Texte intégral
JEAN-PIERRE ELKABBACH
En 2015, un record contre la fraude fiscale, 21 milliards de redressement et 12 milliards encaissés par l'Administration. Bienvenue, Michel SAPIN bonjour.
MICHEL SAPIN
Bonjour.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Je vous regarde, à quoi ressemble un ministre qui a 12 milliards de plus dans sa poche ?
MICHEL SAPIN
C'était en 2015, donc il faut retrouver la même chose en 2016.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous les retrouverez ?
MICHEL SAPIN
Oui, même plus je pense, puisque nous sommes en train d'améliorer le dispositif en faisant en sorte, non pas de poursuivre tout le monde, les petits, puisque ce n'est pas ça la bonne manière de lutter contre la fraude fiscale, mais en ciblant en particulier les très grandes entreprises, et les grandes entreprises internationales, qui ont mis au point des dispositifs extrêmement élaborés pour ne pas payer d'impôts, ni en France, ni ailleurs, ce qui est scandaleux.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc la performance repose surtout sur les multinationales ?
MICHEL SAPIN
S'il y a une grosse différence entre 2015 et 2014 c'est sur les grandes entreprises. Dans les grandes entreprises c'est rare qu'elles soient uniquement basées sur un petit territoire, dans un coin de nos provinces, donc c'est souvent des entreprises internationales. Mais, pourquoi est-ce que c'est plus efficace ? D'abord parce qu'on a des outils juridiques nouveaux, parce qu'on a des techniques nouvelles, on s'appuie beaucoup sur l'informatique, sur l'utilisation des grandes données, mais aussi, et je voudrais insister sur ce point, parce qu'il y a une meilleure coopération internationale. Si vous voulez lutter contre la fraude dans un seul pays, quand il s'agit de grandes entreprises internationales, ça ne donne rien du tout, donc pour être efficaces il faut s'entendre entre nous, et c'est ce que nous faisons, en particulier depuis 2015 avec des accords internationaux extrêmement efficaces.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
J'ai vu, vous dites Michel SAPIN, la lutte contre la fraude et les fraudeurs va se poursuivre, on dit que le montant total de la fraude, ici en France, c'est entre 60 et 80 milliards, c'est donc une mine, un gisement, que dis-je, un trésor encore.
MICHEL SAPIN
Oui, mais enfin ça c'est une vision des choses, mais moi je l'ouvrirais de l'autre bout. Qu'est-ce que ça veut dire que certains payent leurs impôts quand d'autres ne les payent pas ? Ce n'est pas qu'il y a une mine, ce n'est pas qu'il y a un gisement, mais c'est qu'il y a une injustice, et cette injustice-là il faut la combattre. On demande beaucoup d'efforts, nous avons demandé beaucoup d'efforts aux Français, on nous a parfois critiqués, nous ou nos prédécesseurs, en disant vous recourez toujours à l'impôt, vous recourez toujours à l'impôt. Aujourd'hui nous baissons les impôts, pour les entreprises, nous baissons les impôts pour les ménages les moins aisés, et nous poursuivons ceux qui doivent payer l'impôt. Voilà la manière de faire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais il y a encore des multinationales à surveiller, à contrôler et dont il faut rapatrier l'argent qui n'est pas payé.
MICHEL SAPIN
Surveiller tout le monde, dans ce domaine-là, doit être surveillé, et ensuite il faut non seulement, comme on dit, notifier les sommes qui sont dues, mais ensuite les poursuivre et les toucher.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
J'ai dit tout à l'heure un ministre qui a 12 milliards dans une poche, mais qui a un trou dans l'autre poche, combien, 4 milliards, 5 milliards ?
MICHEL SAPIN
Alors je ne sais pas de quel trou vous voulez parler, si vous voulez parler des dépenses qui ont été annoncées, qui sont légitimes
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Des nouvelles dépenses
MICHEL SAPIN
Des nouvelles dépenses, celles qui n'étaient pas inscrites.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il vous faut trouver 4 milliards pour 2016. Vous voulez que j'en donne quelques exemples
MICHEL SAPIN
Vous pouvez en prendre, mais enfin je les connais aussi, donc les dépenses nouvelles, qui ont été annoncées par le président de la République, c'est dans deux domaines. Le premier domaine c'est le soutien à l'emploi, le soutien aux entreprises, le soutien à l'emploi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
2 milliards.
MICHEL SAPIN
C'est nécessaire, c'est aux alentours de 2 milliards. Et ensuite
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le soutien aux agriculteurs.
MICHEL SAPIN
Le soutien aux agriculteurs.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Presque 1 milliard.
MICHEL SAPIN
Un peu moins d'1 milliard, pour une année.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donnez un peu d'argent à Jean-Jacques URVOAS, il en a besoin pour la justice, pour qu'elle fonctionne mieux.
MICHEL SAPIN
Certes, c'est d'ailleurs un des budgets
JEAN-PIERRE ELKABBACH
500 millions.
MICHEL SAPIN
C'est un des budgets qui a été à l'évidence, et de manière tout à fait légitime, non seulement préservé, mais même augmenté, comme le ministère de l'Intérieur, comme le ministère de la Défense. Mais ce que je veux montrer c'est que l'on peut, ce que nous faisons, diminuer les déficits de la France tout en finançant les grandes priorités auxquelles les Français sont attachés, la sécurité, l'économie, aujourd'hui le soutien aux agriculteurs.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord, d'accord, mais est-ce que vous pourrez tenir votre promesse de ramener le déficit public, cette année, en 2016, de 3,8 à 3,3 %, comme on vous le demande ?
MICHEL SAPIN
Je n'aime pas trop le terme de promesse, parce que quand on dit promesse ça donne le sentiment qu'on ne va pas la tenir.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que vous vous engagez ?
MICHEL SAPIN
C'est un objectif, c'est un objectif qui est inscrit dans notre loi de finances.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On l'atteint l'objectif ? On l'atteindra l'objectif en 2016 ?
MICHEL SAPIN
C'est un objectif qui est un engagement vis-à-vis de nos partenaires européens, et cet objectif sera atteint. L'objectif pour 2015, je ne le connais pas encore définitivement, mais je peux vous dire dès aujourd'hui que non seulement il a été atteint, mais il sera même dépassé, amélioré. Le déficit pour 2015 sera inférieur à celui auquel nous nous étions engagés.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quelle passion, quelle passion. Mardi Stéphane LE FOLL promettait ici que Sapin 2, vous
MICHEL SAPIN
C'est un texte de loi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Obligerait les grandes entreprises, par exemple LACTALIS, numéro 1 mondial des producteurs de lait, BIGARD sur les viandes, à ouvrir et publier leurs comptes, sinon les amendes seraient plus lourdes. Est-ce que vous le confirmez ?
MICHEL SAPIN
Oui, c'est dans le cadre, vous le savez bien, des difficultés aujourd'hui rencontrées par les agriculteurs français, il y a beaucoup de raisons pour ces difficultés, mais il y a une raison parmi d'autres, c'est qu'aujourd'hui ils sont en situation de très grande faiblesse par rapport à ceux qui leur achètent leurs produits, qui les transforment, mais surtout qui vont les vendre aux consommateurs. Eh bien il faut absolument que le partage, comme on dit dans le jargon, de la valeur ajoutée, le bénéfice, soit un bénéfice qui soit partagé entre les
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Excusez-moi, est-ce que vous confirmez qu'il y aura des amendes ?
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas acceptable d'avoir des agriculteurs
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Emmanuel DUTEIL me rappelait tout à l'heure que les amendes aujourd'hui c'est 1500 euros, et que ce serait au moins 5 % du chiffre d'affaires. Est-ce que c'est vrai ?
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas acceptable qu'il y ait des agriculteurs, aujourd'hui, qui crèvent, parce qu'ils ne gagnent pas assez d'argent, ils en perdent tous les jours, et de l'autre côté de grandes sociétés de distribution, qui rendent des services, qui sont utiles, mais qui gagnent énormément d'argent. Donc il faut de la transparence dans la manière dont cette valeur ajoutée, ces bénéfices se répartissent sur l'ensemble de la chaîne, c'est ce qui sera fait.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ce matin à Paris François HOLLANDE et la chancelière MERKEL, à 10H15, vont préparer le prochain sommet européen sur les mouvements migratoires. Est-ce qu'on peut attendre une initiative HOLLANDE/ MERKEL, dans ce domaine ou dans d'autres, pour relancer, réactiver une Europe qui se meurt ?
MICHEL SAPIN
Il en faut, il faut cette initiative. Il faut cette initiative, et sur les différents sujets, mais les deux grands piliers aujourd'hui des problèmes que rencontre l'Europe c'est d'abord le problème économique et monétaire, comment peut-on faire pour que la zone euro soit stable, apporte de nouveau de l'espoir
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quel genre d'initiative ?
MICHEL SAPIN
De la croissance, alors qu'aujourd'hui on a toujours le sentiment que l'Europe n'apporte que des contraintes, de l'austérité.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quel genre d'initiative alors Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
Donc là il faut une initiative institutionnelle, sur comment on fait pour faire en sorte que la solidarité entre nos pays soit plus forte. Et puis il faut aussi, c'est le deuxième grand sujet, se poser la question, et répondre à la question, de, nous avons un espace, nous avons une frontière à l'extérieur, comment faisons-nous pour que cette frontière soit respectée en tant que telle. Aujourd'hui il y a un espace commun et des frontières auprès de chacun de nos pays, ça ne peut pas marcher comme ça.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quelques mots sur la réforme du Code du travail. Hier les syndicats ont montré leur division, CGT, Force Ouvrière, UNEF, promettent une nouvelle grève et des manifestations le 31 mars. Est-ce qu'ils peuvent obtenir le retrait de la loi, ou le projet VALLS/ EL KHOMRI ?
MICHEL SAPIN
Je trouve que ce n'est pas un bon slogan, parce que le retrait, le retrait, c'est toujours négatif, ça serait négatif
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est oui, c'est non, est-ce qu'ils peuvent l'imaginer ?
MICHEL SAPIN
Par contre, des organisations syndicales, quelles qu'elles soient, même si par ailleurs elles sont souvent en contradiction avec beaucoup d'aspects, qui font des propositions, qui disent il y a des éléments extrêmement positifs dans cette loi. Le compte personnel d'activité, aujourd'hui personne ne sait exactement de quoi il s'agit, mais c'est fondamental pour protéger chacun et chacune d'entre nous, les salariés qui sont dans la difficulté, celui-là nous le voulons, il est dans la loi. On va le retirer ? Non. Tout le monde le veut ce compte personnel d'activité. Mais il y a des sujets de débat, des sujets de contradiction, des sujets de désaccord, je prends par exemple la question de la fixation du montant des indemnités de Prud'hommes, ou bien les conditions dans lesquelles un licenciement économique peut être mis en oeuvre
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ça peut être modifié ?
MICHEL SAPIN
Ce sont d'ailleurs des dispositions qui sont arrivées très à la fin du processus. Toutes les dispositions qui avaient été discutées, rapport Badinter, discutées, rapport Combrexelle, sur la négociation dans l'entreprise, discutées, compte personnel d'activité, toutes ces dispositions-là elles sont perçues comme étant positives.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc ça ne sera pas une loi édulcorée.
MICHEL SAPIN
Et donc, avec deux dispositions, qui n'ont pas été assez discutées, elles doivent être négociées, discutées, pas édulcorées. On avance, il n'y a rien de pire que de stopper.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Le tandem HOLLANDE/ VALLS connaît des records d'impopularité, comment il peut encore être crédible, réformer et gouverner ?
MICHEL SAPIN
Mais il y a une seule manière de faire, c'est en se posant une question, qu'est-ce qui est bon pour mon pays, là, aujourd'hui et demain ? Et puis ensuite les échéances électorales viendront
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais qu'est-ce qu'il manque à François HOLLANDE pour retrouver la confiance des Français ?
MICHEL SAPIN
Les commentaires des uns et des autres se feront librement, mais chaque commentaire efface le commentaire précédent.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce qu'il tiendra, comment il tiendra jusqu'en 2017 ?
MICHEL SAPIN
L'intérêt général, défendre l'intérêt général, faire face aux difficultés d'aujourd'hui, les difficultés des agriculteurs, l'économie, créer des emplois, les questions internationales, la question de l'Europe, la question des migrants, enfin il y a suffisamment de sujets importants pour qu'on ne perde pas son temps. Pour ce qui me concerne
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, ce n'est pas les sujets, les sujets ne manquent pas, mais ce sont les solutions et la capacité à gouverner.
MICHEL SAPIN
Je ne vais pas perdre mon temps, pour ce qui me concerne, à faire des commentaires sur la bobinette de l'un ou la bobinette de l'autre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La bobinette de qui, d'Emmanuel MACRON aussi ?
MICHEL SAPIN
De l'un ou de l'autre, ou d'un troisième, ou la mienne.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les « Hollandais » gardent le moral ?
MICHEL SAPIN
Oui, oui, toujours, c'est d'ailleurs la caractéristique des « Hollandais », c'est que quel que soit le niveau d'où ils partent, ils finissent par réussir.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci. A bientôt.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 7 mars 2016