Texte intégral
Monsieur le Président de l'Alfest (M. Humbert BOISSEAUX),
Madame la Secrétaire générale, chère Carole DAMIANI,
Mesdames, Messieurs les psychiatres et psychologues,
Mesdames, Messieurs les magistrats, avocats et juristes,
Mesdames, Messieurs les responsables associatifs,
Mesdames, Messieurs les représentants du FGTI et de l'ONACVG
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de m'avoir invitée à intervenir dans le cadre de cette journée scientifique de l'Association de langue française pour l'étude du stress et du trauma, dans ce très bel amphithéâtre Henri Rouvillois, ce médecin militaire qui fut chirurgien de guerre, pendant la Première guerre mondiale, et qui a enseigné la médecine de guerre ensuite. Près de 50 ans après sa mort nous voici réunis aujourd'hui pour parler des victimes d'attentats terroristes d'une nature inédite car il s'agit bien d'un terrorisme de guerre, utilisant des armes de guerre et nécessitant donc une approche médico-psychologique adaptée.
C'est dans ce contexte inédit pour la France qu'il a été décidé, par le président de la République et le Premier ministre, de créer la fonction de secrétaire d'État chargée de l'aide aux victimes, fonction qui, pour la première fois dans l'histoire de France, relève du Premier ministre et non pas du ministère de la justice. Cette position, au coeur du pouvoir gouvernemental, tout près du Premier ministre me permet de travailler à l'humanisation et à la professionnalisation de la politique d'aide aux victimes en abordant tous les aspects de l'accompagnement et de la reconstruction des victimes : sanitaires, psychologiques, médico-sociaux, civiques et financiers.
Depuis ma nomination, en février dernier, j'ai eu ainsi l'occasion de vous rencontrer, vous les psychiatres, psychologues, thérapeutes, professionnels et bénévoles qui ont aidé, qui aident et qui continueront à aider les victimes et leurs proches du point de vue le plus essentiel à mes yeux : la réparation de leur état de santé psychique que met à mal le traumatisme issu du drame, du choc terroriste ou accidentel.
Les chocs psychologiques sont, on le sait de plusieurs natures : les victimes physiques n'ont pas les même besoins d'accompagnement que celles qui ont été choquées ou impliquées.
Au terme de ces premiers mois de travail et de ces multiples rencontres avec des victimes directes ou indirectes, j'ai pu mesurer l'importance de la prise en charge du traumatisme psychique dans ses aspects médicaux, psychologiques, et organisationnels. Votre intervention est indispensable à toutes les étapes de la vie de la victime : dès le début du choc et après.
Dès le début, c'est à dire dans les vingt-quatre premières heures de l'événement, la présence du thérapeute, est indispensable pour aider la victime à penser de nouveaux repères. Dans une situation de type « catastrophe », le décès d'une ou plusieurs personnes peut précipiter les témoins, les « impliqués » et particulièrement les proches dans l'effroi et rendre cet événement potentiellement traumatique. Cette confrontation à la mort, celle de l'autre, renvoie inévitablement à la représentation de sa propre fin.
Une des marques du traumatisme est de figer temporellement le sujet dans l'instant traumatique quelle que soit la distance prise avec la menace vitale. La visée psychothérapeutique que vous mettez en place est, a contrario, de conférer un statut de souvenir à ce vécu traumatique qui refuse de passer.
Face à ces moments de détresse, votre première mission est « d'être là ». C'est-à-dire d'être, non seulement présent physiquement, mais surtout d'être présent psychiquement, d'être disponible, à l'écoute de ces premières verbalisations de la souffrance qui peut être dans certains cas massive et envahissante.
Les soignants se retrouvent ainsi être, d'une certaine manière, les « réceptacles » de ce temps de crise psychique avec une première mise en mots des affects douloureux. Je n'oublie pas les secours et les soignants « réceptacles de souffrance » qui sont souvent aussi victimes de cette agression psychique ; les aidants, les soignants, les sauveteurs doivent, eux aussi, être accompagnés sur le plan psychique.
Les attentats du 13 novembre furent d'une ampleur inédite, et dans l'urgence vous avez su intervenir, et même spontanément, pour répondre à ces nouveaux besoins. Dans le cadre des CUMP, créée en 1995 à la suite de l'attentat du RER B à Saint Michel, vous prenez en charge les « blessés psychiques, en état de stress dépassé, choqués, prostrés » mais aussi vous savez repérer et traiter les personnes qui deviennent un danger pour elles-mêmes, par exemple sous le coup de la panique. Votre action fut donc, dans ce cadre, indispensable et très appréciée par les associations de victimes qui m'en ont parlé.
Mais la prise en charge psychique des victimes de terrorisme doit donc avoir lieu dans l'urgence mais aussi et surtout après, dans la durée.
C'est une demande forte des victimes et de leurs proches, je sais que tous les professionnels impliqués en sont conscients, et je suis particulièrement heureuse et satisfaite que vous ayez choisi comme thème de réflexion scientifique «Victimes du terrorisme : le suivi en question» car j'accorde une grande importance à la question du suivi. Les CUMP ne sont pas dotées des moyens de suivre, dans la durée, les victimes ; elles n'ont d'ailleurs pas vocation à assurer le suivi prolongé des personnes pour lesquelles cela est nécessaire. Pourtant, le savoir-faire acquis au moment de la prise en charge de la victime, lors de la survenance du traumatisme, devrait être utilisé pour préparer le suivi et veiller à la bonne orientation des victimes vers des professionnels susceptibles de les prendre en charge.
Mais le suivi des victimes sur le long terme, par les CUMP, doit aussi pouvoir s'appuyer sur les associations de victimes. Je souhaite que la convention-cadre entre le réseau des CUMP et le réseau des associations d'aide aux victimes (AAV) adhérentes à l'INAVEM signée le 1er octobre soit appliquée, en particulier dans sa déclinaison territoriale. Il est particulièrement important, que, au niveau local, les CUMP et les AAV puissent articuler les actions respectives, de soins médico-psychologiques pour les CUMP et d'accompagnement psychologique, social et juridique pour les AAV. Mon action auprès de la Ministre de la santé et des affaires sociales sera clairement orientée dans ce sens.
Enfin, la curiosité du public pour toutes les nouvelles thérapies cognitives et pour les techniques de reconstruction telles que la résilience, nous donne, à nous pouvoirs publics, la responsabilité d'y répondre. C'est aussi la raison pour laquelle je tiens à engager avec la communauté des psychiatres et de tous les professionnels de l'accompagnement psychique un travail et un dialogue. C'est aussi pour cela que j'ai tenu à participer à vos débats. Votre démarche scientifique, a débuté il y a maintenant 25 ans et cette antériorité est en elle-même le garant de votre légitimité.
Vous inscrivez votre action non seulement sous le signe du soin et de la prise en charge, mais aussi de la recherche et de l'exploration scientifique. Cette double approche me paraît absolument indispensable : on est encore loin de tout savoir sur le stress et les traumatismes. Il faut continuer à investir dans la recherche sur ces thématiques. Et c'est la voie que vous avez choisie. Nous sommes donc doublement à votre écoute, pour votre suivi au jour le jour des victimes et pour vos travaux scientifiques
J'ai besoin de co-construire avec vous la réponse adaptée aux besoins en soins psychiatriques et psychiques. La politique d'aide aux victimes que nous sommes en train de concevoir, sera conçue avec vous dans une démarche interactive.
Car je crois profondément que notre travail, dans l'urgence comme dans la prise en charge secondaire et l'accompagnement, consiste à affirmer en direction des victimes et de leurs familles une politique plus efficace, plus lisible et au final plus humaine.
Je sais pouvoir compter sur chacun d'entre vous pour m'aider dans cette grande et noble tâche. Et vous pouvez pareillement compter sur moi.
Je vous remercie.Source http://www.gouvernement.fr, le 20 juin 2016
Madame la Secrétaire générale, chère Carole DAMIANI,
Mesdames, Messieurs les psychiatres et psychologues,
Mesdames, Messieurs les magistrats, avocats et juristes,
Mesdames, Messieurs les responsables associatifs,
Mesdames, Messieurs les représentants du FGTI et de l'ONACVG
Mesdames, Messieurs,
Je vous remercie de m'avoir invitée à intervenir dans le cadre de cette journée scientifique de l'Association de langue française pour l'étude du stress et du trauma, dans ce très bel amphithéâtre Henri Rouvillois, ce médecin militaire qui fut chirurgien de guerre, pendant la Première guerre mondiale, et qui a enseigné la médecine de guerre ensuite. Près de 50 ans après sa mort nous voici réunis aujourd'hui pour parler des victimes d'attentats terroristes d'une nature inédite car il s'agit bien d'un terrorisme de guerre, utilisant des armes de guerre et nécessitant donc une approche médico-psychologique adaptée.
C'est dans ce contexte inédit pour la France qu'il a été décidé, par le président de la République et le Premier ministre, de créer la fonction de secrétaire d'État chargée de l'aide aux victimes, fonction qui, pour la première fois dans l'histoire de France, relève du Premier ministre et non pas du ministère de la justice. Cette position, au coeur du pouvoir gouvernemental, tout près du Premier ministre me permet de travailler à l'humanisation et à la professionnalisation de la politique d'aide aux victimes en abordant tous les aspects de l'accompagnement et de la reconstruction des victimes : sanitaires, psychologiques, médico-sociaux, civiques et financiers.
Depuis ma nomination, en février dernier, j'ai eu ainsi l'occasion de vous rencontrer, vous les psychiatres, psychologues, thérapeutes, professionnels et bénévoles qui ont aidé, qui aident et qui continueront à aider les victimes et leurs proches du point de vue le plus essentiel à mes yeux : la réparation de leur état de santé psychique que met à mal le traumatisme issu du drame, du choc terroriste ou accidentel.
Les chocs psychologiques sont, on le sait de plusieurs natures : les victimes physiques n'ont pas les même besoins d'accompagnement que celles qui ont été choquées ou impliquées.
Au terme de ces premiers mois de travail et de ces multiples rencontres avec des victimes directes ou indirectes, j'ai pu mesurer l'importance de la prise en charge du traumatisme psychique dans ses aspects médicaux, psychologiques, et organisationnels. Votre intervention est indispensable à toutes les étapes de la vie de la victime : dès le début du choc et après.
Dès le début, c'est à dire dans les vingt-quatre premières heures de l'événement, la présence du thérapeute, est indispensable pour aider la victime à penser de nouveaux repères. Dans une situation de type « catastrophe », le décès d'une ou plusieurs personnes peut précipiter les témoins, les « impliqués » et particulièrement les proches dans l'effroi et rendre cet événement potentiellement traumatique. Cette confrontation à la mort, celle de l'autre, renvoie inévitablement à la représentation de sa propre fin.
Une des marques du traumatisme est de figer temporellement le sujet dans l'instant traumatique quelle que soit la distance prise avec la menace vitale. La visée psychothérapeutique que vous mettez en place est, a contrario, de conférer un statut de souvenir à ce vécu traumatique qui refuse de passer.
Face à ces moments de détresse, votre première mission est « d'être là ». C'est-à-dire d'être, non seulement présent physiquement, mais surtout d'être présent psychiquement, d'être disponible, à l'écoute de ces premières verbalisations de la souffrance qui peut être dans certains cas massive et envahissante.
Les soignants se retrouvent ainsi être, d'une certaine manière, les « réceptacles » de ce temps de crise psychique avec une première mise en mots des affects douloureux. Je n'oublie pas les secours et les soignants « réceptacles de souffrance » qui sont souvent aussi victimes de cette agression psychique ; les aidants, les soignants, les sauveteurs doivent, eux aussi, être accompagnés sur le plan psychique.
Les attentats du 13 novembre furent d'une ampleur inédite, et dans l'urgence vous avez su intervenir, et même spontanément, pour répondre à ces nouveaux besoins. Dans le cadre des CUMP, créée en 1995 à la suite de l'attentat du RER B à Saint Michel, vous prenez en charge les « blessés psychiques, en état de stress dépassé, choqués, prostrés » mais aussi vous savez repérer et traiter les personnes qui deviennent un danger pour elles-mêmes, par exemple sous le coup de la panique. Votre action fut donc, dans ce cadre, indispensable et très appréciée par les associations de victimes qui m'en ont parlé.
Mais la prise en charge psychique des victimes de terrorisme doit donc avoir lieu dans l'urgence mais aussi et surtout après, dans la durée.
C'est une demande forte des victimes et de leurs proches, je sais que tous les professionnels impliqués en sont conscients, et je suis particulièrement heureuse et satisfaite que vous ayez choisi comme thème de réflexion scientifique «Victimes du terrorisme : le suivi en question» car j'accorde une grande importance à la question du suivi. Les CUMP ne sont pas dotées des moyens de suivre, dans la durée, les victimes ; elles n'ont d'ailleurs pas vocation à assurer le suivi prolongé des personnes pour lesquelles cela est nécessaire. Pourtant, le savoir-faire acquis au moment de la prise en charge de la victime, lors de la survenance du traumatisme, devrait être utilisé pour préparer le suivi et veiller à la bonne orientation des victimes vers des professionnels susceptibles de les prendre en charge.
Mais le suivi des victimes sur le long terme, par les CUMP, doit aussi pouvoir s'appuyer sur les associations de victimes. Je souhaite que la convention-cadre entre le réseau des CUMP et le réseau des associations d'aide aux victimes (AAV) adhérentes à l'INAVEM signée le 1er octobre soit appliquée, en particulier dans sa déclinaison territoriale. Il est particulièrement important, que, au niveau local, les CUMP et les AAV puissent articuler les actions respectives, de soins médico-psychologiques pour les CUMP et d'accompagnement psychologique, social et juridique pour les AAV. Mon action auprès de la Ministre de la santé et des affaires sociales sera clairement orientée dans ce sens.
Enfin, la curiosité du public pour toutes les nouvelles thérapies cognitives et pour les techniques de reconstruction telles que la résilience, nous donne, à nous pouvoirs publics, la responsabilité d'y répondre. C'est aussi la raison pour laquelle je tiens à engager avec la communauté des psychiatres et de tous les professionnels de l'accompagnement psychique un travail et un dialogue. C'est aussi pour cela que j'ai tenu à participer à vos débats. Votre démarche scientifique, a débuté il y a maintenant 25 ans et cette antériorité est en elle-même le garant de votre légitimité.
Vous inscrivez votre action non seulement sous le signe du soin et de la prise en charge, mais aussi de la recherche et de l'exploration scientifique. Cette double approche me paraît absolument indispensable : on est encore loin de tout savoir sur le stress et les traumatismes. Il faut continuer à investir dans la recherche sur ces thématiques. Et c'est la voie que vous avez choisie. Nous sommes donc doublement à votre écoute, pour votre suivi au jour le jour des victimes et pour vos travaux scientifiques
J'ai besoin de co-construire avec vous la réponse adaptée aux besoins en soins psychiatriques et psychiques. La politique d'aide aux victimes que nous sommes en train de concevoir, sera conçue avec vous dans une démarche interactive.
Car je crois profondément que notre travail, dans l'urgence comme dans la prise en charge secondaire et l'accompagnement, consiste à affirmer en direction des victimes et de leurs familles une politique plus efficace, plus lisible et au final plus humaine.
Je sais pouvoir compter sur chacun d'entre vous pour m'aider dans cette grande et noble tâche. Et vous pouvez pareillement compter sur moi.
Je vous remercie.Source http://www.gouvernement.fr, le 20 juin 2016