Texte intégral
(...)
Q - Harlem Désir, je le disais, vous êtes auditionné dans quelques instants au Sénat sur le Conseil européen de décembre dernier, un Conseil européen au cours duquel aucune solution, aucune vraie solution n'a été trouvée sur la crise migratoire. Est-ce que cette crise migratoire, c'est le symbole de l'impuissance de l'Union européenne ?
R - Cette crise migratoire, cette crise des réfugiés à laquelle s'est ajoutée depuis le début de l'année dernière la crise du terrorisme - avec les attentats à Paris mais aussi en Belgique, à Copenhague, et aujourd'hui même encore un terrible attentat à Istanbul dont la majorité des victimes sont des citoyens allemands, donc des citoyens européens - ce sont deux crises qui mettent l'Europe à l'épreuve parce que c'est la question de la sécurité qui est maintenant la première en Europe. Or, l'Europe est un peu prise au dépourvu parce qu'elle n'a pas été bâtie autour de ces sujets. L'Europe a été bâtie autour des questions économiques (le marché commun, la politique agricole, la politique commerciale, la monnaie commune) et aujourd'hui elle ne peut pas échapper à ce défi de l'histoire. Il fallait donc lors de ce Conseil européen du mois de décembre que des décisions soient prises mais surtout que la mise en oeuvre des décisions déjà prises soit effective, parce que dès les lendemains des attentats de Paris, nous avons demandé que toute une série de mesures soient prises. Je pense par exemple au PNR, le registre des passagers du transport aérien. Cela fait cinq ans qu'on en discute et il y a enfin eu un accord, qui doit maintenant être voté par le Parlement européen. J'évoquais tout à l'heure la protection des frontières extérieures, la mise en place de garde-frontières européens. Il faut maintenant que tous les États membres apportent leur concours à l'agence Frontex qui doit désormais pouvoir venir en renfort de la Grèce par exemple et de l'Italie pour contrôler les arrivées de réfugiés, pour que dans ces fameux centres d'enregistrement, les hotspots, on puisse faire la part entre ceux qui ont besoin d'une protection internationale et ceux qui relèvent de l'immigration irrégulière et doivent donc être raccompagnés dans leur pays, dans le cadre d'une politique de coopération. Tous ceux qui vont être accueillis doivent voir leur identité vérifiée, leurs empreintes digitales contrôlées, leurs documents vérifiés de manière à vérifier qu'ils n'ont pas de faux documents, de faux passeports, syriens par exemple.
L'Europe doit s'armer aujourd'hui face à des défis de sécurité, face à des défis de protection de ses frontières pour protéger ses acquis en matière de liberté et notamment Schengen. On voit bien que si nous ne sommes pas en mesure de faire cela, de contrôler les entrées et les frontières extérieures communes de l'Europe, tous les États membres, même ceux qui ont la réputation d'être les plus ouverts, les plus accueillants - on a vu la décision de la Suède et du Danemark ces derniers jours - fermeront progressivement leurs frontières. Lors de ce Conseil européen, le président de la République a surtout insisté pour que les décisions que nous avons obtenues avec Bernard Cazeneuve dans les réunions de ministres de l'intérieur et de la justice auxquelles participait aussi Christiane Taubira, soient véritablement mises en oeuvre, que les moyens soient donnés à cette agence européenne, l'agence Frontex, en matière budgétaire, en matière de personnels et que les contrôles à nos frontières soient opérés.
Q - On a bien ...depuis ce Conseil européen, se sont passés les événements de Cologne, est-ce que comme Angela Merkel, vous êtes favorable à l'expulsion des réfugiés condamnés, y compris avec du sursis ?
R - D'abord, quand il y a des agressions, quand il y a des viols, quand il y a des attaques contre des femmes, contre des citoyens, toute la lumière doit toujours être faite, c'est une première leçon, la transparence.
Q - Vous êtes favorable à l'expulsion de ces réfugiés ?
R - Je crois que la première leçon que tout le monde tire est qu'il ne peut pas y avoir de tentation de cacher une partie de la vérité parce que cela serait gênant. S'il y a des réfugiés ou des résidents étrangers qui sont impliqués dans des crimes dans un pays d'Europe, ils doivent être condamnés par la justice, comme n'importe quel justiciable, à des peines qui peuvent être des peines d'emprisonnement. Et s'il s'agit d'étrangers qui ont été accueillis et en particulier de réfugiés, qui sont venus parce qu'ils étaient eux-mêmes persécutés, ils ne peuvent pas garder leur place dans des pays démocratiques qui leur ont ouvert les bras. Je comprends donc tout à fait évidemment la fermeté de la chancelière.
Q - Vous évoquiez l'attentat qui a eu lieu ce matin en Turquie, est-ce que cet attentat renforce vos craintes sur la perméabilité de la frontière entre la Turquie et la Syrie ?
R - D'abord, je veux exprimer ma solidarité à la Turquie qui est, une fois encore, durement éprouvée par le terrorisme. Il y avait déjà eu des attentats ces dernières semaines, à la fin de l'an dernier en particulier à Ankara. Solidarité aussi, je l'ai dit à l'égard de l'Allemagne et de toutes les victimes parce que beaucoup de ces victimes étaient des touristes, des citoyens européens qui étaient en en visite à Istanbul. Cela montre d'abord que nous sommes tous concernés par le terrorisme, les pays de l'Union européenne, les pays voisins, le Liban qui a été aussi l'objet d'attaques très dures, la Tunisie, le Mali avec cette attaque qui a eu lieu dans un hôtel à Bamako. Il faut donc non seulement que l'Europe soit capable, parce que nous sommes une communauté, de prendre des mesures collectives en utilisant mieux par exemple Europol, les échanges d'informations entre nos services de police, nos services de renseignement mais aussi que nous ayons une très forte coopération internationale et notamment avec la Turquie en raison, vous l'avez dit, de cette frontière avec la Syrie et la Turquie évidemment coopère avec les pays de l'Union européenne, notamment avec la France. Cet attentat montre le caractère absolument nécessaire et indispensable de cette coopération.
Mais dans ce moment, je veux surtout dire à quel point nous devons être solidaires ensemble face à ce terrorisme qui veut remettre en cause la paix civile dans tous nos pays. Il ne vise pas seulement à assassiner des hommes, des femmes d'une façon lâche et odieuse. Il vise à assassiner la possibilité même pour nos sociétés de continuer à vivre dans la démocratie, dans la paix civile, dans l'ouverture, dans la fraternité.
Q - Votre homologue italien Sandro Gozi réclame un vrai débat pour relancer l'Union européenne, il parle d'affaiblissement des institutions européennes et va même jusqu'à évoquer un risque de désintégration, est-ce que vous partagez son analyse ?
R - Oui totalement parce que, on le voit, l'année 2016, c'est l'année de tous les dangers pour l'Europe.
Q - Il y a un risque de désintégration de l'Union européenne ?
R - Vous avez un pays, la Grande-Bretagne dans lequel sera organisé un référendum sur le maintien ou non dans l'Union européenne ; il y a le comportement d'un certain nombre de gouvernements par rapport à l'État de droit qui peuvent être des comportements inquiétants. Je pense à ce qui s'est passé en Hongrie, à ce qui se passe en Pologne autour de la de la Cour constitutionnelle et la Commission européenne va débattre demain de ce sujet et va, après déjà avoir demandé des explications, veiller au respect des valeurs communes de l'Union européenne.
Il y a eu parfois un manque de solidarité, on l'a vu dans la crise grecque et heureusement que le président de la République s'est battu pour que, finalement, la décision que nous avons soutenue avec l'Allemagne soit le maintien de la Grèce dans la zone euro. Le manque de solidarité quand il s'agissait aussi de la répartition solidaire dans l'accueil des réfugiés avec un certain nombre de pays prétendant ne pas avoir à participer à cette solidarité. Donc je crois que les pays qui ont fondé l'Union européenne et ceux qui ont rejoint toutes les politiques communes - l'euro, Schengen - et qui sont les plus attachées au projet européen, devront beaucoup se mobiliser. L'objectif de la France est effectivement de relancer le projet européen. Face à des menées régressives, intentionnelles ou non, parce qu'il y a quand même aussi une montée des populismes dans beaucoup de nos pays, des populismes anti-européens, il faut qu'il y ait une stratégie offensive. C'est celle que nous voulons mettre en oeuvre cette année, avec l'Allemagne, avec l'Italie et avec les pays du coeur de l'Europe, pour répondre aux défis du terrorisme, de la crise des réfugiés qui est aussi un défi pour nos valeurs, notre capacité d'accueil mais aussi au défi de la croissance, au défi de la mise en oeuvre des décisions de la COP21, c'est-à-dire d'une Europe qui soit pionnière dans le domaine de l'énergie, d'une Europe de la jeunesse aussi, de la mobilité en développant par exemple les programmes Erasmus pour les jeunes apprentis. C'est un des projets que je soutiens en coopération avec l'Allemagne. Le projet européen sera à l'ordre du jour du conseil des ministres de demain matin, il y aura une communication du Premier ministre sur ce point. L'année 2016 pour la France doit être une année pour redresser l'Europe.
Q - Merci beaucoup Harlem Désir !
R - Merci.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 janvier 2016
Q - Harlem Désir, je le disais, vous êtes auditionné dans quelques instants au Sénat sur le Conseil européen de décembre dernier, un Conseil européen au cours duquel aucune solution, aucune vraie solution n'a été trouvée sur la crise migratoire. Est-ce que cette crise migratoire, c'est le symbole de l'impuissance de l'Union européenne ?
R - Cette crise migratoire, cette crise des réfugiés à laquelle s'est ajoutée depuis le début de l'année dernière la crise du terrorisme - avec les attentats à Paris mais aussi en Belgique, à Copenhague, et aujourd'hui même encore un terrible attentat à Istanbul dont la majorité des victimes sont des citoyens allemands, donc des citoyens européens - ce sont deux crises qui mettent l'Europe à l'épreuve parce que c'est la question de la sécurité qui est maintenant la première en Europe. Or, l'Europe est un peu prise au dépourvu parce qu'elle n'a pas été bâtie autour de ces sujets. L'Europe a été bâtie autour des questions économiques (le marché commun, la politique agricole, la politique commerciale, la monnaie commune) et aujourd'hui elle ne peut pas échapper à ce défi de l'histoire. Il fallait donc lors de ce Conseil européen du mois de décembre que des décisions soient prises mais surtout que la mise en oeuvre des décisions déjà prises soit effective, parce que dès les lendemains des attentats de Paris, nous avons demandé que toute une série de mesures soient prises. Je pense par exemple au PNR, le registre des passagers du transport aérien. Cela fait cinq ans qu'on en discute et il y a enfin eu un accord, qui doit maintenant être voté par le Parlement européen. J'évoquais tout à l'heure la protection des frontières extérieures, la mise en place de garde-frontières européens. Il faut maintenant que tous les États membres apportent leur concours à l'agence Frontex qui doit désormais pouvoir venir en renfort de la Grèce par exemple et de l'Italie pour contrôler les arrivées de réfugiés, pour que dans ces fameux centres d'enregistrement, les hotspots, on puisse faire la part entre ceux qui ont besoin d'une protection internationale et ceux qui relèvent de l'immigration irrégulière et doivent donc être raccompagnés dans leur pays, dans le cadre d'une politique de coopération. Tous ceux qui vont être accueillis doivent voir leur identité vérifiée, leurs empreintes digitales contrôlées, leurs documents vérifiés de manière à vérifier qu'ils n'ont pas de faux documents, de faux passeports, syriens par exemple.
L'Europe doit s'armer aujourd'hui face à des défis de sécurité, face à des défis de protection de ses frontières pour protéger ses acquis en matière de liberté et notamment Schengen. On voit bien que si nous ne sommes pas en mesure de faire cela, de contrôler les entrées et les frontières extérieures communes de l'Europe, tous les États membres, même ceux qui ont la réputation d'être les plus ouverts, les plus accueillants - on a vu la décision de la Suède et du Danemark ces derniers jours - fermeront progressivement leurs frontières. Lors de ce Conseil européen, le président de la République a surtout insisté pour que les décisions que nous avons obtenues avec Bernard Cazeneuve dans les réunions de ministres de l'intérieur et de la justice auxquelles participait aussi Christiane Taubira, soient véritablement mises en oeuvre, que les moyens soient donnés à cette agence européenne, l'agence Frontex, en matière budgétaire, en matière de personnels et que les contrôles à nos frontières soient opérés.
Q - On a bien ...depuis ce Conseil européen, se sont passés les événements de Cologne, est-ce que comme Angela Merkel, vous êtes favorable à l'expulsion des réfugiés condamnés, y compris avec du sursis ?
R - D'abord, quand il y a des agressions, quand il y a des viols, quand il y a des attaques contre des femmes, contre des citoyens, toute la lumière doit toujours être faite, c'est une première leçon, la transparence.
Q - Vous êtes favorable à l'expulsion de ces réfugiés ?
R - Je crois que la première leçon que tout le monde tire est qu'il ne peut pas y avoir de tentation de cacher une partie de la vérité parce que cela serait gênant. S'il y a des réfugiés ou des résidents étrangers qui sont impliqués dans des crimes dans un pays d'Europe, ils doivent être condamnés par la justice, comme n'importe quel justiciable, à des peines qui peuvent être des peines d'emprisonnement. Et s'il s'agit d'étrangers qui ont été accueillis et en particulier de réfugiés, qui sont venus parce qu'ils étaient eux-mêmes persécutés, ils ne peuvent pas garder leur place dans des pays démocratiques qui leur ont ouvert les bras. Je comprends donc tout à fait évidemment la fermeté de la chancelière.
Q - Vous évoquiez l'attentat qui a eu lieu ce matin en Turquie, est-ce que cet attentat renforce vos craintes sur la perméabilité de la frontière entre la Turquie et la Syrie ?
R - D'abord, je veux exprimer ma solidarité à la Turquie qui est, une fois encore, durement éprouvée par le terrorisme. Il y avait déjà eu des attentats ces dernières semaines, à la fin de l'an dernier en particulier à Ankara. Solidarité aussi, je l'ai dit à l'égard de l'Allemagne et de toutes les victimes parce que beaucoup de ces victimes étaient des touristes, des citoyens européens qui étaient en en visite à Istanbul. Cela montre d'abord que nous sommes tous concernés par le terrorisme, les pays de l'Union européenne, les pays voisins, le Liban qui a été aussi l'objet d'attaques très dures, la Tunisie, le Mali avec cette attaque qui a eu lieu dans un hôtel à Bamako. Il faut donc non seulement que l'Europe soit capable, parce que nous sommes une communauté, de prendre des mesures collectives en utilisant mieux par exemple Europol, les échanges d'informations entre nos services de police, nos services de renseignement mais aussi que nous ayons une très forte coopération internationale et notamment avec la Turquie en raison, vous l'avez dit, de cette frontière avec la Syrie et la Turquie évidemment coopère avec les pays de l'Union européenne, notamment avec la France. Cet attentat montre le caractère absolument nécessaire et indispensable de cette coopération.
Mais dans ce moment, je veux surtout dire à quel point nous devons être solidaires ensemble face à ce terrorisme qui veut remettre en cause la paix civile dans tous nos pays. Il ne vise pas seulement à assassiner des hommes, des femmes d'une façon lâche et odieuse. Il vise à assassiner la possibilité même pour nos sociétés de continuer à vivre dans la démocratie, dans la paix civile, dans l'ouverture, dans la fraternité.
Q - Votre homologue italien Sandro Gozi réclame un vrai débat pour relancer l'Union européenne, il parle d'affaiblissement des institutions européennes et va même jusqu'à évoquer un risque de désintégration, est-ce que vous partagez son analyse ?
R - Oui totalement parce que, on le voit, l'année 2016, c'est l'année de tous les dangers pour l'Europe.
Q - Il y a un risque de désintégration de l'Union européenne ?
R - Vous avez un pays, la Grande-Bretagne dans lequel sera organisé un référendum sur le maintien ou non dans l'Union européenne ; il y a le comportement d'un certain nombre de gouvernements par rapport à l'État de droit qui peuvent être des comportements inquiétants. Je pense à ce qui s'est passé en Hongrie, à ce qui se passe en Pologne autour de la de la Cour constitutionnelle et la Commission européenne va débattre demain de ce sujet et va, après déjà avoir demandé des explications, veiller au respect des valeurs communes de l'Union européenne.
Il y a eu parfois un manque de solidarité, on l'a vu dans la crise grecque et heureusement que le président de la République s'est battu pour que, finalement, la décision que nous avons soutenue avec l'Allemagne soit le maintien de la Grèce dans la zone euro. Le manque de solidarité quand il s'agissait aussi de la répartition solidaire dans l'accueil des réfugiés avec un certain nombre de pays prétendant ne pas avoir à participer à cette solidarité. Donc je crois que les pays qui ont fondé l'Union européenne et ceux qui ont rejoint toutes les politiques communes - l'euro, Schengen - et qui sont les plus attachées au projet européen, devront beaucoup se mobiliser. L'objectif de la France est effectivement de relancer le projet européen. Face à des menées régressives, intentionnelles ou non, parce qu'il y a quand même aussi une montée des populismes dans beaucoup de nos pays, des populismes anti-européens, il faut qu'il y ait une stratégie offensive. C'est celle que nous voulons mettre en oeuvre cette année, avec l'Allemagne, avec l'Italie et avec les pays du coeur de l'Europe, pour répondre aux défis du terrorisme, de la crise des réfugiés qui est aussi un défi pour nos valeurs, notre capacité d'accueil mais aussi au défi de la croissance, au défi de la mise en oeuvre des décisions de la COP21, c'est-à-dire d'une Europe qui soit pionnière dans le domaine de l'énergie, d'une Europe de la jeunesse aussi, de la mobilité en développant par exemple les programmes Erasmus pour les jeunes apprentis. C'est un des projets que je soutiens en coopération avec l'Allemagne. Le projet européen sera à l'ordre du jour du conseil des ministres de demain matin, il y aura une communication du Premier ministre sur ce point. L'année 2016 pour la France doit être une année pour redresser l'Europe.
Q - Merci beaucoup Harlem Désir !
R - Merci.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 janvier 2016