Déclaration de Mme Barbara Pompili, secrétaire d'Etat aux relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité, sur la mise en oeuvre de la dimension environnementale de l'Agenda 2030 pour le développement durable, à Nairobi le 26 mai 2016.

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Circonstance : Assemblée des Nations unies pour l'Environnement, à Nairobi (Kenya) du 23 au 27 mai 2016

Texte intégral

L'année 2015 a constitué un tournant majeur pour l'environnement et le développement durable, avec l'adoption de l'Agenda 2030 et ses 17 Objectifs de développement durable (ODD) lors du Sommet de New York et l'adoption de l'Accord de Paris deux mois plus tard.
Leurs caractères universels, leur ambition commune, leur capacité à dépasser les clivages montrent notre volonté commune d'avancer ensemble vers un monde plus juste et soucieux de la protection de notre planète et des générations futures ;
Il nous faut à présent être à la hauteur de nos engagements et, à ce titre, le suivi de la mise en oeuvre de l'Agenda 2030 revêt une importance cruciale.
Au coeur du dispositif global de suivi se tient le Forum politique de haut niveau pour le développement durable.
La réussite de la prochaine édition de ce Forum en juillet prochain, la première après l'adoption de l'Agenda 2030, sera d'une importance majeure.
Afin d'y contribuer et en cohérence avec son engagement dans la négociation ayant conduit à l'adoption des ODD, la France fera partie des premiers pays à présenter dès juillet prochain leur démarche de mise en oeuvre nationale ;
Le succès de l'Agenda 2030, notre nouvelle feuille de route universelle en matière de développement durable pour les 15 ans à venir, repose en premier lieu sur l'implication de tous les Etats.
Il doit également s'appuyer sur un système international onusien efficient.
Le PNUE, en tant qu'autorité mondiale de l'environnement, et la présente Assemblée doivent y avoir un rôle de premier plan, dans un contexte où plus de la moitié des ODD sont relatifs à l'environnement ou la viabilité à long terme de nos ressources.
Collectivement, il nous faut consolider la voix de l'environnement, qui passe notamment par une plus grande cohérence de la gouvernance internationale de l'environnement ; à ce titre, je tiens à saluer les projets de résolutions soumis à l'adoption de la présente Assemblée, consacrés aux synergies entre accords multilatéraux environnementaux (AME) relatifs à la biodiversité, et aux relations que le PNUE entretient avec les AME ;
Mais une des réussites des ODD est de reconnaître qu'il nous faut décloisonner les politiques si nous voulons atteindre un développement qui soit véritablement durable.
Au cours de la négociation de l'Agenda 2030, la France avait été particulièrement attentive à cet aspect, notamment en matière d'enjeux environnementaux et climatiques.
Il nous faut donc faire en sorte que le système international environnemental, au premier rang duquel le PNUE, renforce sa collaboration avec d'autres organisations et institutions au-delà du seul champ de l'environnement, au sein des Nations unies mais pas uniquement, dans le respect des mandats de chacun ;
Il incombera ainsi à la présente Assemblée d'adresser au Forum politique de haut niveau des messages forts.
Ces messages concerneront bien sûr nos progrès et les principaux défis que nous rencontrons en tant que ministres de l'environnement dans la mise en oeuvre des ODD.
Mais il nous faudra surtout montrer combien les solutions basées sur la nature et la viabilité environnementale offrent des opportunités pour faire de l'Agenda 2030 une réalité et ce sur l'ensemble de ses dimensions sociales, économiques et environnementales.
Le débat que nous aurons demain sur les liens santé - environnement en sera un premier exemple.
La 13e Conférence des Parties de la Convention sur la diversité biologique (COP13), qui se tiendra en décembre prochain au Mexique, sera une autre contribution majeure de notre communauté en ce sens.
La COP13 sera en effet placée sous le thème général de l'intégration de la biodiversité à travers d'autres politiques avec lesquelles il est essentiel de reconnaître les interrelations. Les politiques en matière d'agriculture, de foresterie, de pêche ou tourisme seront particulièrement évoquées.
Mais ces interrelations concernent également de nombreux autres champs, parmi lesquels nos politiques climatiques, énergétiques, de réduction des risques de catastrophes ou de santé.
Les conférences de Paris sur le climat ou de Sendaï sur les catastrophes naturelles, notamment, ont bien montré ces interdépendances ;
Le décloisonnement des politiques est particulièrement vital en matière de biodiversité.
C'est donc tout naturellement que la biodiversité est un élément-clé de l'Agenda 2030, avec deux ODD dédiés respectivement à la vie marine et terrestre, avec des liens vers la plupart des autres objectifs (élimination de la pauvreté, sécurité alimentaire, eau, ou encore consommation et production durables, climat...) ; cette intégration de la biodiversité doit se refléter dans nos stratégies nationales, plans de développement et comptabilités nationales ;
Au niveau français, la biodiversité constitue un enjeu majeur.
L'adoption du projet de loi relatif à la reconquête de la biodiversité et des paysages est prévue très prochainement.
Ce projet de loi vise à rétablir avec la nature des relations non seulement harmonieuses mais fructueuses, bonnes pour la santé, bonne pour l'innovation et bonnes pour l'emploi.
Elle contribuera ainsi à la mise en oeuvre des ODD au niveau national ;
Dans nos politiques nationales, l'assistance aux pays en développement, notamment les plus vulnérables, n'est pas en reste ; ainsi, la France a accru son niveau d'aide au développement consacrée à la biodiversité de 137 millions d'euros en 2010 à 271 millions en 2015.
Cette stratégie de mobilisation des ressources s'appuie sur les actions de l'Agence française de développement (AFD), le Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) et notre contribution au Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM).
Cette dimension de solidarité internationale est également très présente au sein de l'Agenda 2030, et il conviendra d'y apporter toute notre attention.
Cette année 2016 est une année riche d'opportunités, mais aussi de responsabilités.
Avec l'Agenda 2030, nous avons une possibilité unique de préparer un avenir durable pour l'humanité et la planète. Nous sommes tous concernés, et ne pouvons nous permettre de manquer ce rendez-vous.
ELEMENTS DE CONTEXTE
a) Agenda 2030 : Le nouveau cadre international du développement durable
L'Agenda 2030 pour le développement durable, véritable feuille de route du développement durable pour les 15 prochaines années, a été adopté officiellement par les chefs d'Etat et de gouvernement au cours du sommet spécial sur le développement durable en septembre 2015 à New York, deux mois avant la COP21. Il porte une vision visant à transformer notre monde en éradiquant la pauvreté et en assurant sa transition vers un développement durable.
Fruit d'une consultation mondiale et d'un des processus les plus inclusifs en direction de la société civile que les Nations Unies aient jamais menés, les Objectifs de développement durable, au nombre de 17, forment le coeur de l'Agenda 2030. Ils sont exceptionnels à plusieurs égards. Ils constituent d'abord une vision collective, universelle du développement durable. Applicable à tous, ils reconnaissent qu'en matière de développement durable tous les pays peuvent être considérés comme en développement.
Ils présentent par ailleurs une vision résolument transversale et intégrée du développement durable. Ainsi, pour la dimension environnementale de l'Agenda 2030, on trouve des ODD respectivement dédiés à l'eau et à l'assainissement, à l'énergie durable, aux villes durables, aux modes de consommation et de production durables, au climat, aux océans et aux écosystèmes terrestres. L'ambition se traduit aussi par la reconnaissance des liens entre l'environnement et d'autres thématiques. De fait, les enjeux environnementaux et climatiques sont pris en compte dans des ODDs spécifiques mais aussi dans divers autres objectifs, par exemple dans l'ODD relatif à la lutte contre la pauvreté reflétant la vulnérabilité des populations pauvres face aux phénomènes climatiques extrêmes.
- Suivi de la mise en oeuvre des objectifs de développement durable
Le Forum politique de haut niveau (FPHN) des Nations unies, est au sommet de l'architecture du processus de suivi international de l'atteinte des objectifs de développement durable. Conçu comme un espace de suivi des progrès, d'échange de bonnes pratiques, et de renforcement de l'interface science-politique en matière de développement durable notamment au regard des politiques concourant aux ODD, il se réunira annuellement sous les auspices du Conseil économique et social des Nations Unies, et, tous les 4 ans, sous l'égide de l'Assemblée générale des Nations unies, en présence des chefs d'Etat et de gouvernement. La France fera partie des 22 pays qui présenteront leur démarche de mise en oeuvre domestique de l'agenda 2030 lors de la prochaine session du FPHN (11 – 20 juillet 2016).
- Implication pour la France dès 2016
La présentation de notre mise en oeuvre de l'Agenda 2030 lors du FPHN de juillet implique de produire un rapport sur les progrès réalisés pour l'atteinte des ODD. Il va de soi que, s'agissant de la première revue d'un agenda qui aura 6 mois d'existence, et dont les indicateurs ne seront pas encore formellement adoptés (ils le seront en principe en septembre à New-York), l'exercice servira de pilote pour les présentations des autres pays les années suivantes. La France, comme les autres pays candidats à une première présentation, s'attachera pour cet exercice à rendre compte des mesures prises ou envisagées pour une bonne mise en oeuvre de l'agenda au plan national, mais également au plan international.
La Déléguée interministérielle au développement durable (MEEM/CGDD) coordonne la mise en oeuvre de l'Agenda 2030 en France et joue un rôle essentiel dans la préparation du rapport au FPHN. Outre le mécanisme de coordination de la mise en oeuvre des ODD, le rapport de la France dressera une analyse qualitative et préliminaire de l'état de la France au regard de chacun des ODD. La ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, conjointement avec le secrétaire d'Etat au développement et à la francophonie, pourront en présenter oralement au FPHN une synthèse, en s'attachant à mettre en relief les principales bonnes pratiques et défis de la France par rapport à l'Agenda 2030 au regard de quelques grands thèmes transversaux.
b) Le PNUE et l'Agenda 2030
Plus de la moitié des objectifs de développement durable ayant une dimension environnementale ou portant sur la viabilité à long terme des ressources, le PNUE aura un rôle majeur dans leur mise en oeuvre. De fait, le programme de travail 2018-2019 et de la stratégie à moyen terme 2018-2021 qui seront adoptés à l'ANUE2 alignent les actions du PNUE sur l'Agenda 2030 et précisent les contributions du programme sur l'ensemble des 17 ODD.
Parmi les 10 axes stratégiques proposés par le PNUE pour sa contribution à la mise en oeuvre de l'Agenda 2030, les actions les plus marquantes du PNUE porteront sur :
- le renforcement de l'interface science-politique : évaluations dont soutien au GIEC, à l'IPBES et production de la sixième édition de l'Avenir de l'environnement mondial (GEO, global environmental outlook), analyses des politiques, production de cadres analytiques et d'approches intégrés, y compris aux fins des activités de suivi et d'évaluation.
- l'assistance technique et le renforcement des capacités : mise à disposition de compétences techniques et systèmes de connaissances aux États Membres, parties prenantes et organismes des Nations unies
- la facilitation de la création de normes internationales et la promotion des partenariats
- la facilitation de la transition vers des technologies propres et écologiquement rationnelles, et
- l'éducation et la formation en matière d'environnement au travers notamment de cours en lignes ouverts à tous (MOOC) tels que ceux existants sur les liens santé-climat ou sur l'approche écosystèmique.
Le PNUE participera par ailleurs au suivi global de la mise en oeuvre des ODD en contribuant au Forum politique de haut niveau (FPHN) notamment au travers d'indicateurs spécifiques à certaines cibles ODD, l'identification se sujets émergents et la production d'analyses de fond dans le cadre du Global sustainable development report, rapport phare appelé à être publié par les Nations unies tous les 4 ans.
Projet de résolutions soumis à l'adoption de l'ANUE 2
Parmi les projets de résolutions soumis à l'adoption de l'ANUE 2, on peut notamment citer ici :
- le projet de résolution Rôle du PNUE et de l'ANUE dans la mise en oeuvre de l'Agenda 2030 (UE), en particulier pour éviter une mise en oeuvre en silos et assurer le suivi et la bonne intégration de la dimension environnementale des Objectifs de développement durable. L'UE et la France visent en particulier à faire reconnaître un rôle politique à part entière pour l'ANUE comme autorité mondiale pilote en matière d'environnement, au-delà de celui de simple organe de gouvernance du PNUE. Les Etats-Unis, l'Egypte et l'Arabie Saoudite sont les principaux opposants à cette idée.
- le projet de résolution Synergies entre les accords environnementaux multilatéraux liés à la biodiversité (Suisse) :
La France soutient ce projet de résolution visant à encourager les synergies entre les conventions et autres organisations relatives à la biodiversité (CBD, CITES, IPBES, etc.). Le projet de résolution fait suite à un processus lancé en 2012 par le Conseil d'administration du PNUE sur les possibles synergies programmatiques qui pourraient être menées entre ces conventions. La résolution se concentre sur le rôle de coordination du PNUE ainsi que le soutien qu'il peut jouer pour aider les Etats à mettre en oeuvre leurs obligations relatives à la biodiversité, notamment l'atteinte des cibles d'Aïchi. Elle appelle également les organes exécutifs des différentes conventions à prendre en compte les rsultats de l'étude menée par le PNUE pour renforcer les synergies. La France soutient une résolution ambitieuse, venant notamment en appui aux travaux en ce sens engagés sous l'égide de la CDB.
- le projet de résolution Relations du PNUE avec les AME (UE) :
L'objectif de cette résolution est de clarifier et améliorer les relations du PNUE avec les 15 accords multilatéraux (AME) qu'il administre en se centrant sur trois points prioritaires : a) une harmonisation des accords-cadres signés entre le PNUE et les corps gouvernants des AME, b) une harmonisation des règles financières des AME, c) le renforcement de la coordination programmatique entre le PNUE et ces AME. Cette résolution est accompagnée d'une note explicative de l'UE présentant les objectifs de cette résolution. La France soutient fortement cette résolution qui, au-delà de ses bénéfices administratifs permettra aussi conforter le rôle du PNUE comme autorité mondiale de l'environnement. Les négociations devraient cependant être difficiles sur ce projet sachant sa complexité et les blocages politiques récurrents sur les actions visant à renforcer et clarifier les relations entre le PNUE et les AME, certains pays craignant qu'un rôle trop important soit donné au PNUE, au détriment des AME. La France souhaiterait en outre que la coopération programmatique avec les AME s'étende au-delà des AME administrées par le PNUE (avec la Convention climat ou la Convention de lutte contre la désertification par exemple).
D'autres projets de résolutions touchent également aux questions de biodiversité : projets de résolutions liées à l'environnement marin (3 projets : océans et mers, déchets plastiques marins, récifs coralliens), sur la gestion durable du capital naturel, sur le trafic illégal d'espèces sauvages, ou encore sur la Biodiversité et le bien-être (promotion de la COP13 de la convention sur la diversité biologique).
La 13e Conférence des Parties à la Convention sur la diversité biologique (COP-13 CDB, Cancún, 4-17 décembre 2016 – segment ministériel les 2 et 3 décembre)
Le Mexique sera cette année l'hôte de la COP de la CDB, ainsi que des Réunions des Parties (MOP) au Protocole de Cartagena sur la prévention des risques biotechnologiques et au Protocole de Nagoya sur l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages issus de leur utilisation (APA). La Présidence mexicaine placera la COP-13 sous le signe de l'intégration transversale (« mainstreaming ») de la biodiversité dans les politiques sectorielles, notamment en matière d'agriculture, de pêche, de forêt et de tourisme. Le segment de haut niveau devrait inclure la présentation de bonnes pratiques en matière de « mainstreaming ». La COP-13 aura été précédée des réunions de l'Organe subsidiaire chargé de fournir des avis scientifiques, techniques et technologiques (SBSTTA-19, novembre 2015, et SBSTTA-20, 25-30 avril 2016) et de l'Organe subsidiaire sur la mise en oeuvre (SBI-1, 2-6 mai 2016). Au segment technique, seront également étudiées des décisions relatives à la biodiversité marine (y compris aux déchets marins), aux liens entre biodiversité et changement climatique, aux aires protégées et à la restauration des écosystèmes ainsi qu'à l'évaluation de l'IPBES sur les pollinisateurs.
Aide au développement en matière de biodiversité
Opérateur pivot de la coopération française, l'Agence française de développement (AFD) s'est engagée à promouvoir un développement durable dans le respect des engagements de Rio, notamment quant à la préservation de la biodiversité. Elle s'est dotée d'un « Cadre d'intervention transversal Biodiversité » pour la période 2013-2016, suivant les a axes stratégiques suivants: protéger, restaurer, gérer et valoriser les écosystèmes et partager équitablement les bénéfices de leur mise en valeur ; intégrer la conservation des écosystèmes dans toutes les politiques de développement sectorielles ;renforcer les partenariats entre acteurs français de la biodiversité, acteurs internationaux et acteurs nationaux, publics, privés, scientifiques et associatifs des pays d'intervention de l'AFD.
. Depuis plus de 10 ans, elle développe un portefeuille de projets dans des secteurs et selon des approches qui associent des objectifs de développement à des objectifs de protection et de gestion durable des ressources naturelles. En 2015, l'activité « biodiversité » de l'AFD s'est élevée à 253 M€.
Le Fonds Français pour l'Environnement Mondial (FFEM) est un fonds public destiné à favoriser la protection de l'environnement mondial dans les pays en développement. Depuis 20 ans, le FFEM contribue par des subventions au financement de projets de développement ayant un impact significatif et durable sur les grands enjeux de l'environnement mondial, dont la biodiversité. Pour maintenir et protéger la biodiversité, le FFEM finance des projets qui visent à mettre en oeuvre les grandes orientations de la Convention sur la diversité biologique. Ces projets concernent notamment la conservation des espèces et des espaces, l'usage traditionnel des ressources naturelles par les populations, la gestion durable des ressources naturelles, pour en faire un atout du développement économique et social, et les outils innovants de financement de la conservation de la biodiversité
En matière d'aide multilatérale et s'agissant plus spécifiquement du volet biodiversité du Fonds pour l'environnement mondial (FEM), la contribution française au titre de l'année 2015 s'élevait à 14,9 M€.
source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 1er juin 2016