Déclaration de Mme Ségolène Royal, ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, sur l'Accord de Paris sur le climat, à Paris le 15 juin 2016.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Cérémonie solennelle de ratification de l'Accord de Paris sur le climat, à Paris le 15 juion 2016

Texte intégral


Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Premier Ministre,
Monsieur le Président du Conseil constitutionnel,
Monsieur le Vice-président du Sénat, Président de la commission du développement durable du Sénat,
Madame la Maire de Paris,
Monsieur le Président de l'Association des Maires de France,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Monsieur le Ministre des Affaires étrangères,
Madame la Ministre des Outre-Mer,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Nous sommes réunis aujourd'hui pour accomplir une belle étape dans le processus de mise en œuvre de l'Accord de Paris : sa ratification par la France.
Monsieur le Président de la République, vous avez voulu accueillir ici la COP21 à un moment où personne ne pouvait prévoir sa réussite et les pays du monde entier se sont alors mobilisés pour obtenir cette réussite que nous célébrons aujourd'hui.
Au moment où le monde est en proie à une grande violence, à de terribles tensions, à la montée des fanatismes, le juste combat pour le climat apaise, réconcilie, construit l'avenir.
Il est aussi un facteur clé de la lutte contre l'insécurité car si nous n'avions rien fait, ce sont plus de 200 millions de réfugiés climatiques qui d'ici la fin du siècle auraient déstabilisé les territoires et les Etats.
Vous allez tout à l'heure, signer le texte de ratification avec le Ministre des Affaires étrangères, la ministre des Outre-Mer et moi-même, signer cette promulgation de la loi autorisant la ratification de l'Accord sur le climat.
Je voudrais chaleureusement remercier l'Assemblée nationale et le Sénat qui ont voté à la quasi-unanimité ce projet de loi ainsi que les parlementaires qui ont été très nombreux, à l'Assemblée nationale et au Sénat, pour débattre, pour voter, pour enrichir cette construction de la lutte contre le dérèglement climatique.
Nous avons choisi deux jeunes élèves du Lycée du Bourget, du Lycée Germaine Tillion, avec leur proviseur, car ce lycée a participé à la simulation de l'Accord de Paris et aux actions de l'espace Générations climat. Dans quelques minutes, avant la signature et avant votre allocution, ils nous redonneront les grandes lignes et les avancées de cet Accord de Paris et surtout ils nous rappelleront par leur jeune âge que nous travaillons non seulement pour aujourd'hui mais également pour les générations futures, pour qu'elles ne puissent pas dire « ils savaient et ils n'ont rien fait » mais au contraire pour qu'elles puissent dire « ils savaient et ils ont agi ».
Cet Accord n'est pas une contrainte à subir, c'est une chance à saisir :
- une chance d'innover,
- une chance de créer des activités nouvelles et des emplois durables,
- une chance de sortir les pays les plus pauvres de la pauvreté,
- une chance pour répondre à l'angoisse des Etats insulaires,
- une chance pour faire reculer les insécurités (alimentaires, sanitaires, sociales et géopolitiques),
- une chance de mieux vivre en nous engageant résolument sur la voie d'un modèle de développement moins prédateur de nos ressources naturelles
- et plus protecteur des conditions de la vie humaine sur terre.
L'Accord de Paris a été ouvert à la signature au siège de l'Organisation des Nations Unies à New York le 22 avril 2016, « Journée de la Terre ». 175 parties ont signé ce jour-là, du jamais vu pour la signature d'un accord international.
Vous avez voulu accélérer, Monsieur le Président de la République, la ratification de cet accord et aujourd'hui, nous y sommes. Cette étape est indispensable car ce texte n'entrera en vigueur qu'après le dépôt des instruments de ratification d'au moins 55 Parties à la Convention-cadre sur le climat, représentant au moins 55 % des émissions totales de gaz à effet de serre.
La France est donc au rendez-vous. L'Europe doit l'être également. Je salue les ambassadeurs des Etats-membres ici présents. L'Europe doit continuer à porter ce message de paix et d'innovation et rester à l'avant-garde. Il conviendra que les 28 Etats-membres de l'Union européenne aient ratifié l'Accord, ainsi que l'Union européenne elle-même, pour déposer les instruments de ratification, en raison du caractère mixte de l'Accord qui touche à la fois aux compétences de l'Union et à celles des Etats membres.
C'est pourquoi, après avoir succédé à Laurent Fabius, je veille en tant que Présidente de la COP21 à accélérer le processus européen et à porter l'Agenda des solutions. Le Président de la Commission européenne a accepté d'accélérer la présentation de son projet de décision. C'est chose faite : la Commission a présenté son projet de décision le 10 juin, nous l'examinerons au prochain Conseil environnement du 20 juin, le Parlement européen s'en saisira, et nous formons le voeu que cette décision soit adoptée par le Conseil des ministres de l'Union avant la CoP22 du Maroc.
La France n'a pas attendu la ratification de l'Accord de Paris pour être au rendez-vous de ses engagements climatiques.
Avec quatre conférences environnementales que vous avez présidées, Monsieur le Président de la République, nous avons abouti à la loi de transition énergétique pour la croissance verte : la France s'est engagée à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % d'ici 2030, à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050 grâce au travail des parlementaires que je remercie une nouvelle fois.
Ainsi la France devient le premier pays à inscrire aussi précisément dans son droit national la déclinaison des engagements de l'Accord de Paris et de l'Europe de l'Energie. L'adoption des décrets d'application s'accélère, avec aujourd'hui 75 % des décrets d'application finalisés et avec la mise en mouvement des 400 territoires à énergie positive, grâce au fonds de transition énergétique créé spécialement à cet effet.
C'est aussi et surtout l'Agenda des solutions que la France porte dans toutes ses composantes avec les 70 coalitions sur les énergies renouvelables, le bâtiment, la forêt, l'agriculture durable, l'eau, l'océan, ainsi que les grandes coalitions que vous avez formées avec les autres chefs d'Etat et de gouvernement : la coalition solaire, la coalition prix du carbone et la coalition pour le doublement des moyens en faveur de l'innovation.
S'inscrit aussi dans cette dynamique le grand chantier des énergies renouvelables en Afrique dont j'ai pu mesurer les immenses attentes et plus largement tous les sujets liés à la lutte contre la pauvreté.
La mobilisation des acteurs infra-étatiques est également en marche : les territoires à énergie positive que j'ai évoqués, les Assemblées des Maires, la réunion des grandes villes, présidée par Anne Hidalgo, sont aussi en mouvement parce que l'on sait que 70 % de l'efficacité des actions s'applique à des territoires infra-nationaux.
Monsieur le Président de la République,
- vous avez également décidé la contribution climat-énergie qui a été votée par la Parlement mise en place en France, qui sert ainsi de modèle économique comme nous l'avons encore constaté vendredi lors de la réunion du Business Dialogue et du Haut Sommet sur le prix du carbone.
- La France sera aussi le premier pays à émettre des obligations vertes dédiées à des projets d'investissements environnementaux.
- La France est le seul pays à avoir mis en place l'obligation du reporting vert pour les investisseurs,
- La France a annoncé la mise en place d'un prix plancher du carbone pour l'électricité qui sera voté dans la prochaine loi de finances.
- Je salue les entreprises et leurs représentants ici présents mais aussi les territoires qui s'appliquent à eux-mêmes un prix du carbone.
La France affirme ainsi avec détermination son ambition de contribuer à la réduction des gaz à effet de serre pour en limiter l'élévation à 1,5 °C et pour créer un effet d'entraînement.
Nous sommes passés ainsi des discours aux actes, comme l'attendent les peuples du monde entier qui souffrent le plus du dérèglement climatique. Depuis le Sommet de la Terre à Rio en 1992, soit depuis plus de 20 ans, la planète attendait ces prises de responsabilités fortes et c'est chose faite. Vous en avez été l'acteur principal. Et la mobilisation des forces vives du pays a permis ce résultat qui doit maintenant s'accélérer.
Le monde est à un tournant de son histoire. L'activité humaine et notre village planète sont inséparables.
Ce savoir ancestral qui avait été oublié et que nous redécouvrons à cause des drames, des souffrances, du désespoir que le changement climatique a généré : non la nature n'est pas au service du profit. L'homme ne peut exister sans elle. Il faut donc faire des choix courageux.
Un geste simple, indéfiniment répété par des milliards de personnes à travers la planète, a le pouvoir de changer le cours de l'histoire. C'est le message que Gandhi avait donné au monde entier. Alors oui, le combat pour la justice climatique est un combat pour la paix entre les peuples. C'est donc l'honneur de la France d'être le premier pays industrialisé à ratifier l'accord de Paris pour continuer à entraîner le monde entier vers un destin meilleur.
Source www.developpement-durable.gouv.fr, le 17 juin 2016