Déclaration de M. Harlem Désir, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur le budget de l'Union européenne, à l'Assemblée nationale le 19 octobre 2015.

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Circonstance : Débat à l'Assemblée nationale sur le prélèvement européen, le 19 octobre 2015

Texte intégral


Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire d'État chargé du budget,
Monsieur le Président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire,
Madame la Présidente de la commission des affaires européennes,
Madame la Rapporteure générale de la commission des finances,
Madame la Rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères,
Mesdames, Messieurs les Députés,
Le débat relatif au prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne est particulièrement important. D'abord parce qu'il concerne l'un des montants les plus importants en discussion dans le cadre du projet de loi de finances pour 2016. Ensuite parce qu'il permet d'effectuer un large examen des politiques communes de l'Union européenne, d'en vérifier la pertinence, d'en suivre les évolutions et les constantes. Il permet ainsi au Parlement d'analyser les relations financières entre la France et l'Union européenne, l'utilisation des fonds européens dans notre pays et l'efficacité des politiques européennes.
Cette année, le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne s'établit dans le projet de loi de finances pour 2016 à 21,509 milliards d'euros. Le calcul de la contribution française au financement du budget de l'Union européenne tient à deux facteurs : d'une part, une estimation du besoin de financement de l'Union ; d'autre part, une estimation du niveau des ressources, notamment de la part de la France dans le revenu national brut - RNB - de l'Union européenne. La hausse de notre contribution au financement du budget de l'Union européenne tient essentiellement à la prise en compte de l'entrée en vigueur prévisionnelle de la nouvelle décision relative au système des ressources propres de l'Union européenne, sur laquelle votre assemblée va être prochainement appelée à se prononcer.
En 2016, la France devra s'acquitter de façon rétroactive des corrections et rabais forfaitaires accordés à certains États membres au titre des années 2014 et 2015. Cet impact est estimé à 900 millions d'euros sur le prélèvement sur recettes de cette année. Cet effet rétroactif est analogue à celui du précédent cadre financier 2007-2013, pour lequel la décision sur le système des ressources propres était entrée en vigueur en 2009. Lors de la présentation de la nouvelle décision sur les ressources propres, j'aurai d'ailleurs l'opportunité de revenir plus longuement sur les modalités de financement du budget de l'Union européenne et sur la volonté du gouvernement de les réformer en profondeur pour les rendre plus lisibles, plus transparentes et plus équitables. Cela implique en particulier de revenir sur tous les mécanismes de correction qui se sont multipliés et sédimentés au fil du temps. C'est le sens des travaux du groupe à haut niveau que préside l'ancien président du Conseil italien et ancien commissaire européen Mario Monti, que j'ai eu l'occasion de recevoir. Nous soutenons sa démarche et souhaitons qu'il fasse des préconisations ambitieuses.
La France demeure le deuxième contributeur net en volume au budget de l'Union européenne, après l'Allemagne et devant le Royaume-Uni. En retour, la France est aussi le deuxième bénéficiaire en volume des dépenses de l'Union européenne en 2014, derrière la Pologne et devant l'Espagne. Elle a ainsi reçu 13,5 milliards d'euros en 2014. Cependant, nous ne pouvons - et nous ne devons pas - nous contenter d'une lecture comptable consistant à analyser des flux entre le budget de l'Union européenne et le budget national. Les avantages et les bénéfices de notre appartenance à l'Union européenne ne peuvent être réduits à cette seule donnée. Parler du budget de l'Union européenne, c'est parler des politiques européennes qui irriguent nos territoires, de notre participation à l'espace européen de la recherche, de la politique agricole commune, du financement des grandes infrastructures régionales ou transfrontalières, du soutien des fonds européens à notre tissu économique.
En définitive, c'est parler de l'orientation de ces politiques au service de la croissance et de l'emploi - je pense en particulier au Fonds social européen ou à la Garantie pour la jeunesse. C'est parler de ce que nous estimons être mieux à même de faire ensemble que chacun séparément, au risque de l'inefficacité. Je pense à l'Europe de l'énergie, au numérique ou à la politique spatiale européenne. Parler du budget, c'est finalement parler du projet pour l'Europe, de notre vision de l'avenir de l'Europe et des ambitions que nous voulons voir assignées à l'Union européenne dans son ensemble. Il ne s'agit donc pas d'esquiver les chiffres, mais de les éclairer.
Le projet de budget présenté par la Commission européenne pour 2016 s'élève, pour l'ensemble de l'Union européenne, à 153,8 milliards d'euros en crédits d'engagement et 143,6 milliards d'euros en crédits de paiement. Ce budget 2016 a ceci de particulier qu'au-delà de la mise en oeuvre de nos grandes priorités stratégiques, définies dans le cadre financier pluriannuel, il tient compte des nouveaux défis que doit relever l'Union européenne, avec par exemple la mise en oeuvre du plan d'investissements Juncker, la réponse à la crise des filières d'élevage et, bien sûr, l'ajustement de nos politiques communes pour faire face à la crise des réfugiés.
En premier lieu, ce budget traduit les grandes priorités de la programmation budgétaire 2014-2020, notamment la réorientation des politiques européennes en faveur de l'investissement, de la croissance et de l'emploi. Le budget de l'Union européenne pour 2016 se caractérise ainsi par la montée en charge des nouveaux programmes de la période de programmation financière 2014-2020, en particulier le programme Horizon 2020 pour la recherche, les universités et l'innovation, le programme Erasmus + pour la mobilité des jeunes, l'éducation et la formation tout au long de la vie, le Mécanisme pour l'interconnexion pour l'Europe, consacré aux investissements dans les infrastructures énergétiques, de transport et numériques. Sur toutes ces politiques, l'enjeu pour la France est de permettre à nos projets de bénéficier de financements européens. Il faut à cet égard se réjouir de l'augmentation de nos retours en 2014, dernière année de référence connue. En 2014, la France a ainsi perçu 570 millions d'euros au titre du programme Horizon 2020 et 182 millions pour Erasmus +. Elle est désormais, en volume, le premier bénéficiaire de ces programmes. Plusieurs projets français ont également été retenus par le comité de coordination du Mécanisme d'interconnexion pour l'Europe, en particulier le canal Seine-Escaut et la ligne ferroviaire Lyon-Turin, projets sur lesquels le gouvernement s'est beaucoup mobilisé.
Le projet de budget de l'Union européenne pour 2016 prévoit également des crédits pour la mise en place du Fonds européen pour les investissements stratégiques dans le cadre du Plan Juncker, afin de réaliser un total de 315 milliards d'euros d'investissement publics et privés au cours des trois prochaines années. En France, plus de 140 projets éligibles ont d'ores et déjà été identifiés. Plusieurs d'entre eux ont déjà reçu de premiers financements relais. Dans le même temps, les grandes politiques de l'Union européenne, en particulier la politique de cohésion, avec le Fonds européen de développement régional - FEDER - et le Fonds social européen - FSE -, doivent continuer à favoriser la croissance et l'emploi dans nos territoires. En France, le rôle des acteurs territoriaux sera accru, puisque les conseils régionaux sont devenus autorités de gestion de ces crédits européens pour maximiser leur effet de levier sur le développement local.
En second lieu, ce budget doit aussi nous permettre de répondre collectivement aux grandes crises auxquelles l'Union européenne est aujourd'hui confrontée. En effet, le projet de budget européen pour 2016, que le prélèvement sur recettes permet de financer, est aussi un budget de réponse aux urgences et aux crises. Je mentionnerai d'abord, dans le domaine de l'agriculture, la crise que connaît l'élevage depuis cet été. Les secteurs des produits laitiers et de la viande porcine, en particulier, souffrent de la faiblesse des prix du marché. Les facteurs de cette crise sont connus : excès d'offre sur les marchés lié notamment à la fin des quotas laitiers, embargos russes et demande chinoise moins importante que prévue sur les produits laitiers.
Le ministre de l'agriculture et l'ensemble du gouvernement se sont mobilisés pour trouver des solutions à l'échelle européenne. La France a obtenu en septembre la réunion d'un Conseil des ministres de l'agriculture exceptionnel. À cette occasion, la Commission a annoncé un paquet de 500 millions d'euros d'aides, notamment pour le lait en poudre et la viande porcine, qui sera pris en compte dans le budget 2016. Ce paquet budgétaire doit aussi permettre de répondre aux difficultés de trésorerie des agriculteurs. La France va ainsi recevoir une enveloppe de 62,9 millions d'euros d'aides supplémentaires. Les paiements aux agriculteurs seront effectués avant le 31 décembre. Le plan européen prévoit également des actions de stabilisation des marchés, avec de nouvelles mesures de stockage privé pour les produits laitiers, le fromage et le porc.
Sur la crise migratoire, les défis pour l'Europe sont colossaux ; ils ont été présentés par le Premier ministre devant l'Assemblée nationale. Je ne reviens pas sur les positions que nous avons défendues en Europe, qui traduisent un équilibre entre la solidarité et la responsabilité. Mais cette crise a aussi une dimension budgétaire. L'accueil des réfugiés, leur enregistrement dans les fameux centres d'enregistrement et d'accueil, les hot spots, la gestion de nos frontières extérieures communes, le renforcement de la lutte contre les passeurs, notamment l'opération maritime Sophia, au large des côtes libyennes, contre les trafiquants d'êtres humains en Méditerranée, le raccompagnement dans leur pays d'origine de ceux qui ne relèvent pas de la protection internationale, l'appui à des projets de développement dans ces pays, tout cela a un coût qu'il faut supporter. Il nous faut également aider les pays tiers de transit, en particulier les pays voisins de la Syrie confrontés à un afflux de réfugiés syriens - Liban, Jordanie, Turquie -, afin que ceux-ci puissent y être accueillis au mieux plutôt que de tenter à tout prix de rejoindre l'Europe.
Tous ces sujets ont été au coeur des débats des dernières réunions du Conseil européen. La Commission évalue l'effort budgétaire global pour répondre à la crise des réfugiés, en 2015 et en 2016, à 9,2 milliards d'euros. Ceci inclut certains montants déjà budgétés, mais également les nouvelles mesures annoncées lors du Conseil européen extraordinaire du 23 septembre, à hauteur de 1,7 milliard d'euros. Ces moyens budgétaires permettront notamment d'apporter des financements supplémentaires aux agences de l'ONU, comme le Haut-Commissariat pour les réfugiés ou le Programme alimentaire mondial. Ils permettront également de renforcer le Fonds asile, migration, intégration - FAMI - et le Fonds pour la sécurité intérieure - FSI -, de financer les augmentations d'effectifs annoncées dans les agences européennes sollicitées - Frontex, le Bureau européen d'appui en matière d'asile et Europol - ainsi que, en appui des États membres, la relocalisation de 160.000 personnes, laquelle résulte des décisions prises en juillet et en septembre derniers.
Mesdames, Messieurs les Députés, tels sont les grands enjeux du budget de l'Union européenne pour 2016. Financer l'Europe, c'est se donner les moyens de notre ambition européenne dans les grands domaines d'avenir comme face aux urgences et aux crises. C'est refuser de céder à la tentation du repli. C'est servir l'intérêt de l'Europe, donc l'intérêt de la France. Tel est l'enjeu de l'examen du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne sur lequel l'Assemblée nationale est appelée à se prononcer et que le gouvernement vous demande de soutenir.
(Interventions des parlementaires)
Mesdames et Messieurs les Députés, je vous remercie de vos interventions. Vous avez surtout insisté sur la nécessité d'avoir un budget suffisamment ambitieux au regard des politiques communes que nous souhaitons voir mener en Europe. Vous voulez également des politiques plus transparentes, plus équitables et plus prévisibles dans leurs mécanismes - souhait que le gouvernement partage totalement.
Madame la Rapporteure générale, vous avez raison de souligner que la prévisibilité de l'évolution de la contribution française au budget de l'Union serait souhaitable. C'est d'ailleurs en ce sens que nous menons des discussions avec la Commission européenne. Ce n'est toutefois pas facile, car le calcul de la contribution dépend de multiples facteurs, en particulier du niveau des crédits de paiement, qui est susceptible d'évoluer en fonction du niveau d'exécution des politiques communes dans les États membres, et de la variation des ressources propres qui dépendent de la part du revenu national brut de la France dans le revenu national brut de l'Union. Il est possible toutefois de faire plus simple.
Vous avez également insisté, comme Mme la Rapporteure, sur la nécessité d'accélérer le Plan Juncker. Le retard d'investissement de l'Europe, notamment par rapport aux États-Unis, reste en effet un obstacle à la croissance et à une reprise plus forte. Le problème concerne les investissements tant privés que publics. C'est précisément ce qui a motivé la décision, que nous avons pleinement soutenue, de lancer ce plan de soutien aux investissements, dont le nom porte celui du président de la Commission, M. Juncker.
Il faut quand même noter que le règlement relatif au Fonds européen pour les investissements stratégiques, l'instrument juridique qui va permettre de disposer d'environ 21 milliards d'euros pour servir de garantie ou de prise de participation dans des projets et aider à lever 315 milliards d'euros d'investissements, a été adopté au mois de juin de cette année, c'est-à-dire en un temps record, même si l'on peut toujours trouver que c'est trop long. Cela a d'ores et déjà permis de mettre en place les organes de fonctionnement de ce fonds : son directeur et sa directrice adjointe ont été recrutés, et le comité d'investissement va désormais pouvoir se réunir pour sélectionner les projets.
Comme plusieurs d'entre vous l'ont souligné, la Banque européenne d'investissement a déjà commencé, par anticipation, à sélectionner des projets, dont trois en France. Certains de ces projets portent d'ailleurs sur des domaines que vous avez considérés comme absolument prioritaires, en particulier le financement de la transition énergétique - recherche dans le domaine des énergies renouvelables, isolation de plusieurs dizaines de milliers de logements...
Je l'ai dit dans mon propos introductif : environ 140 projets que nous jugeons éligibles ont été identifiés par le Commissariat général aux investissements - CGI -, la Caisse des dépôts et la Banque publique d'investissement. Ces organismes, en particulier le CGI et la Caisse des dépôts, aident les porteurs de projets à présenter ces derniers devant le comité d'investissement et la Banque européenne d'investissement. Cependant, permettez-moi d'insister sur le fait que le CGI ne joue pas un rôle de filtre, mais constitue au contraire un appui et une aide.
Vous avez voulu évoquer le problème de la flexibilité. Vous avez très bien présenté le sujet des instruments spéciaux et de l'opposition qui existe entre le Conseil et le Parlement européen sur la possibilité de les mobiliser au-delà du plafond des crédits prévus. La position du Conseil s'explique bien sûr par l'impact qu'une budgétisation supérieure au plafond aurait sur le niveau des contributions nationales au financement de l'Union. D'ailleurs, cela pourrait entraîner une hausse du prélèvement sur recettes, et c'est une raison supplémentaire de défendre une refonte du système des ressources propres - j'y reviendrai, puisque plusieurs orateurs ont insisté sur ce point.
Vous avez également voulu mentionner le problème des restes à liquider. Leur augmentation est en grande partie liée à la politique de cohésion et au décalage entre les engagements, qui sont automatiques, et les paiements, qui dépendent de la mise en oeuvre opérationnelle des projets.
S'agissant des ressources propres, nous voulons, comme vous, une réforme en profondeur du système.
Vous avez également insisté sur la position du Conseil sur le budget 2016. Si le Conseil souhaite opérer des coupes par rapport à la proposition de la Commission européenne, celles-ci restent cependant modestes. Ainsi, le Conseil a opéré une coupe d'un peu plus de 500 millions d'euros par rapport à la proposition de la Commission, mais il a souhaité préserver les lignes dédiées à un certain nombre de crises, d'urgences, en particulier à la réponse à la crise des réfugiés. Depuis, la Commission a présenté une lettre rectificative à son projet de budget, qui permettra, comme je l'ai dit tout à l'heure, de mettre en oeuvre les dernières décisions prises en réponse à la crise migratoire.
S'agissant des marges sous plafond, il faut les conserver, car il s'agit d'un principe de bonne gestion en début de programmation qui nous permettra de conserver des marges de manoeuvre pour faire face à de nouveaux défis. Le recours à des redéploiements de crédits de paiement vise simplement à tenir compte du rythme d'exécution des différentes politiques. À aucun moment, le niveau des engagements, qui correspond à notre capacité réelle à agir, n'a été diminué. Nous dégageons bien de nouveaux moyens pour faire face, en particulier, à la crise des réfugiés.
Vous avez fait porter votre propos sur le budget, mais aussi sur les politiques générales de l'Union européenne. Je ne veux pas revenir sur l'ensemble des politiques de l'Union européenne - c'est un débat que nous devrons rouvrir -, mais sur le budget lui-même. Je veux appeler toute votre attention sur ce point : il n'est pas juste de le qualifier de libéral.
Ce budget permettra par exemple à la France de bénéficier, sur l'ensemble de la période de la programmation 2014-2020 - les montants annuels dépendent de l'exécution, comme je viens de l'expliquer -, de 26 milliards d'euros au titre des fonds structurels et d'investissement. Dans chacune de nos régions, nous voyons très bien à quoi ces fonds sont utilisés.
Je pense notamment au soutien à des universités - avec Mme Barbara Romagnan, j'étais récemment à Besançon, où nous avons visité un certain nombre d'équipements de recherche ou d'accueil des étudiants, qui sont financés grâce aux fonds européens. Financer l'université, ce n'est pas une politique libérale !
Ces fonds servent aussi à financer des infrastructures, souvent de transport, qui contribuent au désenclavement de nos régions et à la mise en oeuvre de grands projets ferroviaires - j'ai parlé de la ligne Lyon-Turin - ou fluviaux - j'ai aussi parlé du canal Seine-Nord-Europe.
Ce sont aussi des fonds pour l'agriculture - environ 9 milliards d'euros par an -, des fonds pour les dépenses de cohésion, ou encore l'Initiative européenne pour la jeunesse, qui permet un financement conjoint avec le FSE de la «garantie jeunes» destinée à ceux qui sont en recherche d'emploi et ont besoin d'être aidés dans leur formation au retour à l'emploi.
Tous ces dispositifs ne constituent en rien les éléments d'un budget libéral ! C'est, au contraire, un budget qui apporte de la justice sociale, qui soutient les investissements et qui prépare l'avenir.
Il est paradoxal que vous évoquiez la campagne des anti-européens britanniques pour critiquer le budget. Eux reprochent au budget européen d'être trop important et à l'Europe d'être trop régulatrice - c'est sur cette idée que sont fondées leurs critiques de l'Europe et du budget européen.
Quant aux remarques, elles soulignent, comme celles d'autres intervenants avant et après lui, la nécessité d'un nouveau système de ressources propres. La France a porté ce sujet d'une remise à plat du système de financement de l'Union européenne tout au long des négociations sur les perspectives financières 2014-2020. Les autorités françaises ont d'ailleurs présenté une contribution aux travaux du groupe de haut niveau présidé par Mario Monti sur les ressources propres ; nous avons notamment soutenu la création de nouvelles ressources propres qui assureraient au budget européen un financement plus autonome que ne le permet aujourd'hui le rôle prédominant des contributions basées sur le revenu national brut.
La France souhaite donc une réflexion large, qui examine un éventail de ressources potentielles à l'aune de plusieurs critères, au premier rang desquels le rendement, qui doit être suffisamment important. Certes, nous sommes favorables, par exemple, à l'utilisation d'une part de la taxe sur les transactions financières, dont on débat actuellement et qui serait mise en place dans le cadre d'une coopération renforcée entre onze États de l'Union européenne, mais nous avons tous déjà souhaité aussi qu'une part de cette taxe soit affectée à l'aide au développement ou à la lutte contre le changement climatique, entre autres. Ainsi, on voit bien que cette option ne serait pas suffisante, même si elle peut constituer une piste.
Il faut que le rendement des nouvelles ressources propres soit stable, afin d'éviter les aléas sur les contributions basées sur le RNB des États membres, et que les charges administratives liées à leur recouvrement ne soient pas trop lourdes. Il faut aussi que l'impact économique des nouvelles ressources soit cohérent avec les politiques de l'Union européenne.
On pense parfois à une forme de taxation qui soit écologique et qui puisse s'appuyer, par exemple, sur l'empreinte carbone. Cependant, il faut évidemment ajuster à chaque fois l'instrument que l'on envisage aux effets économiques qu'il pourrait entraîner.
Un projet de création de nouvelles ressources a davantage de chances d'aboutir si le dossier est suffisamment mûr - par exemple, si l'assiette fiscale est harmonisée et proche de la ressource RNB, afin d'éviter que l'introduction de cette nouvelle ressource produise des effets redistributifs entre États membres.
Nous sommes totalement engagés dans cette réflexion. La France demande également la remise à plat de l'ensemble des rabais et insiste sur l'importance d'une meilleure prévisibilité des contributions nationales, comme je l'ai dit tout à l'heure.
Vous avez d'abord évoqué la question des rabais. Je viens de le dire : nous pensons qu'il faut effectivement sortir de ce mécanisme.
Vous avez ensuite souligné la nécessité, pour la France, de faire des propositions ambitieuses, tant sur l'approfondissement de la zone euro que sur la convergence, la stabilité de la présidence de l'Eurogroupe et d'autres sujets comme la politique des migrations ou Schengen. Sur tout cela, non seulement nous sommes d'accord, puisque je pense comme vous que la France doit faire des propositions ambitieuses en la matière, mais c'est ce que nous faisons ! Si le Conseil européen extrêmement difficile de juillet dernier a pu aboutir à un accord sur la Grèce, c'est parce que la France voulait que la Grèce ne sorte pas de la zone euro et qu'elle a porté, avec l'Allemagne, une solution allant dans ce sens. C'est le président de la République qui a lancé le débat, en Europe, sur la nécessité d'une nouvelle étape dans l'intégration de la zone euro, avec un gouvernement économique de la zone euro, un budget de la zone euro et un Parlement de la zone euro. Actuellement, nous sommes évidemment en train de travailler, de débattre et de mettre en place, avec nos partenaires, cette nouvelle étape de l'intégration de la zone euro que vous avez vous-même appelée de vos voeux.
Quant à la réponse à la crise migratoire, le Premier ministre et le ministre de l'intérieur ont eu à plusieurs reprises l'occasion de s'exprimer devant votre assemblée. Ce sont également les positions de responsabilité et de solidarité défendues par la France qui ont permis de dessiner la réponse européenne qui doit maintenant être mise en oeuvre.
Mais quand vous affirmez que la France n'aurait pas la crédibilité nécessaire pour porter ses propositions, je trouve que votre propos est excessivement et inutilement polémique. Ne sous-estimez pas le poids de la France, ne dévalorisez pas le rôle que notre pays peut jouer dans le débat européen !
Pour illustrer vos propos, vous avez évoqué les déficits et le respect du Pacte de stabilité et de croissance. Or, contrairement à ce que vous affirmez, la situation est marquée par l'amélioration de notre capacité à respecter nos engagements européens - c'est cela qui est noté par nos partenaires et par la Commission européenne. Juste pour mémoire, je vous rappelle qu'en 2011, le déficit public était de 5,1%. En 2012, nous l'avions déjà ramené à 4,8%, notamment par le biais d'un projet de loi de finances rectificative soumis à votre assemblée au mois de juillet, qui a permis de réduire le déficit de 7 milliards d'euros. En 2013, il est passé à 4,1%, puis, en 2014, à 3,9%. En 2015, il sera de 3,8%. Dans le projet de loi de finances que vous examinez actuellement, il sera ramené à 3,3%. Nous respecterons donc le retour aux 3% d'ici à 2017, ce qui est notre engagement vis-à-vis de nos partenaires européens.
Ne sous-estimez pas le fait que la France retrouve, au contraire, sa crédibilité, parce qu'elle mène des réformes, parce qu'elle renforce sa compétitivité et parce qu'elle réduit ses déficits, ce qui donne de la force à sa voix dans le débat européen.
Vous avez souligné le fait que le budget était resserré et contraint par la montée des égoïsmes et des nationalismes. Vous avez, vous aussi, évoqué la question du rabais. Mais ce budget nous permet tout de même de mener de nombreuses politiques communes. J'ai déjà cité beaucoup de chiffres, concernant notamment la contribution de la France, et j'ai rappelé ce qu'ils représentent en 2016 à l'échelle de l'Union. Je veux le redire : 153 milliards d'euros en crédits d'engagement, c'est tout de même un budget qui permet une augmentation dans de nombreux domaines, en particulier ceux de la compétitivité, du Mécanisme d'interconnexion pour l'Europe, de l'agenda sur les migrations et des financements européens au service de nos ambitions.
Enfin vous avez également souligné la nécessité d'une très grande ambition européenne face aux crises et aux défis que nous voulons relever. Vous vous êtes félicité, par exemple, de l'augmentation du budget Erasmus +, qui favorise la mobilité des jeunes.
Vous avez aussi souligné, à juste titre, qu'il restait des domaines dans lesquels l'Europe doit être capable de financer des actions communes, en particulier en matière de politique extérieure et de défense. Il est vrai qu'aujourd'hui, le mécanisme Althéa permet uniquement de financer environ 10% de la logistique des opérations extérieures que nous sommes amenés à conduire dans des pays comme le Mali, où nous agissons pourtant sous mandat de la communauté internationale et dans l'intérêt de la sécurité de l'Europe. En effet, c'est un domaine où il y a encore des efforts à faire.
Dans le cadre de réunions du Conseil des ministres, le ministre de la défense comme moi-même avons eu l'occasion d'engager, avec d'autres collègues, un débat sur la façon dont les dépenses militaires doivent être prises ou non en compte dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance. Sortir ces dépenses du Pacte pourrait inciter les États membres à s'engager davantage sur ce terrain.
L'Europe est aujourd'hui entourée de régions qui subissent probablement les crises internationales les plus importantes. À l'est, c'est la crise en Ukraine, même si, grâce aux accords de Minsk, nous travaillons à un accord de paix. Au sud-est, ce sont les crises du Moyen-Orient. Au sud, de l'autre côté de la Méditerranée, nous sommes préoccupés par la situation en Libye et au Sahel. L'Europe devra s'engager davantage en matière de politique extérieure et de défense, en matière de coopération et de développement avec certains pays de son voisinage. À l'avenir, effectivement, son budget devra aussi être capable de porter cette ambition.
En conclusion, je souhaite, Mesdames, Messieurs les Députés, vous remercier pour la qualité du débat qui vient d'avoir lieu. Je me réjouis que l'immense majorité d'entre vous, et même la totalité des présents, aient la volonté de voir l'Europe dotée de la capacité d'agir. Je vous remercie donc d'avance pour le soutien que l'Assemblée nationale apportera à ce prélèvement sur recettes, donc au financement des politiques européennes.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 octobre 2015