Déclaration de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, sur les normes du travail de l'Organisation internationale du travail (OIT), notamment celles concernant le travail des enfants, sur la prise en compte des normes sociales dans une économie mondialisée et sur la coopération technique du BIT (Bureau international du travail), Genève le 8 juin 1999.

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Circonstance : Réunion de l'Organisation internationale du travail (OIT) à Genéve le 8 juin 1999

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Directeur général,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi d'abord, au nom du gouvernement français, de vous féliciter, Monsieur le Président, pour votre élection à la présidence de cette session de la conférence et pour le rôle que vous y jouez.
Permettez-moi de féliciter également le nouveau Directeur général Juan Somavia pour son rapport, qui est d'une richesse exceptionnelle. Ce rapport, qui redonne à l'OIT une place centrale dans le système international et en renforce 1a crédibilité, a su conjuguer innovation et fidélité aux idéaux de notre organisation.
C'est pourquoi mon gouvernement souscrit pleinement à cette réforme en profondeur et approuve la réorganisation du Bureau traduite dans le projet de budget.
Mesdames, Messieurs, il est évidemment impossible d'aborder tous les sujets traités dans le rapport.
J'évoquerais donc simplement les points qui me tiennent le plus à coeur.
1 - Le premier point est celui de l'effectivité des normes du travail.
Je soutiens totalement le Directeur général dans sa volonté de moderniser le système normatif de l'organisation. Dans ce domaine, nous devons être guidés par une idée simple : les normes ne sont pas des textes académiques. Elles doivent avoir une portée concrète, tangible, dans la vie quotidienne des gens. L'objectif n'est pas de signer un maximum de conventions mais de les appliquer. C'est là que se joue la légitimité de notre organisation. Mon pays est prêt à apporter sa contribution à cet effort.
L'effectivité des normes ne doit cependant pas déboucher sur leur "régionalisation". Même si elles doivent davantage tenir compte des niveaux de développement, les normes de l'OIT sont depuis l'origine universelles et doivent le demeurer.
Parmi ces principes, la Déclaration relative aux principes et droits fondamentaux au travail, adoptée l'an dernier par la Conférence, est un texte de référence pour la communauté mondiale. Nous devons encourager l'utilisation des instruments de coopération prévus par le mécanismes de suivi de la Déclaration pour nous assurer du respect réel de ces principes.
2 - Parmi les quatre familles de normes fondamentales sur lesquelles la Déclaration est fondée, je considère qu'une place particulière doit être faite à la lutte contre le travail des enfants.
Nous touchons souvent dans ce domaine à l'insupportable. Personne ne peut ignorer le cri porté jusqu'en cette enceinte par la marche des enfants, et à travers eux celui de 250 millions d'enfants de 5 à 14 ans qui demandent qu'on leur reconnaisse, simplement, le droit d'être des enfants.
Pour rendre à ces enfants leur droit à l'avenir, je souhaite que la Conférence adopte la nouvelle convention relative aux pires formes du travail des enfants, qui soit substantielle et qui puisse être ratifiée par le plus grand nombre de pays. Je crois qu'on ne peut pas transiger sur cette question.
3 - Le troisième point que je souhaite évoquer concerne la prise en compte des normes sociales dans notre économie mondialisée.
La Déclaration des droits fondamentaux au travail adoptée l'an dernier ici-même constitue un grand pas en avant. Toutes les institutions internationales doivent se sentir concernées par la mise en oeuvre de cette Déclaration. Je souhaite particulièrement que l'OIT et l'OMC puisse réellement engager un travail commun, comme cela avait été prévu à la Conférence de Singapour. A cet égard, la proposition ancienne reprise récemment par le Directeur général d'un observateur à l'OMC pour le BIT mérite une réelle attention.
Mais je voudrais ici redire de manière forte que ces normes sociales ne sauraient constituer pour les pays les plus développés le moyen de se protéger contre la concurrence de pays moins développés qu'eux. Je crois d'ailleurs au contraire que les pays les plus riches ont le devoir d'accompagner l'action des autres par la coopération notamment, pour créer tous ensemble les conditions d'une plus grande justice sociale dans une économie mondialisée.
4 - Monsieur le Président, une coïncidence de calendrier veut que la Conférence aborde à cette session l'examen général de la coopération technique du BIT.
L'ambition du programme de Juan Somavia est grande. Les moyens financiers nécessaires à sa mise en oeuvre sont considérables.
Dans cette perspective j'ai installé, avec M. Somavia et mon collègue en charge de la coopération, la première Commission de coopération France-BIT le 19 mai dernier, à Paris. Son objectif est d'inscrire dans une démarche globale et programmée la contribution volontaire de la France à l'OIT, dont le montant triplera et sera portée à 24 millions de francs par an à partir de l'année prochaine.
5 - Pour conclure, je veux évoquer une idée à laquelle je tiens beaucoup, comme y tient également, je le sais, Juan Somavia. L'OIT doit être ce lieu ouvert, d'échange et de réflexions sur les nouveaux problèmes sociaux, qui nous manque aujourd'hui. Quelles sont les sécurités nouvelles pour les salariés face aux souplesses nécessaires à la compétitivité des entreprises ? Quels sont les emplois de demain ? Quelle place donner au travail dans la société que nous voulons bâtir ?
Je ne crois pas qu'il faille laisser aux seuls experts des institutions économiques le soin de nous dicter notre devenir.
Avec un oeil neuf et grâce à son organisation tripartite, l'OIT se donnera ainsi les moyens de renforcer sa présence et son rôle de conscience et d'aiguillon du progrès social sur la scène du monde, au Nord comme au Sud.
La France, profondément attachés aux valeurs de l'Organisation internationale du Travail, continuera, comme elle le fait depuis 80 ans, à en être un très fidèle soutien.
Je vous remercie de votre attention.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 juin 1999)