Déclaration de M. Manuel Valls, Premier ministre, en réponse à une question sur la position de la France concernant les négociations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni pour éviter la sortie de ce dernier de l'UE (Brexit), à l'Assemblée nationale le 10 février 2016.

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Circonstance : Question au gouvernement posée par M. Jean-Christophe Lagarde, député (président du groupe UDI) de Seine-Saint-Denis, à l'Assemblée nationale le 10 février 2016

Texte intégral

Monsieur Jean-Christophe Lagarde, parce que vous êtes le chef d'une formation politique, et parce que la question que vous posez est importante, je vous réponds bien volontiers. Mais c'est évidemment l'occasion pour moi, en tant que chef du gouvernement, et comme le président de la République l'a fait ce matin, de saluer Laurent Fabius.
Comme vous le savez, le président de la République propose sa nomination à la présidence du Conseil constitutionnel. La commission des lois de l'Assemblée nationale aura l'occasion de l'auditionner dans quelques jours, mais je voudrais saluer aujourd'hui son parcours politique et son parcours d'homme d'État, plus particulièrement ces dernières années à la tête de notre diplomatie.
Monsieur le Président Lagarde, nous sommes convaincus que l'intérêt de l'Europe, de la France et du Royaume-Uni lui-même est que celui-ci reste dans l'Union européenne. Des solutions doivent pouvoir emporter la conviction des citoyens britanniques, puisque David Cameron a fait le choix de les consulter, dans le cadre des traités actuels et des principes fondamentaux de l'Union européenne. Pour reprendre votre expression, il ne peut pas y avoir de chantage.
Les propositions formulées la semaine dernière par le président Tusk, en lien avec la Commission européenne, ont permis d'engager des discussions entre les États membres afin de trouver des solutions satisfaisantes dans chacun des quatre domaines évoqués par le Premier ministre britannique et que vous avez rappelés : la gouvernance économique, la compétitivité, la souveraineté et l'immigration. Ces discussions auront lieu lors du Conseil européen des 18 et 19 février.
Deux questions sont au coeur des réflexions et des travaux en cours.
La première concerne les relations entre les pays de la zone euro et les autres. Les demandes britanniques - intégrité du marché intérieur, absence de discrimination ou d'exposition budgétaire des États hors zone euro - ne peuvent pas priver la zone euro de la possibilité de s'intégrer. Nous serons particulièrement vigilants sur ce point, car ceux des États membres qui veulent aller plus loin dans l'intégration doivent pouvoir le faire. Je tiens à le rappeler : renforcer la stabilité de la zone euro est dans l'intérêt de l'Europe tout entière. Et quand on n'est pas membre de la zone euro, on ne peut pas dicter ses conditions à celle-ci.
La seconde est celle de la libre circulation, principe fondamental qui ne saurait être remis en cause, et de l'accès aux prestations sociales. Ce qui est aujourd'hui proposé, c'est de clarifier certaines règles, de lutter contre les abus et les fraudes, et d'établir un mécanisme de sauvegarde pour les États qui subissent un afflux très important, et potentiellement insoutenable, de travailleurs d'autres États membres. Mais, ici encore, il ne peut y avoir ni chantage, ni remise en cause des valeurs fondamentales de l'Europe. Ensemble, à vingt-huit, nous devons trouver un compromis qui réponde aux préoccupations britanniques et qui permette à l'Europe de continuer d'aller de l'avant.
Je voudrais conclure avec une remarque plus globale et plus large. Nous devons aujourd'hui faire face à de nombreux défis : la crise des réfugiés, une crise majeure qui est toujours devant nous - Laurent Fabius aura l'occasion tout à l'heure d'évoquer la situation en Syrie - et qui risque de s'aggraver au printemps, avec le retour du beau temps en Méditerranée, qui pourrait favoriser les départs depuis la Libye ; la menace terroriste, qui oblige l'Europe à se protéger, notamment à ses frontières, poussant le ministre de l'intérieur à prendre certaines initiatives ; le défi que représentent la croissance et l'emploi, qui risquent de connaître un ralentissement du fait de la crise financière que le monde traverse.
Nous devons relever tous ces défis, qui sont sans précédent, en évitant les séparatismes ou les conflits entre pays du Nord et pays du Sud. Nous ne pouvons pas ajouter un conflit supplémentaire, une crise supplémentaire, avec le départ de la Grande-Bretagne. Mais c'est à la Grande-Bretagne qu'il appartient aussi de se rappeler qu'elle fait pleinement partie de l'Union européenne. Nul pays ne peut dicter ses conditions : nous sommes des partenaires et nous devons aller ensemble de l'avant.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 février 2016