Texte intégral
Monsieur le ministre, alors même qu'il s'agit d'un budget important, nous en discuterons rapidement - on l'a regretté et je le regrette aussi. Je souhaite en effet que l'université prenne toute sa place dans le débat politique. Comme nous aurons des élections nationales importantes dans les mois qui viennent, tout ce qui n'aura pas été dit ici sera évoqué devant l'opinion.
Je souhaite que l'université ne soit pas ce thème un peu récurrent dont on parle avec beaucoup de pudeur parce que l'on craint les événements universitaires, mais qu'il prenne sa vraie dimension politique : c'est là que se conçoit et se fait une grande partie de l'avenir de la nation.
Votre budget va jusqu'au bout de la logique ancienne, qu'elle soit de droite ou de gauche, mais cette logique n'est-elle déjà pas trop ancienne pour l'avenir ?
En clair, c'est un budget consumériste. Certes, c'est un budget solide, et je vous félicite d'avoir obtenu autant de crédits, mais il n'y a aucun redéploiement. Vous n'avez pas le discours du ministre de l'intérieur ! Je regrette qu'il ne tienne pas le vôtre, comme je regrette que vous ne teniez pas un peu le sien. Vous auriez pu redéployer vos moyens et lui aurait sans doute eu besoin de davantage de crédits. Je rends ainsi presque hommage à votre habileté budgétaire !
S'il est riche en crédits, ce budget, comme les précédents d'ailleurs, de droite comme de gauche, car le système l'impose, est relativement pauvre en qualité.
Ce qui me frappe, c'est que, comme les précédents, il témoigne que l'ascenseur social que représente l'enseignement supérieur est en panne. Alors que le siècle précédent avait commencé sur l'idée que le diplôme était un ascenseur social, notre siècle commence par un constat beaucoup plus douloureux; le diplôme, hélas !, ne permet plus l'ascension sociale.
Les chiffres sont redoutables: un fils d'agriculteur sur cinquante étudiants dans l'enseignement supérieur, un fils d'artisan sur dix, un tiers d'enfants des professions intermédiaires dans les formations longues ! En revanche, 30 % de fils d'ouvriers dans les IUT, 40 % dans les STS.
Ce système qui, normalement, devrait s'améliorer, devient de plus en plus sélectif socialement. Le rapport Attali soulignait la différence entre l'augmentation du nombre des écoles d'ingénieurs au début du XXème siècle et le nombre d'ingénieurs formés au début du XXIème, avec toutes les conséquences sociales que cela peut avoir. Il y avait 5 000 étudiants formés dans les écoles d'ingénieurs en 1900, il y en a 77 000 en 2000, mais le nombre des étudiants formés dans les universités a crû, lui, de manière exponentielle. En réalité, il y a de moins en moins d'élèves qui vont dans les grandes écoles, et celles-ci prennent une tournure de plus en plus sélective face à une université qui pâtit du décalage numérique.
Devant une telle situation, la dernière des attitudes à avoir est l'attitude conservatrice. Je suis persuadé, moi, que l'université souffre non pas d'un manque de moyens, mais d'une vision essentiellement conservatrice, consumériste et centralisée qui atteint désormais ses limites.
Je crois que c'est la loi, votée il y a vingt ans qui opprime l'initiative universitaire, car, à côté du conservatisme national, et je ne porte pas de jugement péjoratif sur votre budget, l'université et l'enseignement supérieur fourmillent d'initiatives locales. On a le sentiment que notre université piaffe ! Le budget de l'enseignement supérieur donne des moyens, mais il n'y a pas d'adéquation entre la volonté qui vient de la base et ce qui est fait au sommet.
Certes, le problème des structures se pose, mais c'est grâce à l'ascenseur social que nous pourrons modifier les choses. Vous l'avez tellement bien senti que vous avez abordé le problème par le biais de l'initiative, ô combien controversée ! de l'institut d'études politiques.
J'avais manifesté une opposition mesurée à cette initiative. Si, sur le plan du droit, elle était singulière, elle permettait sans doute d'ouvrir une brèche dans la politique centralisée qui résulte de la loi Savary. A partir de dispositions accentuant la pluralité, dont la finalité est l'égalité des chances, il y a des possibilités de modernité.
Je terminerai par deux questions précises.
Je voudrais d'abord que vous nous parliez davantage des technologies de l'information et de la communication qui préfigurent nos universités du XXIesiècle. Il y a des projets, il y a des moyens : 80 millions, ce n'est pas ridicule. Est-ce suffisant ? Comment voyez-vous l'évolution des technologies de l'information dans les universités dans un climat de concurrence internationale ?
Ensuite, qu'en est-il de l'évaluation en matière universitaire ? On connaît ce chiffre terrible, qui est le chiffre central de ce budget, de la faible réussite au DEUG. J'ai lu avec attention la note publiée par votre ministère en 1999 sur l'analyse des DEUG. Je ne la trouve pas satisfaisante et je pense que nous devrions avoir un débat politique sur l'évaluation; car c'est d'une évaluation sincère que dépendra en grande partie la réforme de l'université.
L'évaluation dans les universités est aujourd'hui primaire. Elle se fonde sur le succès et mérite d'être nuancée, comme l'a d'ailleurs été, et j'approuve ce choix, celle concernant le secondaire
(source http://www.claude-goasguen.org, le 26 novembre 2001)
Je souhaite que l'université ne soit pas ce thème un peu récurrent dont on parle avec beaucoup de pudeur parce que l'on craint les événements universitaires, mais qu'il prenne sa vraie dimension politique : c'est là que se conçoit et se fait une grande partie de l'avenir de la nation.
Votre budget va jusqu'au bout de la logique ancienne, qu'elle soit de droite ou de gauche, mais cette logique n'est-elle déjà pas trop ancienne pour l'avenir ?
En clair, c'est un budget consumériste. Certes, c'est un budget solide, et je vous félicite d'avoir obtenu autant de crédits, mais il n'y a aucun redéploiement. Vous n'avez pas le discours du ministre de l'intérieur ! Je regrette qu'il ne tienne pas le vôtre, comme je regrette que vous ne teniez pas un peu le sien. Vous auriez pu redéployer vos moyens et lui aurait sans doute eu besoin de davantage de crédits. Je rends ainsi presque hommage à votre habileté budgétaire !
S'il est riche en crédits, ce budget, comme les précédents d'ailleurs, de droite comme de gauche, car le système l'impose, est relativement pauvre en qualité.
Ce qui me frappe, c'est que, comme les précédents, il témoigne que l'ascenseur social que représente l'enseignement supérieur est en panne. Alors que le siècle précédent avait commencé sur l'idée que le diplôme était un ascenseur social, notre siècle commence par un constat beaucoup plus douloureux; le diplôme, hélas !, ne permet plus l'ascension sociale.
Les chiffres sont redoutables: un fils d'agriculteur sur cinquante étudiants dans l'enseignement supérieur, un fils d'artisan sur dix, un tiers d'enfants des professions intermédiaires dans les formations longues ! En revanche, 30 % de fils d'ouvriers dans les IUT, 40 % dans les STS.
Ce système qui, normalement, devrait s'améliorer, devient de plus en plus sélectif socialement. Le rapport Attali soulignait la différence entre l'augmentation du nombre des écoles d'ingénieurs au début du XXème siècle et le nombre d'ingénieurs formés au début du XXIème, avec toutes les conséquences sociales que cela peut avoir. Il y avait 5 000 étudiants formés dans les écoles d'ingénieurs en 1900, il y en a 77 000 en 2000, mais le nombre des étudiants formés dans les universités a crû, lui, de manière exponentielle. En réalité, il y a de moins en moins d'élèves qui vont dans les grandes écoles, et celles-ci prennent une tournure de plus en plus sélective face à une université qui pâtit du décalage numérique.
Devant une telle situation, la dernière des attitudes à avoir est l'attitude conservatrice. Je suis persuadé, moi, que l'université souffre non pas d'un manque de moyens, mais d'une vision essentiellement conservatrice, consumériste et centralisée qui atteint désormais ses limites.
Je crois que c'est la loi, votée il y a vingt ans qui opprime l'initiative universitaire, car, à côté du conservatisme national, et je ne porte pas de jugement péjoratif sur votre budget, l'université et l'enseignement supérieur fourmillent d'initiatives locales. On a le sentiment que notre université piaffe ! Le budget de l'enseignement supérieur donne des moyens, mais il n'y a pas d'adéquation entre la volonté qui vient de la base et ce qui est fait au sommet.
Certes, le problème des structures se pose, mais c'est grâce à l'ascenseur social que nous pourrons modifier les choses. Vous l'avez tellement bien senti que vous avez abordé le problème par le biais de l'initiative, ô combien controversée ! de l'institut d'études politiques.
J'avais manifesté une opposition mesurée à cette initiative. Si, sur le plan du droit, elle était singulière, elle permettait sans doute d'ouvrir une brèche dans la politique centralisée qui résulte de la loi Savary. A partir de dispositions accentuant la pluralité, dont la finalité est l'égalité des chances, il y a des possibilités de modernité.
Je terminerai par deux questions précises.
Je voudrais d'abord que vous nous parliez davantage des technologies de l'information et de la communication qui préfigurent nos universités du XXIesiècle. Il y a des projets, il y a des moyens : 80 millions, ce n'est pas ridicule. Est-ce suffisant ? Comment voyez-vous l'évolution des technologies de l'information dans les universités dans un climat de concurrence internationale ?
Ensuite, qu'en est-il de l'évaluation en matière universitaire ? On connaît ce chiffre terrible, qui est le chiffre central de ce budget, de la faible réussite au DEUG. J'ai lu avec attention la note publiée par votre ministère en 1999 sur l'analyse des DEUG. Je ne la trouve pas satisfaisante et je pense que nous devrions avoir un débat politique sur l'évaluation; car c'est d'une évaluation sincère que dépendra en grande partie la réforme de l'université.
L'évaluation dans les universités est aujourd'hui primaire. Elle se fonde sur le succès et mérite d'être nuancée, comme l'a d'ailleurs été, et j'approuve ce choix, celle concernant le secondaire
(source http://www.claude-goasguen.org, le 26 novembre 2001)