Déclaration de Mme Martine Pinville, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, à la consommation et à l'économie sociale et solidaire, sur la remise en cause du modèle économique classique avec l'irruption du numérique dans le commerce, Paris le 19 octobre 2015

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Circonstance : "Rendez-vous du commerce", à Paris le 19 octobre 2015

Texte intégral

Monsieur le Président de la FEVAD, [Frédéric Momboisse]
Mesdames et messieurs
les chefs d'entreprises,
Monsieur le chef de service de la Direction Générale des Entreprises, [Nicolas Lermant]
Mesdames et messieurs,
Cela fait deux ans qu'un tel moment n'avait pas eu lieu. Je suis donc particulièrement heureuse de conclure cette manifestation. En effet, les rendez-vous du commerce ont ceci de précieux qu'ils permettent de mener un travail prospectif pour alimenter notre projet économique. C'est aussi pour cela que j'ai souhaité relancer cette dynamique, et je vous annonce d'ores et déjà, qu'un rendez-vous du commerce se tiendra le 30 novembre prochain sur la problématique du centre-ville. Cette rencontre aura pour thème «Dynamiser le commerce de centre-ville : ils l'ont fait !»
Monsieur le Président, François Momboisse, je me permets de souligner que la FEVAD est l'acteur incontournable du développement durable et éthique du e-commerce.
Aujourd'hui, la FEVAD se mobilise sur un sujet essentiel pour que nos entreprises gagnent en compétitivité et en part de marché : la transition numérique du commerce BtoB. Ces évolutions remettent aussi en cause notre modèle économique, l'organisation de nos marchés et de nos entreprises.
Ce sujet a mobilisé plusieurs acteurs, que je souhaite également saluer : Intershop, Oxatis, Stibo Systems, le CREDOC qui est, par ailleurs, dans la sphère de mon ministère au titre de la consommation, la Direction générale des Entreprises, et j'y reviendrai, et Next Content, cabinet qui a travaillé la mise en perspective de cette étude, raison pour laquelle, Jérôme Morlon son Directeur associé, a animé cette demi-journée.
Cette synergie entre les acteurs permet d'offrir aux entreprises une analyse claire et précise des enjeux de demain. Je dis fréquemment que la transition numérique n'est pas uniquement l'affaire des grands groupes, que les TPE-PME peuvent, doivent, s'en emparer. En effet, il pour tous, indépendamment des secteurs et des tailles des entreprises, de s'adapter, d'évoluer et de répondre au mieux aux besoins nouveaux ou aux besoins qui s'expriment sous de nouvelles formes, bref aux problématiques et défis contemporains. Innover pour mieux répondre aux attentes, innover c'est finalement développer le sens de l'autre.
Ce sujet questionne aussi les grands groupes, je le disais, et leur témoignage nourrit cette réflexion. En effet, ces grands groupes ont deux atouts particuliers dans ces travaux : présents dans différents pays, différents continents, ils y ont développé des capteurs des tendances et des innovations et cela les met en alerte très tôt. Précurseurs et contributeurs, les grands groupes peuvent également l'être avec une capacité forte à consacrer des ressources à détecter, rechercher, innover etc. Ministre du Commerce et de la Consommation, je mesure la complémentarité de ces approches avec l'agilité des TPE, par exemple.
C'est pour cela que je tiens à remercier LVMH pour l'apport très particulier qui a été le leur aux travaux que nous clôturons ce jour.
Et je terminerai ces remerciements par une mention particulière à la Direction Générale des Entreprises représentée ici par Nicolas Lermant pour son soutien direct à cette étude dont les enseignements vont alimenter les réflexions sur l'ensemble de mon portefeuille ministériel.
Merci donc à tous, pour votre implication dans ces travaux. J'en viens au cœur du sujet, c'est-à-dire la transition numérique dans le commerce inter-entreprises, ou commerce B2B.
Le e-commerce en France, quelques éléments pour situer le sujet. La Commission européenne classait en février dernier notre pays la 14è place des Etats membres par son indice relatif à l'économie et à la société numérique.
Nous pouvons reconnaître deux satisfécits majeurs : l'appropriation par les Français des compétences numériques et la modernisation de l'Etat et de ses services publics.
A l'inverse, la France perd des places sur les indicateurs liés aux entreprises.
Ces dernières sont globalement en retard lorsqu'il s'agit de leur transformation numérique, et ce retard est particulièrement frappant pour les PME et TPE, qui accusent un retard de développement sur la vente en ligne et à l'étranger.
En valeur, sur 385 Mds€ de ventes électroniques en 2013, 55 mds€ ont été réalisés depuis des sites ou services e-commerce. La France est en retard par rapport au Royaume-Uni et sa meilleure acculturation à l'Internet et aux TIC, à l'Allemagne, pour son tissu d'entreprises intermédiaires plus étoffé.
Je relève surtout que les distributeurs BtoB s'adressent à une clientèle de plus de 4 millions d'entreprises et de professionnels dont 95% sont des TPE. Mais ce sont les 5% restant qui font 80% de la valeur du commerce inter-entreprises.
Ces chiffres montrent le défi qui est devant nous pour déployer le numérique dans notre tissu économique.
La réalité quotidienne de notre économie, c'est un tissu d'artisans, de commerçants, de TPE, de PME.
L'activité au quotidien dans les territoires est avant tout celle de ces petites entreprises confrontées aux défis de court terme, de tenir un trimestre de plus quand les factures tardent à être payées, de trouver le bon profil pour réaliser une embauche ou de savoir si le carnet de commandes sera mieux rempli le mois d'après.
Tous ces défis apparemment éloignés des enjeux numériques sont autant de questions concrètes que le numérique peut aborder : quels outils de facturation électronique ou de suivi de clientèle ? Quelle stratégie de recrutement par les réseaux sociaux ? Quelle prospection et quelle vente en ligne – en direct ou via une place de marché ?
Les distributeurs commencent à en mesurer l'enjeu et le mouvement est en marche pour s'en saisir.
Je dirais que la première vie du commerce B to B était la génération de la transaction, j'entends par là le traitement des commandes, les fournisseurs d'informations sur les produits sans offrir la possibilité de réaliser une transaction sécurisée en ligne.
Une seconde vie s'ouvre, nous entrons dans la génération du contact. Les entreprises souhaitent, comme les consommateurs, interagir avec leurs clients, facilement, efficacement et en mobilisant tous les leviers disponibles. Le numérique occupe une place très importante dans les pratiques d'achats des clients professionnels ou entreprises et ce, à toutes les étapes : rechercher des fournisseurs, sélectionner des produits, préparer des achats et les grouper, gérer les commandes, le suivi et le traitement administratif des achats.
Ce tournant est fondamental, le numérique est un levier de conquête de nouveaux clients, un relais de croissance pour que les TPE-PME gagnent en compétitivité, en part de marchés, en notoriété.
Cet accès est également un enjeu industriel pour les entreprises, start-ups ou grands groupes, qui ont à développer des solutions innovantes adaptées au commerce.
Je remarque que l'adaptation des entreprises à la transition numérique réside dans un fort besoin en compétences numériques, cela semble plus déterminant que le besoin en matériel ou en équipements notamment. Il m'apparaît donc particulièrement important que les parcours de formations soient adaptés à cette transition professionnelle, que nous intégrons mieux ces enjeux lors de la formation initiale.
Mais aussi dans l'accompagnement et l'aide à la reconversion des salariés.
La formation initiale est une chose, le Gouvernement a conscience que cela ne suffit pas et ne répond pas à l'ensemble des attentes c'est pourquoi le programme «Transition numérique» a été lancé dès 2012.
Il s'appuie sur les «conseillers au numérique» présents notamment dans les CCI et les CMA. Conseillers publics, consultants privés, fournisseurs de solutions, tous peuvent accompagner les TPE qui ne disposent pas de Direction des Systèmes Informatiques dans leur transition numérique.
Le travail d'analyse plus fin notamment sur les secteurs de l'industrie, du commerce, pour les cafés, hôtels, restaurants, les voyages et les transports montrent certains objectifs particuliers, mais ces secteurs se retrouvent tous dans ces trois objectifs :
- l'amélioration du service, la différenciation et la fidélisation (nouveaux canaux d'informations, de contacts mais aussi de commandes) et ce, afin de s'adapter aux nouvelles pratiques d'achats ;
- l'amélioration de la productivité et la réduction des coûts, en automatisant et dématérialisant un certain nombre de tâches ou de processus (essentiellement pour le moment dans le traitement et la saisie des commandes);
-l'acquisition de nouveaux clients et relais de croissance.
Je suis sensible au secteur Cafés, Hôtels, Restaurant, qui est celui qui utilise le moins les ventes électroniques. Ces TPE investissent moins ce champ en raison d'un déficit de l'offre et de services numériques. A l'occasion du lancement des travaux de comité de filière, je ne manquerai pas d'inviter les organisations professionnelles à se saisir de ce sujet.
Pour conclure, je souhaiterais vous dire que le numérique ouvre, pour nos entreprises, un champ des possibles, peut-être même de renouveau dans certains secteurs. Ces évolutions sont autant d'opportunités pour celui qui les anticipe, les comprend, et sait en restituer les bénéfices.
Vous le savez, le projet de loi relatif à l'économie numérique que porte ma collègue Axelle Lemaire est ouvert à la contribution publique. Je vous invite à vous en saisir pour nourrir les questions du développement du très haut débit, le droit au référencement, la création d'un environnement favorable au développement des entreprises du e-commerce équilibré et équitable entre les petits et les grands acteurs. Tous ces projets s'inscrivent dans la continuité de la stratégie numérique du Gouvernement !
La transition numérique est encore largement devant nous : de nombreux acteurs ne sont pas encore dans cette aventure. C'est notre rôle, pouvoirs publics, de les accompagner dans les politiques nationales et territoriales.
Mais c'est aussi notre responsabilité collective, animée par le désir d'innover et d'entreprendre, de trouver les solutions. Nous ferons un point dans quelques temps, ensemble, sur les avancées concrètes que ces travaux auront pu engendrer, je sais pouvoir compter sur vous dans cette perspective.
Je vous remercie pour votre attention.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 22 octobre 2015