Déclaration de M. Harlem Désir, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, sur les défis et priorités de la construction européenne, au Sénat le 19 octobre 2016.

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Circonstance : Débat préalable au Conseil européen, au Sénat le 19 octobre 2016

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Brexit, agenda post-Bratislava, réponses à la crise migratoire, politique commerciale, relations avec la Russie, sont au menu, lourd, du Conseil européen de ce vendredi. Ce sera le premier de Theresa May qui précisera le calendrier du Brexit : elle a annoncé, devant son parti, la mise en oeuvre de l'article 50 avant la fin mars, c'est dire sa détermination. Nous avons d'ores et déjà posé des principes, esquissés par le président de la République au lendemain du référendum et repris par les 27.
Lors de pré-négociations avant le déclenchement de l'article 50, nous avons établi un lien sans équivoque entre les quatre libertés de circulation : celles des biens, des capitaux, des services et des personnes.
L'accès du Royaume-Uni au marché intérieur européen sera conditionné à la liberté de circulation des citoyens européens au Royaume-Uni.
L'accès au marché intérieur comme à certaines politiques communes sera lié au respect d'un certain nombre d'obligations et à une contribution financière.
Chacun se prépare à cette négociation où il ne s'agit pas de punir, mais de défendre les intérêts de l'Union européenne, sa cohésion : on ne peut pas avoir les avantages d'être à l'intérieur sans les obligations.
Ce conseil européen débattra aussi de l'avenir de l'Union européenne, au-delà du Brexit, pour examiner la mise en oeuvre de la feuille de route de Bratislava, après les premières avancées de ces dernières semaines sur les réponses de la crise migratoire, et sur le prolongement du plan Juncker.
Malgré la baisse du nombre de migrants arrivant par la Méditerranée orientale, sous le double effet de la fermeture de la route des Balkans et de l'accord avec la Turquie, la Méditerranée centrale reste marquée par une hausse des arrivées en provenance de Libye, des naufrages dramatiques et un trafic meurtrier d'êtres humains : l'Italie se trouve de ce fait en difficulté. Elle accueille 160.000 migrants, les centres d'accueil grecs sont saturés.
Il faut une réponse solidaire. Le déploiement de corps de garde-frontières et de garde-côtes marque un progrès notable pour la protection des frontières extérieures de l'espace Schengen.
Frontex n'avait pas le mandat pour exercer efficacement ses missions : il nous a fallu moins d'un an mais nous devrons aller plus loin pour réviser le code des frontières Schengen et pour créer un système européen d'autorisation de voyage, ainsi que pour obtenir des informations sur les voyageurs sans visa avant leur arrivée en Europe. Nous souhaitons aboutir, avec le soutien des institutions européennes et en particulier du Parlement européen, d'ici à la fin de l'année.
La lutte contre les passeurs et les trafics a été renforcée, les naufragés sont secourus mais nous devons agir aussi sur les causes : c'est l'objet des pactes migratoires, nous devons les concentrer sur des pays prioritaires en mobilisant l'ensemble des politiques européennes, vers un plan Juncker pour la coopération, mobilisant 3,5 milliards d'euros en Afrique et dans les pays voisins de l'Europe.
Le soutien au développement est un levier essentiel pour lutter contre les migrations. L'accord avec la Turquie a permis de diminuer le flux des migrants, mais quelque 60.000 migrants restent bloqués en Grèce, dont 14.500 dans les îles : il faut aider à leur relocalisation en Europe.
La France, qui a accueilli 1.756 Syriens, Irakiens et Erythréens est au premier plan européen. La libéralisation des visas avec la Turquie dépend du respect intégral de 72 critères dont la révision d'une loi sur le terrorisme.
Le Conseil européen débattra de la politique commerciale, levier majeur de l'Union européenne, première puissance commerciale au monde, même après le Brexit. La France est favorable à l'ouverture sur le fondement de la réciprocité et du respect de nos normes sociales, environnementales et culturelles. C'est le sens d'une politique robuste, qui ne joue pas contre nos travailleurs, nos agriculteurs.
Par exemple, la reconnaissance de nos indications géographiques dans le traité en négociation avec le Canada, le Ceta, explique que la France le soutienne comme tous les pays européens, sauf la Belgique. Des discussions sont en cours avec la Belgique à ce sujet. Sur le TTIP avec les États-Unis, les conditions de négociation claires ne sont pas réunies, il faut prendre du recul.
Le Conseil européen doit également se saisir des politiques commerciales déloyales, nous y veillerons.
Ce Conseil européen abordera d'autres questions importantes, en particulier notre relation stratégique avec la Russie, au lendemain du sommet au format Normandie qui a lieu en ce moment même à Berlin, dans le contexte dramatique du bombardement d'Alep et après le veto russe à une résolution proposée par la France en faveur d'une trêve. L'Europe doit être ferme et unie, afin que des négociations sur l'avenir de la Syrie soient conduites après une trêve durable.
Les échéances sont nombreuses, nous devons être l'un des moteurs de la relance européenne. C'est notre responsabilité, mais aussi notre intérêt, car la France a besoin d'une Europe forte dont la voix porte sur la scène internationale.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 octobre 2016