Déclaration de Mme Paulette Guinchard-Kunstler, secrétaire d'Etat aux personnes âgées, sur l'engagement du gouvernement en faveur de l'aide à domicile dans le cadre de l'allocation personnalisée d'autonomie, Paris le 7 novembre 2001.

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Circonstance : Déplacement à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), le 7 novembre 2001

Texte intégral

Madame la Présidente,
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi, avant de rentrer dans le vif de mon propos, de vous dire ma satisfaction d'être aujourd'hui avec vous à l'occasion de votre congrès.
Je sais que vous attendez de moi des réponses concrètes à des problèmes urgents : je suis en mesure, aujourd'hui, de pouvoir apaiser vos inquiétudes, j'y reviendrais tout à l'heure mais je voudrais également profiter de l'occasion que vous m'offrez pour élargir le cadre de la réflexion et dépasser les difficultés d'aujourd'hui, dont je sais combien elles vous préoccupent. En effet, j'ai la conviction que le secteur de l'aide à domicile est à la croisée des chemins et qu'aujourd-hui, il s'agit pour les responsables que vous êtes toutes et tous ici de prendre la mesure de ces enjeux et des opportunités ouvertes par l'engagement du Gouvernement en faveur de l'aide à domicile dans le cadre de l'APA .
Vous connaissez mon opinion - en tant que parlementaire - sur votre secteur, je l'avais développé dans mon rapport " Vieillir en France ".
Je voudrais vous assurer, en tant que ministre, que ma conviction n'a pas changé sur la nécessité de professionnaliser et de structurer le secteur de l'aide à domicile pour mieux répondre aux attentes des usagers et de leurs familles.
J'ai voulu marquer symboliquement cet engagement en nommant dès mon arrivée un conseiller technique spécifiquement en charge de votre secteur et je me suis employée, à chaque occasion qui m'était offerte, à faire le choix du renforcement de l'aide à domicile. Ces derniers mois ont été riches en discussions de toute nature sur la prise en charge des personnes âgées en situation de perte d'autonomie et des débats parlementaires sur la loi créant l'allocation personnalisée d'autonomie ont permis de mettre cette question sous les feux de l'actualité.
Cette loi, voulue par Lionel Jospin, va apporter un souffle nouveau et des moyens supplémentaires considérables en direction des personnes âgées dépendantes. Elle va donner des lignes de force à l'action publique pour de nombreuses années et elle offre des points d'appui importants pour la structuration du secteur de l'aide à domicile.
Je ne reviendrai pas dans le détail ici, sur le contenu de la loi APA mais permettez mois simplement de rappeler d'où nous partions, coincés dans les limites étriquées et souvent injustes et inégalitaires de la prestation spécifique dépendance. Même devant des signataires du livre noir de la PSD, il n'est pas inutile de rappeler d'où l'on vient. Cette loi APA, Lionel Jospin l'a voulue fondée sur l'universalité, l'égalité et la solidarité :
l'universalité, parce qu'aucun demandeur ne sera écarté pour des conditions de ressources qui, dans la PSD, vous le savez mieux que moi, étaient pénalisantes ;
l'égalité, parce que le Gouvernement a voulu mettre fin aux disparités inacceptables rencontrées au hasard des départements sans autre explication que l'engagement plus ou moins fort des conseils dans les politiques aux bénéfices des personnes âgées;
la solidarité, parce que le financement de l'APA sera assuré à la fois par la solidarité nationale en utilisant la CSG et par la solidarité locale dans le cadre des responsabilités confiées aux conseils généraux.
Enfin, je souligne - et je crois que vous y serez particulièrement sensibles, que la loi APA a supprimé les recours sur succession ou sur donation facilitant la possibilité de transmettre son patrimoine à ses descendants.
Enfin, cette loi APA, Lionel Jospin a voulu en faire un outil d'approfondissement de la décentralisation en confiant la responsabilité de la nouvelle allocation aux Conseils Généraux faisant le choix d'une meilleure articulation, à ce niveau, entre politique de coordination gérontologique, actions de proximité et structuration de l'offre.
Parce qu'elle réaffirme le rôle majeur de l'aide à domicile dans la prise en charge des personnes en perte d'autonomie, parce qu'elle va obliger les responsables nationaux et départementaux à accompagner la professionnalisation, sous peine d'échec global, la loi APA est également une loi phare pour votre secteur.
Directement par des différentes mesures législatives ou réglementaires, ou indirectement par effet d'entraînement sur plusieurs dossiers en cours, la loi APA va vous aider, va nous aider à sortir le secteur de la grande précarité dans laquelle il se débat depuis trop longtemps.
Permettez-moi d'aller plus au fond sur ce sujet, d'abord, je voudrais souligner que la loi APA et le texte d'application, qui sortiront dans les deux prochaines semaines, prévoient plusieurs mesures fortes pour le secteur.
En premier lieu, la priorité de recours aux services prestataires va permettre d'éviter le paradoxe de la situation actuelle qui voit les cas les plus lourds pris en charge par le mandataire ou l'emploi direct.
Cette priorité aux services prestataires, les décrets l'ont fixée aux GIR 1 et 2 et à certaines situations des GIR 3 et 4.
Je sais que vous auriez souhaité une autre solution mais j'ai souhaité, en m'appuyant sur la nécessité de revoir la grille AGGIR. - nécessité que vous partagez - ne pas figer les choses en particulier pour la prise en charge des démences séniles habituellement sous cotée par la grille AGGIR.
La révision de cette grille permettra sans aucun doute de réexaminer la question en temps voulu.
Parallèlement,plusieurs dispositions complémentaires ont été voulues par le législateur. Le refus exprès du recours aux services prestataires - garantie du libre choix de la personne et de son entourage - devra être formulé par écrit et dûment motivé, ce qui exclura, là aussi toute décision hâtive prise dans l'urgence et contribuera à stabiliser la régulation de l'offre et de la demande.
De la même façon, le recours à des intervenantes non qualifiées entraînera une augmentation de la participation du bénéficiaire de l'APA.
Enfin, la valorisation des interventions dans les plans d'aide devra se faire sur la base de conventions collectives agréées, interdisant par la même, les jeux pervers que nous avons tous connus.
Nous avons donc mis en place un dispositif encadré, équilibré, et qui va entraîner une création d'emplois non négligeable pour les services prestataires, puisque les conclusions de mes services chiffrent à environ 40.000 postes les emplois crées par l'APA.
C'est à dire que réussir l'APA nécessite au-delà de la simple gestion du dispositif, un accompagnement fort pour lequel le Gouvernement entend mobilisé des moyens importants.
Ce sera le rôle du fonds de modernisation de l'aide à domicile, doté annuellement de 300 à 500 millions de francs, de contribuer à la professionnalisation et à la structuration du secteur.
Dispositif original sinon, unique, ce fonds sera géré à un double niveau local et national et permettra de financer, en tout ou partie, les projets portés par le secteur sous la seule double réserve de ne pas financer du fonctionnement et de ne pas substituer à des obligations de l'employeur.
Il vous appartient de faire preuve d'imagination pour utiliser cet outil.
Mais l' action de l'Etat sur un sujet aussi vaste ne saurait être suffisante sans l'appui d'une part des collectivités territoriales et au premier chef des départements et d'autre part des associations que vous représentez ici, toutes à la fois porteuses des attentes et de propositions des professionnels mais aussi témoignant des souhaits des usagers .
Cette coopération, que dès le départ de mon action j'ai souhaité développer, doit se concrétiser dans un partenariat le plus large, associant le service public de l'emploi, les services des départements, les différents partenaires de la formation professionnelle et tous les acteurs de terrain ouverts à cette perspective.
J'ai proposé début septembre aux présidents de conseils généraux de s'engager dans cette démarche visant à mieux structurer les services, à stabiliser l'environnement des associations prestataires. D'ores et déjà des contacts fructueux ont été noués sur le terrain, je pense aux Côtes d'Armor, au Territoire de Belfort, à Paris, au Gard, à la Creuse, à bien d'autres encore et je ne doute pas que la liste continuera de s'allonger dans les prochaines semaines.
Mais l'ambition du Gouvernement de faire de l'APA une réelle avancée sociale ne pourra se réaliser sans des professionnels compétents, motivés et bénéficiant d'une reconnaissance statutaire et conventionnelle correcte.
Voilà pourquoi, dès mon arrivée, j'ai incité les partenaires sociaux de la branche de l'aide à domicile à dépasser leurs clivages historiques et leurs spécificités pour s'engager sur la voie d'une fusion de conventions collectives du secteur.
J'avais déjà souligné cet enjeu dans mon rapport de 1999 ; je me suis employée à avancer concrètement sur ce dossier.
J'attends des partenaires sociaux qu'ils s'empressent- sans précipitation excessive -de conclure cette négociation et qu'ils soumettent à l'agrément cette nouvelle convention collective dans les meilleurs délais.
Ce doit être l'occasion de régler positivement plusieurs problèmes statutaires en suspens tels que les indemnités kilométriques et la prise en compte des temps de transport et de rendre attractif les métiers à l'aide à domicile.
Voilà pourquoi également, le nouveau diplôme de l'intervention à domicile verra prochainement le jour.
Développant les compétences, pour compléter les réponses aux besoins, organisant la polyvalence entre lieux d'exercice pour permettre une mobilité positive, proposant un régime favorable d'équivalence avec d'autres professions du secteur, ce nouveau diplôme va permettre de donner un nouveau souffle à la professionnalisation des intervenants.
Il sera également l'occasion - et j'y serai attentive - de procéder à une revalorisation des carrières de l'aide à domicile, là encore pour rendre attractifs les métiers du secteur et faire bénéficier les personnels d'une juste rétribution.
Par ailleurs, l'inscription des services d'aide à domicile dans le champ de la loi de 75 en cours de débat au Parlement leur assurera une reconnaissance institutionnelle forte et permettra de progresser sur la question des modalités de financement du secteur en particulier à partir des travaux du groupe que j'ai mis en place sur ce sujet au début de l'été.
Vous le voyez, face à des enjeux multiples, le Gouvernement veut faire feu de tout bois et de nombreux chantiers parallèles à la mise en place de l'APA viennent contribuer à renforcer le secteur.
Ces multiples chantiers devront avancer d'un même pas sous peine de conduire l'ensemble à l'échec mais la détermination du Gouvernement est totale pour assurer la réussite de l'APA.
Cette détermination, vous pourrez la mesurer prochainement à propos du taux CNAV puisque, hier, le Premier Ministre a décidé de demander à la CNAV d'augmenter le taux horaire de XXX Frs pour couvrir le coût de la réduction du temps de travail dans l'aide à domicile.
Cette décision, conforme aux estimations conduites initialement par la direction générale de l'action sociale, permettra de solder le dossier de la réduction du temps de travail dans la branche et de démarrer la mise en place de l'APA dans un contexte apaisé.
Pour conclure, je voudrais vous dire au-delà des inquiétudes du moment que j'espère avoir contribué à dissiper, que le secteur de l'aide à domicile doit réfléchir sur son propre avenir et à son positionnement stratégique.
Lui faut-il continuer à jouer l'indifférenciation et la concurrence par les prix dans le cadre de la relation de service au risque de la déqualification ou bien doit-il approfondir sa spécificité et améliorer sa valeur ajoutée professionnelle en participant à la construction d'une véritable action sociale à domicile ?
Il ne m'appartient pas de formuler, seule, une réponse mais plutôt de susciter le débat et de faire progresser la réflexion car comme le disait Sénèque, " il n'y a pas de vent favorable pour celui qui ne sait où il va ".
Nous aurons sûrement l'occasion d'en reparler.
Permettez-moi, pour terminer, de vous dire combien j'ai été sensible à la confiance que vous mettez dans l'action que je mène au sein du Gouvernement conduit par Lionel JOSPIN.
Vous l'avez constaté, je m'efforce d'être fidèle aux valeurs qui m'ont toujours conduite tant dans ma carrière professionnelle que dans mon engagement politique et vous avez raison d'être exigeant vis à vis des responsables politiques.
En retour, j'attends de votre union, de vos associations de terrain qu'elles quittent le registre de la plainte et de la colère pour que demain, ensemble, nous construirons une aide à domicile adaptée aux attentes de nos concitoyens.
Avec l'APA, nous en avons les moyens, je ne doute pas que nous en partagions la volonté.
(Source http://www.social.gouv.fr, le 20 novembre 2001)