Déclaration de Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, sur les établissements accueillant des personnes âgées dépendantes, la prévention de la maltraitance chez les personnes âgées et la professionalisation de l'aide à domicile, Paris le 27 septembre 2001.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Journée d'étude de l'URIOPSS Ile-de-France à Paris le 27 septembre 2001

Texte intégral

Je suis heureuse de participer aujourd'hui à cette journée de l'URIOPSS Ile de France, pour de multiples raisons.
D'abord parce que j'ai toujours suivi, avec beaucoup d'intérêt, les initiatives du réseau UNIOPSS-URIOPSS. Pour connaître ce réseau depuis longtemps, je sais que nous partageons les mêmes valeurs sur la dignité des personnes âgées, la protection de leurs droits et de leurs capacités d'expression individuelle ou collective, et, de manière générale la défense et la promotion des plus fragiles. Je sais qu'on peut compter sur vos dirigeants nationaux - au premier rang desquels Jean-Michel BLOCH LAINE - et régionaux pour porter ces valeurs au nom du mouvement associatif.
Ensuite parce que c'est le cinquantième anniversaire de votre union régionale, certainement l'âge d'une seconde jeunesse. C'est une union importante, dont les adhérents gèrent plus de 70.000 lits ou places sur tous les champs du sanitaire et du social. Votre union a su mettre l'accent sur la promotion du projet associatif, la cohésion du mouvement associatif dans toutes les organisations ou fédérations qui le composent, la prise en compte des dimensions sociale et sanitaire de l'aménagement du territoire dans une région comme la votre, marquée à la fois par un fort niveau de vie moyen et par de fortes inégalités.
Je voudrais saisir l'occasion de cette journée, qui offre l'une des tribunes les plus importantes dans votre réseau, en dehors des congrès de l'UNIOPSS, pour aborder quelques points importants pour vous et pour moi.
Premier point, la mise en place d'un nouveau régime tarifaire pour les établissements accueillant des personnes âgées dépendantes.
L'amélioration de la qualité de vie dans les établissements, une répartition plus juste des efforts financiers entre les différents financeurs de la prise en charge institutionnelle des personnes âgées en perte d'autonomie, un engagement nettement accru de l'assurance maladie dans le financement des soins : tels sont les objectifs que je poursuis à travers la réforme de la tarification. J'attends de vous que vous vous engagiez résolument dans cette approche, qui est une approche de progrès pour les résidents.
Un changement de cette ampleur est toujours difficile à conduire ; les périodes de transition entre deux régimes de financement sont toujours complexes ; vos échéances de la fin 2001 sont lourdes. Cela je le sais, mais je sais aussi, que l'apport du plan pluriannuel de financement de l'assurance maladie est sans précédent (six milliards sur cinq ans), et que l'on comprendrait mal que cette manne reste dédaignée.
Les moyens nécessaires à ce plan pluriannuel seront confirmés pour 2002 dans le prochain P.L.F.S.S. Il nous a fallu nous battre, avec Elisabeth GUIGOU, pour obtenir la consolidation de ces crédits, alors même que la consommation en 2001 s'avérait insuffisante.
Vous pouvez compter sur moi pour être à l'écoute de vos difficultés ; j'en ai donné des signes tangibles en créant au plan national un groupe de suivi de la réforme de la tarification associant les grands réseaux nationaux, dont l'UNIOPSS, et en réintroduisant dans les dispositions réglementaires à l'étude des éléments de procédure contradictoire un peu trop rapidement passées à la trappe.
L'attentisme qui s'est longtemps manifesté sur la mise en oeuvre de cette réforme, compréhensible lorsqu'il s'agissait de mettre en place un dispositif complexe à coûts constants, n'est plus de mise aujourd'hui. Un mouvement se dessine, 500 conventions sont sur le point d'être conclues au plan national, dont bon nombre en Ile de France, à Paris, dans le Val de Marne et ailleurs.
Je cherche avec toute mon énergie à appuyer ce mouvement, bénéfique pour l'usager parce qu'il doit entraîner une baisse du prix de journée ou une amélioration des conditions d'accueil et de prise en charge. 6 milliards de plus de crédits d'assurance maladie, sans compter des transferts importants en provenance de l'enveloppe des soins de ville pour financer la substitution de personnels salariés à des interventions de professionnels de ville financés à l'acte, ce n'est pas neutre. De l'ordre de 7 milliards, sur les 16,5 milliards de financement de l'A.P.A prévisibles à l'horizon 2003, pour l'APA en établissement, ce n'est pas négligeable.
J'ai fait en sorte que les moyens des DDASS pour aborder le conventionnement soient renforcés par la création à très court terme de 80 postes supplémentaires, dont une quinzaine pour l'Ile de France. Dans le cadre de mon tour de France sur l'APA, je plaide auprès des départements pour les inciter à s'engager fortement dans la négociation des conventions. Ils y ont tout intérêt puisqu'ils seront de toute façon conduits en 2002 à attribuer l'allocation personnalisée d'autonomie en établissement, et à fixer des tarifs dépendance même pour les structures non encore conventionnées, dans le cadre des dispositions transitoires qui les régiront. Aujourd'hui je fais appel aux gestionnaires associatifs pour que, quelle que soit la lourdeur de leurs échéances, ils entrent largement et rapidement dans la démarche conventionnelle. Nous partageons tous une obligation de résultat.
Deuxième sujet, la prévention de la maltraitance des personnes âgées.
Là aussi, le regard de la société doit changer. La prise de conscience de ce problème, plus tardive en ce qui concerne les personnes âgées que pour d'autres catégories de la population ou d'autres âges de la vie, doit être accélérée. J'ai confié sur ce sujet une mission de réflexion et de propositions à un groupe de travail présidé par le professeur DEBOUT, qui me remettra ses conclusions avant la fin de l'année. Ce travail pourra s'appuyer sur des initiatives très concrètes telles que celles qui se développent en Essonne. Il faut éviter de culpabiliser les entourages professionnels ou familiaux, mais mettre autant que possible l'accent sur la prévention, en prenant garde au fait que les phénomènes de maltraitance sont souvent le résultat d'un processus de dégradation progressive lié à l'épuisement des aidants et à l'indifférence générale.
Troisième sujet, la professionnalisation de l'aide à domicile, la modernisation de ce secteur, la reconnaissance du rôle des prestataires de service.
Vous connaissez mon engagement et mes idées, sur ce sujet, et je peux vous dire qu'elles font leur chemin...
J'évoquerai rapidement quatre points :
- premier point, les décrets d'application de la loi APA, concertés avec les organisations professionnelles de la branche, consacreront la priorité marquée aux prestataires de services, sur des indications sociales assez larges (insuffisance des réponses apportées par l'entourage, détérioration intellectuelle ou désorientation), et en tout état de cause pour l'ensemble des personnes les plus dépendantes, en GIR 1 et 2. Les décrets APA prévoient également l'obligation pour les Conseils généraux de respecter les conventions collectives agréées dans le choix des coûts de référence retenus pour les plans d'aide.
- deuxième point, la reconnaissance des professionnels progresse : très prochaine parution des nouveaux textes sur la formation des aides à domicile ; mise en place début 2002 du Fonds de modernisation de l'aide à domicile, avec un comité d'orientation comprenant les professionnels et le mouvement associatif ; relance du processus d'harmonisation des conventions collectives de la branche. Pour la première fois les partenaires sociaux de cette branche ont manifesté leur adhésion à l'objectif d'une convention collective unique.
- troisième point, je souhaite expérimenter, sur une base de volontariat, des conventions globales et pluriannuelles entre départements, prestataires de services et caisses. Ces conventions auront pour objet de développer la qualité du service rendu, de diversifier les services, de mieux structurer l'offre de services. Elles permettront également de mieux coordonner les financeurs et d'apporter plus de sécurité de gestion aux associations, notamment par une programmation pluriannuelle des prévisions d'activité.
Dernier sujet et, non le moindre, la loi rénovant la loi de 1975 sur les institutions médico-sociales. Son examen sera poursuivi au Sénat à la fin du mois d'octobre, et j'aurais l'honneur d'être la ministre qui la défendra au cours de la navette parlementaire. Ce sera une grande joie pour moi d'être au banc du Gouvernement pour participer à un débat prospectif sur l'avenir du médico-social, pour faire valoir les droits des usagers et la nécessaire protection des plus fragiles, pour marquer l'intérêt que le Gouvernement porte à un partenariat de confiance entre les pouvoirs publics et le mouvement associatif.
La nouvelle loi sociale va nous aider à mieux garantir l'exercice des droits des usagers, à travers par exemple des dispositions comme le contrat de séjour ou la généralisation des conseils de la vie sociale.
Cette loi peut nous offrir également des instruments opératoires pour une modernisation des prises en charge.
Quelques exemples parmi d'autres :
- l'intégration des services d'aide à domicile dans le champ de la planification sociale, qui est une marque supplémentaire de reconnaissance du rôle des prestataires ;
- une base légale pour le développement de véritables services polyvalents de soutien à domicile, alliant soins et aide à domicile, dépassant la coupure entre le sanitaire et le social ;
- la possibilité de créer des services de soins à domicile pour les personnes handicapées adultes, ce qui est l'un des éléments de la convergence souhaitable entre la politique du handicap et la politique de prise en charge de la perte d'autonomie liée à l'âge.
Sans insister davantage sur un projet de loi que vous connaissez, je dirais simplement que c'est un rendez-vous important, sur le plan juridique comme sur le plan politique, et que naturellement nous resterons sur une attitude de concertation et de consensus, dans la ligne de ce qui avait été initié sous l'impulsion de Dominique GILLOT.

*
* *
Pour finir, j'évoquerais le pacte conclu, à l'occasion du centenaire de la loi de 1901, entre le gouvernement et les mouvements associatifs. C'est une démarche novatrice, une petite révolution dans la tradition étatique française, une démarche à décliner par champs d'activité et au niveau territorial. Pour ma part je suis totalement convaincue qu'on ne peut avancer sans le mouvement associatif. Une relation de partenariat ne peut se bâtir que sur la confiance, et c'est sur ce mot de confiance que j'arrêterai mon intervention.
Bonne chance à vous et aux causes que vous défendez.

(Source http://www.social.gouv.fr, le 30 octobre 2001)