Déclaration de M. Michel Sapin, ministre de l'économie et des finances, sur la place de la Grande Bretagne dans l'Union européenne, les avancées sur la question de la taxe sur les transactions financières, sur l'annulation de la visite de Vladimir Poutine à Paris, Luxembourg le 11 octobre 2016.

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Circonstance : Conseil des ministres de l'économie et des finances de l'Union européenne (ECOFIN), à Luxembourg le 11 octobre 2016

Texte intégral

Q - Etes-vous satisfait des discussions sur le Brexit aujourd'hui ?
Michel SAPIN : La Grande-Bretagne est aujourd'hui membre de l'Union Européenne, elle participe à nos discussions, elle s'exprime sur un certain nombre de sujets, et pendant encore un peu plus de deux ans elle continuera à s'exprimer sur ces sujets. C'est donc quelque chose que nous abordons entre nous, pour toujours dire que nous le regrettons et pour toujours dire que c'est une décision qui a été prise et qui doit maintenant être mise en œuvre. Nous devons avoir des négociations les plus confiantes et les plus constructives possibles mais nous ne perdrons jamais de vue les intérêts de l'Union Européenne. L'Union Européenne est un continent qui s'affirme, qui se développe et qui doit continuer à s'élargir. L'Union Européenne est dynamique, y compris dans sa négociation avec la Grande-Bretagne.
Q - Sur la taxe sur les transactions financières, des progrès semblent avoir été faits. Pensez-vous que c'est le bon message à envoyer dans le contexte du Brexit, à un moment où Paris pourrait se substituer à Londres comme place financière majeure ?
Michel SAPIN : La taxe sur les transactions financières est plutôt une bonne nouvelle. Cette taxe sur les transactions financières n'est pas faite pour punir, elle est faite pour faire en sorte que les mouvements financiers soit les plus utiles possibles, et pour que certains mouvements financiers de caractère uniquement spéculatifs soient renchéris et n'aient plus lieu d'être. Il ne faut jamais oublier que la taxe sur les transactions financières a d'abord et avant tout un objectif de clarification et de sécurisation des mouvements financiers. Elle peut ensuite rapporter de l'argent comme d'ailleurs cette taxe sur les transactions financière rapporte de l'argent en Grande-Bretagne, puisqu'elle existe en Grande-Bretagne sur les actions par exemple. Ce n'est donc pas une découverte, ce n'est pas une nouveauté. C'est quelque chose qui peut être positif, d'autant plus que nous sommes très attentifs aussi à ce que cela ne vienne pas handicaper les places financières européennes, et tout particulièrement les places financières très importantes comme celle de Francfort ou celle de Paris.
Q - Une réaction à l'annulation de la visite de Vladimir Poutine à Paris ? Nous semblons comprendre que le Président de la République François Hollande a dit qu'il ne parlerait que de la question de la Syrie en cas de visite de Vladimir Poutine. Est-ce la bonne décision ? Etes-vous inquiet des signes de division entre l'occident et la Russie à propos de la Syrie ?
Michel SAPIN : Il se passe aujourd'hui en Syrie, et à Alep en particulier, des événements absolument dramatiques et insupportables, insupportables pour la conscience humaine, insupportables pour la conscience planétaire. Il serait criminel de fermer les yeux sur ce qui se passe. Il est donc normal que le président français en tire un certain nombre de conclusions à ce stade. Il ne s'agit pas de refuser de discuter avec la Russie. Tous les Etats cherchent aujourd'hui à discuter de manière constructive avec la Russie, mais dans le contexte actuel il ne serait pas admissible de faire comme si rien ne se passait en Syrie. En Syrie c'est l'atrocité, en Syrie c'est le massacre, en Syrie ce sont des populations civiles qui sont en train de supporter cette guerre insupportable. Il fallait donc le traduire clairement en actes.
Q - Que pensez-vous de l'absence de Philip Hammond aujourd'hui ? Pensez-vous que la Grande-Bretagne doit rester en dehors de ces discussions ?
Michel SAPIN : Il arrive souvent que le ministre britannique ne soit pas présent à tel conseil ou à tel autre. Je ne tire pas de cette absence une conclusion politique. Nous le voyons souvent, nous avons des contacts avec lui qui sont légitimes et nécessaires. Par exemple à Washington, il y a quelques jours, monsieur Hammond était très présent et nous avons eu beaucoup de contacts. Il a discuté avec ses collègues européens. Sa présence ou son absence aujourd'hui n'a pour moi pas de signification politique. Par contre, ce que disent les uns ou les autres sur leur volonté d'un Brexit un peu dur, cela compte. C'est un langage qui a une signification politique, et vous savez combien la France et l'ensemble des pays de l'Union Européenne seront fermes sur les principes tout en souhaitant négocier dans de bonnes conditions.
Q - L'Union Européenne doit-elle soutenir les banques européennes dans le contexte actuel, notamment avec le problème de la Deutsche Bank ?
Michel SAPIN : Nous n'avons absolument pas abordé ces questions. Nous n'avons pas à le faire. Nous n'avons pas à nommer une banque ou une autre. Ce serait provoquer des problèmes qui parfois n'existent pas ou existent peu. La seule chose que je peux constater, et ce fût encore le cas aujourd'hui, c'est que grâce à des mécanismes internationaux et européens, grâce à l'Union Bancaire qui est aujourd'hui en cours de construction, l'Europe est beaucoup plus solide dans le système bancaire. Il peut y avoir une petite difficulté à tel endroit ou à tel autre. Cela ne remet pas en cause la solidité des systèmes bancaires européens, et si je peux me permettre de le dire, du système bancaire français, qui est particulièrement solide aujourd'hui.
Q - Pensez-vous que la chute de la livre sterling va conduire le gouvernement britannique à reconsidérer sa position en faveur d'un « Brexit dur » ?
Michel SAPIN : La négociation n'est pas encore ouverte. Elle le sera à partir de mars prochain. J'ai déjà dit que je trouvais que c'était un peu tard et qu'il aurait mieux fallu commencer plus tôt, mais au moins nous avons une date. A partir de mars prochain, nous saurons exactement quels sont les éléments, les propositions des uns et des autres. Pour l'Europe il n'est pas possible d'avoir une relation avec un autre pays, qui serait à ce moment-là extérieur à l'Union Européenne, sans respecter ce que nous appelons les quatre libertés. Il n'y a pas de liberté de circulation des biens, des services, des capitaux, sans la liberté de circulation des personnes, des citoyens membres de cette zone. C'est un sujet qui est important, et je comprends qu'il préoccupe les britanniques, mais on ne peut pas jouer avec les principes. Ils doivent être respectés par tous.
Q - Est-il possible pour le Royaume-Uni de rester en dehors du marché unique mais de garder son passeport financier ?
Michel SAPIN : Non, ce n'est pas possible.
Source http://www.rpfrance.eu, le 12 octobre 2016