Texte intégral
GERARD LECLERC
Hélène GEOFFROY, re-bonjour. On revient sur ce congrès des maires de France. François HOLLANDE, on vient de le dire, a annoncé la réduction de moitié de la baisse des dotations de l'Etat aux communes et intercommunalités. On va dire c'est encore un cadeau d'une part, et deuxièmement est-ce que c'est vraiment justifié ?
HELENE GEOFFROY
Je ne pense pas qu'on peut parler de cadeau à un moment où on regarde la situation de près des collectivités à qui on a demandé effectivement un effort mais qui fonctionne puisque la France réduit ses déficits. Avec votre intervenant précédent, on pouvait avoir l'impression que tout cela était des coups d'épée dans l'eau. Or, la situation financière de la France est plus saine. Et puis d'un autre côté, le chef de l'Etat annonce aussi un fonds de soutien à l'investissement local qui augmente de 1,2 il était d'un milliard cette année, un milliard d'euros qui permet de faire aussi de l'investissement pour les collectivités locales, les équipements publics et donc de faire fonctionner l'économie.
GERARD LECLERC
Oui, mais est-ce que c'est suffisant ? Parce que là pour le coup vous-même, vous avez été maire de Vaulx-en-Velin et là tous les élus locaux, tous les maires s'inquiètent justement de la dégradation de l'investissement public. Ils ne peuvent plus investir.
HELENE GEOFFROY
C'est pour cela que ce fonds de soutien dédié à l'investissement et qui fonctionne bien, puisqu'avec les préfets de région il y a un dialogue très constructif, et pour les villes de banlieue telle que Vaulx-en-Velin que vous citiez, il y a eu d'autres choses : des fonds de dotation de solidarité urbaine, de même que dans le monde rural il y a des fonds de dotation spécifique de solidarité qui permettent de compenser pratiquement la baisse de ces dotations. Je ne voudrais pas moi non plus être trop technique mais ce que le gouvernement a fait est assez cohérent. C'est-à-dire qu'il y a eu des fonds de péréquation qui permettent de construire la solidarité entre les villes les plus riches et les villes les plus pauvres comme les villes de banlieue, et des fonds d'investissement en disant : « Ne pénalisons pas justement l'économie et faisons les équipements publics ». Et pour les villes comme les villes les plus populaires, les villes que je suis, les villes de banlieue, c'est indispensable parce que les taux d'équipements publics sont insuffisants aujourd'hui et elles se sont saisies de ce sujet. Je le vois aujourd'hui notamment autour des rénovations des bâtiments publics comme les écoles qui sont une urgence souvent dans nos villes.
GERARD LECLERC
Hélène GEOFFROY, avant d'être Secrétaire d'Etat à la Ville, vous étiez maire de Vaulx-en-Velin. Vous y êtes retournée hier pour la destruction de trois grands bâtiments du Mas du Taureau. C'est là où avaient démarré les émeutes en 1990. Supprimer comme ça des bâtiments, des tours, est-ce que c'est suffisant pour régler le problème de relégation de certains quartiers ?
HELENE GEOFFROY
Evidemment non. C'est une condition nécessaire mais elle n'est pas suffisante.
GERARD LECLERC
Mais nécessaire quand même.
HELENE GEOFFROY
Mais indispensable parce qu'il faut quand même transformer le cadre de vie. Depuis l'ANRU 1 qui avait démarré en 2005, des efforts ont été largement poursuivis surtout ce quinquennat. Cinq milliards d'euros ont été rajoutés sur ce quinquennat et le nouveau programme de renouvellement urbain qui débute va permettre la transformation du cadre bâti. Mais à côté de ça, il faut travailler sur les politiques d'accès à l'emploi. C'est une urgence et c'est ce que permet la loi sur la politique de la ville que mon prédécesseur François LAMY a portée, que j'ai suivie en tant que députée et qui dit : finalement, traitons tous les problèmes de l'humain, la question de l'école et de l'éducation. Ça a été fait avec le travail sur les réseaux d'éducation prioritaire qui collent avec la géographie de la politique de la ville. C'est fait avec les questions d'accès à l'emploi et la participation des citoyens, enjeu démocratique fondamental.
GERARD LECLERC
C'est quand même une question qui se pose beaucoup, que l'on entend : à quoi sert le ministère de la Ville ? Vous n'avez pas beaucoup de budget, vous n'avez pas d'administration.
HELENE GEOFFROY
Si.
GERARD LECLERC
Enfin, peu en tout cas, comparé à d'autres grands ministères. Alors à quoi sert le ministère de la Ville ? Ministère horizontal.
HELENE GEOFFROY
Oui, oui. Qui fait appel du coup à tous les sujets parce qu'il faut travailler avec l'éducation, l'emploi, la santé et l'intérieur. Mais le ministère de la Ville, c'est dire aussi qu'il y a des problématiques particulières sur les quartiers. Ils sont aujourd'hui mille cinq cents quartiers populaires pour lesquels la pauvreté et la précarité sont le plus concentrées. C'est ainsi que les nouveaux quartiers ont été définis et c'est dire désormais quels sont les sujets sur lesquels il faut appuyer. Ils sont simples. Moi, je travaille au fait que l'on puisse rétablir l'accès à l'emploi et cette fameuse promesse républicaine. Désormais aujourd'hui, tous les bac + 3 sont appelés par Pôle emploi pour leur permettre, parce qu'on se rend compte qu'à diplôme égal dans nos quartiers populaires les jeunes ne trouvent pas de travail ou mettent plus de temps à trouver que leurs camarades de promotion, ce qui est insupportable quand on a fait un effort. Donc ça y est, aujourd'hui nous les convoquons tous, nous les mettons en réseau avec les grandes entreprises. Sur les questions éloignées de l'emploi, je fais en sorte que tous les dispositifs d'accès à l'emploi, et la garantie jeunes aujourd'hui qui va être étendue à tous les jeunes, il est indispensable que les jeunes des quartiers populaires en bénéficient. Et si vous laissez faire les choses naturellement, vous vous rendez compte toujours que quand les dispositifs que l'on appelle de droit commun, quand les textes sont votés, ce sont les habitants des quartiers populaires qui en bénéficient le moins et je sers à ce qu'ils en bénéficient pleinement.
GERARD LECLERC
Vous êtes très en faveur de la démocratie participative. Concrètement, quelles retombées pour les quartiers ?
HELENE GEOFFROY
Aujourd'hui ça veut dire des conseils citoyens qui ont été créés avec une partie d'habitants tirés au sort.
GERARD LECLERC
Et ça marche ça ?
HELENE GEOFFROY
Et ça marche. Nous sommes à huit cent cinquante conseils citoyens crées aujourd'hui, bientôt mille. C'est l'objectif qui m'est fixé. C'est important parce que c'est une révolution démocratique. Désormais, les citoyens sont au même niveau que l'Etat, les collectivités locales, pour décider de l'avenir de leur quartier et je pense que nous irriguerons le reste de la société française.
GERARD LECLERC
Un mot sur l'affrontement, l'épreuve de force entre le gouvernement et la CGT autour de la loi El Khomri. Toujours des grèves, des blocages, des barrages. Comment en sortir et, sur le fond, qu'est-ce que vous pensez de cette situation ?
HELENE GEOFFROY
En tout cas, moi je soutiens pleinement le projet de loi El Khomri, je l'ai déjà dit. Lorsque j'étais députée, moi j'aurais voté déjà aussi la loi Macron, celle qui avait aussi un 49-3, parce qu'il y a une urgence. La loi El Khomri, c'est la loi qui permettra d'oxygéner nos quartiers populaires. Quand nos jeunes sont deux fois plus au chômage qu'ailleurs, 40 % des jeunes dans les quartiers de la politique de la ville sont au chômage, quand il y a 26,7 % de chômage.
GERARD LECLERC
Oui, mais la CGT dit : la loi El Khomri, c'est plus de précarité, c'est des licenciements plus faciles.
HELENE GEOFFROY
Non. La réalité aujourd'hui, c'est qu'il faut rentrer dans le monde du travail et la difficulté dans laquelle sont les habitants de nos quartiers populaires, c'est qu'ils n'y mettent pas le pied où ils y mettent le pied beaucoup plus difficilement, qu'ils soient diplômés ou qu'ils ne le soient pas. Et le fait de retrouver un dialogue, qu'ils soient au plus près des entreprises avec les salariés, qui permette de redonner de l'oxygène. Je redis encore une fois, moi je suis convaincue que cela permettra de déverrouiller les choses. On en a besoin impérativement. Lorsqu'on fait un débat je me souviens de débats précédents sur la question : faut-il travailler combien de dimanches ? Moi je suis désolée, dans les quartiers populaires que je suis, la question c'est de travailler tout court et de travailler les jours de la semaine. Donc on est dans des débats qui sont à mon avis décalés avec les réalités.
GERARD LECLERC
La CGT se trompe.
HELENE GEOFFROY
Bien sûr qu'il faut protéger les salariés et je comprends que ce soit le rôle d'un syndicat, mais moi mon rôle c'est de veiller à ce que les gens, les habitants des quartiers, puissent y rentrer. Et puis il y a le compte personnel d'activité qui protège les gens en précarité et la garantie jeunes. 20 % des jeunes des quartiers populaires vont être concernés et la question pour réguler le travail détaché. Les premières victimes sur les questions du travail détaché, c'est dans les quartiers populaires, c'est là que je suis interpellée régulièrement.
GERARD LECLERC
Hélène GEOFFROY, on l'a compris, vous défendez la loi El Khomri comme vous avez défendu, vous l'avez dit, la loi Macron. En attendant les Français ne comprennent pas et si on regarde les sondages, encore celui ce matin d'Elabe pour Radio Classique et Les Echos, il est catastrophique. Record d'impopularité pour François HOLLANDE, 15 %, moins 1 %, et seulement 18 % pour Manuel VALLS.
HELENE GEOFFROY
Oui mais nous avons à continuer un devoir d'explication encore et encore.
GERARD LECLERC
Oui, ça c'est sûr !
HELENE GEOFFROY
Oui, et c'est bien ce que nous sommes en train de faire. Les sondages, c'est toujours une photographie évidemment liée à des manifestations, un débat sur la loi Travail, ce n'est pas étonnant que les sondages présentent cet aspect-là. Dans l'année qui vient, c'est aussi le moment où nous expliquerons ce qui a été fait, où nous dirons où nous sommes en train de dire que nous avons protégé un modèle.
GERARD LECLERC
Le gouvernement a raison de tenir, de s'entêter sur la loi El Khomri malgré toutes les protestations sociales ?
HELENE GEOFFROY
C'est réexpliquer ce qui est bien. Lorsque vous faites des débats de proximité et que vous reprenez le temps d'expliquer ce que la loi El Khomri va permettre et moi je le fais dans les quartiers dans lesquels je passe je veux dire le message, il est clair. Les gens ils sont sans travail, le chômage diminue mais n'a pas encore diminué suffisamment. Eux, leur urgence c'est celle-là. Et quand je leur explique que la loi Travail permettra de protéger entre deux temps de CDD, parce que ce n'est pas une réalité vers laquelle on va, c'est la réalité d'aujourd'hui : dans les quartiers populaires, c'est de l'intérim, des CDD courts, leur ; leur dire que ça va protéger les temps intermédiaires, leur dire qu'on va régler les questions du travail détaché et qu'ils rentreront, ils mettront ce fameux pied dans l'entreprise, je vous assure que la compréhension est là. Et c'est ce temps-là qu'il nous faut prendre aujourd'hui de mon point. Et les sondages, les choses se clarifieront aussi quand la droite aussi finira d'expliquer ses choix.
GERARD LECLERC
En attendant, François HOLLANDE est à 15 %. Il peut encore être candidat ?
HELENE GEOFFROY
Bien sûr, bien sûr.
GERARD LECLERC
On n'a jamais vu un président aussi bas.
HELENE GEOFFROY
Mais vous savez bien qu'à un an vous êtes un observateur de la vie politique depuis longtemps vous savez bien qu'à un an des présidentielles, rien n'est joué et puis vous savez bien comment François HOLLANDE est un homme qui peut revenir de loin et qui sait après susciter l'adhésion. Moi je n'ai pas d'inquiétude là-dessus. Ce qui serait pour moi plus dommageable, c'est que nous n'allions pas jusqu'au bout de ce que nous avions décidé de faire. La gauche en venant aux responsabilités a dit qu'elle changerait, qu'elle contribuerait à changer la vie des gens. Nous allons continuer à le faire pendant un an.
GERARD LECLERC
Merci Hélène GEOFFROY. Je rappelle que vous êtes Secrétaire d'Etat chargée de la Ville.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 6 juin 2016