Texte intégral
Mesdames, Messieurs,
Par lettre du 29 janvier 1999, j'ai confié à Anne Chiffert, inspecteur général de l'administration du ministère, et présidente du centre national de la danse, une mission de réflexion et de proposition sur l'ouverture d'une nouvelle scène consacrée à la danse à Paris. Je lui demandais de ne pas exclure l'hypothèse de l'ouverture d'un tel lieu à des créations interdisciplinaires.
Je tiens à saluer le caractère remarquable de ce travail. Anne Chiffert s'est entourée d'un groupe de personnalités du monde de la danse et du spectacle vivant : Brigitte Lefevre, Jacques Blanc, Guy Darmet, Jean-Claude Gallotta, Michel Kéléménis, Yorgos Loukos, Patrick Pernin, sans oublier le concours de Didier Deschamps, conseiller pour la danse de la DMDTS.
Il fait apparaître de façon évidente la nécessité d'un lieu qui fasse une place originale à la danse.
Le rapport souligne à juste titre que la danse en France est à un moment charnière, avec sa vitalité créatrice encouragée par l'Etat, avec le soutien aux équipes, aux centres chorégraphiques nationaux, aux ballets des maisons d'opéra, aux compagnies chorégraphiques les plus actives, et avec un intérêt croissant des publics.
Mais cette vitalité contraste encore trop souvent avec une carence en relais de diffusion. C'est pour y remédier que j'ai décidé de renforcer le programme de plateaux pour la danse, aide forfaitaire aux lieux pluridisciplinaires et aux théâtres de ville qui diffusent régulièrement des spectacles chorégraphiques.
Le cas de Paris, où la danse est particulièrement sous exposée, nécessite des mesures spécifiques pour la diffusion de cet art, au regard des potentialités de développement de ses publics.
Il faut aussi noter l'absence à Paris d'un lieu multidisciplinaire dédié au croisement des disciplines du spectacle vivant, absence qui tranche avec la situation des grandes villes d'Europe du nord. Aujourd'hui, ce manque n'est que partiellement comblé par des théâtres parisiens attachés à la création contemporaine, ou par le site de la Villette, ouvert aux cultures populaires, mais principalement centré sur la musique.
Le rapport souligne le caractère exceptionnel du site de Chaillot.
Les hypothèses alternatives, à savoir la construction d'une nouvelle salle à la Villette, la salle Favart ou le théâtre de l'Est parisien, ont dû être écartées, en raison notamment du coût important pour la première hypothèse, et de l'inadaptation des deux autres lieux à la diffusion chorégraphique.
Le site de Chaillot m'est apparu particulièrement indiqué pour devenir le lieu d'un projet original faisant une place majeure au théâtre et à la danse, en raison des grandes potentialités d'évolution et du caractère exceptionnel du site :
· un véritable monument, pensé à l'origine comme une construction provisoire, et très éloigné du stéréotype du théâtre ;
· deux salles de spectacle, Vilar et Gémier, mais aussi de grands espaces sous-utilisés ;
· le rôle important tenu par Chaillot dans l'histoire du théâtre et de la démocratisation culturelle ;
· un environnement architectural, urbain, historique et culturel du lieu, qui attire à la fois des touristes, des visiteurs et une population jeune et multiculturelle fidèle au site.
C'est là, à Chaillot, que j'ai donc décidé de mettre en place le projet d'un nouveau théâtre où, pour la première fois dans l'histoire artistique et culturelle de la France à cette échelle, le théâtre et la danse sont, dans un même lieu, traités à égalité.
Chaillot doit être le lieu des tous les échanges entre ces deux arts, et, à partir de là, un lieu où s'inventent de nouvelles formes.
Le lieu du croisement et de l'enrichissement de tous les publics.
En ce sens, Chaillot sera l'un des points d'application les plus marquants de ma politique.
Le lieu, porté par un projet nouveau, sera résolument contemporain, apte à rendre compte de l'actualité de l'art et de la rencontre de celle-ci avec son public.
- Il sera évolutif, non seulement dans les formes présentées, mais aussi par la rotation des équipes artistiques accueillies pour des résidences de création ;
- Il sera populaire, par une ouverture élargie, une large part de l'activité étant consacrée à une programmation susceptible de créer l'événement et de drainer un large public, en particulier, jeune ;
- Il devra s'ancrer dans le paysage local et national, en développant des partenariats avec les équipes et les structures de création et de diffusion, notamment les salles parisiennes ;
- Il sera de façon très volontariste, européen et international.
Sa responsabilité sera confiée à une équipe de direction composée d'un administrateur-programmateur, d'un/une chorégraphe et d'un homme ou d'une femme de théâtre de premier plan. Je nommerai cette équipe de Direction avant la fin de cette année. Dans le droit fil de ma volonté, plusieurs fois exprimée, de voir un théâtre national doté d'une équipe artistique permanente, je ferai en sorte que Chaillot puisse donner l'exemple par le recrutement, sur des postes permanents, d'un groupe d'acteurs et de danseurs recrutés.
Chaillot conservera son statut de théâtre national, donc d'établissement public industriel et commercial ; les statuts seront refondus pour traduire les missions qui lui sont désormais confiées.
J'ai également décidé d'importantes tranches de travaux, que la mise en uvre du projet, comme l'état du bâtiment appelle impérativement. Elles comportent notamment la modernisation de la grande salle Vilar, la transformation de la salle Gémier en véritable seconde salle, la rénovation des espaces annexes (particulièrement la réorganisation de l'accès des décors au grand plateau), et des espaces publics.
Ces travaux seront réalisés en trois tranches durant les intersaisons afin d'éviter la fermeture du théâtre.
Cet effort de l'Etat pour la diffusion de la danse sur l'agglomération parisienne sera complété par la réalisation d'un équipement nouveau, achevé d'ici 2004, soit une salle d'environ 400 places, à Pantin, rattachée au Centre national de la danse. J'ai en effet décidé la construction d'une salle de spectacle de jauge moyenne et disposant d'un grand plateau, qui soit à même d'accueillir notamment, pour de longues séries de représentations, les spectacles des centres chorégraphiques nationaux.
Cette double décision répondra aux besoins qui ont été soulignés dans le rapport, notamment en termes d'espaces, de moyens de production et de coût de plateau de nombre de représentations annuelles en grande, moyenne et petite jauge.
Ces trois nouvelles scènes à Paris consacrées à la danse, dans deux établissements différents mais rendus complémentaires, me semblent répondre de la façon la plus appropriée aux préconisations du groupe de travail.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 17 juin 1999)