Interview de Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'Etat au numérique, à "France Inter" le 2 novembre 2015, sur les contours possibles du projet de loi sur la République numérique.

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Texte intégral

CATHERINE BOULLAY
Votre invitée ce matin, Eric DELVAUX, c'est Axelle LEMAIRE, la secrétaire d'Etat au Numérique.

ERIC DELVAUX
Oui, dans l'attente des derniers arbitrages sur votre projet de loi, qui porte en grande partie sur l'avenir des données numériques en France. Bonjour Axelle LEMAIRE.
AXELLE LEMAIRE
Bonjour.
ERIC DELVAUX
Un mot sur le calendrier d'abord, votre projet de loi n'a toujours pas été présenté en Conseil des ministres, sans cesse retardé, repoussé, finalement, c'est prévu pour quand ?
AXELLE LEMAIRE
Non, il n'a pas été retardé ou repoussé…
ERIC DELVAUX
On l'avait annoncé plus tôt…
AXELLE LEMAIRE
Il a simplement été construit différemment, et c'est vrai que la démocratie, surtout quand elle est ouverte, elle prend du temps, on a d'abord fait une large consultation pour identifier toutes les thématiques, et puis ensuite, une fois que le texte a été écrit, eh bien, on l'a rouvert aux contributions des internautes, cette période s'est terminée, aujourd'hui, on fait les arbitrages interministériels. Et puis après, toute la procédure reprend son cours, Conseil d'Etat, Conseil des ministres, commission parlementaire, puis, hémicycle de l'Assemblée nationale. Mais tout ça prend du temps.
ERIC DELVAUX
C'est d'ailleurs inédit pour un projet de loi cette grande consultation nationale citoyenne, chacun a donc pu apporter l'un des idées, l'autre des commentaires sur votre projet de loi numérique, combien, 200.000 personnes ont répondu, ont cliqué ?
AXELLE LEMAIRE
Alors, pas autant, mais il y a eu effectivement près de 150.000 votes parce que c'était un texte soumis aussi à, enfin, article par article : oui, je suis pour, je suis contre, ou j'ai un avis mitigé, et puis ensuite, il y a eu 8.500 contributions de fonds, où des gens ont commenté des articles, et plus de 700 nouveaux articles.
ERIC DELVAUX
Alors, qu'est-il ressorti de cette grande consultation nationale ?
AXELLE LEMAIRE
Alors, je ne peux pas encore annoncer ce qui a été arbitré, parce que, une fois qu'une proposition est faite, il faut que tous les ministères soient d'accord, et puis, au final, c'est le Premier ministre qui choisit. Et ça, ça va avoir lieu mercredi, le texte final sera rendu public ce vendredi. Mais je vous donne un exemple de nouvel article, qui en ce moment est soumis à arbitrage, ça concerne le sport électronique.
ERIC DELVAUX
Le e-sport !
AXELLE LEMAIRE
Le e-sport, qui est une pratique de plus en plus courante chez les Français, ils sont des millions et des millions à pratiquer le sport électronique, voire la compétition sportive en ligne, simplement, cette pratique, elle n'est pas du tout reconnue par les textes, aujourd'hui, elle n'existe pas en droit.
CATHERINE BOULLAY
Grâce à cette consultation, on apprend que la préoccupation majeure des internautes, c'est avant la protection de leur vie privée, et au même moment, on découvre que Les Républicains, donc le Parti Les Républicains va utiliser un logiciel qui s'appelle Nation Builder pour leurs primaires. C'est très intéressant, parce que, un clic va permettre en fait au parti de savoir beaucoup, beaucoup, beaucoup sur les gens qui vont voter à ces primaires grâce à leur page Facebook, aux liens qu'ils vont consulter, etc. Est-ce que ça, en tant que ministre, ça vous gêne ?
AXELLE LEMAIRE
Non, à la condition que tout ça soit fait dans le respect du droit, et il se trouve que, en France, la loi protège beaucoup les données personnelles de nos concitoyens, donc on peut faire ce qu'on appelle du Big Data, de l'analyse quantitative et qualitative de données à partir du moment où ces données, elles sont anonymisées, et que, initialement, si elles sont… elles restent des données personnelles, chaque personne concernée a donné son consentement. Sous ces réserves, non, pourquoi pas, ça permet de mieux connaître les participants et l'électorat.
ERIC DELVAUX
Je reviens à cette consultation nationale dont vous êtes en train d'exploiter, de faire le tri dans toutes ces avancées sur le net, est-ce que ça n'a pas été préempté par les lobbies de tout bord ?
AXELLE LEMAIRE
Alors non, d'ailleurs au départ ils ont préféré ne pas du tout contribuer…
ERIC DELVAUX
Quadrature du net, Wikimédia France, je pense encore à April qui soutien le logiciel Libre, eux n'ont pas du tout participé ?
AXELLE LEMAIRE
Si alors ils ont tous fini par participer, beaucoup certainement se disant finalement cette consultation, elle rencontre beaucoup de succès, donc il vaut mieux en être.
ERIC DELVAUX
Ce n'était pas du lobbying ?
AXELLE LEMAIRE
Non parce que, enfin moi en tout cas j'associe le terme lobbying à opacité et là en l'occurrence on a pu associer chaque proposition à leur auteur, que ce soit un groupement d'intérêt ou que ce soit des particuliers, des individus. Mais c'est vrai que les lobbyistes traditionnels, ils ont accès au cabinet ministériel sans devoir forcément publier en ligne au vu et au su de tout le monde leur suggestion, leur proposition. Là ce n'était pas le cas, donc finalement cet exercice d'ouverture, eh bien il permet aussi plus de transparence dans les propositions qui sont faites au gouvernement.
ERIC DELVAUX
L'un des chapitres de votre projet de loi numérique à propos du droit à l'oubli, pour les mineurs, vous souhaitez que la procédure de ce droit à l'oubli pour mineurs soit accélérée, est-ce que la CNIL par exemple pourrait avoir, si ce n'est un regard, même plus un droit de sanction si l'opérateur ne respecte pas les délais ?
AXELLE LEMAIRE
Oui, tout à fait. Alors c'est déjà le cas, la CNIL est le régulateur national qui s'assure du contrôle des données personnelles, seulement aujourd'hui son pouvoir de sanction est insuffisamment élevé contre un géant du web, le niveau maximum c'est 150 000 euros, donc autant dire cacahouète par rapport à la réalité économique de ces entreprises.
ERIC DELVAUX
Il faut le soutien de l'Europe pour faire changer les choses ?
AXELLE LEMAIRE
Voilà alors sur le niveau exact des sanctions, nous attendons que les négociations à Bruxelles se terminent et puis plus tard d'ici quelques mois le nouveau niveau de sanctions sera intégré dans le texte.
ERIC DELVAUX
Un dernier mot, demain vous partez pour le Web Summit de Dublin, c'est l'un des grands rendez-vous mondiaux pour les start-up, 190 start-up françaises sont du voyage, c'est plus que l'an dernier. Dans quel domaine les start-up françaises sont particulièrement compétentes ?
AXELLE LEMAIRE
Dans ce qu'on appelle les objets connectés, par exemple, toute la domotique notamment à la maison. Dans les technologies des infrastructures télécom, on est aussi pas mauvais dans tout ce qui est publicité, dans les biotechs, la MedTech et finalement la diversité des start-up françaises, elles reflètent la diversité de l'économie française, donc on est présent sur beaucoup beaucoup de secteurs et je dois dire que la French Tech va bien, elle a le vent en poupe, donc je me réjouis de participer au Web Summit en Irlande demain.
ERIC DELVAUX
Demain à Dublin, merci Axelle LEMAIRE, secrétaire d'Etat au Numérique.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 3 novembre 2015