Déclaration de M. Manuel Valls, Premier ministre, sur les priorités de la politique de la recherche, à Paris le 14 décembre 2015.

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Circonstance : Clôture de la conférence sur la stratégie nationale de la recherche, musée du quai Branly, à Paris le 14 décembre 2015

Texte intégral

Madame la ministre, monsieur le ministre,
Mesdames, messieurs les parlementaires,
Mesdames, messieurs les membres du Conseil stratégique de la recherche,
Monsieur l'administrateur du Collège de France,
Messieurs les présidents d'organismes de recherche,
Madame, messieurs les présidents des conférences des présidents d'établissements d'enseignement supérieur,
Mesdames, messieurs les professeurs,
Monsieur le Commissaire général à l'investissement,
Monsieur le Président du musée du quai Branly,
Mesdames, messieurs,
Chers étudiants,
J'ai l'habitude de dire – non pas par incantation … mais parce que c'est vérifié empiriquement, j'oserai dire « prouvé scientifiquement » … – que la France est un grand pays.
Grand pays, notamment, par sa recherche : ses scientifiques, ses professeurs, ses étudiants.
La France est au 5e rang des pays de l'OCDE pour l'effort de recherche ! Au 4e rang pour le nombre de publications scientifiques ! Au 3e rang des destinations les plus attractives pour les étudiants étrangers ! 41 % de nos docteurs viennent, d'ailleurs, d'autres pays.
La France compte également – vous le savez, et je salue ceux qui sont avec nous – de nombreux lauréats du prix Nobel et de la médaille Fields.
La France est grande par sa recherche ; elle l'est aussi par ses musées.
Et quel plus beau lieu pour parler de transmission des savoirs, d'échanges entre les disciplines, les talents, que ce Musée du quai Branly – un espace de culture, mais aussi un centre de formation et de recherche.
Comment, ici, ne pas affirmer que la seule voie que la France peut prendre, c'est la voie de l'intelligence, de l'ouverture au monde ; pas celle du repli, du retour en arrière, que certains proposent ?
Non, la France, c'est une ambition, un idéal de progrès scientifique, technologique, mais aussi de progrès humain et social. C'est à cet idéal que la recherche française a toujours apporté sa pierre.
Aujourd'hui, dans un monde en pleine mutation, il faut poursuivre et accentuer nos efforts pour que la recherche française soit toujours à la pointe.
C'est l'objectif de cette conférence.
Elle est ce moment où nous nous disons les choses, où nous fixons les grandes échéances, où nous faisons, ensemble, des choix pour l'avenir.
I. Le Gouvernement agit pour la recherche
Je suis conscient des difficultés que le monde de la recherche peut connaître.
Il y a ce sentiment qu'ont les laboratoires, les centres de recherche, les universités, de manquer de moyens, d'équipements.
Il y a les obligations administratives qui s'ajoutent au travail de recherche. Votre carrière vous occupe à temps plein … mais aussi le soir, le weekend ! Une carrière-passion, qui exige de ceux qui l'épousent enthousiasme … engagement … abnégation. Et il y a parfois, malgré cela, le manque de reconnaissance.
Il y a aussi le doctorat trop peu valorisé.
Depuis trois ans, des choix ont été faits pour permettre à notre recherche d'être à la hauteur des attentes que nous plaçons en elle.
A nouveau, cette année, le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche sera conforté et les moyens de fonctionnement des opérateurs et des agences – comme l'Agence nationale de la recherche – maintenus. Et nous veillons à ce que l'emploi scientifique soit préservé.
Nous apportons aussi d'autres financements à la recherche grâce aux investissements d'avenir – j'y reviendrai –, grâce aux contrats de plan Etat-région, mais aussi aux fonds européens – car vous êtes les fers de lance d'une Europe de la recherche qui se construit.
Et je voudrais saluer les initiatives qui y contribuent : dans deux jours, Najat VALLAUD-BELKACEM et Thierry MANDON remettront ainsi les prix « Etoiles de l'Europe » aux auteurs des projets les plus innovants.
Il y a les financements … Il y a aussi notre ambition pour la recherche.
Cette ambition, vous la connaissez : liberté, bien sûr, pour les chercheurs, de mener leur recherche comme ils l'entendent, de lancer des pistes, de prendre des risques. Plus de la moitié des financements publics pour la recherche sont ainsi directement consacrés à la recherche fondamentale.
Mais, notre ambition, c'est aussi la meilleure diffusion des résultats de cette recherche, qui doit plus encore irriguer nos industries, nos entreprises.
C'est, bien sûr, déjà le cas. Je pense, par exemple, au partenariat entre le CNRS, cher Alain FUCHS, et Saint-Gobain, qui a permis des avancées importantes sur les vitres intelligentes. Je l'ai vu à Tokyo, sur votre stand à l'exposition de l'année franco-japonaise de l'innovation !
La recherche doit, aussi, éclairer l'élaboration de nos politiques publiques ; je pense notamment au rôle qu'elle doit jouer – à sa responsabilité immense – pour mieux comprendre les phénomènes de radicalisation ; le président d'Athéna y travaille depuis le mois de janvier. C'est ainsi que, tous, nous pourrons avancer.
Il fallait aller plus loin et se doter – comme d'autres grandes puissances scientifiques – d'une stratégie nationale de recherche.
L'élan a été donné par la loi FIORASO de juillet 2013, qui a débouché à la fois sur une Stratégie nationale de recherche et sur une Stratégie nationale pour l'enseignement supérieur : elles se complètent et doivent agir de concert. J'ai présenté ces orientations à Besançon il y a un an, devant les étudiants, les chercheurs et toute la communauté universitaire.
La Stratégie nationale de recherche, présentée par le Conseil stratégique de la recherche, est le fruit d'un travail patient qui a rassemblé tous les acteurs, publics et privés, les partenaires économiques et sociaux, les représentants du monde associatif et de la société civile.
Cette Stratégie a un objectif clair : se doter d'une vision d'ensemble sur la manière dont la recherche répond – ou non – aux enjeux globaux auxquels nous faisons face : transition énergétique, numérique, santé, mobilité … Et agir en conséquence.
Le programme consacré à « l'analyse et la gestion du risque climatique » permet ainsi de faire le lien entre la recherche et la décision publique : la conférence Paris Climat a montré à quel point ce lien est nécessaire. Les scientifiques sont aux avant-postes : ils éclairent, alertent les pouvoirs publics – 72 prix Nobel viennent de le faire.
C'est essentiel pour préparer l'avenir de notre planète … Pour préparer, aussi, celui de notre industrie, pour faire que les nouvelles technologies vertes voient le jour en France ! Et donc pour réussir sur le terrain de la croissance et de l'emploi.
Car – dans un contexte de concurrence toujours accrue – notre pays doit pouvoir avancer ses pions.
Nous agissons également pour gagner en attractivité, en rayonnement international, tout en accompagnant tous les étudiants vers la réussite.
Les établissements d'enseignement supérieur ont pour cela commencé à se regrouper – comme le prévoit la loi FIORASO – au sein de grands pôles, dans lesquels les organismes de recherche ont toute leur place.
Notre pays va ainsi se doter d'universités de recherche de rang mondial ; nous avons besoin de grands champions nationaux, mieux identifiables, mieux reconnus, plus attractifs.
II. Nous devons poursuivre sur cette voie
Beaucoup a été fait … Mais, soyons lucides, beaucoup reste à faire. Et donc nous devons poursuivre, ne pas hésiter, ne pas relâcher nos efforts.
Trois mots d'ordre guident notre action.
Le premier : investir.
Le programme d'investissements d'avenir permet d'accompagner l'évolution du paysage de l'enseignement supérieur et de la recherche, en particulier l'exigence de regroupement des établissements pour en faire de grandes universités de recherche de rang mondial - c'est tout l'enjeu des « initiatives d'excellence ». L'Etat maintiendra cette exigence lors des évaluations à venir.
En plus de soutenir ces grands pôles, les investissements d'avenir doivent aussi accompagner des projets de recherche et de formation sur tout le territoire. L'objectif : valoriser le meilleur de chaque site, en fonction de standards d'excellence internationaux.
Le programme d'investissements d'avenir permettra aussi de soutenir les échanges accrus entre les disciplines grâce à l'action « Instituts Convergences » que nous avons voulu lancer : des centres qui intègreront les sciences dites « dures », le numérique, les sciences humaines et sociales, le monde socio-économique, et développeront des formations d'excellence. Je souhaite que les premiers centres voient le jour dès juillet 2016.
Le programme d'investissements d'avenir doit en effet être l'occasion d'une grande mobilisation pour soutenir les initiatives qui regroupent programmes de recherche et formations innovantes.
Il doit plus généralement permettre de prendre – y compris en adaptant les cadres réglementaires – de nouvelles initiatives, de tester des démarches innovantes, d'expérimenter ! C'est après tout au coeur de votre ADN !
La prochaine vague du Programme d'investissements d'avenir sera ainsi dotée – le Président de la République l'a annoncé – de 10 milliards d'euros. Je souhaite que l'enseignement supérieur et la recherchent puissent s'emparer de toutes les opportunités ainsi créées.
Le deuxième mot d'ordre : simplifier.
Simplifier les procédures, les démarches administratives qui entravent votre travail.
Simplifier l'organisation de notre dispositif d'enseignement supérieur et de recherche, qui doit devenir plus lisible.
Simplifier et faire évoluer, aussi, le dialogue entre l'Etat et les universités.
Thierry MANDON … qui connaît bien ces questions de simplification … y veille. Une consultation en ligne sera ainsi lancée dans les prochains jours pour faire émerger des réponses concrètes aux difficultés et contraintes que vous rencontrez dans votre travail quotidien.
Le troisième mot d'ordre, c'est ouvrir : ouvrir des opportunités, élargir les horizons.
Cela veut dire, d'abord, donner accès à l'enseignement supérieur au plus grand nombre. Le président de la République l'a rappelé : d'ici 2023, 60 % des jeunes d'une classe d'âge doivent obtenir un diplôme universitaire. Ce qui implique d'agir dès le lycée pour mieux orienter les élèves – c'est ce que j'ai rappelé à Avignon à la rentrée.
Et il faut également mieux accompagner les docteurs en augmentant les débouchés, en leur permettant de diversifier leur carrière, dans le public, mais aussi dans le privé, où ils peuvent devenir des « passeurs de recherche ».
Mesdames, messieurs,
La France a besoin de la recherche. Nous avons besoin de vous qui croyez en la très grande liberté de l'esprit humain ; qui travaillez, chaque jour, pour le progrès, avec les outils qui sont les vôtres : la lucidité, la rigueur, l'exigence, l'esprit critique ; de vous qui bâtissez, patiemment, minutieusement, courageusement, la France de demain.
Vous toutes et vous tous faites la fierté de notre pays ! Et c'est ce message que nous voulions vous délivrer aujourd'hui : vive la recherche française ! Elle a tant d'atouts, tant de talents !
Et en même temps qu'elle invente, la recherche doit pouvoir se réinventer.
Soyez-en assurés : nous serons toujours là pour y travailler avec vous.
Je vous remercie.source http://www.enc-sorbonne.fr, le 21 décembre 2015