Interview de Mme Barbara Pompili, secrétaire d'Etat aux relations internationales chargée de la biodiversité, à LCI le 20 octobre 2016, sur le premier tour de la primaire d'EELV pour l'élection présidentielle, le bilan du gouvernement en matière d'écologie et le climat politique.

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Média : La Chaîne Info

Texte intégral

FRANÇOIS-XAVIER MENAGE
Tout de suite l'interview politique. Audrey CRESPO-MARA reçoit Barbara POMPILI, Secrétaire d'État à la Biodiversité.
AUDREY CRESPO-MARA
Bonjour à tous, bonjour Barbara POMPILI.
BARBARA POMPILI
Bonjour.
AUDREY CRESPO-MARA
Vous aviez quitté Europe Écologie-Les Verts en dénonçant l'esprit sectaire. Cécile DUFLOT, sèchement éliminée dès le premier tour, vous trouvez que c'est bien mérité ?
BARBARA POMPILI
Écoutez, moi je ne me réjouis pas de ce qui se passe à Europe Écologie-Les Verts. Simplement, j'ai envie de dire pour Cécile DUFLOT : “Tout ça pour ça. Depuis deux ans, depuis 2014 où elle a pris une décision personnelle de quitter le gouvernement en sachant qu'il y avait cette perspective d'élection présidentielle, elle est partie vent debout, elle est partie en ne pensant pas aux conséquences que cela aurait pour l'écologie. Résultat : elle a abîmé l'écologie et sa stratégie s'est retournée contre elle.
AUDREY CRESPO-MARA
Elle paye quoi à votre avis ? C'est une volonté de sanctionner son parcours, sa personnalité aussi ?
BARBARA POMPILI
Je crois vraiment qu'elle paye le fait d'avoir trop montré qu'elle était dans une stratégie personnelle, que tant pis s'il y avait des dégâts collatéraux. Aujourd'hui à cause d'elle, l'écologie politique est considérablement affaiblie. Et puis écoutez, quand on a une stratégie d'isolement comme elle l'a fait, on finit seul.
AUDREY CRESPO-MARA
Elle avait quitté le gouvernement quand vous, vous avez décidé d'y rentrer. Elle paye aussi le fait d'avoir refusé le ministère de l'Écologie qui lui était proposé ?
BARBARA POMPILI
Oui, alors nous le payons tous. Tout le monde le paye, les écologistes en général. Mais si vous voulez, l'écologie politique s'était construite depuis un certain nombre d'années en s'appuyant sur la responsabilité, en participant à des exécutifs, et on était arrivé au gouvernement pour montrer qu'on était capable aussi de faire des compromis, de travailler avec d'autres, d'avancer. Même si c'est difficile parce qu'effectivement, on travaillait avec des gens qui n'étaient pas écologistes. Mais ce travail de sérieux, de crédibilisation de l'écologie politique, elle l'a saccagé en 2014 et on voit aujourd'hui les résultats. Quelque part malheureusement, aujourd'hui on doit reconstruire. Elle a sa part de responsabilité, aujourd'hui on tourne la page Cécile DUFLOT. On tourne la page.
AUDREY CRESPO-MARA
« On tourne la page » : c'est-à-dire que depuis dix ans, c'est la figure médiatique des Verts ; elle doit se retirer de la vie politique ?
BARBARA POMPILI
Écoutez, quand elle a fait cette stratégie en 2014, elle avait dit à tous ceux qui se posaient des questions en disant : « Mais attends, comment on va faire pour que l'écologie ait sa place ? » Elle a dit : « Vous verrez. » Là, on a vu donc maintenant ça suffit.
AUDREY CRESPO-MARA
Alors quelle décision doit-elle prendre ? Quand vous dites : « On doit tourner la page » ?
BARBARA POMPILI
Ça maintenant, c'est sa vie et ça ne me regarde pas.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais quand vous dites : « Elle doit tourner la page », vous entendez quoi ?
BARBARA POMPILI
Non, non, non, je ne dis pas : « Elle doit tourner la page ».
AUDREY CRESPO-MARA
« On doit tourner la page ».
BARBARA POMPILI
Je dis que la page de Cécile DUFLOT est en train de se tourner. Europe Ecologie-Les Verts a été laminé également parce que tous les écologistes qui avaient envie de construire sont partis, parce que la stratégie d'isolement dans laquelle Europe Ecologie-Les Verts s'est enfermé avec Cécile DUFLOT, c'est une stratégie perdante. La seule écologie qui peut peser aujourd'hui, c'est une écologie qui travaille avec les autres, qui se rassemble.
AUDREY CRESPO-MARA
Quand vous dénoncez l'esprit sectaire, concrètement c'est quel comportement ? Pour qu'on comprenne bien.
BARBARA POMPILI
Écoutez, l'esprit sectaire c'est simple. C'est que quand on a quelqu'un qui n'est pas du même avis, soit cette personne doit être éliminée, soit cette personne doit être recadrée pour rentrer dans le rang. Tous les gens qui à Europe Écologie-Les Verts essayaient d'avoir justement une stratégie constructive, qui ne soit pas dans la pureté ou dans le commentaire mais dans : « On va mettre les mains dans le cambouis », c'étaient des gens qui étaient rejetés, qui étaient accusés. Il y avait une sensation très lourde d'accusation, on passait son temps à se justifier. C'était vraiment une ambiance terrible. Je ne regrette pas d'être partie parce qu'à un moment, quand il y a un repli sur soi comme ça, on ne peut plus travailler. Encore une fois, l'écologie doit peser dans le débat politique. Elle ne pèsera pas avec un candidat qui est tout seul dans son coin et qui ne participe pas à un rassemblement. Moi, j'aimerais quand même rappeler qu'on est dans un contexte qui est un contexte où aujourd'hui on nous annonce, pour la présidentielle, un second tour droite-Front national. C'est ça la réalité. Il faut sortir un petit peu de son nombril et regarder ce qui se passe autour.
AUDREY CRESPO-MARA
Vous aviez déclaré : « La primaire des Verts, c'est qui veut gagner deux pour cent. » C'est surtout qui veut faire perdre deux pour cent à François HOLLANDE.
BARBARA POMPILI
C'est ça et c'est aussi qu'aujourd'hui, il va y avoir un candidat d'Europe Ecologie-Les Verts, mais ce candidat ce sera un pré-candidat. On ne sait même pas s'il aura les cinq cents signatures. C'est quand même ça l'enjeu.
AUDREY CRESPO-MARA
Yannick JADOT est en bonne voie.
BARBARA POMPILI
Voilà. C'est de désigner un pré-candidat qui va devoir courir pour avoir ses cinq cents signatures et qui, à la fin s'il est candidat, aura une candidature de témoignage et une candidature qui, en plus, risque de faire perdre la gauche. Ça n'apporte donc rien à l'écologie politique et à l'écologie en général, et ça risque de faire perdre la gauche. Aujourd'hui, la question est qui sera au second tour face à Marine LE PEN. Face à ça, il faut qu'on travaille pour s'unir autour d'un candidat qui portera des idées et qui portera des idées où l'écologie sera présente. Face à ça, il faut s'inscrire dans un rassemblement. Ce rassemblement ne peut se faire que dans le cas d'une primaire de toute la gauche du rassemblement et évidemment, dans ce cadre-là, il faut un candidat écolo, un candidat qui pèsera.
AUDREY CRESPO-MARA
Justement, on va essayer d'être très clair. Yannick JADOT est au second tour, il a Michèle RIVASI face à lui, et votre candidat, lui, est hors Europe Écologie-Les Verts. Il est candidat à la primaire de la gauche, c'est François de RUGY. Si François HOLLANDE se présente à cette primaire, est-ce que vous continuerez à soutenir François de RUGY ?
BARBARA POMPILI
Oui, bien sûr. Bien sûr. Parce qu'on est dans une idée où on s'unit tous ensemble pour travailler sur un projet, mais on s'unit avec nos différences. Il y a donc des écologistes, il y aura des socialistes, il y a des gens qui s'estiment à gauche qui ne sont pas socialistes, ou des radicaux, et cetera, qui doivent travailler ensemble pour construire quelque chose. On voit bien qu'aujourd'hui les gens qui ont voté pour François HOLLANDE attendent que ça bouge, qu'il y ait un nouveau souffle. Ce nouveau souffle ça se construit, mais ça ne se construit pas tout seul dans son coin.
Il va donc y avoir d'un côté Europe Écologie-Les Verts qui va présenter son candidat tout seul dans son coin, isolé, qui va faire des commentaires. Et de l'autre côté, il va y avoir des écologistes qui participent à un rassemblement. On n'a pas raison tout seul, il faut travailler avec les autres. On ne peut pas s'isoler, on doit se rassembler surtout dans un contexte comme aujourd'hui où le Front national est quasiment à coup sûr au second tour. La question n'est pas de savoir qui sera le meilleur à gauche, la question est de savoir qui est au second tour.
AUDREY CRESPO-MARA
La surprise écologiste, ça peut aussi être Jean-Luc MELENCHON qui a une très forte percée dans les sondages et qui, vous l'avez vu ces derniers jours, fait un virage écologiste assez étonnant. Est-ce que ce n'est pas lui finalement la surprise écologiste, Jean-Luc MELENCHON ?
BARBARA POMPILI
Écoutez, Jean-Luc MELENCHON profite de l'occasion qui lui est donnée.
AUDREY CRESPO-MARA
C'est opportuniste ?
BARBARA POMPILI
Il profite de l'occasion mais en même temps, quand j'entends ses propos quand il dit qu'il faut créer une règle verte pour les projets, et cetera, cette règle verte je l'ai faite voter dans la loi sur la biodiversité il y a trois mois. Il faudrait quand même que s'il s'intéresse à l'écologie, qu'il révise un petit peu ses classiques. Parce que justement, nous au gouvernement ce n'est pas très médiatique, ce n'est pas très sexy, ça ne se voit pas comme ça au premier abord mais on est en train de travailler sur le fond pour justement remettre de l'écologie, protéger la biodiversité, faire en sorte que des projets dont on voit qu'ils créent des blocages aujourd'hui, des projets comme Notre-Dame-des-Landes ne puissent plus se passer comme ça s'est passé.
AUDREY CRESPO-MARA
Le bilan écologique de François HOLLANDE est quand même mince, à part les accords de Paris, quand vous faites le tour. Notre-Dame-des-Landes, on ne sait pas si ça va se faire ou pas ; Fessenheim, ce n'est toujours pas fermé et la fin du quinquennat, c'est dans six mois ; l'EPR de Flamanville, ce n'est pas avant 2018. Il y en a des tonnes comme ça. L'écotaxe, l'État doit rembourser plus de huit cents millions à la société qui a fait les portiques et finalement, on ne le fait pas. Le bilan n'est quand même pas énorme.
BARBARA POMPILI
Attendez ! En tant qu'écologistes, d'abord on a perdu deux ans depuis qu'on a quitté le gouvernement et en plus, moi je ne pourrai jamais vous dire : « C'est parfait. » Par contre ce que je peux vous dire, c'est que quand les gens disent qu'il n'y a pas de bilan, non. Là, c'est faux. On a quand même trois éléments importants qui resteront au bilan de ce gouvernement sur l'écologie qui sont la loi de transition énergétique. Oui, le temps que ça s'applique, c'est vrai, on a changé de stratégie.
AUDREY CRESPO-MARA
Mais vous entendez les experts qui disent que passer du nucléaire de soixante-quinze pour cent à cinquante pour cent, vu le rythme de développement des énergies renouvelables, alternatives, c'est impossible.
BARBARA POMPILI
Non, ce n'est pas vrai. C'est complètement possible. Il y a des études notamment de l'ADEME qui le montrent. Après, c'est une question de volonté politique et justement les écologistes doivent être là, au coeur du gouvernement, pour pousser la loi de transition énergétique, la COP21 qui a montré que la France pouvait jouer un grand rôle là-dessus, et la loi sur la biodiversité qui aujourd'hui prépare l'avenir, et qui nous fait reconquérir cette biodiversité dont on a tellement besoin. On l'a vu pour les abeilles mais je pourrais vous parler de beaucoup d'autres sujets.
AUDREY CRESPO-MARA
La biodiversité, ça fait donc partie du bilan de François HOLLANDE pour vous. Puisqu'il a un bilan écologiste si bon que ça à vous entendre, est-ce que vous souhaitez qu'il soit candidat ?
BARBARA POMPILI
Non, non, soyons nuancés ! Soyons nuancés ! Ce n'est pas blanc ou noir.
AUDREY CRESPO-MARA
Est-ce que vous souhaitez qu'il soit candidat à la présidentielle ?
BARBARA POMPILI
Ce que je souhaite vraiment, soyons clairs, moi ce que je souhaite, c'est qu'on sorte des petites phrases, qu'on redonne envie aux citoyens et pour redonner envie aux citoyens, il faut qu'on montre…
AUDREY CRESPO-MARA
Vous ne répondez pas. Est-ce que vous souhaitez que François HOLLANDE se présente ?
BARBARA POMPILI
Mais parce que moi, j'en ai marre de la personnalisation à outrance. J'ai toujours été contre.
AUDREY CRESPO-MARA
Oui, mais vous savez qu'on élit un homme ou une femme.
BARBARA POMPILI
Oui, on élit un homme ou une femme. Cet homme ou cette femme doit rentrer dans le processus des primaires et il ou elle doit montrer qu'il est capable de rassembler sur son nom et de relancer une dynamique. Cette dynamique-là, par contre, il faut qu'elle s'appuie aussi sur des idées écolos et c'est pour ça qu'on a un candidat qui s'appelle François de RUGY, qui va présenter sa candidature samedi et qui doit peser, qui doit faire le plus gros score possible pour que l'écologie soit prise en compte. C'est comme ça qu'on avance, ce n'est pas en comptant les points et en restant assis sur le côté.
AUDREY CRESPO-MARA
Tous les matins, Barbara POMPILI, je pose une question récurrente, la question off mais devant les caméras. C'est off, entre nous.
BARBARA POMPILI
D'accord, entre nous.
AUDREY CRESPO-MARA
Juste entre nous. La semaine dernière est sortir le livre « Un président ne devrait pas dire ça ». Ça fait quoi d'être qualifié de « cynique » et d' »emmerdeur » ?
BARBARA POMPILI
Écoutez, on va revenir à ce que je disais juste avant, de manière très off.
AUDREY CRESPO-MARA
Il parle des écologistes.
BARBARA POMPILI
Je crois vraiment que d'une manière générale, et ce n'est pas de la langue de bois ce que je vais vous dire, les citoyens en ont ras-le-bol des petites phrases, en ont ras-le-bol de la politique un petit peu ras les pâquerettes.
AUDREY CRESPO-MARA
Oui, mais ce sont les phrases de François HOLLANDE. On ne les a pas inventées.
BARBARA POMPILI
Écoutez, qui que ce soit – qui que ce soit -, aujourd'hui les gens attendent de nous qu'on leur trace des perspectives, qu'on leur montre un chemin où il faut aller. On a des enjeux énormes.
AUDREY CRESPO-MARA
Vous vous en êtes expliquée avec François HOLLANDE ?
BARBARA POMPILI
Non.
AUDREY CRESPO-MARA
Pourquoi ?
BARBARA POMPILI
Non, parce que moi je travaille. J'ai peu de temps pour finir tout le travail que j'ai à faire. J'ai les décrets de la loi à sortir, je rencontre les acteurs, je rencontre des gens qui ne sont pas d'accord avec moi pour faire avancer nos idées.
AUDREY CRESPO-MARA
Vous dites donc en gros que ça ne grandit pas le débat politique ; ça ne grandit pas François HOLLANDE non plus.
BARBARA POMPILI
Ça ne grandit personne d'une façon générale. Aujourd'hui le débat politique s'affaiblit énormément, vous voyez la primaire de la droite. Au moment où les extrêmes montent partout, pas qu'en France – voyez ce qui se passe aux Etats-Unis avec TRUMP, voyez ce qui se passe en Europe – on voit que quand le débat politique est trop faible, il laisse la place à tout et au pire. Nous, on a comme responsabilité de mettre un petit peu le niveau au-dessus parce que les citoyens attendent ça de nous. Ils attendent de nous qu'on soit responsable, ils attendent de nous qu'on essaye de prendre des décisions pour l'avenir. Il faut leur trouver du boulot aux gens, et cetera.
AUDREY CRESPO-MARA
Une dernière question. François HOLLANDE vous a plus déçue avec ce livre ou avec son action pendant cinq ans ?
BARBARA POMPILI
Mais moi, je ne suis pas déçue parce que je n'ai pas une vision affective des choses. Je n'ai pas une vision affective des choses, j'entends bien d'autres qui en ont. Moi ce que je veux, c'est qu'on travaille ensemble sur un programme politique et qu'on essaye de l'appliquer. Sur l'application du programme politique, il y a eu des avancées, je vous le dis - sur la loi de transition énergétique. Après effectivement, ça traîne un peu pour l'application concrète. Moi je parle de ça, je ne parle pas de sentiments.
AUDREY CRESPO-MARA
Merci beaucoup, Barbara POMPILI.Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 octobre 2016