Texte intégral
Madame la Ministre (Ericka Bareigts),
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Universitaires,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à vous remercier, intervenants et auditeurs, pour votre participation à cette journée consacrée au 70ème anniversaire de la départementalisation. C'est avec beaucoup de plaisir que j'y ai pris part. Les débats ont été riches et constructifs et ils démontrent encore une fois que cette révolution silencieuse qui s'est opérée en 1946 a été utile, qu'elle a soulevé de formidables espoirs mais aussi, qu'elle a occasionné parfois des frustrations et des déceptions.
Tout au long de cette journée passionnante, nous avons pu apprécier le chemin parcouru depuis 70 ans et bien évidemment, le bilan est plus que positif. Plus que positif car la départementalisation des « quatre vieilles » a entraîné avec elle le progrès social, le développement économique, l'aménagement du territoire, l'accès à l'école et à la santé pour tous.
Liberté, égalité et fraternité c'est bel et bien à cette devise républicaine que les promoteurs de la départementalisation, mais aussi l'ensemble des populations locales, voulaient accéder et ancrer leurs territoires respectifs. Le sentiment d'appartenance pleine et entière à la communauté nationale n'a depuis lors jamais cessé, même si parfois, il a pu être bousculé par les désirs indépendantistes ou autonomistes. Une citation résume très certainement ce que demandaient hier nos compatriotes des départements d'Outre-Mer et ce qu'ils demandent toujours aujourd'hui. Cette citation, elle est de Laurent Vergès, député réunionnais qui en octobre 1987, à l'occasion de la fête du journal Témoignages, lançait cette phrase désormais célèbre à La Réunion : « Nou lé pa plis nous lé pa moins, respekt anou ».
Être comme les autres, avec nos cultures, nos langues régionales et nos spécificités. Etre comme les autres même si nous sommes un bout de France à des milliers de kilomètres de l'hexagone. Etre comme les autres parce que par-dessus tout, nous sommes français.
Revoyons ensemble les grands moments de cette journée d'échanges. En première partie de matinée, les débats se sont concentrés sur le contexte historique de la départementalisation. Cette départementalisation intervient, nous l'avons vu, dans un moment de crise pour les quatre territoires qu'elle concerne. Depuis la fin du XIXème siècle, la crise est économique : le sucre n'est plus roi et la France, comme ses rivaux européens, s'intéresse bien plus à d'autres terres de projection comme l'Afrique et l'Asie. La crise est également sociale dans la mesure où l'affranchi d'hier est devenu le prolétaire de ce début de siècle. Elle est aussi identitaire puisque l'Hexagone ne parvient pas à forger une identité républicaine qui soit réellement commune. Le vernis de nos « ancêtres gaulois » se craque.
C'est dans un contexte d'immenses attentes qu'interviennent les débats de 1946. Ce contexte est aussi marqué par les bouleversements internationaux. La tragédie de la Seconde guerre mondiale impose d'abord un rejet sans condition de toute forme d'exclusion. Le droit à l'auto-détermination des peuples irrigue ensuite la charte de San Francisco qui est la pierre angulaire de la future ONU et qui impose aux Etats de respecter les aspirations politiques des peuples. Enfin, la Guerre Froide qui se profile déjà invite Paris à réaffirmer avec force sa souveraineté sur des territoires très convoités.
La départementalisation est par ailleurs vue comme une demande d'égalisation des droits, des devoirs et des espérances. C'est en réalité d'une double émancipation qu'il s'agit : la France s'émancipe du colonialisme et les outre-mer accèdent au droit d'initiative et à la responsabilité. Mais ces belles promesses, qu'il est facile de relire à l'aune du présent, ne doivent pas pour autant masquer des dissensions. On nous a rappelé que certaines administrations mettaient (déjà !) en garde contre le coût de l'absorption de ces territoires. Déjà, la logique comptable animait les esprits chagrins. On nous a également rappelé que la disparition de la tutelle coloniale avait irrité les grands propriétaires terriens qui, localement, se satisfaisaient amplement de la précarité institutionnalisée. Il ne faut pas l'oublier.
Heureusement, on le sait, la conviction de l'existence de notre destin partagé a prévalu. Et la départementalisation a été adoptée à l'unanimité. Vous avez pu d'ailleurs vous interroger sur le paradoxe d'un Césaire qui chante son « pays natal » mais plébiscite pour autant la départementalisation dans la République. C'est que, comme vous avez pu le remarquer, la départementalisation est aussi, initialement au moins, une promesse d'unité dans la diversité, une promesse de respect des cultures et des différences dans une République ouverte et accueillante, riche de ses histoires partagées.
La loi du 19 mars 1946 consacre donc la départementalisation. Mais il ne s'agit, comme l'ont montré les débats juridiques qui ont suivi dans la matinée, que de la première étape d'un processus qui va durer des décennies, et ce, non sans heurts et difficultés.
Les lenteurs de l'administration, sans doute encouragées par les riches propriétaires terriens qui avaient tout à perdre de l'alignement des droits sociaux sur ceux de l'hexagone, entraînent des retards importants dans la mise en uvre effective de « l'égalité formelle » telle que consacrée par la loi de 1946. Par ailleurs, la « départementalisation », notion qui recouvre une dimension sociale, politique, économique, mais également culturelle, est suffisamment large pour que chacun ait pu y voir ce qu'il avait envie d'y voir, suscitant des attentes importantes lesquelles ont parfois débouché sur de grandes déceptions. Ces déceptions, et le malaise social engendré par la persistance d'inégalités de traitement, réelles ou ressenties, ont d'ailleurs entraîné plusieurs mouvements sociaux qu'il ne faut pas oublier.
On constate un tournant à la fin des années 1990 : le processus d' « assimilation » lancé en 1946 subit une inflexion en faveur de l' « adaptation » : c'est une évolution importante, qui permet de consacrer le droit à la différence au sein de l'unité nationale. La réforme constitutionnelle de 2003 consacre à cet égard le principe d'un « statut à la carte », tout en maintenant le cadre de l'article 73 de la Constitution. Cette réforme prévoit ainsi des possibilités d'adaptation des modalités de mise en uvre du droit national beaucoup plus étendues qu'auparavant, et créé la possibilité d'une délégation du pouvoir normatif, législatif et réglementaire aux départements d'outre-mer.
Ce changement de paradigme ne s'est pas fait sans opposition ni sans réticence : l'amendement « Virapoullé », excluant la Réunion de cette possibilité et dont il a beaucoup été question aujourd'hui, est la preuve que la volonté d'assimilation totale avec la métropole, vue comme une promesse d'égalité, était encore forte.
En tout état de cause, cette réforme de 2003 permet de donner un nouveau souffle à l'évolution institutionnelle des départements d'outre-mer : les possibilités offertes aux collectivités par cette réforme ne sont pas toutes encore exploitées à leur pleine mesure. Mais elles permettent une démarche pragmatique et démocratique, pour passer de l'égalité formelle à celle, tant attendue de nos concitoyens, de l'égalité réelle.
Aujourd'hui, parce que le monde a changé avec, depuis quelques années désormais, le décentrage des centres décisionnels (pour ce qui est de l'Europe) ou économique (avec la montée en puissance du contient asiatique notamment), les Départements d'Outre-Mer doivent occuper une nouvelle place. En début d'après-midi, les discussions ont porté sur la manière dont les Outre-Mer doivent désormais composer, en plus de leur relation avec l'hexagone, avec les institutions européennes, d'une part, et avec leur environnement régional, d'autre part.
Reconnus en tant que Régions Ultrapériphériques (RUP) à l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les Départements d'Outre-Mer ont vu leurs spécificités consacrées même si nous savons tous qu'elles sont parfois complexes à faire entendre notamment au niveau de la Commission européenne et j'en sais quelque chose avec l'exemple de l'Octroi de mer ou encore avec celui du Règlement Général d'Exemption par Catégories (le fameux RGEC). Ces spécificités il faut les faire vivre, se battre au quotidien pour les rappeler et utiliser toutes les possibilités qu'elles apportent de manière certaine à nos territoires tant du point de vue du soutien à l'activité économique qu'en termes de labellisation et de rayonnement dans l'environnement régional respectif de chacune des géographies. Les Départements d'Outre-Mer, et plus généralement bien sûr, l'ensemble des Outre-Mer, sont des « têtes de pont avancé » de la France et de l'Europe dans le monde. C'est un atout, tant pour notre pays et l'Europe, et c'est une garantie de stabilité et de fiabilité pour les pays tiers tant sur le plan de la diplomatie, qu'en matière d'échanges économiques, de sécurité, d'éducation ou encore de santé.
Il faut accentuer les coopérations régionales, d'État à État bien sûr, mais également celles des collectivités territoriales. A cet égard, nous sommes en plein dans l'actualité parlementaire puisque nous examinerons la semaine prochaine une proposition de loi du Député Serge Letchimy qui vise à développer la place des collectivités territoriales ultramarines dans leur environnement régional.
En Outre, vous le savez sans doute,le Gouvernement souhaite renforcer l'attractivité des Département d'Outre-Mer, dynamiser les échanges, développer l'exportation, encourager les échanges dans le domaine universitaire et de la recherche dans le domaine de la coopération sanitaire grâce à une meilleure insertion dans leur environnement régional et c'est là tout le sens de la mission parlementaire qui a été confiée au député Jean-Jacques Vlody.
Notre feuille de route est claire et le titre consacré à la dernière table ronde résume à lui seul la volonté qui est la notre : car parler « d'égalité réelle » puisque c'est bien le sujet qui a occupé nos échanges en cette fin d'après-midi, c'est aussi vouloir consolider les acquis et donner un nouveau souffle. C'est aussi aborder la vision de notre Gouvernement pour les Outre-Mer.
Consolider les acquis, c'est mettre la lutte pour égalité au cur des luttes sociales outre-mer comme dans l'hexagone et au cur de l'action de la Gauche lorsqu'elle a été au pouvoir d'hier à aujourd'hui. L'accession à l'égalité des droits sociaux dans les départements d'outre-mer est venue compléter, dans les années 90, l'égalité des droits consacrée par la loi sur la départementalisation. Depuis 2012, nous uvrons à progresser encore plus sur le chemin de l'égalité, guidés par les 30 engagements pris par le Président de la République en faveur des outre-mer et qui commandent l'action du Gouvernement, marquée par le retour d'un État plus solidaire. Cette lutte pour l'égalité inspire chaque jours le Gouvernement : j'en veux pour exemple concret parmi tant d'autre celui de la loi contre la vie chère qui a permis d'obtenir des résultats plus que positifs pour l'ensemble de nos compatriotes ultramarins.
La lutte pour l'égalité s'est également traduite par une adaptation des outils d'intervention publique : pérennisation de la défiscalisation, CICE majoré à 9%, équivalent CICE à 12% pour les secteurs exposés, majoration par l'Etat pour les contrats aidés, revalorisation de la Ligne Budgétaire Unique, préservation des moyens dans l'éducation nationale, etc .
Considérant qu'il fallait donner encore plus d'ampleur et de visibilité à l'action du Gouvernement, le Président de la République et le Premier ministre ont confié une mission au Député Victorin Lurel pour que soient formulées des propositions sur l'égalité réelle.
Mardi dernier, Victorin Lurel a présenté son rapport qui pose les bases pour l'élaboration d'un nouveau modèle économique fondé sur la nécessaire action de convergence qu'il reste à accomplir et sur des leviers de développement qu'il faut encourager.
Ma volonté n'est pas seulement de rattraper les retards, de les combler ou de les annuler ; je veux, avec l'ensemble des membres du Gouvernement, aller plus loin en posant les bases propices à l'émergence d'un nouveau modèle de développement économique. Je terminerai mon propos sur Mayotte, dernier territoire à avoir accédé au statut de département en 2011 et où je mesure, à l'image de ce qu'ont pu connaitre les « quatre vieilles », l'ampleur des attentes, les impatiences et les doutes de la population. Le Gouvernement relève pleinement les défis auxquels il doit faire face et il s'engage dans la durée avec comme mesure amblématique le plan pour « Mayotte 2025 » signé en juin dernier par le Premier ministre.
70 ans après, la départementalisation a réussi à démontrer sa modernité et sa souplesse pour tenir compte des aspirations de chacun des territoires et pour offrir aux Départements d'Outre-Mer des statuts désormais adaptés aux volontés communes des populations. Ce savoir-vivre ensemble, respectueux des singularités de chacun, constitue une richesse pour la France et doit continuer à inspirer la République.
Nous avons de quoi être fiers de nos diversités dans l'unité. Je vous dis donc : vive les Outre-Mer et vive la France ! Je vous remercie.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 21 mars 2016
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Universitaires,
Mesdames et Messieurs,
Je tiens à vous remercier, intervenants et auditeurs, pour votre participation à cette journée consacrée au 70ème anniversaire de la départementalisation. C'est avec beaucoup de plaisir que j'y ai pris part. Les débats ont été riches et constructifs et ils démontrent encore une fois que cette révolution silencieuse qui s'est opérée en 1946 a été utile, qu'elle a soulevé de formidables espoirs mais aussi, qu'elle a occasionné parfois des frustrations et des déceptions.
Tout au long de cette journée passionnante, nous avons pu apprécier le chemin parcouru depuis 70 ans et bien évidemment, le bilan est plus que positif. Plus que positif car la départementalisation des « quatre vieilles » a entraîné avec elle le progrès social, le développement économique, l'aménagement du territoire, l'accès à l'école et à la santé pour tous.
Liberté, égalité et fraternité c'est bel et bien à cette devise républicaine que les promoteurs de la départementalisation, mais aussi l'ensemble des populations locales, voulaient accéder et ancrer leurs territoires respectifs. Le sentiment d'appartenance pleine et entière à la communauté nationale n'a depuis lors jamais cessé, même si parfois, il a pu être bousculé par les désirs indépendantistes ou autonomistes. Une citation résume très certainement ce que demandaient hier nos compatriotes des départements d'Outre-Mer et ce qu'ils demandent toujours aujourd'hui. Cette citation, elle est de Laurent Vergès, député réunionnais qui en octobre 1987, à l'occasion de la fête du journal Témoignages, lançait cette phrase désormais célèbre à La Réunion : « Nou lé pa plis nous lé pa moins, respekt anou ».
Être comme les autres, avec nos cultures, nos langues régionales et nos spécificités. Etre comme les autres même si nous sommes un bout de France à des milliers de kilomètres de l'hexagone. Etre comme les autres parce que par-dessus tout, nous sommes français.
Revoyons ensemble les grands moments de cette journée d'échanges. En première partie de matinée, les débats se sont concentrés sur le contexte historique de la départementalisation. Cette départementalisation intervient, nous l'avons vu, dans un moment de crise pour les quatre territoires qu'elle concerne. Depuis la fin du XIXème siècle, la crise est économique : le sucre n'est plus roi et la France, comme ses rivaux européens, s'intéresse bien plus à d'autres terres de projection comme l'Afrique et l'Asie. La crise est également sociale dans la mesure où l'affranchi d'hier est devenu le prolétaire de ce début de siècle. Elle est aussi identitaire puisque l'Hexagone ne parvient pas à forger une identité républicaine qui soit réellement commune. Le vernis de nos « ancêtres gaulois » se craque.
C'est dans un contexte d'immenses attentes qu'interviennent les débats de 1946. Ce contexte est aussi marqué par les bouleversements internationaux. La tragédie de la Seconde guerre mondiale impose d'abord un rejet sans condition de toute forme d'exclusion. Le droit à l'auto-détermination des peuples irrigue ensuite la charte de San Francisco qui est la pierre angulaire de la future ONU et qui impose aux Etats de respecter les aspirations politiques des peuples. Enfin, la Guerre Froide qui se profile déjà invite Paris à réaffirmer avec force sa souveraineté sur des territoires très convoités.
La départementalisation est par ailleurs vue comme une demande d'égalisation des droits, des devoirs et des espérances. C'est en réalité d'une double émancipation qu'il s'agit : la France s'émancipe du colonialisme et les outre-mer accèdent au droit d'initiative et à la responsabilité. Mais ces belles promesses, qu'il est facile de relire à l'aune du présent, ne doivent pas pour autant masquer des dissensions. On nous a rappelé que certaines administrations mettaient (déjà !) en garde contre le coût de l'absorption de ces territoires. Déjà, la logique comptable animait les esprits chagrins. On nous a également rappelé que la disparition de la tutelle coloniale avait irrité les grands propriétaires terriens qui, localement, se satisfaisaient amplement de la précarité institutionnalisée. Il ne faut pas l'oublier.
Heureusement, on le sait, la conviction de l'existence de notre destin partagé a prévalu. Et la départementalisation a été adoptée à l'unanimité. Vous avez pu d'ailleurs vous interroger sur le paradoxe d'un Césaire qui chante son « pays natal » mais plébiscite pour autant la départementalisation dans la République. C'est que, comme vous avez pu le remarquer, la départementalisation est aussi, initialement au moins, une promesse d'unité dans la diversité, une promesse de respect des cultures et des différences dans une République ouverte et accueillante, riche de ses histoires partagées.
La loi du 19 mars 1946 consacre donc la départementalisation. Mais il ne s'agit, comme l'ont montré les débats juridiques qui ont suivi dans la matinée, que de la première étape d'un processus qui va durer des décennies, et ce, non sans heurts et difficultés.
Les lenteurs de l'administration, sans doute encouragées par les riches propriétaires terriens qui avaient tout à perdre de l'alignement des droits sociaux sur ceux de l'hexagone, entraînent des retards importants dans la mise en uvre effective de « l'égalité formelle » telle que consacrée par la loi de 1946. Par ailleurs, la « départementalisation », notion qui recouvre une dimension sociale, politique, économique, mais également culturelle, est suffisamment large pour que chacun ait pu y voir ce qu'il avait envie d'y voir, suscitant des attentes importantes lesquelles ont parfois débouché sur de grandes déceptions. Ces déceptions, et le malaise social engendré par la persistance d'inégalités de traitement, réelles ou ressenties, ont d'ailleurs entraîné plusieurs mouvements sociaux qu'il ne faut pas oublier.
On constate un tournant à la fin des années 1990 : le processus d' « assimilation » lancé en 1946 subit une inflexion en faveur de l' « adaptation » : c'est une évolution importante, qui permet de consacrer le droit à la différence au sein de l'unité nationale. La réforme constitutionnelle de 2003 consacre à cet égard le principe d'un « statut à la carte », tout en maintenant le cadre de l'article 73 de la Constitution. Cette réforme prévoit ainsi des possibilités d'adaptation des modalités de mise en uvre du droit national beaucoup plus étendues qu'auparavant, et créé la possibilité d'une délégation du pouvoir normatif, législatif et réglementaire aux départements d'outre-mer.
Ce changement de paradigme ne s'est pas fait sans opposition ni sans réticence : l'amendement « Virapoullé », excluant la Réunion de cette possibilité et dont il a beaucoup été question aujourd'hui, est la preuve que la volonté d'assimilation totale avec la métropole, vue comme une promesse d'égalité, était encore forte.
En tout état de cause, cette réforme de 2003 permet de donner un nouveau souffle à l'évolution institutionnelle des départements d'outre-mer : les possibilités offertes aux collectivités par cette réforme ne sont pas toutes encore exploitées à leur pleine mesure. Mais elles permettent une démarche pragmatique et démocratique, pour passer de l'égalité formelle à celle, tant attendue de nos concitoyens, de l'égalité réelle.
Aujourd'hui, parce que le monde a changé avec, depuis quelques années désormais, le décentrage des centres décisionnels (pour ce qui est de l'Europe) ou économique (avec la montée en puissance du contient asiatique notamment), les Départements d'Outre-Mer doivent occuper une nouvelle place. En début d'après-midi, les discussions ont porté sur la manière dont les Outre-Mer doivent désormais composer, en plus de leur relation avec l'hexagone, avec les institutions européennes, d'une part, et avec leur environnement régional, d'autre part.
Reconnus en tant que Régions Ultrapériphériques (RUP) à l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, les Départements d'Outre-Mer ont vu leurs spécificités consacrées même si nous savons tous qu'elles sont parfois complexes à faire entendre notamment au niveau de la Commission européenne et j'en sais quelque chose avec l'exemple de l'Octroi de mer ou encore avec celui du Règlement Général d'Exemption par Catégories (le fameux RGEC). Ces spécificités il faut les faire vivre, se battre au quotidien pour les rappeler et utiliser toutes les possibilités qu'elles apportent de manière certaine à nos territoires tant du point de vue du soutien à l'activité économique qu'en termes de labellisation et de rayonnement dans l'environnement régional respectif de chacune des géographies. Les Départements d'Outre-Mer, et plus généralement bien sûr, l'ensemble des Outre-Mer, sont des « têtes de pont avancé » de la France et de l'Europe dans le monde. C'est un atout, tant pour notre pays et l'Europe, et c'est une garantie de stabilité et de fiabilité pour les pays tiers tant sur le plan de la diplomatie, qu'en matière d'échanges économiques, de sécurité, d'éducation ou encore de santé.
Il faut accentuer les coopérations régionales, d'État à État bien sûr, mais également celles des collectivités territoriales. A cet égard, nous sommes en plein dans l'actualité parlementaire puisque nous examinerons la semaine prochaine une proposition de loi du Député Serge Letchimy qui vise à développer la place des collectivités territoriales ultramarines dans leur environnement régional.
En Outre, vous le savez sans doute,le Gouvernement souhaite renforcer l'attractivité des Département d'Outre-Mer, dynamiser les échanges, développer l'exportation, encourager les échanges dans le domaine universitaire et de la recherche dans le domaine de la coopération sanitaire grâce à une meilleure insertion dans leur environnement régional et c'est là tout le sens de la mission parlementaire qui a été confiée au député Jean-Jacques Vlody.
Notre feuille de route est claire et le titre consacré à la dernière table ronde résume à lui seul la volonté qui est la notre : car parler « d'égalité réelle » puisque c'est bien le sujet qui a occupé nos échanges en cette fin d'après-midi, c'est aussi vouloir consolider les acquis et donner un nouveau souffle. C'est aussi aborder la vision de notre Gouvernement pour les Outre-Mer.
Consolider les acquis, c'est mettre la lutte pour égalité au cur des luttes sociales outre-mer comme dans l'hexagone et au cur de l'action de la Gauche lorsqu'elle a été au pouvoir d'hier à aujourd'hui. L'accession à l'égalité des droits sociaux dans les départements d'outre-mer est venue compléter, dans les années 90, l'égalité des droits consacrée par la loi sur la départementalisation. Depuis 2012, nous uvrons à progresser encore plus sur le chemin de l'égalité, guidés par les 30 engagements pris par le Président de la République en faveur des outre-mer et qui commandent l'action du Gouvernement, marquée par le retour d'un État plus solidaire. Cette lutte pour l'égalité inspire chaque jours le Gouvernement : j'en veux pour exemple concret parmi tant d'autre celui de la loi contre la vie chère qui a permis d'obtenir des résultats plus que positifs pour l'ensemble de nos compatriotes ultramarins.
La lutte pour l'égalité s'est également traduite par une adaptation des outils d'intervention publique : pérennisation de la défiscalisation, CICE majoré à 9%, équivalent CICE à 12% pour les secteurs exposés, majoration par l'Etat pour les contrats aidés, revalorisation de la Ligne Budgétaire Unique, préservation des moyens dans l'éducation nationale, etc .
Considérant qu'il fallait donner encore plus d'ampleur et de visibilité à l'action du Gouvernement, le Président de la République et le Premier ministre ont confié une mission au Député Victorin Lurel pour que soient formulées des propositions sur l'égalité réelle.
Mardi dernier, Victorin Lurel a présenté son rapport qui pose les bases pour l'élaboration d'un nouveau modèle économique fondé sur la nécessaire action de convergence qu'il reste à accomplir et sur des leviers de développement qu'il faut encourager.
Ma volonté n'est pas seulement de rattraper les retards, de les combler ou de les annuler ; je veux, avec l'ensemble des membres du Gouvernement, aller plus loin en posant les bases propices à l'émergence d'un nouveau modèle de développement économique. Je terminerai mon propos sur Mayotte, dernier territoire à avoir accédé au statut de département en 2011 et où je mesure, à l'image de ce qu'ont pu connaitre les « quatre vieilles », l'ampleur des attentes, les impatiences et les doutes de la population. Le Gouvernement relève pleinement les défis auxquels il doit faire face et il s'engage dans la durée avec comme mesure amblématique le plan pour « Mayotte 2025 » signé en juin dernier par le Premier ministre.
70 ans après, la départementalisation a réussi à démontrer sa modernité et sa souplesse pour tenir compte des aspirations de chacun des territoires et pour offrir aux Départements d'Outre-Mer des statuts désormais adaptés aux volontés communes des populations. Ce savoir-vivre ensemble, respectueux des singularités de chacun, constitue une richesse pour la France et doit continuer à inspirer la République.
Nous avons de quoi être fiers de nos diversités dans l'unité. Je vous dis donc : vive les Outre-Mer et vive la France ! Je vous remercie.
Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 21 mars 2016