Déclaration de Mme Barbara Pompili, secrétaire d'Etat aux relations internationales sur le climat, chargée de la biodiversité, sur l'engagement de la France en faveur de la protection des récifs coralliens, à Paris le 5 juillet 2016.

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Circonstance : Conférence organisée pour les 15 ans de l'Initiative française pour les récifs coralliens (IFRECOR), à la Maison des océans, à Paris le 5 juillet 2016

Texte intégral

Je suis heureuse de célébrer avec vous les 15 ans de l'IFRECOR, l'Initiative Française pour les Récifs Coralliens. Je n'oublie pas que c'est à l'issue de sa première présidence du secrétariat de l'Initiative Internationale pour les Récifs Coralliens que la France a engagé l'initiative nationale que nous saluons aujourd'hui.
C'était légitime et indispensable, puisqu'avec 55 000 km² de récifs coralliens et de lagons situés dans les trois océans tropicaux, la France, après l'Indonésie, l'Australie et les Philippines est le 4° pays au monde pour ses récifs coralliens et cela grâce aux outre-mer. Ensemble les collectivités d'outre-mer présentent plus de 5000 km linéaires de récifs coralliens.
C'est ainsi qu'en mars 1999, l'Initiative Française pour les Récifs Coralliens (IFRECOR) a été créée, le décret du Premier Ministre venant en préciser le fonctionnement en 2000, un fonctionnement basé sur le principe d'une présidence partagée entre les ministres chargés de l'environnement et de l'outre-mer.
Nous célébrons donc la pérennité de l'engagement français en faveur de la protection des récifs coralliens, pérennité qui tient autant aux actions menées depuis 15 ans qu'aux engagements que nous prenons pour l'avenir.
Je veux en premier lieu vous remercier pour les dossiers que vous avez préparés pour cette conférence : ils sont éloquents sur les enjeux liés aux récifs coralliens. C'est un beau travail qui mérite vraiment d'être valorisé.
Pour nombre de nos compatriotes, les récifs coralliens se résument à de belles images aperçues dans des documentaires télévisés ou sur de superbes photos sous-marines. Mais au-delà de ces belles images, c'est tout autre chose qu'il nous faut aujourd'hui faire partager. Et en premier lieu l'incroyable richesse écologique de ces récifs : un tiers des espèces marines connues y vit, soit près de 100 000 espèces.
Il nous faut mieux faire connaître leurs fonctions vitales, essentielles pour les écosystèmes marins : lieux de frayères, de reproduction, d'abris, ou de nourriture. Des fonctions également vitales pour nous, pour nos vies, pour nos économies : reproduction des poissons ; attractivité touristique ; protection des côtes ; filtration des polluants ; régulation du climat. Vos travaux ont démontré que la valeur économique directe était de 1,3 milliards par an.
Face à cela, nous devons sensibiliser la société sur la fragilité extrême de ces richesses naturelles, et sur les menaces fortes auxquelles elles sont exposées : L'érosion des bassins versants et la sédimentation induite qui étouffe les récifs ; les abus de toutes sortes : le piétinement, les prélèvements à des fins personnelles ou commerciales, la tentation de ramener quelques jolis coquillages, ou des squelettes coralliens ; les pollutions industrielles, urbaines, qui conduisent à l'eutrophisation des milieux ; les aménagements littoraux et la surexploitation des ressources qui dégradent les habitats ; mais aussi, le changement climatique qui entraîne le blanchissement des coraux, l'acidification de l'eau meurtrière pour les coraux. C'est un sombre constat.
Alors, que faire ? Où est ici l'agenda des solutions ?
La France a une responsabilité particulière. Les récifs coralliens de l'outre-mer français et leurs lagons couvrent 58 000 km², soit près de 10% des récifs mondiaux. Il nous faut donc agir, localement, mais aussi dans le cadre de notre rôle international.
Qu'est-ce qui doit nous guider ?
La première idée, c'est d'appliquer nos engagements internationaux, en ligne avec les « Objectifs d'Aichi ». Ceux-ci constituent le nouveau « Plan stratégique pour la diversité biologique 2011-2020 » pour la planète. L'objectif n°10 dit explicitement que « d'ici 2015, les nombreuses pressions anthropiques exercées sur les récifs coralliens et les autres écosystèmes vulnérables marins et côtiers affectés par les changements climatiques ou l'acidification des océans sont réduites au minimum ».
Il convient également de mettre en oeuvre les dispositions de la CITES, la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction. Sur ces questions, l'IFRECOR doit pouvoir conseiller les tutelles : je ne manquerai pas de la consulter.
Certes, depuis 15 ans, l'IFRECOR poursuit ses activités. Mais il faut d'une part renforcer voire redynamiser les comités locaux et leur donner plus de poids et de moyens et d'autre part, il faut qu'à travers son comité national, l'IFRECOR se saisisse plus souvent de la possibilité qui lui est offerte de donner un avis au Gouvernement sur les sujets relatifs aux récifs coralliens et écosystèmes associés. Les intervenants au colloque sur les récifs coralliens à l'Assemblée nationale en décembre dernier l'avaient déjà souligné.
Notre deuxième ligne directrice, c'est la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Elle sera adoptée le 19 juillet prochain. L'article 51 ter A fixe des objectifs ambitieux en faveur de la biodiversité littorale en outre-mer : elle préfigure un programme de protection de 55 000 hectares de mangroves d'ici à 2020.
Dans le cadre de l'IFRECOR, elle pose le principe d'un bilan de l'état de santé des récifs coralliens tous les cinq ans et d'un plan d'action contribuant à protéger 75 % des récifs coralliens français d'ici 2021.
Elle fixe l'objectif d'interdiction, dans les zones sous souveraineté ou juridiction françaises, des opérations de dragage des fonds marins dans lesquels des récifs coralliens sont présents, à l'exception des opérations qui visent à assurer la continuité du territoire par les flux maritimes.
Nous nous apprêtons également à lancer l'expérimentation d'un réseau d'aires protégées s'inspirant du réseau Natura 2000. Ce plan d'action, c'est la nouvelle feuille de route pour l'IFRECOR, désormais définie par la loi. Les coraux à prendre en compte sont aussi les coraux d'eau froide et les coraux de fond.
Cette inscription dans la loi est le signe du rôle incontournable que joue l'IFRECOR. C'est, certes, une forme de sécurité sur la pérennité de l'IFRECOR. Mais c'est aussi une forte exigence : la Nation compte sur vous, pour agir sans relâche. Une mission nationale vous est confiée par la loi.
La loi, plus généralement, nous dote d'outils nouveaux. Je citerai notamment la création de l'AFB, et la possibilité de créer des Agences Régionales de la Biodiversité. Outre-mer, les ARB doivent devenir des accélérateurs d'initiatives et de projets. Des lieux où l'on unira les forces en présence pour mobiliser en faveur de la biodiversité. Il y a déjà eu des réflexions sur ce sujet pour l'Outre-mer. J'ai ouvert ce matin une journée de travail sur la création des ARB en Métropole, avec les régions. Cette réflexion sera également menée pour la création des ARB Outre-mer. Mettons-nous vite autour de la table, pour trouver les formes les plus adéquates, les mieux adaptées aux réalités ultra-marines.
La troisième piste, c'est l'exemplarité pro-active : je crois à l'amélioration par l'exemple. Les initiatives sont plus nombreuses qu'on ne le pense. L'IFRECOR joue un rôle précieux pour les faire connaître. Avant tout, il faut informer, sensibiliser. C'est d'ailleurs le sens de l'initiative « la biodiversité en actions », que je lancerai dès le mois de septembre. Il s'agira de faire connaître au grand public les nombreuses initiatives prises pour combattre les dégradations de la biodiversité, et pour la reconquérir. Et parmi ces initiatives, je souhaite mettre en avant celles qui concernent les récifs coralliens. Vous êtes bien placés pour les identifier. Je vous invite à les signaler à mon équipe.
Je saisis cette occasion pour évoquer les aires marines éducatives, lancées aux Iles Marquises, avec l'appui de l'Agence des aires marines protégées et de l'IFRECOR. C'est un programme qui prend de l'essor, qui essaime. Un comité de pilotage interministériel a été constitué avec le Ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer (MEEM), le Ministère de l'Education Nationale, le Ministère des Outre-mer et l'Agence des Aires Marines Protégées.
Aujourd'hui 8 écoles et communes sont volontaires pour participer à la phase pilote. Ce projet a reçu la palme « coup de coeur » de l'IFRECOR. Voilà le type d'initiatives dont je me félicite. Je n'oublie pas non plus la contribution immense des chercheurs dont beaucoup sont présents aujourd'hui.
A côté du grand public, il faut aussi convaincre le monde économique. Il faut prouver que notre souci de préserver la biodiversité ne va pas à l'encontre de nos objectifs sociaux et économiques. Aujourd'hui, vous le démontrez. Je vous félicite de vos travaux sur la valeur économique des écosystèmes coralliens. Vous êtes parvenus à quantifier ce que nous apportent ces écosystèmes.
Certes, il y a des controverses sur ce type d'exercice, car certains y voient une tentative de marchandisation de la nature. À ceux-là, je me contente de rappeler que ce qui est en cause, ce n'est pas la valeur de la nature en soi, c'est le coût qu'aurait pour la société une dégradation de la nature telle que ces services aux écosystèmes ne pourraient plus être remplis.
Ce qui est prouvé, aujourd'hui, c'est le poids considérable de ces écosystèmes dans nos équilibres économiques et vitaux. Ce message doit s'adresser à tous, aux opérateurs publics et privés. Il est fort et éloquent. Sachons l'exploiter.
Notre quatrième objectif, c'est de mobiliser. Ce sera bien sûr l'objectif des ARB. C'est aussi la philosophie de l'IFRECOR, qui peut s'enorgueillir d'un rôle de pionnière. Vous avez réussi à mobiliser des scientifiques, des collectivités, des administrations centrales, des associations, autour d'une même cause, dans une même gouvernance, de l'Océan indien au Pacifique, en passant par l'Atlantique. C'est une mobilisation exemplaire que je salue. L'IFRECOR a été l'une des premières initiatives transversales et collégiales, une sorte grenelle de l'environnement bien avant l'heure, et un Grenelle qui, lui, a perduré !
Il y a 15 ans nous parlions encore peu de collégialité ou de transversalité et elles étaient peu ou pas pratiquées. Les scientifiques cherchaient de leur côté, les gestionnaires exerçaient plus sur le milieu terrestre que sur le marin, les associations s'activaient et rares étaient les responsables politiques qui étaient sensibilisés à ces sujets relatifs à l'état de santé des récifs coralliens. Cette initiative, fédérant divers acteurs de mondes si différents, était bien novatrice.
Enfin, j'évoquerai une dimension plus politique : la biodiversité est un enjeu de société, et doit donc investir notre espace politique. C'est une réalité que je constate chaque jour : autant la conscience des dangers du réchauffement climatique a progressé dans la société, du citoyen au responsable politique, du consommateur à l'acteur économique, autant le caractère vital, au sens premier du terme, de la biodiversité demeure à expliquer, à illustrer, et à inscrire dans les réflexions et dans les actes.
La mobilisation dont nous avons besoin, pour agir sur le terrain, nécessite un engagement des pouvoirs publics. Les décideurs ne peuvent plus aujourd'hui fermer les yeux, sur des menaces qui se rapprochent tant de nous, et qui nous affectent collectivement. Le temps est compté. Nous connaissons ces menaces. Elles ne disparaitront même pas au prix d'une crise momentanée et salvatrice. Notre seule issue est l'anticipation. C'est ce à quoi nous invite l'IFRECOR.
Sur tous ces sujets, je vous remercie de votre mobilisation, et vous félicite pour vos travaux. Je me réjouis également du rôle du Ministère des Outre-mers, et de cette collaboration bien ancrée entre ce Ministère et celui de l'environnement.
Je souhaite une très longue vie à l'IFRECOR, un bon anniversaire : 15 ans c'est un âge parfois compliqué mais où les projets se bâtissent et où tous les rêves sont possibles dès lors que l'on sait saisir de nouvelles opportunités et se fixer de nouveaux objectifs.
C'est dans cet esprit que le Gouvernement a proposé la candidature de la France au secrétariat de l'International Coral Reef Initiative (ICRI) pour la période 2016-2018.
Après 15 ans d'une initiative toujours active et motivée, L'IFRECOR va donc ouvrir une nouvelle page d'actions sur 5 ans et son programme doit encourager les actions locales en faveur d'une bonne gestion des récifs coralliens et écosystèmes associés, d'une meilleure connaissance de ces écosystèmes. Il doit permettre de donner des clés de bonne gestion aux Collectivités d'outre-mer.
Le dernier comité national de l'IFRECOR accueilli par les Terres Australes Antarctiques Françaises sur le Marion Dufresne, navire de la collectivité des TAAF, a ainsi été constructif.
Cependant il est nécessaire que toutes les Collectivités d'outre-mer récifales aient un comité local actif dont les populations locales puissent être fières. Car, sur ce sujet comme sur tant d'autres qui concernent l'écologie, la mobilisation des scientifiques, associations, responsables politiques ou économiques n'a de chance de produire d'effets durables que si elle s'appuie sur la compréhension, le soutien et même l'exigence de nos concitoyens.Http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 8 juillet 2016