Texte intégral
Déclaration à Strasbourg le 27 octobre :
Monsieur le Président,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un très grand plaisir d'être parmi vous, ce matin, pour la clôture de ce forum qui s'inscrit dans le cadre du grand débat sur l'avenir de l'Europe.
Je souhaite d'abord remercier vivement toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés autour du président du Conseil régional, Adrien Zeller, et du préfet Philippe Marland, pour assurer le succès de cette rencontre. Ce forum n'est pas comme les autres, car nous sommes à Strasbourg, capitale européenne, dans cet hémicycle, haut lieu de la démocratie européenne, qui sera demain le parlement de l'Europe élargie. L'Alsace apporte ainsi à cet exercice une contribution digne d'elle, avec ce programme très stimulant qui a réuni, hier et aujourd'hui, autant d'éminents intervenants.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à souligner que votre parole comptera. Un groupe de personnalités a été désigné par le président de la République et le Premier ministre pour assurer la synthèse de notre débat national, dans la perspective du Conseil européen de Bruxelles-Laeken, en décembre prochain. Après cette première phase, les chefs d'Etat ou de gouvernement devront alors préciser comment ce débat s'organisera et se poursuivra à partir de 2002. Cela sera la deuxième phase, sans doute avec la mise en place d'une convention. Il y aura enfin une troisième phase, dans le cadre d'une Conférence intergouvernementale, en vue d'aboutir à une refonte de l'architecture européenne, en 2004, dans le cadre d'un traité que j'espère constitutionnel. Le président de ce groupe, Guy Braibant, et un de ses membres, Evelyne Pichenot, ont participé activement à vos travaux et les intégreront évidemment dans cette synthèse. Elle sera transmise au président de la République et au Premier ministre, et prise en compte dans la position française.
Il ne m'a pas été possible d'assister à toutes vos discussions mais il m'a été rapporté qu'elles ont été particulièrement riches. Mais j'ai d'autant moins mauvaise conscience à vous rejoindre maintenant qu'il n'a jamais été dans mon intention de clore ou de conclure vos réflexions. En effet, mon ambition, dans cet exercice dont l'animation m'a été confiée par le président de la République et le Premier ministre, est de stimuler le débat européen en espérant qu'il s'épanouira bien au-delà de Laeken. Créer un véritable espace démocratique européen, telle est la vision qui inspire cet exercice qui a commencé avec un premier objectif précis, celui de nourrir les travaux du prochain Conseil européen.
Pour nous Français, ce débat n'est pas le premier sur l'Europe - vous vous souvenez de la querelle de la CED dans les années 50 ou de la difficile ratification du Traité de Maastricht en 1992 - et il ne sera pas le dernier - car il est dans la nature de la construction européenne d'être évolutive. Mais pour la première fois, nos concitoyens peuvent être associés à la préparation d'un nouveau traité fondateur. Tel est l'objet du rendez-vous fixé, en 2004, que j'évoquais à l'instant.
Mais ce débat a aussi une portée exceptionnelle, compte tenu du contexte dans lequel il se situe. Je suis convaincu en effet que les évolutions actuelles sont, pour l'Europe future, de formidables révélateurs de ses forces et de ses promesses, mais aussi des incertitudes et des faiblesses qui pèsent sur elle.
La première évolution est représentée par le grand élargissement. Vous avez pu prendre toute la mesure de cet enjeu avec les représentants des pays candidats invités à vos travaux. C'est un devoir historique et une formidable chance pour l'Europe, j'en suis très intimement convaincu. Mais cette perspective impose une interrogation profonde sur le contenu et le fonctionnement de l'Union européenne à 20, 25 ou 30 Etats membres. Combinée avec des progrès sans précédent depuis 50 ans, dont l'euro est le signe le plus spectaculaire, cette situation créée ce que j'appellerai un moment d'Europe paradoxal : une construction européenne très avancée, très prégnante, mais qui reste encore - ou, peut-être, plus que jamais - une idée abstraite, un processus complexe dont le sens n'est pas toujours clairement perçu. S'y ajoute, en toile de fond, le phénomène de la mondialisation qui inquiète beaucoup de nos concitoyens et contribue pour certains à brouiller les repères.
Serons-nous capables, à nouveau, de résoudre l'équation de l'élargissement et de l'approfondissement ? Cette question, lancinante tout au long de l'aventure européenne, se pose aujourd'hui avec une intensité inégalée.
La difficulté est d'autant plus grande que l'Union européenne est engagée dans une séquence très dense : 2002, avec l'arrivée de l'euro ; 2003, avec sans doute les premières adhésions ; 2004, avec les élections au Parlement européen et la désignation d'une nouvelle Commission, ainsi, bien sûr, que le rendez-vous "constitutionnel" que j'évoquais à l'instant.
En définitive, ce grand débat se résume en une question de nature en quelque sorte existentielle : que voulons-nous faire ensemble, nous les Européens ?
Mais des événements nouveaux déterminent aussi le contexte actuel. Vous l'avez compris, je veux évoquer les conséquences des attentats du 11 septembre aux Etats-Unis. Cette date funeste marque, sans aucun doute, l'amorce d'une nouvelle donne géopolitique, même s'il n'est pas possible, aujourd'hui, de mesurer toute la portée de l'onde de choc.
Je suis profondément convaincu que ces événements nous ramènent au cur du sujet qui nous rassemble. Aucune de nos interrogations, aucune de vos interrogations n'est dépassée ou dénaturée, toutes demeurent, je dirais même qu'elles trouvent une acuité sans précédent. Je me limiterai à deux séries de questions, pour faire écho aux préoccupations qui ont été les vôtres hier et aujourd'hui. :
- les questions sur les valeurs de l'Europe, son identité. Il faut bien voir que notre réaction de solidarité avec les Etats Unis n'est pas qu'affective. Elle découle naturellement d'une certaine vision de l'Europe. Celle-ci s'incarne enfin, de manière éclatante, dans la Charte des droits fondamentaux, proclamée à Nice. C'est une avancée politique majeure dont nous venons de beaucoup discuter. Nos valeurs communes se trouvent rassemblées désormais dans un texte fort et clair, et la question de son applicabilité juridique directe est posé.
- il y a aussi, naturellement, les questions - récurrentes, légitimes - sur le mode de fonctionnement de l'Union européenne, c'est-à-dire les aspects institutionnels. Il ne saurait en effet s'agir de faire l'impasse sur cette dimension. Mais encore faut-il la traiter d'une manière parlante pour nos concitoyens. Il me semble essentiel de traiter cette problématique de manière aussi concrète que possible, en gardant en permanence à l'esprit le double impératif de démocratie et d'efficacité. Pour que l'Union européenne trouve, ou retrouve, sa légitimité, il faut évidemment qu'elle repose sur des valeurs communes - nous en avons parlé - et offre un système institutionnel lisible, dans lequel nos concitoyens se reconnaissent. Mais il faut aussi, pour ancrer cette légitimité, que l'intervention européenne dégage de la "valeur ajoutée" pour répondre aux besoins de chacun. Je prendrai quelques exemples tirés de l'actualité immédiate pour illustrer cette dimension interne, quotidienne et concrète. A la suite des événements du 11 septembre, l'Union européenne a su prendre très vite un certain nombre d'initiatives, comme l'illustre le plan d'action adopté par le Conseil européen extraordinaire du 21 septembre, réaffirmé à Gand, il y a une semaine. Il s'agit d'améliorer la sûreté des transports aériens dans l'espace européen, ou encore de donner une nouvelle et très forte impulsion à la construction d'une Europe de la Justice et des Affaires intérieures, avec notamment la création d'un mandat d'arrêt européen.
Mais la paix et la stabilité ne correspondent-ils pas aussi à des besoins concrets et quotidiens de nos peuples, comme l'air qu'ils respirent ? C'est bien pourquoi il faut aussi prendre en compte la détermination européenne à renforcer les mécanismes de la Politique étrangère et de sécurité commune, pour s'adapter au contexte international, à rendre aussi opérationnelle au plus vite la politique européenne de sécurité et de défense. Ces initiatives s'inscrivent dans un mouvement d'ensemble positif, témoignant de la montée en puissance de l'Union européenne sur la scène internationale. Je pense notamment à sa position en pointe concernant le protocole de Kyoto pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, je pense à son rôle dans les Balkans, son influence infatigable et finalement positive pour dénouer les difficultés de la conférence de Durban sur le racisme, très mal engagée, je pense à notre sa présence active au Moyen-Orient pour apaiser les tensions et faciliter la reprise du dialogue entre Israéliens et Palestiniens.
En définitive, ces événements valident notre approche française d'une Europe-puissance, capable de peser sur les affaires du monde pour défendre la justice et la démocratie, promouvoir la paix et le développement.
Le contexte actuel est riche d'enseignements. Il montre bien que c'est dans le cadre de l'Union européenne que nous saurons répondre aux défis du terrorisme, et être un partenaire écouté et efficace des Etats-Unis et des autres partenaires mondiaux. Il met aussi en évidence, si besoin était, combien le rôle des Etats-nations reste important. Nous touchons là à l'originalité du système communautaire, combinant la force des mécanismes d'intégration, de nature fédérale, et la réalité des Etats membres, dans le respect de leur identité. On retrouve là la notion de fédération d'Etat-nations, à laquelle, comme d'autres, j'adhère pleinement.
Ici à Strasbourg, nous arrivons presque à la fin de cette intense phase nationale de débat sur l'Europe. J'ai le sentiment que ce bouillonnement, où s'expriment des attentes, mêlées d'espoirs et de craintes, mais aussi un désir de mieux comprendre, renforce la voix de notre pays. Nous pourrons nous appuyer sur cette expérience de débat national, sans égal dans l'Union pour faire valoir nos vues, à Laeken et au-delà.
Dans cette ville de Strasbourg, capitale européenne, je suis heureux que votre voix se soit fait entendre avec force. Je vous appelle à rester mobilisés, en Alsace, région européenne entre toutes.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 octobre 2001)
Déclaration à Rennes le 29 octobre :
Madame la Ministre, chère Marylise,
Monsieur le Ministre, cher Charles,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'être aujourd'hui parmi vous, pour l'ouverture de ce forum régional, qui s'inscrit dans le cadre du grand débat sur l'avenir de l'Europe lancé par le président de la République et le Premier ministre, en avril dernier, à la suite du Conseil européen de Nice.
Ce forum est différent des autres, pas uniquement parce que nous sommes en Bretagne, dans cette belle région où souffle le vent du large et l'esprit européen. C'est aussi le dernier, du moins sur le territoire métropolitain, d'une longue série de rencontres et le Premier ministre l'honorera de sa présence. Son implication et celle du gouvernement témoignent de l'importance de cette rencontre.
Je tiens tout d'abord à remercier toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés autour du préfet Claude Guéant pour que cette journée soit un succès. Par succès, j'entends avant tout que nous ayons une véritable discussion, libre, sans tabou, permettant à chacun d'exprimer ses convictions, ses espoirs, mais aussi ses craintes. En introduisant nos travaux, brièvement pour laisser le maximum de place aux échanges, je souhaite par-dessus tout stimuler votre envie de débat, car les enjeux actuels le méritent bien. Je me limiterai à quelques réflexions pour marquer la portée exceptionnelle de ce débat et souligner combien votre contribution est attendue.
Certes, ce débat n'est pas le premier sur l'Europe, certains se souviennent de la querelle de la CED dans les années 50 ou, plus près de nous, de la difficile ratification du traité de Maastricht en 1992. Ce débat ne sera pas non plus le dernier, car il est dans la nature de la construction européenne d'être en pleine évolution. Mais pour la première fois, nos concitoyens sont associés à la préparation d'un nouveau traité qui sera peut-être, - en tout cas, je l'espère - refondateur et de nature constitutionnelle. Tel est en principe l'objet du rendez-vous fixé en 2004 pour décider des réformes de structure dont l'Europe a besoin.
Mais ce débat est différent, et pas uniquement pour des raisons de méthode. Il se distingue pour des raisons profondes, liées au contexte dans lequel il se situe.
La première donnée est celle du grand élargissement à l'Est. C'est un devoir historique et une formidable chance pour l'Europe, j'en suis convaincu. Mais cette perspective nous oblige à nous interroger profondément sur le contenu et le fonctionnement de l'Union européenne à 20, 25 ou 30 Etats-membres. Combinée avec des avancées sans précédent depuis 50 ans, dont l'euro est l'illustration la plus spectaculaire, cette situation créée ce que j'appellerai un moment d'Europe paradoxal : l'Europe avance, imprègne de plus en plus notre quotidien, et pourtant reste encore une idée abstraite, un processus complexe, dont la signification et la direction ne sont pas toujours clairement perçus. Je n'oublie pas aussi, en toile de fond, le phénomène de la mondialisation, qui inquiète beaucoup de nos concitoyens et contribue à brouiller les repères.
L'exercice est d'autant plus délicat - j'en viens à la deuxième donnée - que ce vaste mouvement d'élargissement s'inscrit dans une séquence très dense jusqu'au rendez-vous constitutionnel de 2004, que j'évoquais à l'instant : 2002 c'est d'abord l'introduction des pièces et des billets en euros ; 2003, probablement les premières adhésions de pays candidats ; 2004 enfin, les élections au Parlement européen et la nomination d'une nouvelle Commission. En définitive, c'est bien la physionomie de l'Union future qui se joue sur les quelques années qui viennent.
La troisième donnée est, elle, plus liée à l'actualité immédiate. Je pense, - vous l'avez compris -, aux suites des terribles attentats qui ont frappé les Etats-Unis. L'ombre de ces événements tragiques plane sur nos réflexions. Nous percevons combien cette date funeste du 11 septembre induit une nouvelle donne géopolitique, même s'il n'est pas possible, aujourd'hui, de mesurer la portée de l'onde de choc. Cela confère aux questions qui nous rassemblent une acuité plus grande encore. Nous, les Européens, sommes au pied du mur : serons-nous capables d'assumer ensemble nos responsabilités pour lutter contre le terrorisme international et contribuer à un monde meilleur ?
Le défi est considérable, y répondre est urgent : il s'agit à la fois d'affirmer les valeurs fondamentales de l'Europe et sa capacité à mettre en oeuvre des politiques citoyennes, répondant aux besoins concrets de ses peuples, notamment en matière de sécurité ; mais aussi faire que l'Europe s'affirme collectivement comme une puissance, capable de peser sur les affaires du monde, pour défendre la démocratie et la justice, promouvoir la paix et le développement.
Ainsi, vous le voyez, ces différentes évolutions nous ramènent à une seule et même question : quelle Europe voulons-nous faire ensemble ? Telle est bien l'interrogation, quasiment existentielle, qui inspire ce grand débat.
Pour autant, cette question n'est pas théorique ou éthérée. Elle recouvre des choix très concrets à faire en matière de politiques communes, d'architecture institutionnelle, de modes d'intégration combinant la force respective de mécanismes fédérateurs et celle des Etats-nations, au service d'un projet collectif.
Vous percevrez, je crois, le caractère finalement très concret de ces questions, à travers les deux tables-rondes de cet après-midi, judicieusement centrées sur des enjeux cruciaux. Dans un premier temps, nous discuterons du fonctionnement de l'Europe élargie, nous essayerons de voir comment mieux combiner les principes de démocratie et d'efficacité en Europe, pour que nos concitoyens se reconnaissent mieux dans une Union à leur service. Les travaux porteront dans un deuxième temps, avec la participation du Premier ministre, sur le modèle européen de société, avec au premier plan la construction de l'Europe sociale.
Sans vouloir préempter nos discussions, il me semble que nous devrons en permanence garder à l'esprit la signification profonde de ces questions. Elles renvoient fondamentalement à notre identité, qui se décline sous diverses formes : des valeurs communes, incarnées dans la Charte européenne des droits fondamentaux, proclamée à Nice l'an dernier ; l'exigence de démocratie ; le souci de la solidarité et de la cohésion sociale, à nos yeux en aucune manière contradictoire avec la performance économique, bien au contraire ; enfin, le respect de la diversité culturelle européenne.
Mais ces questions renvoient aussi à de nouvelles formes d'exercice de la responsabilité politique, autour des concepts de régulation et de gouvernance. Ces notions, en apparence abstraite, traduisent la nécessaire prise en compte de la grande variété d'acteurs qui joue un rôle de plus en plus important, à l'ère de la mondialisation, aux côtés des décideurs publics : les collectivités décentralisées, notamment les régions, les partenaires économiques et sociaux, les acteurs de la société civile. Nous en parlerons sans doute beaucoup cet après-midi.
Je ne doute par que la Bretagne apporte à la réflexion une contribution à sa mesure. Chacun a son mot à dire et chaque parole comptera aujourd'hui. Sont en effet parmi nous des membres du groupe de personnalités désigné par le Président de la République et le Premier Ministre pour assurer la synthèse des débats en France : son président, Guy Braibant, Evelyne Pichenot et Jean Nestor. Notre contribution nationale sera versée ensuite à la réflexion commune des Quinze, qui auront à préciser, au Conseil européen de Bruxelles-Laeken, en décembre prochain, comment l'exercice se poursuivra et s'organisera jusqu'en 2004.
Je suis impatient de vous écouter. Alors, entrons maintenant tous ensemble dans le vif du sujet. Le débat est ouvert
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 octobre 2001)
Monsieur le Président,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un très grand plaisir d'être parmi vous, ce matin, pour la clôture de ce forum qui s'inscrit dans le cadre du grand débat sur l'avenir de l'Europe.
Je souhaite d'abord remercier vivement toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés autour du président du Conseil régional, Adrien Zeller, et du préfet Philippe Marland, pour assurer le succès de cette rencontre. Ce forum n'est pas comme les autres, car nous sommes à Strasbourg, capitale européenne, dans cet hémicycle, haut lieu de la démocratie européenne, qui sera demain le parlement de l'Europe élargie. L'Alsace apporte ainsi à cet exercice une contribution digne d'elle, avec ce programme très stimulant qui a réuni, hier et aujourd'hui, autant d'éminents intervenants.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je tiens à souligner que votre parole comptera. Un groupe de personnalités a été désigné par le président de la République et le Premier ministre pour assurer la synthèse de notre débat national, dans la perspective du Conseil européen de Bruxelles-Laeken, en décembre prochain. Après cette première phase, les chefs d'Etat ou de gouvernement devront alors préciser comment ce débat s'organisera et se poursuivra à partir de 2002. Cela sera la deuxième phase, sans doute avec la mise en place d'une convention. Il y aura enfin une troisième phase, dans le cadre d'une Conférence intergouvernementale, en vue d'aboutir à une refonte de l'architecture européenne, en 2004, dans le cadre d'un traité que j'espère constitutionnel. Le président de ce groupe, Guy Braibant, et un de ses membres, Evelyne Pichenot, ont participé activement à vos travaux et les intégreront évidemment dans cette synthèse. Elle sera transmise au président de la République et au Premier ministre, et prise en compte dans la position française.
Il ne m'a pas été possible d'assister à toutes vos discussions mais il m'a été rapporté qu'elles ont été particulièrement riches. Mais j'ai d'autant moins mauvaise conscience à vous rejoindre maintenant qu'il n'a jamais été dans mon intention de clore ou de conclure vos réflexions. En effet, mon ambition, dans cet exercice dont l'animation m'a été confiée par le président de la République et le Premier ministre, est de stimuler le débat européen en espérant qu'il s'épanouira bien au-delà de Laeken. Créer un véritable espace démocratique européen, telle est la vision qui inspire cet exercice qui a commencé avec un premier objectif précis, celui de nourrir les travaux du prochain Conseil européen.
Pour nous Français, ce débat n'est pas le premier sur l'Europe - vous vous souvenez de la querelle de la CED dans les années 50 ou de la difficile ratification du Traité de Maastricht en 1992 - et il ne sera pas le dernier - car il est dans la nature de la construction européenne d'être évolutive. Mais pour la première fois, nos concitoyens peuvent être associés à la préparation d'un nouveau traité fondateur. Tel est l'objet du rendez-vous fixé, en 2004, que j'évoquais à l'instant.
Mais ce débat a aussi une portée exceptionnelle, compte tenu du contexte dans lequel il se situe. Je suis convaincu en effet que les évolutions actuelles sont, pour l'Europe future, de formidables révélateurs de ses forces et de ses promesses, mais aussi des incertitudes et des faiblesses qui pèsent sur elle.
La première évolution est représentée par le grand élargissement. Vous avez pu prendre toute la mesure de cet enjeu avec les représentants des pays candidats invités à vos travaux. C'est un devoir historique et une formidable chance pour l'Europe, j'en suis très intimement convaincu. Mais cette perspective impose une interrogation profonde sur le contenu et le fonctionnement de l'Union européenne à 20, 25 ou 30 Etats membres. Combinée avec des progrès sans précédent depuis 50 ans, dont l'euro est le signe le plus spectaculaire, cette situation créée ce que j'appellerai un moment d'Europe paradoxal : une construction européenne très avancée, très prégnante, mais qui reste encore - ou, peut-être, plus que jamais - une idée abstraite, un processus complexe dont le sens n'est pas toujours clairement perçu. S'y ajoute, en toile de fond, le phénomène de la mondialisation qui inquiète beaucoup de nos concitoyens et contribue pour certains à brouiller les repères.
Serons-nous capables, à nouveau, de résoudre l'équation de l'élargissement et de l'approfondissement ? Cette question, lancinante tout au long de l'aventure européenne, se pose aujourd'hui avec une intensité inégalée.
La difficulté est d'autant plus grande que l'Union européenne est engagée dans une séquence très dense : 2002, avec l'arrivée de l'euro ; 2003, avec sans doute les premières adhésions ; 2004, avec les élections au Parlement européen et la désignation d'une nouvelle Commission, ainsi, bien sûr, que le rendez-vous "constitutionnel" que j'évoquais à l'instant.
En définitive, ce grand débat se résume en une question de nature en quelque sorte existentielle : que voulons-nous faire ensemble, nous les Européens ?
Mais des événements nouveaux déterminent aussi le contexte actuel. Vous l'avez compris, je veux évoquer les conséquences des attentats du 11 septembre aux Etats-Unis. Cette date funeste marque, sans aucun doute, l'amorce d'une nouvelle donne géopolitique, même s'il n'est pas possible, aujourd'hui, de mesurer toute la portée de l'onde de choc.
Je suis profondément convaincu que ces événements nous ramènent au cur du sujet qui nous rassemble. Aucune de nos interrogations, aucune de vos interrogations n'est dépassée ou dénaturée, toutes demeurent, je dirais même qu'elles trouvent une acuité sans précédent. Je me limiterai à deux séries de questions, pour faire écho aux préoccupations qui ont été les vôtres hier et aujourd'hui. :
- les questions sur les valeurs de l'Europe, son identité. Il faut bien voir que notre réaction de solidarité avec les Etats Unis n'est pas qu'affective. Elle découle naturellement d'une certaine vision de l'Europe. Celle-ci s'incarne enfin, de manière éclatante, dans la Charte des droits fondamentaux, proclamée à Nice. C'est une avancée politique majeure dont nous venons de beaucoup discuter. Nos valeurs communes se trouvent rassemblées désormais dans un texte fort et clair, et la question de son applicabilité juridique directe est posé.
- il y a aussi, naturellement, les questions - récurrentes, légitimes - sur le mode de fonctionnement de l'Union européenne, c'est-à-dire les aspects institutionnels. Il ne saurait en effet s'agir de faire l'impasse sur cette dimension. Mais encore faut-il la traiter d'une manière parlante pour nos concitoyens. Il me semble essentiel de traiter cette problématique de manière aussi concrète que possible, en gardant en permanence à l'esprit le double impératif de démocratie et d'efficacité. Pour que l'Union européenne trouve, ou retrouve, sa légitimité, il faut évidemment qu'elle repose sur des valeurs communes - nous en avons parlé - et offre un système institutionnel lisible, dans lequel nos concitoyens se reconnaissent. Mais il faut aussi, pour ancrer cette légitimité, que l'intervention européenne dégage de la "valeur ajoutée" pour répondre aux besoins de chacun. Je prendrai quelques exemples tirés de l'actualité immédiate pour illustrer cette dimension interne, quotidienne et concrète. A la suite des événements du 11 septembre, l'Union européenne a su prendre très vite un certain nombre d'initiatives, comme l'illustre le plan d'action adopté par le Conseil européen extraordinaire du 21 septembre, réaffirmé à Gand, il y a une semaine. Il s'agit d'améliorer la sûreté des transports aériens dans l'espace européen, ou encore de donner une nouvelle et très forte impulsion à la construction d'une Europe de la Justice et des Affaires intérieures, avec notamment la création d'un mandat d'arrêt européen.
Mais la paix et la stabilité ne correspondent-ils pas aussi à des besoins concrets et quotidiens de nos peuples, comme l'air qu'ils respirent ? C'est bien pourquoi il faut aussi prendre en compte la détermination européenne à renforcer les mécanismes de la Politique étrangère et de sécurité commune, pour s'adapter au contexte international, à rendre aussi opérationnelle au plus vite la politique européenne de sécurité et de défense. Ces initiatives s'inscrivent dans un mouvement d'ensemble positif, témoignant de la montée en puissance de l'Union européenne sur la scène internationale. Je pense notamment à sa position en pointe concernant le protocole de Kyoto pour limiter les émissions de gaz à effet de serre, je pense à son rôle dans les Balkans, son influence infatigable et finalement positive pour dénouer les difficultés de la conférence de Durban sur le racisme, très mal engagée, je pense à notre sa présence active au Moyen-Orient pour apaiser les tensions et faciliter la reprise du dialogue entre Israéliens et Palestiniens.
En définitive, ces événements valident notre approche française d'une Europe-puissance, capable de peser sur les affaires du monde pour défendre la justice et la démocratie, promouvoir la paix et le développement.
Le contexte actuel est riche d'enseignements. Il montre bien que c'est dans le cadre de l'Union européenne que nous saurons répondre aux défis du terrorisme, et être un partenaire écouté et efficace des Etats-Unis et des autres partenaires mondiaux. Il met aussi en évidence, si besoin était, combien le rôle des Etats-nations reste important. Nous touchons là à l'originalité du système communautaire, combinant la force des mécanismes d'intégration, de nature fédérale, et la réalité des Etats membres, dans le respect de leur identité. On retrouve là la notion de fédération d'Etat-nations, à laquelle, comme d'autres, j'adhère pleinement.
Ici à Strasbourg, nous arrivons presque à la fin de cette intense phase nationale de débat sur l'Europe. J'ai le sentiment que ce bouillonnement, où s'expriment des attentes, mêlées d'espoirs et de craintes, mais aussi un désir de mieux comprendre, renforce la voix de notre pays. Nous pourrons nous appuyer sur cette expérience de débat national, sans égal dans l'Union pour faire valoir nos vues, à Laeken et au-delà.
Dans cette ville de Strasbourg, capitale européenne, je suis heureux que votre voix se soit fait entendre avec force. Je vous appelle à rester mobilisés, en Alsace, région européenne entre toutes.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 30 octobre 2001)
Déclaration à Rennes le 29 octobre :
Madame la Ministre, chère Marylise,
Monsieur le Ministre, cher Charles,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Mesdames et Messieurs,
Je suis très heureux d'être aujourd'hui parmi vous, pour l'ouverture de ce forum régional, qui s'inscrit dans le cadre du grand débat sur l'avenir de l'Europe lancé par le président de la République et le Premier ministre, en avril dernier, à la suite du Conseil européen de Nice.
Ce forum est différent des autres, pas uniquement parce que nous sommes en Bretagne, dans cette belle région où souffle le vent du large et l'esprit européen. C'est aussi le dernier, du moins sur le territoire métropolitain, d'une longue série de rencontres et le Premier ministre l'honorera de sa présence. Son implication et celle du gouvernement témoignent de l'importance de cette rencontre.
Je tiens tout d'abord à remercier toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés autour du préfet Claude Guéant pour que cette journée soit un succès. Par succès, j'entends avant tout que nous ayons une véritable discussion, libre, sans tabou, permettant à chacun d'exprimer ses convictions, ses espoirs, mais aussi ses craintes. En introduisant nos travaux, brièvement pour laisser le maximum de place aux échanges, je souhaite par-dessus tout stimuler votre envie de débat, car les enjeux actuels le méritent bien. Je me limiterai à quelques réflexions pour marquer la portée exceptionnelle de ce débat et souligner combien votre contribution est attendue.
Certes, ce débat n'est pas le premier sur l'Europe, certains se souviennent de la querelle de la CED dans les années 50 ou, plus près de nous, de la difficile ratification du traité de Maastricht en 1992. Ce débat ne sera pas non plus le dernier, car il est dans la nature de la construction européenne d'être en pleine évolution. Mais pour la première fois, nos concitoyens sont associés à la préparation d'un nouveau traité qui sera peut-être, - en tout cas, je l'espère - refondateur et de nature constitutionnelle. Tel est en principe l'objet du rendez-vous fixé en 2004 pour décider des réformes de structure dont l'Europe a besoin.
Mais ce débat est différent, et pas uniquement pour des raisons de méthode. Il se distingue pour des raisons profondes, liées au contexte dans lequel il se situe.
La première donnée est celle du grand élargissement à l'Est. C'est un devoir historique et une formidable chance pour l'Europe, j'en suis convaincu. Mais cette perspective nous oblige à nous interroger profondément sur le contenu et le fonctionnement de l'Union européenne à 20, 25 ou 30 Etats-membres. Combinée avec des avancées sans précédent depuis 50 ans, dont l'euro est l'illustration la plus spectaculaire, cette situation créée ce que j'appellerai un moment d'Europe paradoxal : l'Europe avance, imprègne de plus en plus notre quotidien, et pourtant reste encore une idée abstraite, un processus complexe, dont la signification et la direction ne sont pas toujours clairement perçus. Je n'oublie pas aussi, en toile de fond, le phénomène de la mondialisation, qui inquiète beaucoup de nos concitoyens et contribue à brouiller les repères.
L'exercice est d'autant plus délicat - j'en viens à la deuxième donnée - que ce vaste mouvement d'élargissement s'inscrit dans une séquence très dense jusqu'au rendez-vous constitutionnel de 2004, que j'évoquais à l'instant : 2002 c'est d'abord l'introduction des pièces et des billets en euros ; 2003, probablement les premières adhésions de pays candidats ; 2004 enfin, les élections au Parlement européen et la nomination d'une nouvelle Commission. En définitive, c'est bien la physionomie de l'Union future qui se joue sur les quelques années qui viennent.
La troisième donnée est, elle, plus liée à l'actualité immédiate. Je pense, - vous l'avez compris -, aux suites des terribles attentats qui ont frappé les Etats-Unis. L'ombre de ces événements tragiques plane sur nos réflexions. Nous percevons combien cette date funeste du 11 septembre induit une nouvelle donne géopolitique, même s'il n'est pas possible, aujourd'hui, de mesurer la portée de l'onde de choc. Cela confère aux questions qui nous rassemblent une acuité plus grande encore. Nous, les Européens, sommes au pied du mur : serons-nous capables d'assumer ensemble nos responsabilités pour lutter contre le terrorisme international et contribuer à un monde meilleur ?
Le défi est considérable, y répondre est urgent : il s'agit à la fois d'affirmer les valeurs fondamentales de l'Europe et sa capacité à mettre en oeuvre des politiques citoyennes, répondant aux besoins concrets de ses peuples, notamment en matière de sécurité ; mais aussi faire que l'Europe s'affirme collectivement comme une puissance, capable de peser sur les affaires du monde, pour défendre la démocratie et la justice, promouvoir la paix et le développement.
Ainsi, vous le voyez, ces différentes évolutions nous ramènent à une seule et même question : quelle Europe voulons-nous faire ensemble ? Telle est bien l'interrogation, quasiment existentielle, qui inspire ce grand débat.
Pour autant, cette question n'est pas théorique ou éthérée. Elle recouvre des choix très concrets à faire en matière de politiques communes, d'architecture institutionnelle, de modes d'intégration combinant la force respective de mécanismes fédérateurs et celle des Etats-nations, au service d'un projet collectif.
Vous percevrez, je crois, le caractère finalement très concret de ces questions, à travers les deux tables-rondes de cet après-midi, judicieusement centrées sur des enjeux cruciaux. Dans un premier temps, nous discuterons du fonctionnement de l'Europe élargie, nous essayerons de voir comment mieux combiner les principes de démocratie et d'efficacité en Europe, pour que nos concitoyens se reconnaissent mieux dans une Union à leur service. Les travaux porteront dans un deuxième temps, avec la participation du Premier ministre, sur le modèle européen de société, avec au premier plan la construction de l'Europe sociale.
Sans vouloir préempter nos discussions, il me semble que nous devrons en permanence garder à l'esprit la signification profonde de ces questions. Elles renvoient fondamentalement à notre identité, qui se décline sous diverses formes : des valeurs communes, incarnées dans la Charte européenne des droits fondamentaux, proclamée à Nice l'an dernier ; l'exigence de démocratie ; le souci de la solidarité et de la cohésion sociale, à nos yeux en aucune manière contradictoire avec la performance économique, bien au contraire ; enfin, le respect de la diversité culturelle européenne.
Mais ces questions renvoient aussi à de nouvelles formes d'exercice de la responsabilité politique, autour des concepts de régulation et de gouvernance. Ces notions, en apparence abstraite, traduisent la nécessaire prise en compte de la grande variété d'acteurs qui joue un rôle de plus en plus important, à l'ère de la mondialisation, aux côtés des décideurs publics : les collectivités décentralisées, notamment les régions, les partenaires économiques et sociaux, les acteurs de la société civile. Nous en parlerons sans doute beaucoup cet après-midi.
Je ne doute par que la Bretagne apporte à la réflexion une contribution à sa mesure. Chacun a son mot à dire et chaque parole comptera aujourd'hui. Sont en effet parmi nous des membres du groupe de personnalités désigné par le Président de la République et le Premier Ministre pour assurer la synthèse des débats en France : son président, Guy Braibant, Evelyne Pichenot et Jean Nestor. Notre contribution nationale sera versée ensuite à la réflexion commune des Quinze, qui auront à préciser, au Conseil européen de Bruxelles-Laeken, en décembre prochain, comment l'exercice se poursuivra et s'organisera jusqu'en 2004.
Je suis impatient de vous écouter. Alors, entrons maintenant tous ensemble dans le vif du sujet. Le débat est ouvert
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 31 octobre 2001)