Texte intégral
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Messieurs les Commissaires européens,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
C'est un grand honneur et une réelle fierté pour le ministre des Affaires européennes que je suis de vous accueillir, aux côtés d'Hubert Védrine, dans ce Salon de l'horloge du Quai d'Orsay, cinquante ans précisément après que Robert Schuman, ici même, a accompli l'acte fondateur de la construction européenne.
Je ne reviendrai pas sur ce que vient de dire Hubert, sur ce que la paix en Europe et la réconciliation franco-allemande doivent à cette déclaration et à ses auteurs.
Je souhaiterais simplement, en quelques mots, vous dire combien le message et la méthode de la déclaration Schuman, cinquante ans après, doivent continuer de nous inspirer dans notre approche de la construction européenne, tout en ayant l'ambition légitime, à l'orée d'un nouveau siècle, de l'enrichir et de la dépasser.
Pour moi, deux idées résument l'esprit de la déclaration Schuman, au-delà de l'aspiration à la paix : je veux parler du pragmatisme - on a parlé de "réalisme mystique" - et du sens du concret. Nous devons continuer de nous en inspirer et même nous y ressourcer quand cela peut être, parfois, un peu perdu de vue.
Le pragmatisme, c'est le choix fait par Robert Schuman et les autres "pères fondateurs" de réaliser une ambition historique par des moyens réalistes, acceptables par les gouvernements et les citoyens, à un moment donné, dans un contexte donné.
Tout n'était pas possible en 1950. Les blessures de la guerre étaient encore trop vives, la force des repères nationaux, exacerbés par la guerre, était trop grande. Ne pas commencer par une construction politique artificielle, vouée à l'échec, mais par un processus progressif, d'abord centré sur la mise en commun des moyens de production - le charbon, l'acier -, qui avaient été en même temps les outils de la guerre était donc, non seulement, le bon choix, mais même une intuition décisive et fulgurante, un de ces moments où quelques hommes peuvent faire avancer l'histoire.
C'est ce même pragmatisme qui doit nous inspirer aujourd'hui, face à cette perspective historique qu'est la réunification de l'Europe, une grande Europe en démocratie et en paix, cette nouvelle frontière que le rideau de fer ne permettait pas, en 1950, d'imaginer.
Cette volonté de pragmatisme inspire, de même, notre approche de la réforme en cours des institutions, avec le double souci de les moderniser, de les adapter à la perspective d'une Europe de plus de vingt cinq membres et de ne pas retarder l'élargissement par une approche trop extensive qui envisagerait, dès maintenant, de trouver toutes les solutions pour faire vivre l'Europe à trente et plus, celle qui sera notre réalité dans les prochaines décennies.
C'est avec un tel état d'esprit que nous entendons mener, à compter du 1er juillet, la présidence française de l'Union, justement parce que nous avons la volonté de réussir à imprimer notre marque pendant ces quelques mois brefs, mais qui peuvent être décisifs pour l'Europe. C'est ce que le Premier ministre vient, il y a quelques heures, d'exposer à la représentation nationale.
Je l'ai dit, la deuxième ligne de force de la déclaration Schuman, c'est le sens du concret. J'imagine certains esprits chagrins d'aujourd'hui, transportés en 1950, et se gaussant déjà de ce que l'on puisse espérer atteindre cet objectif ultime de la paix sur le Continent par la simple mise en commun des productions de charbon et d'acier. Eh bien, c'était effectivement la bonne méthode, qui permit ensuite d'avancer progressivement vers l'ensemble des politiques communautaires qui ont transformé radicalement le visage de l'Europe.
Je suis convaincu, non seulement, que cette recherche du concret demeure parfaitement d'actualité, mais qu'il faut même lui donner une nouvelle prééminence : il est nécessaire de réorienter la construction européenne vers la satisfaction des besoins quotidiens de nos concitoyens. L'Europe doit encore conquérir le cur des Européens, au lieu d'être seulement acceptée par leur raison.
Nous mettrons donc particulièrement l'accent sur cette Europe du concret pendant notre présidence, notamment l'Europe de la croissance et de l'emploi, celle de l'innovation et des nouvelles technologies, qui doivent être à l'Europe du XXIème siècle ce que le charbon et l'acier étaient à l'Europe du milieu du XXème siècle.
Pour trouver tout son sens auprès de ses citoyens, l'Europe doit également s'appuyer sur ses valeurs communes, celles-là mêmes qui inspiraient Robert Schuman voici cinquante ans, la paix, bien sûr, mais aussi la démocratie et le progrès social. C'est pourquoi nous attachons tant de prix à la Charte des droits fondamentaux en cours d'élaboration.
Je suis ainsi fier et heureux que soit présent, ce soir, à nos côtés, mon ami Alfred Gusenbauer, nouveau responsable de l'opposition social-démocrate en Autriche. Je crois qu'au-delà de la diversité politique de tous ceux qui sont ici ce soir, nous pouvons tous lui transmettre un message de soutien à son combat pour la démocratie, la tolérance, pour le refus de la haine et de la xénophobie, ces valeurs qui sont le vrai visage de l'Autriche - l'Autriche que nous aimons.
Mesdames et Messieurs, nous voyons bien, aujourd'hui, à la fois l'ampleur des enjeux auxquels l'Europe fait face et toute la pertinence, cinquante ans après, des principes fondateurs énoncés par Robert Schuman. Ils sont tout sauf l'alibi d'un manque d'ambition. Oui, c'est parce que nous voulons une Europe grande et forte, que nous pensons toujours, comme Robert Schuman, "que l'Europe ne se fera pas d'un coup, dans une construction d'ensemble, [qu']elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait".
Nous devons retrouver cette énergie fondatrice pour bâtir l'Europe unie, démocratique et citoyenne du nouveau siècle. Nous pourrons ainsi poursuivre cette immense ambition historique qui nous dépasse.
Je vous remercie./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mai 2000)
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Messieurs les Commissaires européens,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
C'est un grand honneur et une réelle fierté pour le ministre des Affaires européennes que je suis de vous accueillir, aux côtés d'Hubert Védrine, dans ce Salon de l'horloge du Quai d'Orsay, cinquante ans précisément après que Robert Schuman, ici même, a accompli l'acte fondateur de la construction européenne.
Je ne reviendrai pas sur ce que vient de dire Hubert, sur ce que la paix en Europe et la réconciliation franco-allemande doivent à cette déclaration et à ses auteurs.
Je souhaiterais simplement, en quelques mots, vous dire combien le message et la méthode de la déclaration Schuman, cinquante ans après, doivent continuer de nous inspirer dans notre approche de la construction européenne, tout en ayant l'ambition légitime, à l'orée d'un nouveau siècle, de l'enrichir et de la dépasser.
Pour moi, deux idées résument l'esprit de la déclaration Schuman, au-delà de l'aspiration à la paix : je veux parler du pragmatisme - on a parlé de "réalisme mystique" - et du sens du concret. Nous devons continuer de nous en inspirer et même nous y ressourcer quand cela peut être, parfois, un peu perdu de vue.
Le pragmatisme, c'est le choix fait par Robert Schuman et les autres "pères fondateurs" de réaliser une ambition historique par des moyens réalistes, acceptables par les gouvernements et les citoyens, à un moment donné, dans un contexte donné.
Tout n'était pas possible en 1950. Les blessures de la guerre étaient encore trop vives, la force des repères nationaux, exacerbés par la guerre, était trop grande. Ne pas commencer par une construction politique artificielle, vouée à l'échec, mais par un processus progressif, d'abord centré sur la mise en commun des moyens de production - le charbon, l'acier -, qui avaient été en même temps les outils de la guerre était donc, non seulement, le bon choix, mais même une intuition décisive et fulgurante, un de ces moments où quelques hommes peuvent faire avancer l'histoire.
C'est ce même pragmatisme qui doit nous inspirer aujourd'hui, face à cette perspective historique qu'est la réunification de l'Europe, une grande Europe en démocratie et en paix, cette nouvelle frontière que le rideau de fer ne permettait pas, en 1950, d'imaginer.
Cette volonté de pragmatisme inspire, de même, notre approche de la réforme en cours des institutions, avec le double souci de les moderniser, de les adapter à la perspective d'une Europe de plus de vingt cinq membres et de ne pas retarder l'élargissement par une approche trop extensive qui envisagerait, dès maintenant, de trouver toutes les solutions pour faire vivre l'Europe à trente et plus, celle qui sera notre réalité dans les prochaines décennies.
C'est avec un tel état d'esprit que nous entendons mener, à compter du 1er juillet, la présidence française de l'Union, justement parce que nous avons la volonté de réussir à imprimer notre marque pendant ces quelques mois brefs, mais qui peuvent être décisifs pour l'Europe. C'est ce que le Premier ministre vient, il y a quelques heures, d'exposer à la représentation nationale.
Je l'ai dit, la deuxième ligne de force de la déclaration Schuman, c'est le sens du concret. J'imagine certains esprits chagrins d'aujourd'hui, transportés en 1950, et se gaussant déjà de ce que l'on puisse espérer atteindre cet objectif ultime de la paix sur le Continent par la simple mise en commun des productions de charbon et d'acier. Eh bien, c'était effectivement la bonne méthode, qui permit ensuite d'avancer progressivement vers l'ensemble des politiques communautaires qui ont transformé radicalement le visage de l'Europe.
Je suis convaincu, non seulement, que cette recherche du concret demeure parfaitement d'actualité, mais qu'il faut même lui donner une nouvelle prééminence : il est nécessaire de réorienter la construction européenne vers la satisfaction des besoins quotidiens de nos concitoyens. L'Europe doit encore conquérir le cur des Européens, au lieu d'être seulement acceptée par leur raison.
Nous mettrons donc particulièrement l'accent sur cette Europe du concret pendant notre présidence, notamment l'Europe de la croissance et de l'emploi, celle de l'innovation et des nouvelles technologies, qui doivent être à l'Europe du XXIème siècle ce que le charbon et l'acier étaient à l'Europe du milieu du XXème siècle.
Pour trouver tout son sens auprès de ses citoyens, l'Europe doit également s'appuyer sur ses valeurs communes, celles-là mêmes qui inspiraient Robert Schuman voici cinquante ans, la paix, bien sûr, mais aussi la démocratie et le progrès social. C'est pourquoi nous attachons tant de prix à la Charte des droits fondamentaux en cours d'élaboration.
Je suis ainsi fier et heureux que soit présent, ce soir, à nos côtés, mon ami Alfred Gusenbauer, nouveau responsable de l'opposition social-démocrate en Autriche. Je crois qu'au-delà de la diversité politique de tous ceux qui sont ici ce soir, nous pouvons tous lui transmettre un message de soutien à son combat pour la démocratie, la tolérance, pour le refus de la haine et de la xénophobie, ces valeurs qui sont le vrai visage de l'Autriche - l'Autriche que nous aimons.
Mesdames et Messieurs, nous voyons bien, aujourd'hui, à la fois l'ampleur des enjeux auxquels l'Europe fait face et toute la pertinence, cinquante ans après, des principes fondateurs énoncés par Robert Schuman. Ils sont tout sauf l'alibi d'un manque d'ambition. Oui, c'est parce que nous voulons une Europe grande et forte, que nous pensons toujours, comme Robert Schuman, "que l'Europe ne se fera pas d'un coup, dans une construction d'ensemble, [qu']elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait".
Nous devons retrouver cette énergie fondatrice pour bâtir l'Europe unie, démocratique et citoyenne du nouveau siècle. Nous pourrons ainsi poursuivre cette immense ambition historique qui nous dépasse.
Je vous remercie./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 15 mai 2000)