Déclaration de M. Bernard Kouchner, ministre délégué à la santé, sur l'amélioration de l'accès à l'assurance des personnes présentant un risque de santé aggravé, notamment pour les prêts bancaires et immobiliers, le recours au crédit à la consommation et la réforme des conditions d'accès aux assurances.

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Circonstance : Signature de la convention visant à améliorer l'accès à l'assurance des personnes présentant un risque de santé aggravé à Paris le 19 septembre 2001

Texte intégral

Je suis très heureux d'être aujourd'hui avec vous pour signer la convention visant à améliorer l'accès à l'assurance des personnes présentant un risque de santé aggravé.
J'en suis heureux d'autant plus que c'est moi, qui aux cotés de Dominique Strauss Khan et grâce aux associations, avais réactivé la réflexion permettant de trouver une solution aux personnes exclues de l'assurance de prêt.
Ce dispositif répond d'abord à une demande essentielle des personnes malades qui souhaitent emprunter et ont donc besoin d'accéder à une assurance de prêt.
Cette demande a été particulièrement relayée par les associations, dans un contexte socio-économique de forte consommation de crédits de tout type pour le plus grand bénéfice des banques et institutions de crédit.
AIDES et SIDA INFO DROIT, témoignent de la très forte augmentation de la demande d'accès à l'assurance : elle représente plus d'un quart des sollicitations dont ces structures font l'objet.
Les personnes affectées par une maladie, déjà vulnérabilisées, ont, hélas, à subir d'autres exclusions dans leur vie de tous les jours et en particulier dans l'accès à l'assurance : elles se heurtent à des refus purs et simples ou à des pratiques de surtarification décourageantes qui peuvent parfois conduire certaines personnes à faire de fausses déclarations.
Chacun sait qu'il ne suffit pas d'être soigné ou de guérir, mais qu'il faut aussi continuer à vivre. Les personnes malades, lorsqu'elles vont mieux veulent travailler, comme tout un chacun, faire à nouveau des projets de vie.
Pour cela, le recours au crédit, notamment à la consommation, est devenu courant, dans nos sociétés modernes, et souvent indispensable à la réalisation de nombreux achats de la vie quotidienne.
A titre d'exemple, nous avons recours au crédit et donc à l'assurance de prêt, pour acheter un ordinateur, ou une voiture pour aller travailler, ou un appartement. Autant de biens nécessaires à la resocialisation et à la reconstruction d'une vie déjà affectée par la maladie.
Autant de projets souvent avortés parce que dans les faits, l'assurance est devenue quasiment obligatoire car elle fait généralement partie de l'offre globale de prêt.
La convention que nous nous apprêtons à signer aujourd'hui est une alternative à cette assurance de prêt " normalisée " comme nous le verrons plus précisément, et ce faisant répond à la demande d'intégration dans notre société, de la personne vivant avec des risques aggravés.
Il faut dire que cette préoccupation n'est pas nouvelle, car dès 1991, à la suite du rapport Jolivet, nous avions mis en place un premier dispositif conventionnel destiné à favoriser l'accès à l'assurance de prêt. Il constituait alors une avancée réelle mais qui plusieurs années après est devenue obsolète.
D'une part en raison du champ d'application restreint de cette première convention qui s'appliquait aux seules personnes séropositives pour le VIH. D'autre part en raison des nouveaux besoins des malades eux-mêmes qui grâce à l'allongement de la durée de la vie et à l'amélioration de la qualité de vie sous l'effet des progrès de la médecine, ont pu envisager un futur possible. Rappelons que s'agissant par exemple des cas de sida depuis 1996 le taux de mortalité liée au VIH a baissé d'environ 80 %.
C'est pourquoi, en 1999, les associations, les pouvoirs publics et les professionnels de l'assurance et de la banque, ont pris en compte ces évolutions. Ils ont abouti sous l'égide de Jean-Michel Bélorgey,- que je remercie dès à présent pour son travail -, à une nouvelle convention tout à fait innovante.
La nouvelle convention innove d'abord par son champ d'application : comme son nom l'indique, elle vise à améliorer l'accès à l'assurance de prêt de toute personne présentant un risque de santé aggravé. Il ne s'agit plus uniquement des seules personnes affectées par le VIH comme en 1991.
Ensuite, elle prévoit de nouvelles conditions d'accès à l'assurance de différents types de prêts : prêts à la consommation d'une part, prêts professionnels et immobiliers d'autre part qui couvrent l'essentiel de la demande de prêt en France.
S'agissant des conditions de l'assurance de prêt à la consommation : (il s'agit de prêt affectés c'est-à-dire ceux dont le montant est par avance affecté au paiement du bien) il faut noter la suppression des questionnaires médicaux pour toute personne de moins de 45 ans, sur une durée de 4 ans et pour un montant maximum de 10 000 euros (65 000 francs environ).
S'agissant des conditions de l'assurance de prêt immobiliers ou professionnels : il faut noter un allongement de la durée d'emprunt qui passe de 10 à 12 ans et augmentation du montant de l'emprunt qui passe de 150 000 euros (soit 1 million de francs environ) à 200 000 euros (soit 1,2 millions de francs environ).
Outre ces avancées très significatives, les partenaires s'engagent à respecter un code de bonne conduite valable pour le traitement des informations à caractère confidentiel. Ces dispositions précisent notamment les conditions dans lesquelles les souscripteurs répondent puis renvoient les questionnaires de santé pour bénéficier de l'assurance.
Enfin, les professionnels de la Banque s'engagent à proposer à leurs clients qui n'ont pas accès à l'assurance des garanties alternatives, il s'agit d'assurances en garantie du prêt qui offrent un niveau de sécurité équivalent. Par exemple les garanties offertes par une mutuelle, ou bien un nantissement sur un bien immobilier, une caution, une assurance-vie
La convention sera animée par une commission de suivi et de propositions composée notamment et de représentants des usagers, de personnes qualifiées et de professionnels. Elle assurera dans des formations spécialisées la confrontation des données épidémiologiques et actuarielles, ainsi qu'une mission de médiation pour les cas individuels.
Je tiens à insister particulièrement sur le fait que la commission de suivi et de proposition est le pivot du processus conventionnel. C'est notamment en son sein que seront débattus les points qui n'ont pu être réglés avant sa signature.
En particulier, je serai attentif spécialement à l'amélioration des circuits de confidentialité des données personnelles à caractère médical, conformément aux observations que la Commission Nationale Informatique et Liberté a formulées à notre demande, lors d'une saisine à titre de conseil que nous avons effectuée, pour nous conformer à ce qui est prévu dans le projet de loi relatif aux droits des malades et à la qualité du système de santé.
En effet, le chapitre premier du Titre III du projet de loi donne une base légale à ce dispositif et vise à en assurer la pérennité conformément au souhait des associations.
Il prévoit notamment une saisine obligatoire de la CNIL de façon à renforcer les garanties en matière de protection des données à caractère personnel
Le projet de loi prévoit également l'interdiction de tenir compte des résultats d'examen des caractéristiques génétiques des candidats à l'assurance. Cette disposition vise à protéger les personnes contre tout risque de discrimination à raison de leurs caractéristiques génétique. Cette disposition étend sa protection également aux questionnaires médicaux en interdisant toute question relative aux tests génétiques et à leurs résultats.
Je tiens à rappeler que l'objectif traduit par notre projet de loi est bien de renforcer les droits de la personne malade et de la protéger autant que possible contre les discriminations qui sont liées à son état de santé. Nous avons voulu dire que dans nos sociétés riches, l'état de santé ne doit pas être un facteur d'exclusion supplémentaire.
Nous savons que la réussite de ce dispositif conventionnel dépend surtout de la volonté de ceux qui l'animeront, et notamment de l'implication des professionnels de la Banque et de l'Assurance.
Tous ici avons décidé, en la signant, de faire le pari :
1/ d'une collaboration fructueuse, au sein de la commission de suivi et de propositions, qui permettra l'évolution et l'adaptation du dispositif .
2/ d'une amélioration effective de la situation des personnes présentant un risque de santé aggravé, notamment s'agissant de la protection de leurs informations médicales.
Le processus conventionnel est vivant; il est ouvert à d'autres signataires, à d'autres situations (outre les aspects relatifs à la confidentialité, les conditions d'adaptation du dispositif aux risques incapacité et invalidité ou l'étude des tarifications des risques aggravés seront examinés) et en ce sens la convention constitue une première étape sur le chemin difficile de la réduction des inégalités.
Mesdames et Messieurs, je vous laisse donc apprécier l'importance de ce dispositif qui est l'aboutissement de deux ans de travaux conduits sous l'égide de Jean-Michel Bélorgey à qui j'adresse, à nouveau, un message spécial pour sa détermination à faire aboutir ce processus.
Je veux bien sur et ô combien remercier les associations, AIDES, Sida Info Service, la Ligue Contre le Cancer et également les associations de consommateurs.
Je tiens aussi à saluer les efforts accomplis par les représentants des assureurs et des banques qui ont fait preuve d'une grande constance, et qui ont su convaincre leurs mandants de la nécessité de faire évoluer leur profession.
A nouveau je remercie tous les participants et avant de procéder à la signature je cède la parole à Madame la Ministre du Budget que je remercie également d'être avec nous.



(source http://www.sante.gouv.fr, le 25 septembre 2001)