Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Ségolène ROYAL est l'invitée d'iTélé ce matin. Bonjour.
SEGOLENE ROYAL
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Merci d'être avec nous. La classe politique se déchire sur la précampagne présidentielle : les sondages, Emmanuel MACRON, le chômage, les conflits sociaux. Vous, vous avez lancé cette semaine une conférence environnementale. Vous êtes au-dessus de tout ça ?
SEGOLENE ROYAL
Comme tous les ministres, je pense, je suis au travail, en plus avec des échéances très importantes, qui est à la fois les échéances internationales avec la COP21 et la prolongation de cette échéance dans une dimension nationale qui crée en plus beaucoup d'activité et d'emploi. D'ailleurs dans le recul du chômage, les filières de ce qu'on appelle la croissance verte prennent une grande place.
BRUCE TOUSSAINT
On va en parler tout de suite mais je voudrais juste insister sur ce point. On a le sentiment que vous ne voulez pas vous mettre dans la mêlée. Que vous ne voulez pas vous livrer à ce match de polémiques, de petites phrases.
SEGOLENE ROYAL
Disons que je suis très occupée.
BRUCE TOUSSAINT
Non mais c'est un peu aussi une posture ? C'est quoi, c'est une posture ?
SEGOLENE ROYAL
Non, non. C'est comme ça que je conçois la vie politique et c'est bien aussi qu'il y en ait d'autres qui s'engagent dans le débat public. C'est très important. Mais moi, j'ai à la fois la loi de transition énergétique à appliquer, les entreprises à entraîner, les signatures au niveau international sur la COP21 à mobiliser, la conférence environnementale à organiser. C'est vrai qu'il y a un chantier considérable et surtout, je vous le répète, je pense que c'est dans ce secteur-là que l'on peut consolider le recul du chômage et les créations d'activité et d'emploi. Regardez dans le secteur du bâtiment, il y a + 9 % de créations d'emploi dans toute l'efficacité énergétique du bâtiment. Vous savez, tous ces travaux d'isolation qu'on encourage avec du crédit d'impôt dans les filières. Je viens de publier les objectifs de construction d'énergie renouvelable, nous avons triplé le photovoltaïque solaire, le solaire, et doublé l'éolien. Ça y est, les entreprises que j'ai rencontrées hier investissent, créent des emplois, s'organisent, forment leurs personnels. Et il y a aussi en plus une compétition mondiale puisque ce sont les pays du monde entier qui investissent dans le renouvelable et je veux que la France soit à l'avant-garde par son industrie de la transition énergétique.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, on va donc commencer en effet en parlant d'environnement puisque c'est le sujet, c'est votre sujet. Cette conférence environnementale que vous avez lancée en début de semaine, c'est la dernière du quinquennat de François HOLLANDE ?
SEGOLENE ROYAL
Non, pas forcément. Je vais en organiser une autre en début d'année prochaine puisqu'on aura toute une année de travail et on aura finalisé les deux grandes lois de ce ministère : la loi biodiversité qui est quelque chose de très important, qui va permettre aussi de créer l'agence de la biodiversité qui va mettre aussi la France en avance sur ce sujet ; et la loi de transition énergétique qui met la France à l'avant-garde de l'excellence environnementale puisque nous sommes le seul pays au monde j'ai pu encore le constater à New York le seul pays au monde à avoir déjà traduit dans sa loi les objectifs de l'accord sur le climat. Et on a voulu cette exemplarité parce que comme on a eu l'honneur et la responsabilité d'accueillir cette conférence climat, et la France peut être très fière, la France peut être fière d'avoir réussi cet événement, la France peut être fière d'assumer une direction, un avant-garde, un leadership pour ne pas reprendre un mot anglais mais qui veut bien dire ce que ça veut dire, c'est-à-dire un potentiel d'entraînement. Et je l'ai vu également sur scène internationale puisque nous avons par exemple crée avec l'Inde la coalition mondiale solaire pour tous les pays tout autour de l'Equateur, car si on arrive à assurer le développement des pays les plus vulnérables, c'est notre propre croissance qui est en jeu. Et c'est la sécurité et la paix du monde qui sont en jeu si l'on permet à tous les citoyens de la planète d'accéder à l'électricité à partir du renouvelable.
BRUCE TOUSSAINT
Les ONG ne vous mettent pas pour autant vingt sur vingt sur votre copie. Elles vous reprochent par exemple d'avoir pris du retard sur certains dossiers. La fiscalité écologique, c'est un reproche que les ONG vous font.
SEGOLENE ROYAL
Mais les ONG sont dans leur rôle et font bien leur travail, et c'est bien qu'elles mettent de la pression parce que ça nous permet aussi
BRUCE TOUSSAINT
Qu'est-ce que vous leur répondez sur ce sujet-là précisément ?
SEGOLENE ROYAL
Sur la fiscalité écologique, là aussi nous sommes le seul pays à avoir fait la contribution énergie climat et j'ai veillé à ce que dans la loi soit inscrit le fait que quand on augmente la contribution énergie climat, on baisse les autres impôts. Donc c'est le transfert des taxes sur le travail qui doivent diminuer pour se transformer sur les taxes sur la pollution. Mais aller au-delà, c'est faire de l'écologie punitive : je ne veux pas d'écologie punitive. Je ne veux pas que la protection de l'environnement se traduise par moins de pouvoir d'achat pour les gens. Au contraire, la protection de l'environnement c'est plus de santé publique, c'est plus de qualité de vie et c'est plus de pouvoir d'achat parce qu'on économise l'énergie.
BRUCE TOUSSAINT
Les voitures électriques, ça commence. Il y a un frisson, il se passe quelque chose. Vous nous aviez annoncé sur ce plateau les premières primes. Justement, là on était dans l'incitation positive en effet. Alors vous avez déjà des premiers retours ? Est-ce que ça avance ? Moi, je ne vois pas beaucoup de voitures électriques dans la rue, je vous le dis franchement Ségolène ROYAL.
SEGOLENE ROYAL
Vous avez raison et en même temps, on a augmenté de 65 % cette année, donc on est le pays d'Europe qui vend le plus de voitures électriques. Il faut que ça s'accélère. Il faut que ça s'accélère puisque ça y est, l'Inde est en train d'entrer sur ce marché, la Chine est en train d'entrer sur ce marché alors que nous sommes là, encore en Europe et notamment en France, les premiers sur la fabrication de la voiture électrique. Il ne faut pas perdre cette avance. Il y a un marché mondial de la voiture électrique et nos opérateurs industriels doivent aussi se positionner, c'est-à-dire passer du gasoil vers l'électrique et ça le plus rapidement possible.
BRUCE TOUSSAINT
Il y a un autre ce sera le dernier que je citerai autre reproche que vous font les ONG, c'est sur évidemment l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. On sait qu'il y a ce référendum local qui va être organisé. On se demande un peu ce qui va se passer, comment ça va être organisé. Est-ce que vous avez de nouvelles réponses à apporter d'ailleurs sur cette échéance ?
SEGOLENE ROYAL
Il faudrait sortir par le haut de ce problème-là. C'est le sens du rapport que j'ai demandé et rendu public. C'est-à-dire que chacun se calme et qu'il n'y ait plus de posture comme ça trop idéologique ni d'un côté ni de l'autre. Je crois qu'on va trouver une solution, c'est-à-dire montrer qu'on peut à la fois concilier l'équipement du pays, la protection de l'environnement en faisant des équipements à juste taille et en consultant le plus en amont possible. En tout cas, on a tiré une leçon déjà de ce conflit puisque j'ai présenté hier en conseil des ministres l'ordonnance qui va désormais distinguer l'autorité préfectorale qui prend des décisions d'équipement et l'autorité environnementale qui permet de juger ou de tirer la sonnette d'alarme, de consulter, de mesurer l'impact environnemental des sujets. Avant, c'était mélangé. C'est-à-dire que c'était la même personne qui à la fois donnait des autorisations et en même temps disait que c'était bien pour l'environnement. Désormais, c'est une grande réforme qui vient d'être adopté au conseil des ministres. Désormais, ces deux autorités sont séparées, c'est-à-dire d'un côté l'autorité environnementale qui dira si c'est cohérent et compatible avec les lois de protection de l'environnement, et de l'autre l'autorité qui décide de l'équipement.
BRUCE TOUSSAINT
Vous l'avez dit à l'instant, vous étiez à New York il y a encore quelques jours à l'ONU. La COP21, ça continue finalement. On pensait que c'était réglé cette affaire.
SEGOLENE ROYAL
Oui, c'est une bonne question. Tout le monde pensait que c'était réglé.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, le travail continue.
SEGOLENE ROYAL
Oui, le travail continue.
BRUCE TOUSSAINT
C'est quoi le travail que vous faites ?
SEGOLENE ROYAL
Le travail, c'est trois choses d'abord. C'est de s'assurer que tous les pays qui ont dit d'accord par oral à Paris, parce que c'était un accord oral à Paris. Maintenant, il a fallu le signer, ce n'était pas évident qu'au fond si peu de temps après chacun aurait pu rentrer chez soi puis se désintéresser du sujet. Donc il a quand même fallu beaucoup d'énergie pour aller chercher les signatures, pour dire aux chefs d'Etat et de gouvernement d'être présents ou de se faire représenter. Et franchement je ne pensais pas que nous obtiendrions autant de signataires, cent soixante-quinze pays ; au mois de janvier pour vous dire les choses, nous en étions à cinquante, donc il a fallu quand même remotiver tout le monde et c'est ça qui est extraordinaire. C'est que se rassemblent cent soixante-quinze pays de niveaux économiques différents, de latitudes diversifiées, de tailles très, très différentes, et tous autour d'un même objectif la lutte contre le réchauffement climatique et les désastres qu'il entraîne, et en même temps un message très positif
BRUCE TOUSSAINT
Mais il en manque combien Ségolène ROYAL ? Il en manque combien ?
SEGOLENE ROYAL
Il en manque une dizaine, une quinzaine.
BRUCE TOUSSAINT
Qui ne signeront pas.
SEGOLENE ROYAL
Si, certains. Par exemple, le Nigeria est un immense pays d'Afrique qui signera mais qui voulait d'abord passer par le Parlement et cætera. Mais les pays vont finir par tous signer sauf là où il n'y a pas de gouvernement. Du coup, c'est la totalité de la planète.
BRUCE TOUSSAINT
J'aimerais vous demander, Ségolène ROYAL, si dans l'année qui vient, les douze mois qui viennent, vous allez avoir un peu de temps pour vous occuper d'autre chose que d'écologie ? Je pense par exemple à une campagne électorale.
SEGOLENE ROYAL
A priori pas vraiment puisque non seulement déjà, j'ai la responsabilité de la présidence de la COP. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire s'occuper de demander à chaque pays maintenant de ratifier. Qu'est-ce que ça veut dire ratifier ? Ça veut dire que maintenant il faut passer des signatures aux actes, c'est-à-dire que dans leurs décisions opérationnelles nationales, ils prennent des décisions pour diminuer le réchauffement climatique et pour les pays vulnérables, les pays pauvres qui subissent ce réchauffement climatique, pour qu'on mette à leur disposition les technologies du développement durable. Je pense en particulier aux engagements qui ont été pris à l'égard de l'Afrique. C'est un enjeu absolument crucial parce qu'avec l'augmentation démographique, si on ne permet pas à l'Afrique d'accéder à l'électricité, il y aura de graves problèmes de sécurité, de migration.
BRUCE TOUSSAINT
OK. Donc il y a de grands enjeux, vous avez beaucoup de travail sur ce dossier, donc vous ne vous occupez pas du reste, c'est la raison pour laquelle vous n'étiez pas à la fameuse réunion Hé oh la gauche.
SEGOLENE ROYAL
Oui, j'étais en train de préparer la conférence environnementale.
BRUCE TOUSSAINT
Mais vous auriez pu faire un saut, ce n'était pas très, très loin.
SEGOLENE ROYAL
Je ne peux pas me disperser, non je ne peux pas.
BRUCE TOUSSAINT
Vous ne voulez pas vous impliquer.
SEGOLENE ROYAL
Mais c'est la même chose. Je veux dire par-là, chacun est à sa tâche, est à son rôle.
BRUCE TOUSSAINT
Il y avait la ministre de la Santé, il y avait la ministre du Logement, il y avait le ministre de l'Agriculture.
SEGOLENE ROYAL
Mais c'est très bien.
BRUCE TOUSSAINT
On aurait pu voir la ministre de l'Ecologie.
SEGOLENE ROYAL
Non, je ne pouvais pas. J'étais avec les ONG, j'avais le compte-rendu de la première journée, préparer la seconde. C'est un travail considérable de faire cela.
BRUCE TOUSSAINT
C'est peut-être aussi parce que vous ne considériez pas que ce n'était une grande idée.
SEGOLENE ROYAL
Non, non, vous ne me ferez pas critiquer les initiatives des autres.
BRUCE TOUSSAINT
Non, non, je vous le demande. Je vous pose la question. Je vous pose la question : le fait que vous n'y soyez pas.
SEGOLENE ROYAL
Vous ne me ferez pas critiquer.
BRUCE TOUSSAINT
Ni dire du bien d'ailleurs.
SEGOLENE ROYAL
Mais si ! Parce qu'ils sont allés défendre la politique du gouvernement et c'est ce que je fais devant vous. Voyez, c'est exactement dans la même démarche : je défends le travail que nous faisons.
BRUCE TOUSSAINT
Vous dites du bien y compris d'Emmanuel MACRON. Vous êtes la seule d'ailleurs au gouvernement à en dire du bien.
SEGOLENE ROYAL
J'en pense du bien.
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez dit que c'était une fraîcheur.
SEGOLENE ROYAL
Et puis il y a un travail, une vision du développement économique, on travaille ensemble.
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez été, tout le monde s'en souvient évidemment, candidate à l'élection présidentielle en 2007 et à cette époque-là, vous incarniez souvenons-nous tous de cela un renouveau, un renouvellement. Est-ce que cette année il n'y a pas aussi un problème dans cette campagne qui va démarrer dans quelques mois de renouvellement ? Où sont les nouveaux visages ? Vous voyez la nouvelle Ségolène ROYAL ?
SEGOLENE ROYAL
Nouvelle ? Pourquoi voulez-vous que je sois nouvelle ?
BRUCE TOUSSAINT
Non mais vous voyez ce que je veux dire ? Est-ce que c'est lui ? Est-ce que c'est MACRON ? Pourquoi personne n'émerge ?
SEGOLENE ROYAL
Vous savez, d'abord c'est encore assez loin l'élection présidentielle. C'est dans un an.
BRUCE TOUSSAINT
Ça commence à approcher, tout le monde y pense.
SEGOLENE ROYAL
Et puis en plus, c'est une question de vision et une question d'idées. Qu'est-ce que c'est une élection présidentielle ? C'est le moment où un pays s'interroge sur sa projection, c'est-à-dire sur la vision de l'avenir, de l'avenir proche bien évidemment. C'est-à-dire un état des lieux sur où est-ce que nous en sommes, qu'est-ce que c'est que la France dans le monde et je puis vous dire que la France peut être fière du regard qui est porté sur elle dans le reste du monde. Souvent, c'est vrai que lorsque l'on est en national, on regarde les problèmes qui se posent et on a raison de les regarder, mais je puis vous dire qu'à l'échelle mondiale, la France peut être fière de ce qu'elle fait, à la fois dans ses grandes entreprises on en a parlé -, en même temps dans sa capacité à fédérer les pays du monde autour d'une grande idée qui est la question par exemple climatique. Et ça, il faut que les Français soient bien conscients de cette force et du potentiel dont nous disposons. Nous sommes capables de sortir de la crise économique, d'ailleurs on le voit dans les grands défis qui sont relevés, et en même temps de se projeter vers le futur. La France d'aujourd'hui n'est pas celle d'il y a cinq ans. Elle n'est pas celle qu'elle était il y a cinq ans.
BRUCE TOUSSAINT
Il y a aussi une crise identitaire d'une certaine façon. Je voudrais vous faire écouter c'est très court Marion MARECHAL-LE PEN. Elle était à votre place hier matin. Ecoutez ce qu'elle nous dit sur une grande idée, la République, les valeurs de la République. Ecoutez.
MARION MARECHAL-LE PEN, DEPUTEE FRONT NATIONAL DU VAUCLUSE
Je suis d'une génération, je crois, qui est un peu saoulée par les valeurs de la république qu'on nous sert en permanence et dont on ne sait pas ce qu'elles recouvrent. Et qui évitent d'ailleurs justement d'aller sur le fond des idées puisqu'à partir du moment où on dit : « Oui, valeurs de la république », on est ainsi exclu du pseudo champ républicain ». Moi tout ce que je dis, c'est que je défends évidemment la Vème République, c'est un système auquel je suis attachée, mais la Vème République c'est un régime politique. La France, c'est mon pays. Je ne confonds pas tout à fait les deux. La France, ça n'est pas que la République, ça a commencé d'ailleurs avant la République. Je n'oublie pas les seize siècles de chrétienté qui ont précédé et voilà. La révolution française en fait partie mais elle ne se restreint pas à ça.
BRUCE TOUSSAINT
« Je suis saoulée par les valeurs de la République », qu'est-ce que ça vous inspire ?
SEGOLENE ROYAL
Ça m'inspire quand même beaucoup de consternation. Qu'est-ce que c'est que la république ? C'est la liberté, c'est l'égalité, c'est la fraternité et donc c'est aussi la soif de justice. La France, là aussi, a un message, a toujours porté un message au reste du monde par rapport à cette soif de liberté, d'égalité et de fraternité, et c'est sans relâche qu'il faut remettre le travail sur l'atelier, et en particulier sur les questions de justice. Si on laisse faire la loi du marché, si on laisse faire le libre-échange, il y a des enjeux très importants aujourd'hui de discussion sur les règles du commerce international par exemple. On creuse les inégalités et donc la politique c'est de remettre des règles, l'ordre juste, de remettre des règles qui vont constamment s'atteler à la question de la réduction des inégalités. Parce que la justice est créatrice d'activités économiques et d'emploi ; l'injustice est créatrice de frustration et de destruction de valeurs, et donc l'enjeu aujourd'hui dans le monde contemporain, c'est sans doute cette valeur-là de justice qu'il faut défendre parce que c'est aussi une valeur d'efficacité économique. C'est vrai dans un pays, c'est vrai à l'échelle de la planète et si on laisse se creuser les inégalités par exemple entre les grands continents, on aura des problèmes gravissimes de migration de la misère. Alors que si on transfère les savoir-faire, les technologies et notamment, je l'ai dit tout à l'heure, d'accès à l'énergie renouvelable, on aura une réduction des écarts des inégalités et donc de la création de valeurs économiques et de valeur ajoutée.
BRUCE TOUSSAINT
Il y a la justice sociale et puis il y a la justice tout court, Salah ABDESLAM est en prison en France depuis hier, dans une cellule qui est équipée de vidéosurveillance, c'est inédit, vous comprenez cette mesure ?
SEGOLENE ROYAL
Moi, je pense surtout en ce moment aux victimes et aux familles des victimes, à la fois parce que chaque fois elles savent que le procès va commencer, donc il y a à la fois une montée de l'angoisse et en même temps de l'apaisement aussi, d'essayer de comprendre, de faire son deuil de cet effroyable carnage et c'est cela surtout auquel je pense.
BRUCE TOUSSAINT
Mais ?
SEGOLENE ROYAL
Mais voilà
BRUCE TOUSSAINT
Vous comprenez cette mesure, encore une fois qui est inédite.
SEGOLENE ROYAL
Qui relève de la compétence, je crois, du Garde des Sceaux
BRUCE TOUSSAINT
Ça vous a un peu surpris ou pas du tout ?
SEGOLENE ROYAL
Pas du tout au contraire
BRUCE TOUSSAINT
Je voudrais que, vous parliez à l'instant des victimes, on va écouter ensemble, c'est très court là aussi, il était sur ce plateau il y a quelques minutes, Emmanuel DEMENACH, il était au Bataclan le 13 novembre, c'est un rescapé des attentats de Paris, écoutez ce qu'il dit parce qu'il attend beaucoup, pas seulement du procès, écoutez.
EMMANUEL DEMENACH, RESCAPE DES ATTENTATS DU 13 NOVEMBRE 2015
Il y a un besoin dans les familles de victimes, on se rend compte qu'on a peu d'éléments, pas d'élément et les PV d'autopsie n'ont toujours pas été versés à l'instruction, donc aujourd'hui on a des gens qui ont perdu un fils, une fille, une soeur, un frère et qui ne savent toujours pas comment il est mort. Donc on a une sorte d'indifférence de l'Etat et donc on attend de Salah ABDESLAM peut-être trop justement, comme l'a dit monsieur TOUSSAINT, mais c'est parce que malheureusement, on n'a pas de réponse. Il peut peut-être apporter certaines réponses qu'on attend.
BRUCE TOUSSAINT
Voilà c'est poignant d'entendre ça, mais
SEGOLENE ROYAL
C'est une grosse détresse
BRUCE TOUSSAINT
Mais il y a une attente énorme de l'Etat, alors est-ce qu'il n'y a pas un problème.
SEGOLENE ROYAL
C'est une grande détresse dans l'incompréhension, quand on a une victime proche, qu'on a été comme ça très douloureusement frappé dans sa chair, dans son intimité, ou dans celle de ses proches, on a envie de comprendre, on a envie de savoir pour trouver l'apaisement et j'espère que les victimes vont trouver, toutes ces victimes et leurs familles vont trouver l'apaisement dans la vérité qui doit être dite.
BRUCE TOUSSAINT
Ce sera un des sujets de la campagne présidentielle, vous croyez, la sécurité au sens très très large, la lutte contre le terrorisme ?
SEGOLENE ROYAL
Pas seulement d'une campagne présidentielle, c'est un sujet permanent bien sûr cette soif de sécurité.
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez un doute sur la candidature de François HOLLANDE ?
SEGOLENE ROYAL
Vous y tenez. Tout ça est dans un an, tout cela est dans un an et ce qui rassemble aujourd'hui le président de la République, le Premier ministre et le gouvernement, c'est d'être à la tâche et de faire en sorte que cette bonne nouvelle du recul du chômage, elle se structure, elle se répète, elle soit durable.
BRUCE TOUSSAINT
Donc vous n'avez pas de doute ?
SEGOLENE ROYAL
Et elle relance l'espérance de ceux qui souffrent aujourd'hui du chômage ou de la précarité.
BRUCE TOUSSAINT
Donc pas de doute ?
SEGOLENE ROYAL
Ce n'est pas ce que je vous ai dit, j'ai dit qu'on verra dans un an, on verra dans quelques temps quand le moment viendra.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Ségolène ROYAL, bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 mai 2016
Ségolène ROYAL est l'invitée d'iTélé ce matin. Bonjour.
SEGOLENE ROYAL
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Merci d'être avec nous. La classe politique se déchire sur la précampagne présidentielle : les sondages, Emmanuel MACRON, le chômage, les conflits sociaux. Vous, vous avez lancé cette semaine une conférence environnementale. Vous êtes au-dessus de tout ça ?
SEGOLENE ROYAL
Comme tous les ministres, je pense, je suis au travail, en plus avec des échéances très importantes, qui est à la fois les échéances internationales avec la COP21 et la prolongation de cette échéance dans une dimension nationale qui crée en plus beaucoup d'activité et d'emploi. D'ailleurs dans le recul du chômage, les filières de ce qu'on appelle la croissance verte prennent une grande place.
BRUCE TOUSSAINT
On va en parler tout de suite mais je voudrais juste insister sur ce point. On a le sentiment que vous ne voulez pas vous mettre dans la mêlée. Que vous ne voulez pas vous livrer à ce match de polémiques, de petites phrases.
SEGOLENE ROYAL
Disons que je suis très occupée.
BRUCE TOUSSAINT
Non mais c'est un peu aussi une posture ? C'est quoi, c'est une posture ?
SEGOLENE ROYAL
Non, non. C'est comme ça que je conçois la vie politique et c'est bien aussi qu'il y en ait d'autres qui s'engagent dans le débat public. C'est très important. Mais moi, j'ai à la fois la loi de transition énergétique à appliquer, les entreprises à entraîner, les signatures au niveau international sur la COP21 à mobiliser, la conférence environnementale à organiser. C'est vrai qu'il y a un chantier considérable et surtout, je vous le répète, je pense que c'est dans ce secteur-là que l'on peut consolider le recul du chômage et les créations d'activité et d'emploi. Regardez dans le secteur du bâtiment, il y a + 9 % de créations d'emploi dans toute l'efficacité énergétique du bâtiment. Vous savez, tous ces travaux d'isolation qu'on encourage avec du crédit d'impôt dans les filières. Je viens de publier les objectifs de construction d'énergie renouvelable, nous avons triplé le photovoltaïque solaire, le solaire, et doublé l'éolien. Ça y est, les entreprises que j'ai rencontrées hier investissent, créent des emplois, s'organisent, forment leurs personnels. Et il y a aussi en plus une compétition mondiale puisque ce sont les pays du monde entier qui investissent dans le renouvelable et je veux que la France soit à l'avant-garde par son industrie de la transition énergétique.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, on va donc commencer en effet en parlant d'environnement puisque c'est le sujet, c'est votre sujet. Cette conférence environnementale que vous avez lancée en début de semaine, c'est la dernière du quinquennat de François HOLLANDE ?
SEGOLENE ROYAL
Non, pas forcément. Je vais en organiser une autre en début d'année prochaine puisqu'on aura toute une année de travail et on aura finalisé les deux grandes lois de ce ministère : la loi biodiversité qui est quelque chose de très important, qui va permettre aussi de créer l'agence de la biodiversité qui va mettre aussi la France en avance sur ce sujet ; et la loi de transition énergétique qui met la France à l'avant-garde de l'excellence environnementale puisque nous sommes le seul pays au monde j'ai pu encore le constater à New York le seul pays au monde à avoir déjà traduit dans sa loi les objectifs de l'accord sur le climat. Et on a voulu cette exemplarité parce que comme on a eu l'honneur et la responsabilité d'accueillir cette conférence climat, et la France peut être très fière, la France peut être fière d'avoir réussi cet événement, la France peut être fière d'assumer une direction, un avant-garde, un leadership pour ne pas reprendre un mot anglais mais qui veut bien dire ce que ça veut dire, c'est-à-dire un potentiel d'entraînement. Et je l'ai vu également sur scène internationale puisque nous avons par exemple crée avec l'Inde la coalition mondiale solaire pour tous les pays tout autour de l'Equateur, car si on arrive à assurer le développement des pays les plus vulnérables, c'est notre propre croissance qui est en jeu. Et c'est la sécurité et la paix du monde qui sont en jeu si l'on permet à tous les citoyens de la planète d'accéder à l'électricité à partir du renouvelable.
BRUCE TOUSSAINT
Les ONG ne vous mettent pas pour autant vingt sur vingt sur votre copie. Elles vous reprochent par exemple d'avoir pris du retard sur certains dossiers. La fiscalité écologique, c'est un reproche que les ONG vous font.
SEGOLENE ROYAL
Mais les ONG sont dans leur rôle et font bien leur travail, et c'est bien qu'elles mettent de la pression parce que ça nous permet aussi
BRUCE TOUSSAINT
Qu'est-ce que vous leur répondez sur ce sujet-là précisément ?
SEGOLENE ROYAL
Sur la fiscalité écologique, là aussi nous sommes le seul pays à avoir fait la contribution énergie climat et j'ai veillé à ce que dans la loi soit inscrit le fait que quand on augmente la contribution énergie climat, on baisse les autres impôts. Donc c'est le transfert des taxes sur le travail qui doivent diminuer pour se transformer sur les taxes sur la pollution. Mais aller au-delà, c'est faire de l'écologie punitive : je ne veux pas d'écologie punitive. Je ne veux pas que la protection de l'environnement se traduise par moins de pouvoir d'achat pour les gens. Au contraire, la protection de l'environnement c'est plus de santé publique, c'est plus de qualité de vie et c'est plus de pouvoir d'achat parce qu'on économise l'énergie.
BRUCE TOUSSAINT
Les voitures électriques, ça commence. Il y a un frisson, il se passe quelque chose. Vous nous aviez annoncé sur ce plateau les premières primes. Justement, là on était dans l'incitation positive en effet. Alors vous avez déjà des premiers retours ? Est-ce que ça avance ? Moi, je ne vois pas beaucoup de voitures électriques dans la rue, je vous le dis franchement Ségolène ROYAL.
SEGOLENE ROYAL
Vous avez raison et en même temps, on a augmenté de 65 % cette année, donc on est le pays d'Europe qui vend le plus de voitures électriques. Il faut que ça s'accélère. Il faut que ça s'accélère puisque ça y est, l'Inde est en train d'entrer sur ce marché, la Chine est en train d'entrer sur ce marché alors que nous sommes là, encore en Europe et notamment en France, les premiers sur la fabrication de la voiture électrique. Il ne faut pas perdre cette avance. Il y a un marché mondial de la voiture électrique et nos opérateurs industriels doivent aussi se positionner, c'est-à-dire passer du gasoil vers l'électrique et ça le plus rapidement possible.
BRUCE TOUSSAINT
Il y a un autre ce sera le dernier que je citerai autre reproche que vous font les ONG, c'est sur évidemment l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. On sait qu'il y a ce référendum local qui va être organisé. On se demande un peu ce qui va se passer, comment ça va être organisé. Est-ce que vous avez de nouvelles réponses à apporter d'ailleurs sur cette échéance ?
SEGOLENE ROYAL
Il faudrait sortir par le haut de ce problème-là. C'est le sens du rapport que j'ai demandé et rendu public. C'est-à-dire que chacun se calme et qu'il n'y ait plus de posture comme ça trop idéologique ni d'un côté ni de l'autre. Je crois qu'on va trouver une solution, c'est-à-dire montrer qu'on peut à la fois concilier l'équipement du pays, la protection de l'environnement en faisant des équipements à juste taille et en consultant le plus en amont possible. En tout cas, on a tiré une leçon déjà de ce conflit puisque j'ai présenté hier en conseil des ministres l'ordonnance qui va désormais distinguer l'autorité préfectorale qui prend des décisions d'équipement et l'autorité environnementale qui permet de juger ou de tirer la sonnette d'alarme, de consulter, de mesurer l'impact environnemental des sujets. Avant, c'était mélangé. C'est-à-dire que c'était la même personne qui à la fois donnait des autorisations et en même temps disait que c'était bien pour l'environnement. Désormais, c'est une grande réforme qui vient d'être adopté au conseil des ministres. Désormais, ces deux autorités sont séparées, c'est-à-dire d'un côté l'autorité environnementale qui dira si c'est cohérent et compatible avec les lois de protection de l'environnement, et de l'autre l'autorité qui décide de l'équipement.
BRUCE TOUSSAINT
Vous l'avez dit à l'instant, vous étiez à New York il y a encore quelques jours à l'ONU. La COP21, ça continue finalement. On pensait que c'était réglé cette affaire.
SEGOLENE ROYAL
Oui, c'est une bonne question. Tout le monde pensait que c'était réglé.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, le travail continue.
SEGOLENE ROYAL
Oui, le travail continue.
BRUCE TOUSSAINT
C'est quoi le travail que vous faites ?
SEGOLENE ROYAL
Le travail, c'est trois choses d'abord. C'est de s'assurer que tous les pays qui ont dit d'accord par oral à Paris, parce que c'était un accord oral à Paris. Maintenant, il a fallu le signer, ce n'était pas évident qu'au fond si peu de temps après chacun aurait pu rentrer chez soi puis se désintéresser du sujet. Donc il a quand même fallu beaucoup d'énergie pour aller chercher les signatures, pour dire aux chefs d'Etat et de gouvernement d'être présents ou de se faire représenter. Et franchement je ne pensais pas que nous obtiendrions autant de signataires, cent soixante-quinze pays ; au mois de janvier pour vous dire les choses, nous en étions à cinquante, donc il a fallu quand même remotiver tout le monde et c'est ça qui est extraordinaire. C'est que se rassemblent cent soixante-quinze pays de niveaux économiques différents, de latitudes diversifiées, de tailles très, très différentes, et tous autour d'un même objectif la lutte contre le réchauffement climatique et les désastres qu'il entraîne, et en même temps un message très positif
BRUCE TOUSSAINT
Mais il en manque combien Ségolène ROYAL ? Il en manque combien ?
SEGOLENE ROYAL
Il en manque une dizaine, une quinzaine.
BRUCE TOUSSAINT
Qui ne signeront pas.
SEGOLENE ROYAL
Si, certains. Par exemple, le Nigeria est un immense pays d'Afrique qui signera mais qui voulait d'abord passer par le Parlement et cætera. Mais les pays vont finir par tous signer sauf là où il n'y a pas de gouvernement. Du coup, c'est la totalité de la planète.
BRUCE TOUSSAINT
J'aimerais vous demander, Ségolène ROYAL, si dans l'année qui vient, les douze mois qui viennent, vous allez avoir un peu de temps pour vous occuper d'autre chose que d'écologie ? Je pense par exemple à une campagne électorale.
SEGOLENE ROYAL
A priori pas vraiment puisque non seulement déjà, j'ai la responsabilité de la présidence de la COP. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire s'occuper de demander à chaque pays maintenant de ratifier. Qu'est-ce que ça veut dire ratifier ? Ça veut dire que maintenant il faut passer des signatures aux actes, c'est-à-dire que dans leurs décisions opérationnelles nationales, ils prennent des décisions pour diminuer le réchauffement climatique et pour les pays vulnérables, les pays pauvres qui subissent ce réchauffement climatique, pour qu'on mette à leur disposition les technologies du développement durable. Je pense en particulier aux engagements qui ont été pris à l'égard de l'Afrique. C'est un enjeu absolument crucial parce qu'avec l'augmentation démographique, si on ne permet pas à l'Afrique d'accéder à l'électricité, il y aura de graves problèmes de sécurité, de migration.
BRUCE TOUSSAINT
OK. Donc il y a de grands enjeux, vous avez beaucoup de travail sur ce dossier, donc vous ne vous occupez pas du reste, c'est la raison pour laquelle vous n'étiez pas à la fameuse réunion Hé oh la gauche.
SEGOLENE ROYAL
Oui, j'étais en train de préparer la conférence environnementale.
BRUCE TOUSSAINT
Mais vous auriez pu faire un saut, ce n'était pas très, très loin.
SEGOLENE ROYAL
Je ne peux pas me disperser, non je ne peux pas.
BRUCE TOUSSAINT
Vous ne voulez pas vous impliquer.
SEGOLENE ROYAL
Mais c'est la même chose. Je veux dire par-là, chacun est à sa tâche, est à son rôle.
BRUCE TOUSSAINT
Il y avait la ministre de la Santé, il y avait la ministre du Logement, il y avait le ministre de l'Agriculture.
SEGOLENE ROYAL
Mais c'est très bien.
BRUCE TOUSSAINT
On aurait pu voir la ministre de l'Ecologie.
SEGOLENE ROYAL
Non, je ne pouvais pas. J'étais avec les ONG, j'avais le compte-rendu de la première journée, préparer la seconde. C'est un travail considérable de faire cela.
BRUCE TOUSSAINT
C'est peut-être aussi parce que vous ne considériez pas que ce n'était une grande idée.
SEGOLENE ROYAL
Non, non, vous ne me ferez pas critiquer les initiatives des autres.
BRUCE TOUSSAINT
Non, non, je vous le demande. Je vous pose la question. Je vous pose la question : le fait que vous n'y soyez pas.
SEGOLENE ROYAL
Vous ne me ferez pas critiquer.
BRUCE TOUSSAINT
Ni dire du bien d'ailleurs.
SEGOLENE ROYAL
Mais si ! Parce qu'ils sont allés défendre la politique du gouvernement et c'est ce que je fais devant vous. Voyez, c'est exactement dans la même démarche : je défends le travail que nous faisons.
BRUCE TOUSSAINT
Vous dites du bien y compris d'Emmanuel MACRON. Vous êtes la seule d'ailleurs au gouvernement à en dire du bien.
SEGOLENE ROYAL
J'en pense du bien.
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez dit que c'était une fraîcheur.
SEGOLENE ROYAL
Et puis il y a un travail, une vision du développement économique, on travaille ensemble.
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez été, tout le monde s'en souvient évidemment, candidate à l'élection présidentielle en 2007 et à cette époque-là, vous incarniez souvenons-nous tous de cela un renouveau, un renouvellement. Est-ce que cette année il n'y a pas aussi un problème dans cette campagne qui va démarrer dans quelques mois de renouvellement ? Où sont les nouveaux visages ? Vous voyez la nouvelle Ségolène ROYAL ?
SEGOLENE ROYAL
Nouvelle ? Pourquoi voulez-vous que je sois nouvelle ?
BRUCE TOUSSAINT
Non mais vous voyez ce que je veux dire ? Est-ce que c'est lui ? Est-ce que c'est MACRON ? Pourquoi personne n'émerge ?
SEGOLENE ROYAL
Vous savez, d'abord c'est encore assez loin l'élection présidentielle. C'est dans un an.
BRUCE TOUSSAINT
Ça commence à approcher, tout le monde y pense.
SEGOLENE ROYAL
Et puis en plus, c'est une question de vision et une question d'idées. Qu'est-ce que c'est une élection présidentielle ? C'est le moment où un pays s'interroge sur sa projection, c'est-à-dire sur la vision de l'avenir, de l'avenir proche bien évidemment. C'est-à-dire un état des lieux sur où est-ce que nous en sommes, qu'est-ce que c'est que la France dans le monde et je puis vous dire que la France peut être fière du regard qui est porté sur elle dans le reste du monde. Souvent, c'est vrai que lorsque l'on est en national, on regarde les problèmes qui se posent et on a raison de les regarder, mais je puis vous dire qu'à l'échelle mondiale, la France peut être fière de ce qu'elle fait, à la fois dans ses grandes entreprises on en a parlé -, en même temps dans sa capacité à fédérer les pays du monde autour d'une grande idée qui est la question par exemple climatique. Et ça, il faut que les Français soient bien conscients de cette force et du potentiel dont nous disposons. Nous sommes capables de sortir de la crise économique, d'ailleurs on le voit dans les grands défis qui sont relevés, et en même temps de se projeter vers le futur. La France d'aujourd'hui n'est pas celle d'il y a cinq ans. Elle n'est pas celle qu'elle était il y a cinq ans.
BRUCE TOUSSAINT
Il y a aussi une crise identitaire d'une certaine façon. Je voudrais vous faire écouter c'est très court Marion MARECHAL-LE PEN. Elle était à votre place hier matin. Ecoutez ce qu'elle nous dit sur une grande idée, la République, les valeurs de la République. Ecoutez.
MARION MARECHAL-LE PEN, DEPUTEE FRONT NATIONAL DU VAUCLUSE
Je suis d'une génération, je crois, qui est un peu saoulée par les valeurs de la république qu'on nous sert en permanence et dont on ne sait pas ce qu'elles recouvrent. Et qui évitent d'ailleurs justement d'aller sur le fond des idées puisqu'à partir du moment où on dit : « Oui, valeurs de la république », on est ainsi exclu du pseudo champ républicain ». Moi tout ce que je dis, c'est que je défends évidemment la Vème République, c'est un système auquel je suis attachée, mais la Vème République c'est un régime politique. La France, c'est mon pays. Je ne confonds pas tout à fait les deux. La France, ça n'est pas que la République, ça a commencé d'ailleurs avant la République. Je n'oublie pas les seize siècles de chrétienté qui ont précédé et voilà. La révolution française en fait partie mais elle ne se restreint pas à ça.
BRUCE TOUSSAINT
« Je suis saoulée par les valeurs de la République », qu'est-ce que ça vous inspire ?
SEGOLENE ROYAL
Ça m'inspire quand même beaucoup de consternation. Qu'est-ce que c'est que la république ? C'est la liberté, c'est l'égalité, c'est la fraternité et donc c'est aussi la soif de justice. La France, là aussi, a un message, a toujours porté un message au reste du monde par rapport à cette soif de liberté, d'égalité et de fraternité, et c'est sans relâche qu'il faut remettre le travail sur l'atelier, et en particulier sur les questions de justice. Si on laisse faire la loi du marché, si on laisse faire le libre-échange, il y a des enjeux très importants aujourd'hui de discussion sur les règles du commerce international par exemple. On creuse les inégalités et donc la politique c'est de remettre des règles, l'ordre juste, de remettre des règles qui vont constamment s'atteler à la question de la réduction des inégalités. Parce que la justice est créatrice d'activités économiques et d'emploi ; l'injustice est créatrice de frustration et de destruction de valeurs, et donc l'enjeu aujourd'hui dans le monde contemporain, c'est sans doute cette valeur-là de justice qu'il faut défendre parce que c'est aussi une valeur d'efficacité économique. C'est vrai dans un pays, c'est vrai à l'échelle de la planète et si on laisse se creuser les inégalités par exemple entre les grands continents, on aura des problèmes gravissimes de migration de la misère. Alors que si on transfère les savoir-faire, les technologies et notamment, je l'ai dit tout à l'heure, d'accès à l'énergie renouvelable, on aura une réduction des écarts des inégalités et donc de la création de valeurs économiques et de valeur ajoutée.
BRUCE TOUSSAINT
Il y a la justice sociale et puis il y a la justice tout court, Salah ABDESLAM est en prison en France depuis hier, dans une cellule qui est équipée de vidéosurveillance, c'est inédit, vous comprenez cette mesure ?
SEGOLENE ROYAL
Moi, je pense surtout en ce moment aux victimes et aux familles des victimes, à la fois parce que chaque fois elles savent que le procès va commencer, donc il y a à la fois une montée de l'angoisse et en même temps de l'apaisement aussi, d'essayer de comprendre, de faire son deuil de cet effroyable carnage et c'est cela surtout auquel je pense.
BRUCE TOUSSAINT
Mais ?
SEGOLENE ROYAL
Mais voilà
BRUCE TOUSSAINT
Vous comprenez cette mesure, encore une fois qui est inédite.
SEGOLENE ROYAL
Qui relève de la compétence, je crois, du Garde des Sceaux
BRUCE TOUSSAINT
Ça vous a un peu surpris ou pas du tout ?
SEGOLENE ROYAL
Pas du tout au contraire
BRUCE TOUSSAINT
Je voudrais que, vous parliez à l'instant des victimes, on va écouter ensemble, c'est très court là aussi, il était sur ce plateau il y a quelques minutes, Emmanuel DEMENACH, il était au Bataclan le 13 novembre, c'est un rescapé des attentats de Paris, écoutez ce qu'il dit parce qu'il attend beaucoup, pas seulement du procès, écoutez.
EMMANUEL DEMENACH, RESCAPE DES ATTENTATS DU 13 NOVEMBRE 2015
Il y a un besoin dans les familles de victimes, on se rend compte qu'on a peu d'éléments, pas d'élément et les PV d'autopsie n'ont toujours pas été versés à l'instruction, donc aujourd'hui on a des gens qui ont perdu un fils, une fille, une soeur, un frère et qui ne savent toujours pas comment il est mort. Donc on a une sorte d'indifférence de l'Etat et donc on attend de Salah ABDESLAM peut-être trop justement, comme l'a dit monsieur TOUSSAINT, mais c'est parce que malheureusement, on n'a pas de réponse. Il peut peut-être apporter certaines réponses qu'on attend.
BRUCE TOUSSAINT
Voilà c'est poignant d'entendre ça, mais
SEGOLENE ROYAL
C'est une grosse détresse
BRUCE TOUSSAINT
Mais il y a une attente énorme de l'Etat, alors est-ce qu'il n'y a pas un problème.
SEGOLENE ROYAL
C'est une grande détresse dans l'incompréhension, quand on a une victime proche, qu'on a été comme ça très douloureusement frappé dans sa chair, dans son intimité, ou dans celle de ses proches, on a envie de comprendre, on a envie de savoir pour trouver l'apaisement et j'espère que les victimes vont trouver, toutes ces victimes et leurs familles vont trouver l'apaisement dans la vérité qui doit être dite.
BRUCE TOUSSAINT
Ce sera un des sujets de la campagne présidentielle, vous croyez, la sécurité au sens très très large, la lutte contre le terrorisme ?
SEGOLENE ROYAL
Pas seulement d'une campagne présidentielle, c'est un sujet permanent bien sûr cette soif de sécurité.
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez un doute sur la candidature de François HOLLANDE ?
SEGOLENE ROYAL
Vous y tenez. Tout ça est dans un an, tout cela est dans un an et ce qui rassemble aujourd'hui le président de la République, le Premier ministre et le gouvernement, c'est d'être à la tâche et de faire en sorte que cette bonne nouvelle du recul du chômage, elle se structure, elle se répète, elle soit durable.
BRUCE TOUSSAINT
Donc vous n'avez pas de doute ?
SEGOLENE ROYAL
Et elle relance l'espérance de ceux qui souffrent aujourd'hui du chômage ou de la précarité.
BRUCE TOUSSAINT
Donc pas de doute ?
SEGOLENE ROYAL
Ce n'est pas ce que je vous ai dit, j'ai dit qu'on verra dans un an, on verra dans quelques temps quand le moment viendra.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Ségolène ROYAL, bonne journée à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 2 mai 2016