. Germinal Peiro. Eh oui !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Mais objectivement, vous ne seriez qu'à la moitié de l'enjeu. Le débat est donc clos, en tout cas entre nous.
M. Guy-Michel Chauveau. Bonne démonstration !
M. Stéphane Le Foll, ministre. S'agissant des baisses de cotisations, je reviendrai sur le fait que le CICE s'applique à l'ensemble des activités agroalimentaires et agricoles, et pour les éleveurs qui possèdent des salariés et sont redevables de l'IS, cela représente près de 380 millions d'euros d'allégements de charges, et 400 millions pour l'ensemble de l'année 2015. Quand je suis arrivé, les exonérations au titre des travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi – TODE –, mis en place par le gouvernement précédent, représentaient déjà 500 millions. S'y ajoutent la C3S – je le rappelle puisque vous avez aussi évoqué les coopératives –, ainsi que la mesure prévu au titre du Pacte de responsabilité sur l'allégement des cotisations patronales jusqu'à une fois et demie le SMIC, soit 161 millions supplémentaires d'allégements. On peut nous demander de faire encore plus, mais à ce moment-là, monsieur Benoit, il faut être précis : dans quels secteurs et de quelles charges s'agirait-il ? Quelles sont vos propositions ? Nous avons déjà accompli un pas déjà très important dans le sens de l'allégement des cotisations pour redonner de la compétitivité.
De plus va être mise en place, pour la première fois, une année blanche sur les annuités. Auparavant, les mesures prises étaient des prêts bonifiés que les agriculteurs doivent rembourser aujourd'hui et dont ils ne veulent plus. Tout le monde était d'accord pour l'année blanche : nous la mettons en œuvre.
M. Germinal Peiro. Eh oui !
M. Stéphane Le Foll, ministre. La discussion n'a plus lieu avec les agriculteurs, mais avec les banques, en particulier celles pourtant censées représenter le monde agricole.
M. Thierry Benoit. Tout à fait !
M. Stéphane Le Foll, ministre. Nous devons insister beaucoup pour qu'elles mettent en œuvre cette année blanche.
Monsieur Herth, il n'y a donc pas sujet à discussion sur les questions que je viens d'évoquer : on a travaillé. S'agissant des investissements dans les abattoirs, vous avez fait référence à la différence de situation entre l'Allemagne et la France. Cette différence est évidente et se comble doucement, j'en ai parfaitement conscience. Mais avec l'action conduite de notre côté à travers le CICE et le Pacte de responsabilité, et la réévaluation du salaire minimum du côté de l'Allemagne, ainsi qu'avec l'interprétation dorénavant plus stricte de la directive « Détachement », y compris dans les abattoirs – annonce faite par le vice-chancelier, M. Sigmar Gabriel –, nous sommes dans une convergence, à peu près à l'équivalence dans le secteur des abattoirs. Mais l'investissement dans ce secteur été l'un des oubliés de ces dix dernières années. Je vous rappelle que les 50 millions que l'on va y consacrer représentent deux fois ce qui a été investi entre 2002 et 2012. Vos collègues n'étaient peut-être pas tous dans la majorité à l'époque, mais c'est votre responsabilité. Il faut rattraper ce retard, investir maintenant. C'est ce que nous faisons et ce que nous soutenons (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen), il en va de la compétitivité de ce maillon essentiel pour l'élevage qu'est l'abattage-découpe. Nous sommes parfaitement d'accord sur ce point : saluez alors ce qui est fait. On peut débattre de nos différences sur d'autres sujets, mais reconnaissez qu'il y a là-dessus de vraies avancées.
La réglementation en matière d'environnement a suscité un vrai débat. Le Gouvernement s'est notamment vu reprocher de surtransposer les directives européennes. Or, depuis mon arrivée, nous n'avons jamais surtransposé. Le contentieux relatif à la directive Nitrates, qui oppose la France à la Commission européenne depuis cinq ans déjà, ne résulte pas de mesures que j'aurais moi-même décidées mais de la stricte application de la directive-cadre sur l'eau.
J'ai au contraire cherché à résoudre ce problème, en particulier en limitant pour les éleveurs les investissements nécessaires en matière de stockage. Ce but a été atteint – sans détailler davantage les mesures prises –, notamment grâce au stockage des fumiers pailleux et aux études sur les pentes, qui permettent d'accroître les surfaces d'épandage d'azote, selon des critères qui seront fixés. Nous avons cherché à adapter l'agriculture, de façon à demander le moins d'efforts possible aux éleveurs, tout en respectant nos engagements européens. Bien que n'ayant pas pris ces engagements moi-même, je les assume tous, en vertu du principe de continuité de l'État. mais sur tous ces sujets, jamais il n'y a eu de surtransposition.
En revanche, notre vision des rapports entre économie et environnement constitue bien un sujet de divergence. Messieurs de l'opposition, vous vous moquez de l'agroécologie. Je vous rappelle pourtant, monsieur Herth, que la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, a été votée à une large majorité, incluant les députés de l'UDI.
Quel est l'enjeu de demain ? Quelle est la stratégie à suivre ? Si vous considérez que la question environnementale est réglée et qu'elle doit même être évacuée, soit. Mais votre choix est différent du nôtre. Tous les professionnels me rejoignent sur ce point : ils demandent à sortir de la logique de la norme, pour entrer dans une logique d'objectifs, à s'engager sur des contrats centrés sur la double performance économique et environnementale, qui leur laissent aussi les moyens de faire leurs choix.
Que prévoit la loi d'avenir ? Avec les groupements d'intérêt économique et environnemental – GIEE –, nous laissons précisément aux agriculteurs la liberté de faire les arbitrages et les choix stratégiques nécessaires pour être économiquement, écologiquement et socialement responsables. Et c'est ce qui se passe. Pour faire écho à André Chassaigne qui citait tout à l'heure René Char : « De l'inachevé naîtra peut-être l'essentiel », eh bien, oui, alors qu'à sa mise en place, le dispositif pouvait paraître inachevé, le 5 octobre, nous ferons bel et bien le point sur l'essentiel : 116 GIEE ont été signés, 200 sont en préparation, avec des perspectives, des choix stratégiques qui mettent par exemple 52 exploitations dans le Gers en cohérence pour parvenir à l'autonomie fourragère, tout en associant des viticulteurs à cette stratégie d'autonomie. Ce n'est pas moi qui en ai décidé. Ce sont les agriculteurs eux-mêmes qui ont inventé cette solution !
Nous avons fixé un cadre : ils s'en sont emparés et s'engagent. Tel est l'enjeu. Telle est la voie de la compétitivité de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Je vous le redis : l'autonomie fourragère est la clé de notre autonomie agricole, la clé de notre compétitivité demain.
La chambre d'agriculture de Bretagne travaille actuellement sur des robots de traite mobiles, afin d'utiliser l'herbe au maximum. Je rappelle que si la Nouvelle-Zélande est aujourd'hui la plus compétitive au monde pour la production de lait, c'est parce qu'elle utilise le pâturage. Appliquons cette méthode ! Faisons des choix stratégiques ! Simplement arrêtez de moquer ou de critiquer ces choix. Ils font au contraire le pari de l'avenir, de la réussite de l'agriculture et des éleveurs, en faisant de la polyculture-élevage l'élément essentiel de l'équilibre nécessaire à l'agriculture de demain. Voilà le choix que nous avons fait. Ne le critiquez pas ! Nous pourrons en discuter, l'ajuster, avoir des débats sur tel ou tel point, mais l'objectif stratégique, lui, doit demeurer. Et je ne cesserai de le défendre car je pense qu'il est l'une des conditions de l'avenir de l'agriculture.
La question de la compétitivité pose aussi celle de l'organisation des filières. Je l'ai vu lors du débat sur la filière porcine – il est dommage que M. Le Fur ait quitté l'hémicycle, alors que nous abordons ce point. Lorsque la section porcine de l'Union des groupements de producteurs de viande de Bretagne a renoncé au prix minimum de 1,40 euro le kilo de porc, qui avait pourtant été fixé, j'ai dit que, maintenant, le débat devrait porter sur l'organisation des filières. On peut adresser toutes les critiques aux Allemands, aux Espagnols, aux Danois, aux Néerlandais. Les Français ont un défaut : ils pensent que leur voie est la meilleure, parce qu'ils l'ont choisie, et que si elle ne réussit pas, c'est parce que les autres trichent.
Nous avons besoin de nous organiser différemment. La valorisation de la carcasse de porc est aussi importante pour la compétitivité de la filière porcine que le prix qui sera payé sur le marché de Plérin. C'est cela aussi qu'il faut faire évoluer. Nous devons changer de stratégie.
Dans le Languedoc-Roussillon, où en étions-nous il y a vingt ans ? La viticulture était sur le point de disparaître. Les viticulteurs ont accompli des efforts considérables, et aujourd'hui, ils exportent de nouveau. C'est la preuve que lorsque l'on fait un choix stratégique, lorsque l'on s'organise collectivement, on arrive à répondre non seulement au marché national, au marché européen mais aussi au marché mondial. C'est cela que nous devons parvenir à faire.
La contractualisation que nous proposons, en particulier au travers des caisses de sécurisation, consiste à dire, monsieur Chassaigne, que l'on peut même mettre de l'argent pour que le risque sur la variation d'un prix soit assumé par les parties contractantes – producteurs, industriels, mais aussi grande distribution, laquelle peut être partie prenante. Nous allons voir. Nous avons lancé un appel à projets. Nous avons fait des propositions. Nous verrons ce qui en résultera mais ce qui est sûr est qu'il faut s'organiser différemment et le dire haut et fort. N'en restons pas à des schémas qui ont peut-être eu leurs raisons d'être dans le passé mais qui aujourd'hui doivent être dépassés pour assurer l'avenir de notre agriculture, la rendre compétitive et garantir des revenus aux producteurs. C'est cela l'essentiel, ce qui doit nous mobiliser en permanence et continûment.
S'agissant de l'organisation collective en agriculture, je l'ai dit, l'agriculture de demain comptera deux piliers. La question du capital à investir a été posée. Celui-ci est de plus en plus important : les jeunes agriculteurs qui s'installent ont besoin de capital. Comment assurer le renouvellement de cette profession et avoir des agriculteurs demain si le capital à mobiliser pour s'installer devient inaccessible ?
Pour réussir ce pari, il faut que ce capital puisse être partagé, que les parts que détient chaque agriculteur dans une exploitation collective soient justement partagées, ce qui permet d'en renouveler les détenteurs, au profit notamment de jeunes qui peuvent trouver ainsi une partie du capital nécessaire et les moyens de le financer. C'est tout l'enjeu des GAEC – groupements agricoles d'exploitation en commun. Qu'on le veuille ou non, les 4 700 GAEC agréés sont une marche nécessaire pour garder à la fois la capacité à investir en capital – l'agriculture demande du capital – et la capacité à renouveler les générations en permettant à de jeunes agriculteurs de s'installer.
Les CUMA – coopératives d'utilisation de matériel agricole – sont un autre enjeu. À présent, les GIEE, sur la base des GAEC et des CUMA, doivent conduire à des stratégies de mutualisation, des stratégies environnementales, d'utilisation des produits phytosanitaires et d'autonomie fourragère. C'est ainsi que nous réussirons à organiser notre agriculture, à lui donner des perspectives en gardant des agriculteurs et à lui permettre d'être compétitive. Car nous avons besoin de cette compétitivité : on ne vend jamais que ce qui est susceptible d'être acheté sur le marché. Si plus personne n'achète nos produits agricoles, nous ne risquons pas de les produire ! Il faut que nous gardions cela en tête, tout en menant une stratégie globale.
On ne peut pas en rester seulement à la compétitivité-prix. C'est trop souvent votre biais, messieurs et mesdames les députés de l'opposition. A lieu d'y rester rivés, ouvrez les yeux ! (Interruptions sur les bancs du groupe Les Républicains.) Regardez comment on prépare l'avenir !
En conclusion, je voulais vous féliciter tous pour ce débat. Il devra se poursuivre : l'agriculture, les agriculteurs, les éleveurs sont un enjeu crucial, un enjeu social, je l'ai dit, un enjeu territorial, un enjeu d'hommes et de femmes passionnés. Passionnés, nous le sommes aussi. C'est pourquoi nous devons réussir tous ensemble. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
M. le président. Le débat est clos.
Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 30 septembre 2015