Texte intégral
Q - Croyez-vous possible le lancement d'un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales lors de la réunion ministérielle de l'OMC, en novembre à Doha ?
R - Le lancement d'un cycle de négociations n'est pas acquis. Le temps est court. Il y a toujours un certain nombre de divergences, mais il y a eu des progrès. Alors que les Etats-Unis semblaient vouloir se faire les avocats d'un cycle restreint d'accès au marché, ils sont aujourd'hui ouverts au cycle de négociations élargies soutenu par l'Union européenne. C'est important, car le lancement d'un cycle requiert une position coordonnée entre l'Europe et les Etats-Unis. Pourtant, cet axe est indispensable mais pas suffisant. La position des pays en développement est aujourd'hui centrale.
Q - Les contentieux transatlantiques sont toujours aussi nombreux. Peuvent-ils paralyser la nouvelle négociation ?
R - Le progrès sur le conflit de la banane a été un signal positif. Mais il est incontestable qu'en ce qui concerne l'acier, c'est à l'inverse un mauvais signal, qui n'est pas acceptable. Sur les "Foreign sales corporation" [NDLR: les aides fiscales américaines à l'exportation], une procédure est en cours. L'Organe de règlement des différends a confirmé la non-compatibilité du dispositif avec les règles de l'OMC. Il y a un délai d'appel possible au terme duquel l'ORD se prononcera à nouveau. La question du buf aux hormones reste un problème majeur de sécurité alimentaire. Nos positions ne vont pas évoluer, compte tenu des risques que nous connaissons. L'Union européenne a proposé de mettre en place un système de contreparties, en augmentant les quotas de buf non traité aux hormones. Nous attendons la réponse américaine. Au total, je ne veux pas minimiser l'importance des conflits transatlantiques, mais nous ne sommes pas confrontés à une guerre commerciale.
Q - L'Union européenne peut-elle imposer ses points de vue, qui faisaient débat lors de la réunion de Seattle ?
R - Ce n'est pas à l'Union européenne que l'on doit imputer l'échec de Seattle. L'échec est intervenu parce qu'un certain nombre de pays en développement ne se sont pas sentis à leur place dans la négociation. Aujourd'hui, les conditions sont meilleures qu'avant Seattle. Le groupe de Cairns ne peut pas ignorer à quel point l'administration américaine a augmenté ses aides directes à l'agriculture, et donc, il n'y a plus sur ce sujet ce front uni Etats Unis-Cairns- pays en développement qui a pu exister à Seattle. L'Union européenne va pouvoir mieux plaider en faveur de la sécurité alimentaire et de la multifonctionnalité, c'est-à-dire pour une agriculture plus soucieuse de qualité, de développement rural et d'environnement. Il faudra prendre en compte des sujets autres que commerciaux.
Q - Qu'implique un cycle de négociations plus larges proposé par l'Union européenne et soutenu par le gouvernement français ?
R - Nous pensons que l'ouverture des marchés, à laquelle l'économie française a intérêt, doit être équilibrée par l'introduction d'un surcroît de régulation. Nous soutenons un cycle de mondialisation équitable. Il faut que les intérêts des pays en développement soient mieux pris en compte et que par conséquent, la libéralisation tienne compte des niveaux de développement des différents pays : il ne faut pas que, dans cette mondialisation, des pays partent battus d'avance. L'UE a déjà manifesté ses bonnes dispositions avec son initiative "Tout sauf les armes" d'autres pays doivent l'imiter. La mondialisation doit ménager des transitions. Toute la difficulté tient d'ailleurs dans le dosage des dérogations et de délais. Nous recherchons un système équitable, et qui permette d'amener un certain nombre de pays dans une situation où la concurrence joue en leur faveur et ne les pénalise pas du fait de leur niveau de développement.
Q - Un échec à Doha signifierait-il la fin de l'OMC ?
R - Je ne pense pas, si "échec" signifie "absence de cycle". Si les négociations aboutissaient à un échec, ce serait effectivement un très mauvais signal. L'alternative au non-lancement d'un cycle c'est le développement d'accords régionaux ou bilatéraux. Or un certain nombre de pays en développement sont conscients que c'est plutôt le système multilatéral qui les protège. Des négociations bilatérale entre grands pays ou ensembles commerciaux risquent de les tenir à l'écart.
Q - Que répondez-vous aux organisations non gouvernementales qui réclament une renégociation du cycle précèdent et une réforme de l'OMC ?
R - La réforme de l'OMC est un combat juste. Le gouvernement français a été systématiquement promoteur des idées de réforme, de l'organisation en faveur d'une meilleure association des Parlements et des ONG. Quant aux accords de l'Uruguay Round, personne n'a forcé les pays signataires à les signer. On constate que ces accords n'ont pas suffisamment rééquilibré le partage de la croissance mondiale. Il faut donc faire des progrès sur la mise en oeuvre des accords de Marrakech et nous y sommes prêts. La difficulté principale, je la vois dans un paradoxe. Certains gouvernements recherchent une meilleure régulation de l'investissement, de la concurrence, et de l'environnement. Cela fait écho aux demandes de beaucoup d'ONG. Pourtant, les pays en développement n'en veulent pas et nous disent qu'il s'agit d'une problématique de pays riches. Eux nous demandent davantage d'accès aux marchés alors qu'un certain nombre de courants d'opinion dans les pays riches s'y opposent, en expliquant qu'il n'est pas favorable aux pays en développement.
Q - Le combat des normes sociales n'est-il pas aussi un combat des pays riches ?
R - Sur ce sujet, il faut instaurer un meilleur dialogue entre l'Organisation internationale du travail et l'OMC. Il s'agit de considérer que l'idée des Droits de l'Homme ne doit pas être abandonnée devant les pressions du système commercial et au nom de sa seule efficacité. Ne commençons pas toutefois par parler de sanctions. Il faut amener les pays à des niveaux de développement semblables. La promotion des droits fondamentaux des individus n'est pas un objectif de court terme. Le développement des relations commerciales est un facteur de diffusion de la liberté des individus, mais il ne suffit pas à lui seul à assurer le progrès des droits fondamentaux.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 02 août 2001)
R - Le lancement d'un cycle de négociations n'est pas acquis. Le temps est court. Il y a toujours un certain nombre de divergences, mais il y a eu des progrès. Alors que les Etats-Unis semblaient vouloir se faire les avocats d'un cycle restreint d'accès au marché, ils sont aujourd'hui ouverts au cycle de négociations élargies soutenu par l'Union européenne. C'est important, car le lancement d'un cycle requiert une position coordonnée entre l'Europe et les Etats-Unis. Pourtant, cet axe est indispensable mais pas suffisant. La position des pays en développement est aujourd'hui centrale.
Q - Les contentieux transatlantiques sont toujours aussi nombreux. Peuvent-ils paralyser la nouvelle négociation ?
R - Le progrès sur le conflit de la banane a été un signal positif. Mais il est incontestable qu'en ce qui concerne l'acier, c'est à l'inverse un mauvais signal, qui n'est pas acceptable. Sur les "Foreign sales corporation" [NDLR: les aides fiscales américaines à l'exportation], une procédure est en cours. L'Organe de règlement des différends a confirmé la non-compatibilité du dispositif avec les règles de l'OMC. Il y a un délai d'appel possible au terme duquel l'ORD se prononcera à nouveau. La question du buf aux hormones reste un problème majeur de sécurité alimentaire. Nos positions ne vont pas évoluer, compte tenu des risques que nous connaissons. L'Union européenne a proposé de mettre en place un système de contreparties, en augmentant les quotas de buf non traité aux hormones. Nous attendons la réponse américaine. Au total, je ne veux pas minimiser l'importance des conflits transatlantiques, mais nous ne sommes pas confrontés à une guerre commerciale.
Q - L'Union européenne peut-elle imposer ses points de vue, qui faisaient débat lors de la réunion de Seattle ?
R - Ce n'est pas à l'Union européenne que l'on doit imputer l'échec de Seattle. L'échec est intervenu parce qu'un certain nombre de pays en développement ne se sont pas sentis à leur place dans la négociation. Aujourd'hui, les conditions sont meilleures qu'avant Seattle. Le groupe de Cairns ne peut pas ignorer à quel point l'administration américaine a augmenté ses aides directes à l'agriculture, et donc, il n'y a plus sur ce sujet ce front uni Etats Unis-Cairns- pays en développement qui a pu exister à Seattle. L'Union européenne va pouvoir mieux plaider en faveur de la sécurité alimentaire et de la multifonctionnalité, c'est-à-dire pour une agriculture plus soucieuse de qualité, de développement rural et d'environnement. Il faudra prendre en compte des sujets autres que commerciaux.
Q - Qu'implique un cycle de négociations plus larges proposé par l'Union européenne et soutenu par le gouvernement français ?
R - Nous pensons que l'ouverture des marchés, à laquelle l'économie française a intérêt, doit être équilibrée par l'introduction d'un surcroît de régulation. Nous soutenons un cycle de mondialisation équitable. Il faut que les intérêts des pays en développement soient mieux pris en compte et que par conséquent, la libéralisation tienne compte des niveaux de développement des différents pays : il ne faut pas que, dans cette mondialisation, des pays partent battus d'avance. L'UE a déjà manifesté ses bonnes dispositions avec son initiative "Tout sauf les armes" d'autres pays doivent l'imiter. La mondialisation doit ménager des transitions. Toute la difficulté tient d'ailleurs dans le dosage des dérogations et de délais. Nous recherchons un système équitable, et qui permette d'amener un certain nombre de pays dans une situation où la concurrence joue en leur faveur et ne les pénalise pas du fait de leur niveau de développement.
Q - Un échec à Doha signifierait-il la fin de l'OMC ?
R - Je ne pense pas, si "échec" signifie "absence de cycle". Si les négociations aboutissaient à un échec, ce serait effectivement un très mauvais signal. L'alternative au non-lancement d'un cycle c'est le développement d'accords régionaux ou bilatéraux. Or un certain nombre de pays en développement sont conscients que c'est plutôt le système multilatéral qui les protège. Des négociations bilatérale entre grands pays ou ensembles commerciaux risquent de les tenir à l'écart.
Q - Que répondez-vous aux organisations non gouvernementales qui réclament une renégociation du cycle précèdent et une réforme de l'OMC ?
R - La réforme de l'OMC est un combat juste. Le gouvernement français a été systématiquement promoteur des idées de réforme, de l'organisation en faveur d'une meilleure association des Parlements et des ONG. Quant aux accords de l'Uruguay Round, personne n'a forcé les pays signataires à les signer. On constate que ces accords n'ont pas suffisamment rééquilibré le partage de la croissance mondiale. Il faut donc faire des progrès sur la mise en oeuvre des accords de Marrakech et nous y sommes prêts. La difficulté principale, je la vois dans un paradoxe. Certains gouvernements recherchent une meilleure régulation de l'investissement, de la concurrence, et de l'environnement. Cela fait écho aux demandes de beaucoup d'ONG. Pourtant, les pays en développement n'en veulent pas et nous disent qu'il s'agit d'une problématique de pays riches. Eux nous demandent davantage d'accès aux marchés alors qu'un certain nombre de courants d'opinion dans les pays riches s'y opposent, en expliquant qu'il n'est pas favorable aux pays en développement.
Q - Le combat des normes sociales n'est-il pas aussi un combat des pays riches ?
R - Sur ce sujet, il faut instaurer un meilleur dialogue entre l'Organisation internationale du travail et l'OMC. Il s'agit de considérer que l'idée des Droits de l'Homme ne doit pas être abandonnée devant les pressions du système commercial et au nom de sa seule efficacité. Ne commençons pas toutefois par parler de sanctions. Il faut amener les pays à des niveaux de développement semblables. La promotion des droits fondamentaux des individus n'est pas un objectif de court terme. Le développement des relations commerciales est un facteur de diffusion de la liberté des individus, mais il ne suffit pas à lui seul à assurer le progrès des droits fondamentaux.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 02 août 2001)