Texte intégral
Je me réjouis à double titre d'intervenir devant vous, aujourd'hui, pour la mise en place du Comité National pour la Biodiversité, dont vous êtes désormais membres, et que la loi sur la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, a institué.
La première raison de cette satisfaction, c'est qu'ici, je sais qu'il ne m'est pas utile de consacrer une partie de mon propos à convaincre de l'importance de préserver une biodiversité menacée : je parle devant des convaincus, et cela permet d'aller directement à l'essentiel, c'est-à-dire aux moyens, au cadre et aux objectifs de la politique nationale en matière de Biodiversité.
Et mon second motif de satisfaction tient dans le moment où je m'exprime. Nous sommes en effet dans un temps politique particulier, puisque débute demain la période de réserve imposée aux membres du gouvernement dans leur communication publique et leurs déplacements, afin que se déroule une campagne électorale décisive pour l'avenir de notre pays. M'exprimer aujourd'hui devant vous m'offre donc l'opportunité de vous dire la conception qui fut la mienne de cette exaltante fonction que le Président de la République m'a confie il y a 14 mois, et de vous livrer quelques réflexions dont j'espère qu'elles seront utiles à la mission que vous allez désormais assumer.
La création d'un secrétariat d'État spécifiquement chargé de la Biodiversité constituait une première dans l'histoire politique et administrative de la France. C'était la marque d'une volonté de faire de cette question une priorité de nos politiques environnementales, dans un contexte marqué par une forte conscience sociale de l'enjeu climatique, qui avait vu notamment la réussite de la Conférence de Paris sur le climat, mais où les questions de Biodiversité demeuraient encore trop peu présentes dans les esprits de nos concitoyens. Mais c'était surtout un besoin, alors que la première grande loi sur la protection de la nature depuis celle de 1976, préparée par Philippe Martin et présentée par Ségolène Royal, était en attente d'une deuxième lecture au Parlement.
La mission que m'a confiée Ségolène Royal, que je tiens à remercier ici pour son soutien constant et sa confiance, consistait à faire aboutir l'examen de ce qui n'était encore qu'un projet de loi au Parlement et donc de peser pour que le résultat des travaux parlementaires soit le plus favorable à la Biodiversité et de concrétiser la loi votée, par la publication de l'ensemble de ses décrets d'application avant la fin de l'exercice gouvernemental.
La loi aura fait l'objet de trois lectures dans chaque Chambre, de plus de 127 heures de débat en séance publique, et de près de 7000 amendements adoptés au gré de la navette parlementaire. Je sais que certains se sont émus de la lenteur de sa genèse : je pense, au final, que ce temps passé à en peser les termes constitue un investissement pour l'avenir, car il témoigne d'une prise de conscience des enjeux.
On ne discute finalement que de ce qui est important : et même si les minutes du débat parlementaire contiennent encore quelques « perles » qui démontrent que le travail de pédagogie n'est pas arrivé à son terme, je veux ici rendre hommage à l'engagement des députés et sénateurs qui ont consacré des travaux fournis et le plus souvent fructueux à cette uvre législative, qui marquera durablement nos politiques environnementales.
Le texte final pose les fondations d'une réforme structurelle, ambitieuse et réaliste de nos politiques publiques en matière de biodiversité. Les deux tiers de ses décrets d'application sont aujourd'hui publiés. Tous les autres décrets sont en voie de publication ou en cours d'examen par le Conseil d'Etat, à qui le caractère prioritaire de ces textes a été signalé.
Faire voter la loi, en publier les décrets d'application, c'étaient là les objectifs, la destination : il nous a fallu définir une feuille de route.
Parce que l'exercice de l'Etat a ceci de particulier qu'il fait toujours encourir le risque de se perdre dans les méandres des discussions parlementaires, des arbitrages interministériels, des fonctionnements administratifs, et, au final, de perdre de vue l'essentiel à savoir le « pourquoi » de l'action.
La feuille de route que j'ai fixée à mes collaborateurs tenait donc en trois mots-clés : décloisonner avancer transmettre.
Décloisonner, c'était décloisonner nos politiques de Biodiversité, le travail des acteurs et les outils opérationnels renforcés ou mis en place.
Avancer, c'était engranger des avancées concrètes dans la lutte contre les facteurs de perte de Biodiversité.
Transmettre, c'était contribuer à la connaissance et la conscience de l'enjeu spécifique de la Biodiversité.
L'événement qui nous rassemble est en quelque sorte une illustration de cette volonté de décloisonnement.
Parce que la Biodiversité était traditionnellement perçue comme une dimension spécifique, et malheureusement trop souvent accessoire, réservée à des spécialistes, on enfermée dans des cases, notre volonté a été de gommer ces frontières artificielles. Désormais la journée du patrimoine est celle des patrimoines naturel et culturel. Cela peut paraître anecdotique, c'est à mon sens un symbole essentiel : parce que nous avons en partage non seulement un héritage culturel, mais aussi on l'oublie trop souvent des paysages, un environnement, des ressources naturelles exceptionnelles, en métropole et en outre-mer. Ce décloisonnement, nous l'avons traduit de manière conceptuelle, dans la loi, en donnant une nouvelle définition dynamique de la biodiversité, qui reconnaît les interactions entre activités humaines et biodiversité.
Affirmer, par la loi, la solidarité écologique entre les territoires, reconnaître l'apport de l'agriculture à la Biodiversité, affirmer que la préservation de la Biodiversité est une source de développement économique et d'emplois, c'était contribuer à inscrire pleinement la Biodiversité dans l'ensemble de nos politiques publiques comme dans les choix des acteurs économiques.
Le décloisonnement, c'est aussi celui des structures, jusqu'ici nombreuses et morcelées ce qui ne remet en aucun cas en cause la motivation et les résultats qui ont été les leurs qui interviennent dans nos politiques de biodiversité.
Et d'abord, des structures de gouvernance.
Le Comité national de la biodiversité votre comité, désormais constitue une instance d'information, d'échanges et de concertation sur les questions stratégiques liées à la biodiversité. Vous serez consulté par le Gouvernement sur tout sujet relatif à la biodiversité ou ayant un effet notable sur celle-ci ; vous donnerez votre avis sur les orientations stratégiques de l'Agence française pour la biodiversité j'y reviendrai dans quelques instants. Vous pourrez également et c'est un point essentiel vous saisir d'office de toute question qu'il vous semblera indispensable de traiter.
Le décret d'application, publié au Journal officiel du vendredi 17 mars 2017, a précisé ces compétences, vos modalités de fonctionnement et la composition de votre comité.
La ministre de l'environnement en est la présidente, Ségolène royal et moi-même avons souhaité que Fabienne Allag-Dhuisme que beaucoup dentre vous connaissent en soit la vice-présidente, et la Direction de l'eau et de la biodiversité en assure le secrétariat.
N'oubliez d'indiquer à celle-ci vos représentants au CNB qui seront officiellement nommés par Ségolène Royal et moi-même.
Vous formez un véritable « parlement de la nature » qui siège aujourd'hui pour la première fois. Votre assemblée remplace près d'une dizaine d'instances nationales : Le comité de suivi de la stratégie nationale pour la biodiversité, le comité national de l'Observatoire national de la biodiversité, le comité national trame verte et bleue, le comité national de suivi Natura 2000, le groupe de concertation miroir de la directive cadre stratégie milieu marin, le comité de pilotage de la stratégie de création d'aires protégées, le comité national du système d'information nature et paysage
Si j'ai tenu à citer ces organes, au risque d'une énumération un peu pénible à suivre, j'en ai bien conscience, c'est que je veux ici remercier celles et ceux qui les ont animés, qui ont contribué à leurs travaux. C'est parce qu'ils ont contribué à ouvrir des yeux, à augmenter nos connaissances, à orienter nos politiques, que la création du CNB a été possible. Vous en êtes non seulement les successeurs. Vous êtes également les continuateurs de leur travail travail auquel je veux aujourd'hui rendre hommage.
La Gouvernement dispose ainsi désormais de deux conseils nationaux puisqu'au-delà de votre comité, instance sociétale, la loi a rénové le Conseil national de la protection de la nature pour en faire une instance d'expertise scientifique et technique de haut niveau.
Le décret d'application, publié au Journal officiel samedi dernier, précise les compétences, les modalités de fonctionnement et la composition du Conseil national de la protection de la nature. Il fixe en outre les règles de transparence applicables aux experts du Conseil qui seront nommés intuitu personae pour 5 ans, et dont la liste est publiée ce matin au Journal Officiel.
La gouvernance de la biodiversité évolue également au niveau régional, avec la création des comités régionaux de la biodiversité, dont le décret est publié au Journal officiel de ce jour, et, pour l'outre-mer, avec les comités de l'eau et de la biodiversité, dont j'ai signé le décret de création hier. Ils constituent les déclinaisons du Comité national de la biodiversité au niveau territorial.
Voilà pour le décloisonnement de la gouvernance de la Biodiversité.
Y correspond un décloisonnement des moyens d'action, des outils.
Mesdames et messieurs, c'est une écologiste qui vous parle. Une écologiste qui n'oublie pas qu'en 2006, dans le pacte présidentiel qu'il avait fait signer aux principaux candidats, Nicolas Hulot préconisait la création d'une agence nationale du patrimoine naturel.
Eh bien, cette agence, sous un autre nom, mais avec la même ambition, a vu le jour au 1er janvier de cette année : l'Agence Française pour la Biodiversité (AFB) c'est en matière de Biodiversité l'illustration d'un quinquennat de l'action. Aujourd'hui, l'AFB fonctionne. Son conseil scientifique et son conseil d'administration se sont réunis plusieurs fois son quatrième conseil d'administration se réunira le 29 mars. Nous avons traduit dans les faits des engagements pris par le Président de la République lors des conférences environnementales qui ont rythmé son mandat. Il ne s'agit pas d'une structure de plus mais d'une mise en cohérence d'établissements existants, qui voient leurs moyens et leurs missions renforcés.
Car il ne suffisait pas de mettre en commun des moyens : il fallait les renforcer. L'agence compte 1200 agents présents sur l'ensemble du territoire national. 50 postes supplémentaires ont été créés. Le budget initial est de 224,6 M en autorisations d'engagement.
Le fond de roulement a été laissé à un niveau donnant des marges de manuvre appréciables que le conseil d'administration mobilisera dès la semaine prochaine (20 M au travers d'un budget rectificatif) pour lancer de nouvelles initiatives en faveur de la biodiversité.
J'ajoute que la construction de l'AFB s'est accompagnée d'avancées sociales importantes. Les agents contractuels bénéficient d'un quasi-statut, publié le 14 décembre 2016, qui s'applique également aux agents contractuels de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), des parcs nationaux, du Conservatoire du littoral et des espaces lacustres et de l'établissement public du marais poitevin. C'est une avancée sociale importante pour ces agents, dont la gestion et les perspectives de carrière sont améliorées.
Mais la biodiversité, c'est l'affaire de tous, des citoyens : il faut mobiliser et convaincre. L'AFB s'y emploiera. Sur le terrain, elle est déjà engagée avec les Régions volontaires dans la création d'Agences régionales de la Biodiversité (ARB). Les ARB pourront associer d'autres partenaires, comme les départements, les secteurs associatifs ou privés. Ces complémentarités préfigurent une nouvelle façon d'agir pour la biodiversité, en mobilisant tous les savoir-faire disponibles pour la préservation, l'entretien et la valorisation durable de notre patrimoine naturel.
La création des ARB connaît un essor remarquable. J'ai moi-même participé à plusieurs séminaires de lancement, associant un très grand nombre d'acteurs locaux, en Occitanie, Bourgogne Franche Comté, Centre Val de Loire.
La dynamique est également lancée dans d'autres régions, comme PACA, Normandie, Ile de France, et je suis convaincue qu'elle se généralisera grâce à l'effet d'entrainement de l'exemplarité.
Mais on ne décloisonne pas pour le plaisir de décloisonner.
On ne légifère pas pour le plaisir de légiférer.
On le fait pour répondre au défi de la Biodiversité, et donc pour apporter des réponses concrètes aux facteurs de perte de Biodiversité.
Lorsque je suis arrivée au gouvernement, quand j'ai constitué mes équipes, j'ai demandé à mes collaborateurs une seule chose : qu'ils apprennent par cur la liste de ces cinq facteurs. Et que pour chaque décision à prendre, pour chaque initiative à lancer, une question toujours la même soit posée : est-ce que cela permet d'avancer dans la lutte contre ces cinq menaces pour la Biodiversité :
- est-ce que nous contribuons à la lutte contre l'artificialisation des terres et la disparition de biotopes ?
- est-ce que nous permettons de limiter la surconsommation qui menace des espèces végétales ou animales ?
- est-ce que nos décisions ont pour conséquence de limiter, réduire, voire éradiquer des pollutions nocives à la Biodiversité ?
- est-ce que nous avançons dans la lutte contre les espèces exotiques envahissantes ?
- est-ce que nous nous donnons les moyens de limiter les effets du réchauffement climatique sur les espèces ?
Oui, c'est à l'aune de cette grille de lecture que nous avons agi et que nous avons, ensemble, avancé. Je dis bien ensemble, car il s'agit de résultats obtenus grâce à la mobilisation de tous, puissance publique, acteurs privés, citoyens.
Rassurez-vous, je ne vais pas ici vous détailler de manière exhaustive les avancées enregistrées dans la lutte contre ces facteurs. Pour celles et ceux que cela intéresse, mes collaborateurs en tiennent une liste, n'hésitez pas à les consulter.
Je citerai donc les principales avancées :
En matière d'artificialisation des sols et de disparition d'habitats et d'espaces naturels, l'une des principales avancées tient dans l'explicitation de la séquence Eviter Réduire - Compenser.
S'agissant de la surconsommation de ressources naturelles, permettez-moi de rappeler le renforcement des sanctions pénales pour lutter contre le trafic illégal d'espèces protégées une mention qui n'est pas sans rapport avec l'actualité, quelques jours après le scandaleux massacre à Thoiry.
Sur la lutte contre les pollutions, c'est bien sûr en premier lieu l'interdiction des pesticides contenant des néonicotinoïdes à compter du 1er septembre 2018.
Et là encore, nous sommes entrés dans l'opérationnel : le premier avis de l'ANSES rendu il y a deux jours porte sur la méthode d'identification des alternatives existantes et à son application à une étude de cas en l'espèce la cicadelle de la vigne.
Cette évaluation comparative, innovante, pourra servir pour d'autres substances préoccupantes. Réjouissons-nous de voir ainsi se concrétiser l'objectif d'accompagner les changements de pratiques vers une agriculture plus durable : c'est une bonne nouvelle et pour la nature, et pour la santé des agriculteurs.
Concernant la lutte contre les espèces exotiques envahissantes, le vote de la loi a permis la mise en uvre de la nouvelle réglementation européenne. Mais il faut parfois aller plus loin que la réglementation, et mobiliser l'ensemble des acteurs : c'est pourquoi, j'ai lancé dès l'été 2016 la rédaction d'une stratégie nationale sous la coordination de Serge Muller, ici présent. C'est avec plaisir que je vous annonce que cette stratégie, fruit d'une élaboration multi-partenariale dont une consultation du public, sera publiée dans les jours qui viennent sur le site du ministère. Des exemplaires vous en seront remis tout à l'heure, en avant-première.
Concernant enfin la réduction des impacts du changement climatique sur la biodiversité, nous avons également avancé au travers de la loi notamment et sans parler du travail considérable réalisé sous l'égide de Ségolène Royal dans le cadre de l'application des accords de Paris.
Le rôle de la biodiversité urbaine pour lutter contre le réchauffement climatique est ainsi reconnu dans le cadre des plans climat-énergie territoriaux.
Oui, voilà la grille de lecture qui nous a guidés pour avancer. Décloisonner, avancer mais aussi, disais-je, transmettre. Parce que le travail de pédagogie sur la Biodiversité doit demeurer une priorité de tous les instants.
La connaissance et la compréhension des enjeux de biodiversité ne se décrètent pas. Elles s'acquièrent dans la durée, à tous les âges, et plus particulièrement sur le terrain, au contact avec la nature.
C'est pourquoi, je crois essentiel de soutenir tous ceux qui contribuent à la sensibilisation des usagers de la nature, que ce soit les associations ou organismes d'éducation à l'environnement ; les écoles ; les gestionnaires d'espaces naturels (réserves, parcs nationaux et régionaux, conservatoire du littoral et d'espaces naturels ), les fédérations de sports de nature, les prestataires touristiques.
Je veux souligner le rôle spécifique des gestionnaires d'espaces naturels dans la mise en uvre des politiques de biodiversité. Sur le territoire, ce sont des organismes qui aident au développement en s'appuyant sur une connaissance solide des enjeux écologiques, et en mettant en uvre les outils de préservation nécessaires. L'impact va bien au-delà des frontières de ces espaces.
Mesdames et messieurs, avant de conclure et de vous laisser débuter vos travaux, je veux vous délivrer ce message : c'est par la confiance que la société s'accorde à elle-même qu'on défend le mieux la Biodiversité. Sachons apprécier les avancées, valoriser les actions réalisées sur le terrain par les entreprises, les collectivités, les citoyens : c'était le sens notamment de l'opération « la Biodiversité en action », qui recense 200 actions sur tout le territoire, et dont l'AFB reprendra prochainement le pilotage.
J'ai la conviction que notre pays est aujourd'hui mieux armé pour avancer dans la reconquête de la Biodiversité.
Et avancer, c'est aussi passer des relais.
D'une certaine manière, cet esprit de coopérations, de débats, parfois passionnés mais toujours constructifs, c'est à vous de le faire vivre et de l'entretenir.
Alors merci.
Merci pour votre attention de ce matin.
Merci à l'avance pour vos travaux et l'implication de chacune et de chacun d'entre vous, pour la contribution de chaque organisme ici représenté à la préservation de la biodiversité française.
Et longue vie au Comité National de la Biodiversité !
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 27 mars 2017
La première raison de cette satisfaction, c'est qu'ici, je sais qu'il ne m'est pas utile de consacrer une partie de mon propos à convaincre de l'importance de préserver une biodiversité menacée : je parle devant des convaincus, et cela permet d'aller directement à l'essentiel, c'est-à-dire aux moyens, au cadre et aux objectifs de la politique nationale en matière de Biodiversité.
Et mon second motif de satisfaction tient dans le moment où je m'exprime. Nous sommes en effet dans un temps politique particulier, puisque débute demain la période de réserve imposée aux membres du gouvernement dans leur communication publique et leurs déplacements, afin que se déroule une campagne électorale décisive pour l'avenir de notre pays. M'exprimer aujourd'hui devant vous m'offre donc l'opportunité de vous dire la conception qui fut la mienne de cette exaltante fonction que le Président de la République m'a confie il y a 14 mois, et de vous livrer quelques réflexions dont j'espère qu'elles seront utiles à la mission que vous allez désormais assumer.
La création d'un secrétariat d'État spécifiquement chargé de la Biodiversité constituait une première dans l'histoire politique et administrative de la France. C'était la marque d'une volonté de faire de cette question une priorité de nos politiques environnementales, dans un contexte marqué par une forte conscience sociale de l'enjeu climatique, qui avait vu notamment la réussite de la Conférence de Paris sur le climat, mais où les questions de Biodiversité demeuraient encore trop peu présentes dans les esprits de nos concitoyens. Mais c'était surtout un besoin, alors que la première grande loi sur la protection de la nature depuis celle de 1976, préparée par Philippe Martin et présentée par Ségolène Royal, était en attente d'une deuxième lecture au Parlement.
La mission que m'a confiée Ségolène Royal, que je tiens à remercier ici pour son soutien constant et sa confiance, consistait à faire aboutir l'examen de ce qui n'était encore qu'un projet de loi au Parlement et donc de peser pour que le résultat des travaux parlementaires soit le plus favorable à la Biodiversité et de concrétiser la loi votée, par la publication de l'ensemble de ses décrets d'application avant la fin de l'exercice gouvernemental.
La loi aura fait l'objet de trois lectures dans chaque Chambre, de plus de 127 heures de débat en séance publique, et de près de 7000 amendements adoptés au gré de la navette parlementaire. Je sais que certains se sont émus de la lenteur de sa genèse : je pense, au final, que ce temps passé à en peser les termes constitue un investissement pour l'avenir, car il témoigne d'une prise de conscience des enjeux.
On ne discute finalement que de ce qui est important : et même si les minutes du débat parlementaire contiennent encore quelques « perles » qui démontrent que le travail de pédagogie n'est pas arrivé à son terme, je veux ici rendre hommage à l'engagement des députés et sénateurs qui ont consacré des travaux fournis et le plus souvent fructueux à cette uvre législative, qui marquera durablement nos politiques environnementales.
Le texte final pose les fondations d'une réforme structurelle, ambitieuse et réaliste de nos politiques publiques en matière de biodiversité. Les deux tiers de ses décrets d'application sont aujourd'hui publiés. Tous les autres décrets sont en voie de publication ou en cours d'examen par le Conseil d'Etat, à qui le caractère prioritaire de ces textes a été signalé.
Faire voter la loi, en publier les décrets d'application, c'étaient là les objectifs, la destination : il nous a fallu définir une feuille de route.
Parce que l'exercice de l'Etat a ceci de particulier qu'il fait toujours encourir le risque de se perdre dans les méandres des discussions parlementaires, des arbitrages interministériels, des fonctionnements administratifs, et, au final, de perdre de vue l'essentiel à savoir le « pourquoi » de l'action.
La feuille de route que j'ai fixée à mes collaborateurs tenait donc en trois mots-clés : décloisonner avancer transmettre.
Décloisonner, c'était décloisonner nos politiques de Biodiversité, le travail des acteurs et les outils opérationnels renforcés ou mis en place.
Avancer, c'était engranger des avancées concrètes dans la lutte contre les facteurs de perte de Biodiversité.
Transmettre, c'était contribuer à la connaissance et la conscience de l'enjeu spécifique de la Biodiversité.
L'événement qui nous rassemble est en quelque sorte une illustration de cette volonté de décloisonnement.
Parce que la Biodiversité était traditionnellement perçue comme une dimension spécifique, et malheureusement trop souvent accessoire, réservée à des spécialistes, on enfermée dans des cases, notre volonté a été de gommer ces frontières artificielles. Désormais la journée du patrimoine est celle des patrimoines naturel et culturel. Cela peut paraître anecdotique, c'est à mon sens un symbole essentiel : parce que nous avons en partage non seulement un héritage culturel, mais aussi on l'oublie trop souvent des paysages, un environnement, des ressources naturelles exceptionnelles, en métropole et en outre-mer. Ce décloisonnement, nous l'avons traduit de manière conceptuelle, dans la loi, en donnant une nouvelle définition dynamique de la biodiversité, qui reconnaît les interactions entre activités humaines et biodiversité.
Affirmer, par la loi, la solidarité écologique entre les territoires, reconnaître l'apport de l'agriculture à la Biodiversité, affirmer que la préservation de la Biodiversité est une source de développement économique et d'emplois, c'était contribuer à inscrire pleinement la Biodiversité dans l'ensemble de nos politiques publiques comme dans les choix des acteurs économiques.
Le décloisonnement, c'est aussi celui des structures, jusqu'ici nombreuses et morcelées ce qui ne remet en aucun cas en cause la motivation et les résultats qui ont été les leurs qui interviennent dans nos politiques de biodiversité.
Et d'abord, des structures de gouvernance.
Le Comité national de la biodiversité votre comité, désormais constitue une instance d'information, d'échanges et de concertation sur les questions stratégiques liées à la biodiversité. Vous serez consulté par le Gouvernement sur tout sujet relatif à la biodiversité ou ayant un effet notable sur celle-ci ; vous donnerez votre avis sur les orientations stratégiques de l'Agence française pour la biodiversité j'y reviendrai dans quelques instants. Vous pourrez également et c'est un point essentiel vous saisir d'office de toute question qu'il vous semblera indispensable de traiter.
Le décret d'application, publié au Journal officiel du vendredi 17 mars 2017, a précisé ces compétences, vos modalités de fonctionnement et la composition de votre comité.
La ministre de l'environnement en est la présidente, Ségolène royal et moi-même avons souhaité que Fabienne Allag-Dhuisme que beaucoup dentre vous connaissent en soit la vice-présidente, et la Direction de l'eau et de la biodiversité en assure le secrétariat.
N'oubliez d'indiquer à celle-ci vos représentants au CNB qui seront officiellement nommés par Ségolène Royal et moi-même.
Vous formez un véritable « parlement de la nature » qui siège aujourd'hui pour la première fois. Votre assemblée remplace près d'une dizaine d'instances nationales : Le comité de suivi de la stratégie nationale pour la biodiversité, le comité national de l'Observatoire national de la biodiversité, le comité national trame verte et bleue, le comité national de suivi Natura 2000, le groupe de concertation miroir de la directive cadre stratégie milieu marin, le comité de pilotage de la stratégie de création d'aires protégées, le comité national du système d'information nature et paysage
Si j'ai tenu à citer ces organes, au risque d'une énumération un peu pénible à suivre, j'en ai bien conscience, c'est que je veux ici remercier celles et ceux qui les ont animés, qui ont contribué à leurs travaux. C'est parce qu'ils ont contribué à ouvrir des yeux, à augmenter nos connaissances, à orienter nos politiques, que la création du CNB a été possible. Vous en êtes non seulement les successeurs. Vous êtes également les continuateurs de leur travail travail auquel je veux aujourd'hui rendre hommage.
La Gouvernement dispose ainsi désormais de deux conseils nationaux puisqu'au-delà de votre comité, instance sociétale, la loi a rénové le Conseil national de la protection de la nature pour en faire une instance d'expertise scientifique et technique de haut niveau.
Le décret d'application, publié au Journal officiel samedi dernier, précise les compétences, les modalités de fonctionnement et la composition du Conseil national de la protection de la nature. Il fixe en outre les règles de transparence applicables aux experts du Conseil qui seront nommés intuitu personae pour 5 ans, et dont la liste est publiée ce matin au Journal Officiel.
La gouvernance de la biodiversité évolue également au niveau régional, avec la création des comités régionaux de la biodiversité, dont le décret est publié au Journal officiel de ce jour, et, pour l'outre-mer, avec les comités de l'eau et de la biodiversité, dont j'ai signé le décret de création hier. Ils constituent les déclinaisons du Comité national de la biodiversité au niveau territorial.
Voilà pour le décloisonnement de la gouvernance de la Biodiversité.
Y correspond un décloisonnement des moyens d'action, des outils.
Mesdames et messieurs, c'est une écologiste qui vous parle. Une écologiste qui n'oublie pas qu'en 2006, dans le pacte présidentiel qu'il avait fait signer aux principaux candidats, Nicolas Hulot préconisait la création d'une agence nationale du patrimoine naturel.
Eh bien, cette agence, sous un autre nom, mais avec la même ambition, a vu le jour au 1er janvier de cette année : l'Agence Française pour la Biodiversité (AFB) c'est en matière de Biodiversité l'illustration d'un quinquennat de l'action. Aujourd'hui, l'AFB fonctionne. Son conseil scientifique et son conseil d'administration se sont réunis plusieurs fois son quatrième conseil d'administration se réunira le 29 mars. Nous avons traduit dans les faits des engagements pris par le Président de la République lors des conférences environnementales qui ont rythmé son mandat. Il ne s'agit pas d'une structure de plus mais d'une mise en cohérence d'établissements existants, qui voient leurs moyens et leurs missions renforcés.
Car il ne suffisait pas de mettre en commun des moyens : il fallait les renforcer. L'agence compte 1200 agents présents sur l'ensemble du territoire national. 50 postes supplémentaires ont été créés. Le budget initial est de 224,6 M en autorisations d'engagement.
Le fond de roulement a été laissé à un niveau donnant des marges de manuvre appréciables que le conseil d'administration mobilisera dès la semaine prochaine (20 M au travers d'un budget rectificatif) pour lancer de nouvelles initiatives en faveur de la biodiversité.
J'ajoute que la construction de l'AFB s'est accompagnée d'avancées sociales importantes. Les agents contractuels bénéficient d'un quasi-statut, publié le 14 décembre 2016, qui s'applique également aux agents contractuels de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), des parcs nationaux, du Conservatoire du littoral et des espaces lacustres et de l'établissement public du marais poitevin. C'est une avancée sociale importante pour ces agents, dont la gestion et les perspectives de carrière sont améliorées.
Mais la biodiversité, c'est l'affaire de tous, des citoyens : il faut mobiliser et convaincre. L'AFB s'y emploiera. Sur le terrain, elle est déjà engagée avec les Régions volontaires dans la création d'Agences régionales de la Biodiversité (ARB). Les ARB pourront associer d'autres partenaires, comme les départements, les secteurs associatifs ou privés. Ces complémentarités préfigurent une nouvelle façon d'agir pour la biodiversité, en mobilisant tous les savoir-faire disponibles pour la préservation, l'entretien et la valorisation durable de notre patrimoine naturel.
La création des ARB connaît un essor remarquable. J'ai moi-même participé à plusieurs séminaires de lancement, associant un très grand nombre d'acteurs locaux, en Occitanie, Bourgogne Franche Comté, Centre Val de Loire.
La dynamique est également lancée dans d'autres régions, comme PACA, Normandie, Ile de France, et je suis convaincue qu'elle se généralisera grâce à l'effet d'entrainement de l'exemplarité.
Mais on ne décloisonne pas pour le plaisir de décloisonner.
On ne légifère pas pour le plaisir de légiférer.
On le fait pour répondre au défi de la Biodiversité, et donc pour apporter des réponses concrètes aux facteurs de perte de Biodiversité.
Lorsque je suis arrivée au gouvernement, quand j'ai constitué mes équipes, j'ai demandé à mes collaborateurs une seule chose : qu'ils apprennent par cur la liste de ces cinq facteurs. Et que pour chaque décision à prendre, pour chaque initiative à lancer, une question toujours la même soit posée : est-ce que cela permet d'avancer dans la lutte contre ces cinq menaces pour la Biodiversité :
- est-ce que nous contribuons à la lutte contre l'artificialisation des terres et la disparition de biotopes ?
- est-ce que nous permettons de limiter la surconsommation qui menace des espèces végétales ou animales ?
- est-ce que nos décisions ont pour conséquence de limiter, réduire, voire éradiquer des pollutions nocives à la Biodiversité ?
- est-ce que nous avançons dans la lutte contre les espèces exotiques envahissantes ?
- est-ce que nous nous donnons les moyens de limiter les effets du réchauffement climatique sur les espèces ?
Oui, c'est à l'aune de cette grille de lecture que nous avons agi et que nous avons, ensemble, avancé. Je dis bien ensemble, car il s'agit de résultats obtenus grâce à la mobilisation de tous, puissance publique, acteurs privés, citoyens.
Rassurez-vous, je ne vais pas ici vous détailler de manière exhaustive les avancées enregistrées dans la lutte contre ces facteurs. Pour celles et ceux que cela intéresse, mes collaborateurs en tiennent une liste, n'hésitez pas à les consulter.
Je citerai donc les principales avancées :
En matière d'artificialisation des sols et de disparition d'habitats et d'espaces naturels, l'une des principales avancées tient dans l'explicitation de la séquence Eviter Réduire - Compenser.
S'agissant de la surconsommation de ressources naturelles, permettez-moi de rappeler le renforcement des sanctions pénales pour lutter contre le trafic illégal d'espèces protégées une mention qui n'est pas sans rapport avec l'actualité, quelques jours après le scandaleux massacre à Thoiry.
Sur la lutte contre les pollutions, c'est bien sûr en premier lieu l'interdiction des pesticides contenant des néonicotinoïdes à compter du 1er septembre 2018.
Et là encore, nous sommes entrés dans l'opérationnel : le premier avis de l'ANSES rendu il y a deux jours porte sur la méthode d'identification des alternatives existantes et à son application à une étude de cas en l'espèce la cicadelle de la vigne.
Cette évaluation comparative, innovante, pourra servir pour d'autres substances préoccupantes. Réjouissons-nous de voir ainsi se concrétiser l'objectif d'accompagner les changements de pratiques vers une agriculture plus durable : c'est une bonne nouvelle et pour la nature, et pour la santé des agriculteurs.
Concernant la lutte contre les espèces exotiques envahissantes, le vote de la loi a permis la mise en uvre de la nouvelle réglementation européenne. Mais il faut parfois aller plus loin que la réglementation, et mobiliser l'ensemble des acteurs : c'est pourquoi, j'ai lancé dès l'été 2016 la rédaction d'une stratégie nationale sous la coordination de Serge Muller, ici présent. C'est avec plaisir que je vous annonce que cette stratégie, fruit d'une élaboration multi-partenariale dont une consultation du public, sera publiée dans les jours qui viennent sur le site du ministère. Des exemplaires vous en seront remis tout à l'heure, en avant-première.
Concernant enfin la réduction des impacts du changement climatique sur la biodiversité, nous avons également avancé au travers de la loi notamment et sans parler du travail considérable réalisé sous l'égide de Ségolène Royal dans le cadre de l'application des accords de Paris.
Le rôle de la biodiversité urbaine pour lutter contre le réchauffement climatique est ainsi reconnu dans le cadre des plans climat-énergie territoriaux.
Oui, voilà la grille de lecture qui nous a guidés pour avancer. Décloisonner, avancer mais aussi, disais-je, transmettre. Parce que le travail de pédagogie sur la Biodiversité doit demeurer une priorité de tous les instants.
La connaissance et la compréhension des enjeux de biodiversité ne se décrètent pas. Elles s'acquièrent dans la durée, à tous les âges, et plus particulièrement sur le terrain, au contact avec la nature.
C'est pourquoi, je crois essentiel de soutenir tous ceux qui contribuent à la sensibilisation des usagers de la nature, que ce soit les associations ou organismes d'éducation à l'environnement ; les écoles ; les gestionnaires d'espaces naturels (réserves, parcs nationaux et régionaux, conservatoire du littoral et d'espaces naturels ), les fédérations de sports de nature, les prestataires touristiques.
Je veux souligner le rôle spécifique des gestionnaires d'espaces naturels dans la mise en uvre des politiques de biodiversité. Sur le territoire, ce sont des organismes qui aident au développement en s'appuyant sur une connaissance solide des enjeux écologiques, et en mettant en uvre les outils de préservation nécessaires. L'impact va bien au-delà des frontières de ces espaces.
Mesdames et messieurs, avant de conclure et de vous laisser débuter vos travaux, je veux vous délivrer ce message : c'est par la confiance que la société s'accorde à elle-même qu'on défend le mieux la Biodiversité. Sachons apprécier les avancées, valoriser les actions réalisées sur le terrain par les entreprises, les collectivités, les citoyens : c'était le sens notamment de l'opération « la Biodiversité en action », qui recense 200 actions sur tout le territoire, et dont l'AFB reprendra prochainement le pilotage.
J'ai la conviction que notre pays est aujourd'hui mieux armé pour avancer dans la reconquête de la Biodiversité.
Et avancer, c'est aussi passer des relais.
D'une certaine manière, cet esprit de coopérations, de débats, parfois passionnés mais toujours constructifs, c'est à vous de le faire vivre et de l'entretenir.
Alors merci.
Merci pour votre attention de ce matin.
Merci à l'avance pour vos travaux et l'implication de chacune et de chacun d'entre vous, pour la contribution de chaque organisme ici représenté à la préservation de la biodiversité française.
Et longue vie au Comité National de la Biodiversité !
Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 27 mars 2017