Interview de M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat au budget et aux comptes publics, à "France Inter" le 17 octobre 2016, sur le projet de budget 2017, et la mise en oeuvre de la retenue à la source.

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Média : France Inter

Texte intégral

PATRICK COHEN
Bonjour Christian ECKERT.
CHRISTIAN ECKERT
Bonjour.
PATRICK COHEN
Je vous présente deux manchettes, deux titres de Une vus ce week-end parmi beaucoup d'autres, le Journal du Dimanche : « l'après-HOLLANDE a commencé », et puis, Le Figaro de samedi : « à gauche, plus personne ne croit en François HOLLANDE. » C'est vrai ?
CHRISTIAN ECKERT
Bon, écoutez, ce qui est important, c'est de continuer notre travail, on est à l'aube de la discussion budgétaire…
PATRICK COHEN
Ce n'était pas la question…
CHRISTIAN ECKERT
Oui, mais, écoutez, c'est toujours important quand un ministre s'exprime, c'est d'abord dans le cadre de ses fonctions, moi, je vais et j'accompagne le président tout à l'heure à Florange, c'est important…
PATRICK COHEN
Mais j'allais y venir, oui…
CHRISTIAN ECKERT
J'aurai évidemment des échanges avec lui sur ce point, mais permettez-moi de les garder pour moi.
PATRICK COHEN
C'est parce que vous l'accompagnez à Florange, que vous croyez en François HOLLANDE ?
CHRISTIAN ECKERT
Non, pas du tout, c'est parce que je sais que François HOLLANDE est quelqu'un de conviction, de déterminé, que je l'ai vu dans des situations difficiles, ça peut être le cas à tout moment, c'est parfois aussi le cas en Lorraine, et je sais qu'il mérite d'être soutenu, accompagné et que l'on travaille jusqu'au bout du quinquennat.
PATRICK COHEN
Donc plus personne à gauche ne croit en François HOLLANDE, ce n'est pas vrai ?
CHRISTIAN ECKERT
Écoutez, moi, j'ai de fortes convictions en l'avenir de François HOLLANDE et en sa capacité, compte tenu de l'expérience forte qu'il a acquise, de pouvoir conduire à nouveau les destinées du pays.
PATRICK COHEN
Alors, à Florange, Florange, c'est chez vous, vous êtes né à dix kilomètres de là, vous avez enseigné à Fameck ?
CHRISTIAN ECKERT
Oui, juste à côté, j'ai même travaillé à Florange pendant mes vacances quand j'étais étudiant.
PATRICK COHEN
Il est populaire à Florange, François HOLLANDE ?
CHRISTIAN ECKERT
Écoutez, il a pris un certain nombre d'engagements qu'il a tenus, et il y a eu d'autres engagements, alors peut-être pas de lui personnellement, mais qui ont interpellé la population, d'ailleurs, un certain nombre de municipalités ont basculé, certaines au Front national, à Hayange d'ailleurs, c'est bien connu, et je crois que la population l'attend pour continuer le dialogue, un dialogue franc, on va dire, en termes diplomatiques, parce que les Lorrains ne sont pas de nature à excuser les choses…
PATRICK COHEN
Oui, c'est musclé en réalité…
CHRISTIAN ECKERT
Mais il faut constamment expliquer les difficultés qui ont été les nôtres, et celles de l'industrie sidérurgique, vous savez, Florange n'a été finalement que un épisode dans une longue descente de l'industrie sidérurgique qui remonte aux années 70-80.
PATRICK COHEN
Christian ECKERT, en langage courant, les promesses ont été tenues ou elles n'ont pas été tenues ?
CHRISTIAN ECKERT
François HOLLANDE avait promis qu'il n'y aurait pas de licenciement à Florange, et ça a été tenu. François HOLLANDE avait promis de mettre en place un centre de recherche sur la sidérurgie, et ça a été tenu.
PATRICK COHEN
Tout le monde a compris que les hauts-fourneaux continueraient de fonctionner, ils ont fermé.
CHRISTIAN ECKERT
Oui, mais je crois que, avoir dit un moment, ou laisser croire, ce n'est pas d'ailleurs François HOLLANDE qui l'a le plus laissé croire, c'est peut-être d'autres de ses ministres, je crois que c'était emmener les gens dans une impasse.
PATRICK COHEN
Le mot qui revient le plus souvent dans les reportages, y compris ceux qu'on a diffusés ce matin sur l'antenne de France Inter, c'est le mot trahison.
CHRISTIAN ECKERT
Bon, écoutez, je ne crois pas que François HOLLANDE ait trahi, il s'en est expliqué d'ailleurs ce matin dans une interview dans la presse locale. Trahir, c'eut été de ne pas s'assurer qu'il n'y ait pas de licenciement direct, s'assurer qu'il n'y ait pas… enfin, ne pas s'assurer qu'il y ait de la formation, de la recherche, parce que la sidérurgie lorraine a été confrontée à bien des difficultés, il faudrait beaucoup de temps ici pour le détailler.
PATRICK COHEN
Vous diriez que c'est un succès de l'action du quinquennat ?
CHRISTIAN ECKERT
Bien sûr que non, bien sûr que non. Il a été question d'endiguer une vague de diminution de l'activité sidérurgique en Lorraine, comme d'ailleurs dans toute l'Europe, la question de la concurrence notamment de l'acier chinois est une question très importante.
PATRICK COHEN
Le budget 2017 sera présenté demain à l'Assemblée nationale, avec la mesure phare sur laquelle on pourra revenir tout à l'heure avec les auditeurs. Le prélèvement à la source à partir de 2018. Vous aurez donc face à vous une opposition de droite qui va contester le sérieux, la sincérité de ce budget, des frondeurs du PS qui pensent que, il n'y a plus rien à faire, de toute façon, ils vont s'abstenir, et puis, d'autres députés PS emmenés par la rapporteur Valérie RABAULT, qui vous demandent, qui demandent au gouvernement un geste pour les petites retraites, une baisse de la CSG, ils sont une soixantaine à demander cela. Que leur répondez-vous, Christian ECKERT ?
CHRISTIAN ECKERT
Écoutez, nous travaillons avec le groupe socialiste, encore aujourd'hui, et demain, et bien sûr dans les jours qui viennent, je crois que le gouvernement a une position plutôt ouverte sur ce point. Il y a eu, suite à un certain nombre de décisions, y compris de nos prédécesseurs, on ne va pas trop rentrer dans la technique mais, une augmentation du revenu fiscal de référence, ce qui fait que la CSG, par les retraités, qui est d'ailleurs inférieure déjà à celle que payent les actifs, cette CSG a pu, pour un certain nombre d'entre eux, augmenter. Essayer de revenir sur les perdants, puisqu'il y a eu entre 600.000 et 1.000.000 de retraités qui ont pu y perdre parfois une dizaine, un peu plus, d'euros, ce qui pour des petites retraites peut être important, revenir sur cette mesure par le jeu des seuils qu'il faudrait ré-augmenter, c'est une possibilité, mais avec un impératif, c'est que le déficit du budget, qui entre à l'Assemblée nationale demain, ne doit pas être alourdi à la suite de la discussion. C'est-à-dire que si nous prenons une mesure positive, qui pourrait coûter, si j'ose dire, quelques centaines de millions d'euros…
PATRICK COHEN
Combien ?
CHRISTIAN ECKERT
Autour de 300 millions suivant le niveau auquel on relève les seuils, il faudra en trouver quelques compensations, c'est-à-dire soit des économies ailleurs, soit des recettes supplémentaires.
PATRICK COHEN
Vous avez des pistes ?
CHRISTIAN ECKERT
C'est ce à quoi nous travaillons en tout cas avec la rapporteur générale et les députés du groupe majoritaire.
PATRICK COHEN
Donc, à vous entendre, c'est une hypothèse qui est loin d'être exclue, qui est possible.
CHRISTIAN ECKERT
Tout à fait, c'est une position d'ouverture, d'écoute, et encore une fois d'équilibre en fonction des recettes ou des économies qui pourraient être trouvées, en tout cas c'est un sujet qui est identifié, qui est connu, moi-même, d'ailleurs, j'avais fait un certain nombre de propositions avant même d'entrer au gouvernement.
PATRICK COHEN
Alors, tout le budget, le projet de loi de Finances qui sera voté à l'issue de ce qu'on appelle habituellement le marathon budgétaire, qui va durer 2 mois à partir de demain, pourra être remis en cause par la nouvelle Assemblée nationale qui sera issue des urnes en juin prochain. Mais, vous dites, non, le prélèvement à la source, ça se fera quoi qu'il arrive au 1er janvier 2018. Ce n'est pas la position, vous l'avez entendue, des candidats qui se présentent à la primaire de la droite et du centre.
CHRISTIAN ECKERT
Oui, une position qu'ils adoptent, semble-t-il, un peu par principe, on est à la veille d'élections, donc tout ce que font les uns ce n'est pas bien, et eux feront évidemment mieux, c'est un jeu malheureusement que l'on connaît trop souvent. Ce qui est important c'est que nous nous mettons en conditions pour réussir le prélèvement à la source, dont les avantages sont nombreux, notamment qu'on paie l'impôt en fonction des revenus réels de l'année et non pas de l'année précédente, on pourra y revenir. Mais, ce qui est important, nous mettons en conditions, c'est-à-dire qu'il faut passer des commandes sur un certain nombre de logiciels, il faut formater notre administration à une nouvelle façon de travailler, former des gens, en recruter, ou en tout cas s'assurer que nous aurons les moyens de le mettre en oeuvre au 1er janvier 2018, et ça c'est lancé, ça serait dommage de le stopper en plein vol, si j'ose dire.
PATRICK COHEN
Est-ce que vous avez chiffré le choc psychologique qui pourrait aussi être un choc économique, de salariés qui, soudain, voient le chiffre qu'ils ont en bas de leur feuille de paye diminuer très sensiblement, d'un coup, à partir donc de janvier 2018 si ça se met en place ?
CHRISTIAN ECKERT
Écoutez, moi j'ai confiance en l'intelligence des gens. Ne plus avoir de prélèvement le 15 du mois, d'un dixième de…
PATRICK COHEN
Pour ceux qui sont mensualisés ça.
CHRISTIAN ECKERT
Oui, mais enfin pour les trimestres ça revient au même… donc, ne plus avoir de prélèvement le 15 du mois qui était d'un dixième de l'impôt et en avoir un à la fin du mois qui ne sera que d'un douzième de l'impôt, c'est-à-dire inférieur à ce qu'il était, je crois que les Français sont suffisamment intelligents pour comprendre qu'en termes de trésorerie il n'y a pas d'impact. Alors, la psychologie, ça c'est encore plus intime, on a des fois du mal à faire de la psychologie après, alors en faire avant ça me paraît compliqué.
PATRICK COHEN
Christian ECKERT, secrétaire d'État au Budget, on vous retrouve dans quelques minutes avec les questions des auditeurs de France Inter.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 19 octobre 2016