Déclaration de M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat au budget et aux comptes publics, sur la lutte contre la fraude fiscale et la fraude sociale, Paris le 14 septembre 2016.

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Circonstance : Comité national de lutte contre la fraude, à Paris le 14 septembre 2016

Texte intégral

Madame la Ministre, Monsieur le Ministre, Cher Michel,
Mesdames et messieurs les représentants du Garde des sceaux, du ministre de l'Intérieur, de la ministre des Affaires sociales, et de la ministre des Outre-mer,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Pour compléter les interventions précédentes, je vais entrer un peu plus dans le détail des actions prévues par le plan national dans le champ de la fraude fiscale, puis de la fraude sociale. Et je m'arrêterai notamment sur les résultats de l'année 2015 puisqu'ils sont le reflet d'un engagement fort et intense, d'un engagement qui n'a pas débuté l'année dernière mais qui est, finalement, l'aboutissement de tout le travail accompli depuis quatre ans.
Débutons par les résultats de la lutte contre la fraude fiscale : je pense ici au champ d'action de la DGFIP et je reviendrai ensuite sur l'action de la douane.
Nous sommes parvenus à un montant de redressements jamais atteint : 21,2 milliards d'euros contre 19,3 milliards en 2014. Et cette amélioration significative s'étend également aux encaissements, puisqu'ils sont en hausse de 17 %, passant de 10,4 milliards d'euros à 12,2 milliards d'euros.
Or, cette augmentation globale n'a pas pour fondement une hausse des contrôles en nombre. Au contraire, le nombre d'opérations est en baisse de 3,1 %, passant de 50 168 en 2014 à 51 740. Ceci signifie que les contrôles sont mieux ciblés, plus respectueux du contribuable et donc plus efficaces.
Nous récoltons aujourd'hui le fruit d'une mobilisation sans faille et la mise en place d'actions et d'outils adaptés à ce domaine.
Ainsi, comme vous le savez, le Service de traitement des déclarations rectificatives (STDR) mis en place en juin 2013 a contribué de manière significative à cette amélioration. Pour preuve, au 31 août 2016, 6,3 milliards d'euros de droits et pénalités ont été encaissés. Les effectifs ont dès lors été augmentés progressivement pour atteindre plus de 200 agents, et le nombre de pôles de traitement des dossiers sont également à la hausse. Au 31 août 2016, 46 972 demandes de régularisation ont été répertoriées, soit un total de 28,8 milliards d'avoirs.
Le droit applicable devant le STDR doit évoluer. Dans sa décision QPC du 22 juillet 2016, le Conseil Constitutionnel a censuré l'amende proportionnelle de 5 % qui était appliquée pour non déclaration de compte détenu à l'étranger lorsque les avoirs dépassent 50 000 euros. Nous en prenons acte. Pour autant, la non déclaration d'avoirs détenus à l'étranger est une fraude inacceptable. Les conditions dans lesquelles les contribuables détenant des avoirs non déclarés à l'étranger peuvent se mettre en conformité avec le droit doivent donc être revues, pour tenir compte des effets de la décision du Conseil Constitutionnel.
Dès lors, en contrepartie de l'amende proportionnelle de 5 % qui ne sera plus appliquée, le barème des pénalités pour manquement délibéré va être augmenté, dès les prochains jours : la majoration sera portée
de 15 % à 25 % pour les fraudeurs dits « passifs » et de 30 % à 35 % pour les fraudeurs dits « actifs ».
De manière générale, il convient de garder à l'esprit qu'avec l'entrée en vigueur de l'échange automatique d'informations financières qu'a rappelée Michel, nous aurons accès à tous les comptes bancaires. Se posera alors la question de la pérennité du STDR - ce n'est pas un sujet immédiat mais nous y réfléchissons.
La lutte plus spécifique contre la fraude à la TVA a également permis d'améliorer nos résultats, puisque les redressements en ce domaine ont progressé de 100 millions d'euros de 2014 à 2015.
Certains outils, mis en place récemment, y ont ainsi concouru :
- C'est le cas du droit de communication non nominatif, créé par la loi de finances rectificative pour 2014 et mis en oeuvre concrètement depuis août dernier (décret du 31 août 2015). Cette possibilité pour l'administration fiscale de se faire communiquer des informations auprès des tiers sans être tenue de désigner nommément les personnes concernées, a permis de détecter des activités professionnelles non déclarées sur internet, . Le plan national présenté ce jour veille d'ailleurs à renforcer ce dispositif.
- Nous pouvons également évoquer les missions des organismes de gestion agréés (OGA) qui exercent un contrôle périodique de la sincérité des pièces justificative produites par leurs adhérents (majoritairement des entrepreneurs individuels). Leurs missions ont été renforcées afin de leur permettre d'exercer un véritable contrôle limitant ainsi les risques d'erreurs et les tentations de fraude.
Ces outils de ciblage s'accompagnent également d'une adaptation des contrôles proprement dit afin que ceux-ci soient plus rapides et donc plus efficaces, tout en étant moins intrusifs pour les contribuables de bonne foi. Ainsi, dans le cadre de la loi de finances rectificative, nous envisageons la création d'une nouvelle procédure de contrôle visant à demander aux entreprises leur comptabilité sous forme dématérialisée, et à procéder à l'examen de ces comptes depuis le bureau et non sur place. Ce nouveau dispositif sera complémentaire aux procédures existantes.
Dans le même esprit, nous prévoyons de créer une procédure d'instruction sur place des demandes de remboursement de crédit de TVA et ce, limitée à 60 jours. Cette procédure permettra de limiter les risques de fraude et d'assurer une décision rapide de l'administration fiscale, qui ne pénalise pas inutilement la trésorerie des entreprises.
De manière générale, nous tenons compte du besoin de prévisibilité des acteurs économiques, grâce notamment à la publication à l'avance des montages regardés comme abusifs, démarche bien engagée que nous allons poursuivre.
Mais la DGFIP n'est pas la seule concernée dans la lutte contre la fraude aux finances publiques : les douanes contribuent également aux efforts fournis en ce domaine, puisque les résultats pour l'année 2015 sont tout aussi exemplaires.
Ainsi, le montant des redressements des droits et des taxes douanières se sont élevés à 377,4 millions d'euros, soit une progression de 5,7 % par rapport à 2014. A cela, il convient d'ajouter l'action des douanes judiciaires (et notamment du SNDJ) qui a effectué en 2015 de nombreuses investigations en matière d'escroquerie à la TVA (carrousel notamment) pour lesquelles le montant du préjudice peut être évalué à 368 millions d'euros.
Là encore, cette nette amélioration des résultats n'est que la conséquence d'un investissement réel de cette administration, de la mise en place d'outils nouveaux, d'actions mieux adaptées améliorant ainsi l'efficacité des contrôles effectués.
Nous pouvons d'ailleurs faire le même constat en matière de trafics illicites : 629,5 tonnes de tabacs et de cigarettes de contrebande saisies en 2015 (soit 221 millions d'euros, ce qui constitue une augmentation de 49 % par rapport à 2014), ou encore 7,7 millions d'articles de contrefaçon saisis.
Nous avons eu l'occasion, avec Michel, au mois de mars, de mettre en avant ces résultats et de féliciter les douanes pour leur mobilisation sans faille dans leurs différents domaines d'intervention.
L'action de ciblage et de détection des fraudes se renforce avec la création au niveau national d'un service d'analyse de risque et de ciblage, le SARC.
De même, il est prévu d'étendre le champ d'application de l'obligation déclarative de flux de capitaux tant au niveau national qu'au niveau européen. Cette extension verra sa mise en oeuvre intervenir sur notre territoire national dans le courant de l'automne 2016 avec la parution d'un décret d'application à la loi du 3 juin 2016 sur la criminalité organisée.
Les résultats de la lutte contre la fraude sociale, qu'il s'agisse des prestations indûment versées ou des cotisations volontairement éludées, suivent la même tendance de hausse rapide.
En 2015 en effet, les montants de fraude détectés et mis en redressement sont en hausse de 17 % par rapport à 2014, année qui avait déjà marqué un record sans précédent de 860 millions d'euros. Avec plus d'un milliard d'euros, le résultat des actions engagées représente tout simplement le double de ce qu'il était en 2011.
Les résultats sont d'autant plus impressionnants que la progression est observée dans la totalité des branches de la sécurité sociale, et qu'elle concerne aussi bien la fraude aux prélèvements sociaux que la fraude aux prestations.
Ce progrès n'est évidemment pas le fruit du hasard, mais le résultat d'une mobilisation forte et d'un renforcement continu des outils de contrôle et de sanction.
Dans le domaine des cotisations sociales, le relèvement des pénalités pour fraude, pouvant aller jusqu'à 40 % des sommes dues, contribue à rendre les sanctions toujours plus dissuasives.
Dans le domaine des prestations, l'utilisation croissante des informations collectées par les différents régimes, le croisement des informations pour détecter les anomalies, sont les principaux moyens d'accroître la performance des contrôles, qui se sont par ailleurs professionnalisés dans les réseaux.
Les contrôles portent sur les thématiques prioritaires pour le Gouvernement, notamment les situations de détachements abusifs. En ce domaine, les URSSAF sont passées en 2015 à une vitesse supérieure, puisque le nombre de procédures a été multiplié par 2,5 et que le montant des redressements correspondants a été multiplié par 6, pour dépasser 33 millions d'euros.
Toutefois, le règlement de coordination des régimes de sécurité sociale reste, comme la directive sur le détachement des travailleurs, trop facile à contourner par des entreprises peu scrupuleuses qui ne respectent pas les règles du détachement des travailleurs. C'est pourquoi nous avons demandé, avec Marisol Touraine et en complément des propositions de modification de la directive sur le détachement, que certaines règles du règlement de coordination des régimes de sécurité sociale soit modifiées pour assurer le respect des règles du jeu, garantir une concurrence loyale entre entreprises, sauvegarder les niveaux de protection sociale des salariés et préserver la soutenabilité de notre système de sécurité sociale.
Je voudrais conclure en soulignant que les résultats de la lutte contre les fraudes représentent désormais des montants très significatifs pour les finances publiques, et en progression - tous les chiffres que j'ai cités le montrent. Les indicateurs disponibles sont suivis régulièrement, et ce sera encore plus le cas après l'approbation de ce nouveau plan triennal. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons qu'une partie de l'effort de redressement des comptes publics, ceux de l'Etat comme ceux de la sécurité sociale, soit réalisée par ce moyen. Des objectifs quantitatifs ambitieux seront fixés pour 2017, comme nous l'avons annoncé en juillet lors du débat d'orientation des finances publiques.
Ce comité annuel est également l'occasion de se rappeler que la lutte contre la fraude aux finances publiques est à la fois un enjeu financier majeur, et un enjeu de société : celui de l'égalité devant les charges publiques, à laquelle nos concitoyens sont plus que jamais attentifs. Je sais que l'ensemble des administrations et organismes concernés mesure cette responsabilité. Je veux les assurer de mon soutien sans faille.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 19 septembre 2016