Déclarations de M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur, sur les orientations du gouvernement pour les négociations de l'OMC, Deauville le 11 octobre et Paris le 17 octobre 2001.

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Circonstance : "Oganisation mondiale du commerce : quels enjeux pour l'agriculture et l'agroalimentaire normands ?" à Deauville le 11 octobre-Commission des Affaires étrangères et la Délégation pour l'Union européenne, à l'Assemblée nationale le 17 octobre 2001

Texte intégral


"Organisation Mondiale du Commerce :
Quels enjeux pour l'agriculture et l'agroalimentaire normands ?"
Messieurs les présidents, Mesdames, Messieurs,
Depuis deux ans maintenant que je suis chargé du commerce extérieur au sein du gouvernement, j'ai eu souvent l'occasion de préciser les missions qui sont les miennes. Elles peuvent être rassemblées autour de deux axes fondamentaux :
- définir le cadre et les règles des échanges internationaux.
- contribuer au développement international des entreprises.
La journée que je viens de passer en Normandie illustre parfaitement ces priorités : contribuer au développement international des entreprises, avec la mise en place du PARDI filière équine.
Définir, en concertation avec les acteurs de vie économique et sociale de notre pays, les règles autour desquelles nous souhaitons voir s'organiser les échanges internationaux.
Et c'est précisément là l'objet du colloque que, Monsieur le président, vous avez organisé aujourd'hui au centre international de Deauville.
Dans ce contexte, permettez-moi, Mesdames et Messieurs, de remercier les chambres d'agriculture de Normandie d'avoir pris l'initiative de cette journée de réflexions.
Je tiens également à vous féliciter du remarquable travail d'analyse et de prospective que vous avez entrepris en élaborant le dossier " OMC : sensibilité des filières agroalimentaires normandes ".
Souvent, pour nos concitoyens, l'OMC, c'est loin, c'est abstrait, c'est très (trop) complexe, certains vont jusqu'à dire hostile à nos intérêts. Le travail que vous avez réalisé est exemplaire : il s'agit d'un document pédagogique, d'un document de réflexion, d'un outil d'aide à la décision. Les six fiches, pour six filières, que vous avez rédigées présentent les enjeux des négociations commerciales pour nos entreprises, et nos agriculteurs, d'une manière qui est ancrée dans la réalité du terrain. Elle s'appuie également sur la capacité d'analyse des chambres d'agriculture, avec des présentations parfaitement claires des accords de Marrakech.
Je serais prêt, Monsieur le président, à accueillir ce dossier, si vous l'acceptez, sur le portail OMC qui figure sur le site internet du secrétariat d'Etat au commerce extérieur.
1. Pour en venir maintenant au sujet que vous m'avez demandé d'exposer devant vous - mais vous aurez compris que je ne m'en étais pas vraiment éloigné -, je souhaiterais d'abord rappeler simplement cinq données.
Première donnée : nous nous trouvons aujourd'hui dans la dernière ligne droite qui nous sépare de la réunion ministérielle de l'OMC. La volonté d'aboutir, de réussir, est désormais largement partagée. Les événements du 11 septembre ont d'une manière générale renforcé le besoin de coopération, de dialogue, et de régulation au niveau mondial, et ont conduit en quelque sorte à serrer les rangs ; ce qui n'exclut pas, évidemment, la détermination de chacun à négocier au mieux de ses intérêts.
Deuxième donnée : plus que jamais, une réponse doit être apportée aux demandes des pays en développement. On le sait depuis Seattle, l'OMC n'est plus un club réunissant les grandes puissances commerciales. Il s'agit d'une organisation mondiale, à vocation universelle, qui compte aujourd'hui plus de 140 membres et s'apprête à accueillir la Chine.
Troisième donnée : pour éviter un second échec, après celui de Seattle, il nous faut d'abord réussir la préparation de la conférence. De ce point de vue, les projets de déclaration qui ont été préparés par le président Harbinson constituent une base de travail sérieuse. Nous ne sommes plus face à un catalogue de demandes irréconciliables, comme l'était le projet de déclaration de Seattle.
Quatrième donnée : l'Europe souhaite qu'un équilibre soit trouvé entre libéralisation des échanges et développement des règles multilatérales. Il nous paraît important, en conséquence, qu'une négociation soit engagée, à l'intérieur du cycle, sur l'environnement, sur les normes sociales, sur l'investissement, sur la concurrence, mais aussi sur les considérations non commerciales qui sont la substance de la multifonctionnalité de l'agriculture.
Cinquième donnée : l'objectif, pour la conférence de Doha, est de s'entendre sur des objectifs de négociation. L'objectif n'est pas de déterminer par avance les résultats de la négociation.
Cette dernière remarque est tout particulièrement vraie pour la négociation agricole. Dans notre esprit, il ne peut pas, il ne doit pas y avoir d'acompte agricole versé à Doha. L'Union répète, depuis que la négociation agricole a redémarré, en janvier 2000, qu'elle négociera de bonne foi, sur la base de l'article 20 de l'accord sur l'agriculture. Mais il n'est pas envisageable d'aller au delà du mandat qu'a reçu la Commission.
J'ajoute, à ce sujet, que si l'Union est prête à négocier de bonne foi, elle ne manquera pas de rappeler qu'elle a, également, appliqué de bonne foi les accords de Marrakech, avec des engagements budgétaires transparents et prévisibles. Est-il besoin de rappeler que de leur côté, les dépenses budgétaires américaines en matière agricole ont été multiplié par six entre 1996 et 2000, et qu'en 2000, chaque agriculteur américain a reçu plus de trois fois le montant des paiements directs accordés à son homologue européen ?
2. S'agissant maintenant du projet qui est sur la table à Genève, ce texte, même s'il est incontestablement meilleur que celui de Seattle, ne nous convient pas encore.
Reconnaissons tout d'abord que le projet de M. Harbinson est plus satisfaisant que celui de Seattle. Il suffit pour s'en assurer d'écouter les critiques que le groupe de Cairns a déjà adressées à ce texte.
En revanche, deux éléments de ce texte au moins me paraissent devoir être nettement améliorés.
Premièrement, les considérations non commerciales, avec en arrière-plan la reconnaissance de la spécificité de l'activité agricole. Aucune de ces préoccupations n'est écartée a priori, puisque le texte renvoie aux propositions de négociation présentées à l'OMC dans le cadre de l'agenda incorporé, où les questions de sécurité alimentaire, de sécurité sanitaire des aliments, de développement rural, d'environnement, d'information des consommateurs et d'étiquetage ont déjà été abordées. Le problème, c'est que ces préoccupations ne sont pas définies comme des sujets en soi de la négociation, mais plutôt comme une toile de fond générale, ce qui n'offre pas suffisamment de garantie quant à la place qu'il leur sera accordée par la suite.
Deuxièmement, la mention du retrait progressif des subventions à l'exportation nous pose un réel problème de fond. L'étude que vous avez réalisée montre bien, en effet, que l'équilibre économique de certaines filières, soit parce qu'elles ont atteint les plafonds d'engagements des accords de Marrakech, soit parce qu'elles en sont potentiellement proches, continue de dépendre des restitutions. Si l'on prend l'exemple de la Normandie, 7 % des livraisons normandes de produits agricoles bénéficient de restitutions. Hors marché national et exportations vers les pays de l'Union européenne cependant, 75 % des exportations normandes à destination des pays tiers ont lieu avec restitutions. Doit-on, peut-on se priver de ce débouché ?
Entendons-nous bien : le commissaire Lamy a confirmé la semaine dernière, au cours de la journée OMC qu'organisaient l'APCA, la FNSEA et le CNJA, que " la PAC était la poule, et que l'OMC était l'uf ". Il y a un équilibre général de la politique agricole commune, qui suppose la parfaite complémentarité du volet à l'importation, du volet interne et du volet à l'exportation. Agenda 2000 permet certains ajustements, mais il n'autorise pas la Commission à remettre en cause l'équilibre des organisations communes de marché, à introduire une rupture dans l'équilibre de la politique agricole commune, au nom des seuls impératifs de la négociation commerciale.
3. Dans ce contexte, il n'y a pas de divergence d'analyse entre le négociateur communautaire et la France. Pascal Lamy a rappelé devant le conseil, lundi dernier à Luxembourg, qu'une prénégociation n'était pas envisageable. Dans cette logique, le terme de retrait progressif, qui vise les subventions à l'exportation, n'est donc pas plus acceptable que celui d'élimination.
Que la politique agricole commune doive évoluer, c'est sans doute une nécessité. Depuis ses débuts, elle n'a, d'ailleurs, jamais cessé de le faire. Si elle doit évoluer encore, c'est parce que les attentes de la société à l'égard de l'agriculture changent elles-mêmes avec le temps. Demande croissante d'une agriculture durable, respectueuse de l'environnement, demande de davantage de traçabilité et de sécurité, volonté d'avoir une agriculture moderne et compétitive, les exigences de la société sont multiples, parfois contradictoires, en tout cas pressantes. Ne serait-ce que parce que ces demandes existent, la spécificité de l'agriculture est démontrée.
Nous souhaitons que cette spécificité soit également reconnue dans les règles de l'OMC, et c'est ce qui motive l'équilibre que nous recherchons, dans les prochaines négociations, entre la poursuite du processus de libéralisation et le développement de nouvelles règles.
Par cette approche équilibrée, nous en sommes convaincus, l'OMC peut, à travers ses disciplines, contribuer à rendre les échanges agricoles mieux organisés, les risques mieux maîtrisés, tout en respectant le droit de toute société démocratique à choisir sa politique agricole.
(source http://www.minefi.gouv.fr, le 18 octobre 2001)
Préparation de la Conférence ministérielle de l'Organisation Mondiale du Commerce
devant la Commission des Affaires Etrangères et la Délégation pour l'Union Européenne
Messieurs les Présidents,
Mesdames et messieurs les députés,
Je suis heureux de pouvoir présenter aujourd'hui devant vous les orientations du Gouvernement pour les négociations de l'OMC. Je l'avais fait à la veille et au lendemain de la troisième Conférence ministérielle. Nous avons maintenu, avec les représentants du Parlement, un dialogue constant depuis lors. J'y suis particulièrement attentif, convaincu que nous ne pouvons laisser sans réponses les préoccupations de nos concitoyens face à la mondialisation.
Nous engageons cette audition au lendemain de la réunion informelle de Singapour, qui a rassemblé une vingtaine des membres de l'OMC, représentant près de 90 % du commerce mondial, sans exclure les représentants des PMA. A moins d'un mois de la quatrième Conférence ministérielle de cette organisation, ces discussions témoignent de la volonté commune d'aller de l'avant, quelles que puissent être les interrogations sur le lieu de la rencontre.
En tout état de cause, j'exprimerai une double conviction : l'appel de l'Europe à un renforcement du système commercial international, est plus que jamais d'actualité, tout comme le reste notre vision d'une mondialisation régulée, préservant l'équilibre nécessaire entre la libéralisation des échanges et le respect de règles communes.
Comment et pourquoi un nouveau cycle de négociations répond il à ces exigences ?
Il y va de nos intérêts de puissance industrielle, quatrième exportateur mondial de marchandises et troisième des services, qu'il ne faut pas oublier évidemment. Mais il y va également de l'intérêt d'un développement économique international qui peut profiter à tous. Je n'ignore pas les polémiques qui entourent l'échange international. Aux modèles théoriques des économistes libéraux, on oppose à juste titre la course au moins disant social, les impacts sociaux et environnementaux de productions tournées exclusivement vers l'exportation, les risques sanitaires et écologiques des transports et de la circulation des marchandises. Mais on ne peut nier également que beaucoup de pays, pas tous malheureusement, en associant ouverture commerciale progressive et réformes économiques, ont entamé un phénomène de rattrapage des pays industrialisés.
Les excès mais aussi les réussites de la mondialisation doivent donc nous conduirent à maîtriser l'échange international, à le limiter voire à l'interdire quand il menace la santé, l'environnement, les solidarités nationales essentielles, mais aussi à le promouvoir quand il peut être créateur de richesses.
L'OMC demeure le lieu privilégié et l'instrument de ce projet. Son renforcement, tout comme sa légitimité aux yeux de nos sociétés civiles et de nos partenaires en développement exigent aujourd'hui de couvrir tout à la fois les préoccupations d'accès aux marchés et les disciplines.
Le mandat confié par les Etats membres de l'Union européenne à la Commission en octobre 1999 détaille cette ambition. Il reste, de l'avis général, pleinement d'actualité. L'Union européenne, espace économique ouvert, première puissance commerciale et importatrice nette de produits agricoles, forte d'économies ayant su s'insérer avec profit dans un monde globalisé, n'a pas à redouter la poursuite des négociations à l'OMC. Elle peut, et doit rester un acteur de premier plan dans le concert international.
Elle porte à Genève un triple message, sur lequel je voudrais un instant m'arrêter.
Celui d'un soutien déterminé au multilatéralisme, tout d'abord, qui est au cur de la politique commerciale extérieure de l'Union. L'OMC garantit la cohérence du système commercial international, en contenant les risques de fractionnement et de discrimination liés aux initiatives bilatérales et régionales de libéralisation. Elle offre à tous les pays membres, quel que soit leur poids dans le commerce mondial, une voix égale dans la décision. Elle renforce depuis deux ans sa transparence, et travaille à rendre son fonctionnement interne plus démocratique. Le prochain cycle devra être l'occasion d'avancées nouvelles sur ces terrains.
Mais, avant tout, l'OMC est née de la conviction, très largement européenne, que seule une organisation internationale forte serait à même d'imposer la règle du droit à tous les partenaires de l'échange international. Parfois décrié, manifestement efficace et assurément perfectible, l'organe de règlement des différends mis en place à l'OMC offre la seule garantie possible contre les sanctions unilatérales et les rapports de force du passé. Les pays en développement y ont de plus en plus largement recours. A ce jour, ils ont gagné à l'OMC plus de panels (18) que les Etats-Unis (16), et autant que l'Union européenne.
Le cycle de négociation doit être l'occasion d'améliorer ce mécanisme. Accroître sa transparence, clarifier ses procédures, professionnaliser les groupes spéciaux chargés de juger en première instance et réexaminer le mécanisme des sanctions constituent dans ce domaine, avec le renforcement nécessaire de l'assistance technique au bénéfice des pays en développement, les principales propositions européennes pour la prochaine négociation.
Le second message, plus traditionnel pour l'Europe, mais d'une actualité renouvelée, est celui de l'ouverture à l'égard des pays en développement. L'initiative " tout sauf les armes ", par laquelle l'Union offre aux pays les moins avancés un accès demain sans restriction à son marché, s'inscrit dans cette démarche, dont procèdent les régimes préférentiels accordés dans le cadre du Schéma des Préférences Généralisées ou celui de la convention de Cotonou. Elle a été saluée par nos partenaires.
Les pays en développement non PMA attendent désormais des pays développés des efforts substantiels à l'OMC, au titre de la mise en uvre des accords de Marrakech. Nous savons les difficultés sectorielles rencontrées dès lors que l'on parle d'accès, en particulier dans notre pays. Nous les retrouvons aujourd'hui à l'OMC dans le secteur textile-habillement, prioritaire pour de très nombreux pays en développement. La Commission a pris récemment certaines initiatives en ce domaine que nous allons examiner attentivement, avec les professionnels et nos partenaires de l'Union.
Le troisième message est celui de l'engagement des Etats pour une gouvernance de la mondialisation. C'est le plus politique, celui qui touche aux valeurs. L'Europe propose une vision équilibrée et responsable de la mondialisation. Les années récentes ont confirmé que les règles du commerce international ne peuvent, ce qu'elles ne font d'ailleurs pas, traiter à l'identique automobiles, biens d'équipement et d'autre part médicaments, produits agricoles, films ou produits issus des biotechnologies. Les opinions publiques ont, depuis l'accord AMI de l'OCDE et la réunion de Seattle, imposé un recul critique sur le commerce international. La mobilisation récente sur les médicaments essentiels a donné la mesure de ces remises en cause.
L'Europe est attelée à la construction d'un marché unique européen respectueux de l'environnement ; attentive à la protection du consommateur et aux conditions de la concurrence elle a spontanément replacé les enjeux de l'ouverture commerciale dans une perspective plus large, dans laquelle la préservation des services publics, la responsabilité des pouvoirs publics face au risque sanitaire ou la promotion de la diversité culturelle et linguistique sont autant d'exigences dans la négociation à l'OMC. Elle joue un rôle au premier plan dans le débat sur la santé. La France veillera à ce qu'elle y fasse entendre sa voix avec fermeté.
Les conditions sont-elles aujourd'hui réunies pour lancer un tel programme de négociations ?
Il est certainement trop tôt pour spéculer sur l'issue de la prochaine Conférence ministérielle, car les négociateurs n'abattront leurs cartes que dans la dernière phase. Il reviendra très certainement à nous ministres de trancher les derniers points de désaccord, et d'arrêter le contenu d'un accord final équilibré.
L'attitude des pays en développement, tout d'abord. Très hostiles au lancement d'un cycle, ils étaient préoccupés à Seattle de possibles actions contentieuses, à un moment où prenaient fin les périodes de transition dont ils avaient bénéficié à l'issue du cycle d'Uruguay. Ils sont aujourd'hui dans une autre disposition d'esprit. Les travaux sur la mise en oeuvre des accords de Marrakech, qui mobilisent depuis deux ans les négociateurs, devraient déboucher sur des décisions lors de la prochaine conférence ministérielle.
Dans le même temps, le Cadre intégré en faveur des PMA, qui associe dans une démarche de coopération originale six organisations internationales et agences des Nations-Unies, a été renforcé. L'intégration des politiques commerciales dans les stratégies de développement fait désormais l'objet de réflexions conjointes dans les organisations internationales concernées, OMC et institutions de Bretton Woods. Les pays en développement disposent à Genève d'une influence sans précédent. Elle s'exprime par exemple dans la proposition de texte préparé pour la Conférence dans les passages consacrés au rapport entre commerce et dette, à la sécurité alimentaire, à la protection des savoirs traditionnels.
Enfin, la détermination des principaux pays développés à relancer la négociation de l'OMC les a, depuis le retour des Etats-Unis dans le jeu multilatéral, convaincus de s'inscrire dans cette perspective. La confirmation de l'entrée prochaine de la Chine à l'OMC, et la prise de position de ce pays en faveur d'un nouveau cycle en mai dernier ont pesé en ce sens, tout comme la perspective, en cas d'échec à l'OMC, de voir les principales puissances commerciales se tourner vers l'approche bilatérale ou régionale.
Le principe du lancement d'un cycle faisant donc l'objet d'un consensus plus large, la négociation porte depuis l'été sur le programme de la négociation. A cet égard, je suis convaincu que le dossier de la mise en oeuvre sera déterminant, tout comme l'équilibre finalement trouvé sur les sujets - investissement, concurrence et environnement, normes sociales - regardés avec inquiétude voire indignation par les pays en développement.
Le second élément concerne l'approfondissement de la coopération internationale depuis deux ans, dans des domaines sensibles pour nos opinions publiques. L'OMC n'est pas tenue pour responsable de tous les maux de la mondialisation, ni invitée à les corriger tous. Mais l'efficacité de son mécanisme de règlement des différends justifie que la négociation des règles nouvelles fasse l'objet d'une constante vigilance, et d'un dialogue renforcé avec la société civile.
Son rôle, dans un ensemble international où chaque organisation, selon le principe de spécialité, est appelée à contribuer à la gouvernance mondiale, est mieux perçu. Dans le domaine de la santé par exemple, l'OMS, l'OMPI, la Banque Mondiale, sont autant, sinon plus légitimes que l'OMC pour favoriser l'accès aux médicaments essentiels.
En l'absence d'une organisation mondiale de l'environnement que la France appelle de ses vux, la cause environnementale progresse dans les enceintes compétentes, en dehors de l'OMC : la réunion de Bonn a vu récemment le succès des efforts engagés sur le front du réchauffement climatique. Au lendemain de la Conférence de Seattle avait abouti le processus de Carthagène, lors de la réunion de Montréal sur la bio-sécurité.
Isolée hier dans la défense de son " exception culturelle ", l'Europe est aujourd'hui, avec le Canada, à l'origine d'un projet ambitieux visant à faire adopter à l'Unesco une déclaration universelle sur la diversité culturelle et à réfléchir à l'élaboration d'un instrument juridique international sur la diversité culturelle.
En matière sociale, M. Somavia a récemment relancé le groupe de travail de l'OIT sur les conséquences sociales de la mondialisation, auquel l'OMC et la CNUCED participent en observateurs. Encore insuffisante - nous souhaitons en effet que l'OIT devienne observateur à l'OMC - cette collaboration renforce la cohérence que nous appelons de nos vux entre les organisations internationales collectivement responsables du développement durable. Le cycle large proposé par l'Union à l'OMC doit contribuer à cette coordination, sans laquelle il n'y aura pas d'architecture internationale viable.
La troisième différence par rapport à la dernière Conférence ministérielle tient à la qualité du processus de préparation. La coopération entre les négociateurs européen et américain, l'activité du président du Conseil Général de l'OMC, l'ambassadeur de Hong Kong, ont contribué à la préparation dans les délais impartis du premier projet de déclaration ministérielle.
Court, contrairement au document transmis aux ministres à Seattle, ce texte a été considéré très largement comme une base de travail sérieuse.
Pour l'Europe, il présente l'intérêt de contenir tous les sujets du mandat d'octobre 1999, donc d'ouvrir la voie à un programme de négociation large. Il retient le principe d'un engagement unique permettant une évaluation finale sur l'ensemble des sujets.
Mais il reste insuffisant sur plusieurs points, que je souhaite commenter brièvement devant vous, dans l'ordre du texte.
L'agriculture, tout d'abord. Plus ramassée qu'à Seattle, la rédaction reprend les principaux objectifs assignés à cette négociation par l'article 20 de l'accord agricole de Marrakech : réduction des soutiens internes et de toutes les formes du soutien à l'exportation, et baisse des protections tarifaires, en tenant compte de préoccupations non commerciales et du traitement spécial et différencié au bénéfice des pays en développement. Mais le projet retient l'objectif d'une élimination des restitutions, que l'Union a jugé inacceptable, qualifie l'ampleur des réductions attendues sur les soutiens internes et fait une place trop modeste aux considérations de développement rural, d'environnement, ou de sécurité des aliments.
L'environnement est un second sujet de préoccupation pour l'Union. Nous défendons l'inclusion de ce sujet dans le prochain cycle de négociations, pour que puisse notamment y être clarifiée l'articulation des normes commerciales et environnementales. Les Etats-Unis, satisfaits des accords actuels et prêts à s'en remettre à la jurisprudence, restent hostiles à une telle négociation. Les pays en développement, inquiets de voir leurs produits soumis à des exigences environnementales renforcées, campent sur la même ligne.
Le négociateur communautaire estime aujourd'hui que des assurances devront être données à ces partenaires sur le caractère non protectionniste de la démarche communautaire. Je pense qu'en raison des divergences très profondes qui subsistent sur ce sujet, tout autant que de son caractère transversal, il conviendra de retenir une approche à plusieurs composantes.
La question sociale continue de diviser. Elle a précipité l'échec de la Conférence de Seattle en 1999. Elle reste au cur du débat sur la mondialisation. A ce titre, elle ne peut être ignorée à l'OMC.
La prise en compte du développement social dans le préambule du projet de déclaration ministérielle apparaît très en retrait par rapport aux évolutions les plus récentes que je viens de rappeler. Le travail engagé par l'OIT sur la mondialisation mérite d'être salué par l'OMC, et nous pensons que la réunion ministérielle devrait être l'occasion d'un appel à un dialogue renforcé entre les organisation internationales concernées. L'idée du forum permanent entre l'OMC et l'OIT, élargi à d'autres organisations, devra continuer d'être promue avec vigueur par l'Union européenne. M. Somavia, que j'ai rencontré très récemment à Paris, en est pleinement conscient.
La prochaine négociation doit, enfin, être l'occasion d'approfondir les règles multilatérales. Les travaux analytiques engagés à l'OMC en 1996, et ceux conduits à l'OCDE ou par la CNUCED, témoignent des liens étroits entre les politiques commerciales et celles concernant l'investissement et la concurrence. L'objectif est de définir à l'OMC un ensemble de principes garantissant la mise en place de politiques transparentes et non discriminatoires. A ce stade, il n'est pas acquis qu'un accord puisse être trouvé sur ces deux sujets. Les pays en développement demandent en effet la simple poursuite des travaux en cours. Les plus hostiles d'entre eux pourraient accepter de rallier une négociation s'ils restaient libres de signer les accords en fin de négociation.
Par delà ces observations spécifiques, je voudrais souligner devant vous que le projet de déclaration propose un programme plus ambitieux que la simple ouverture des marchés. Discipliner les soutiens à l'agriculture, organiser les baisses tarifaires de manière concertée, assurer plus de transparence dans la passation des marchés publics, négocier, comme il est prévu, des disciplines en matière de subventions et de marchés publics dans les services constituent autant d'objectifs sur lesquels un consensus paraît possible, porteurs de régulation autant que de libéralisation.
J'ai eu l'occasion de dire à nos partenaires communautaires, en septembre dernier, que nous ne pourrions nous satisfaire de n'importe quel résultat à Doha. J'en reste convaincu aujourd'hui. Le Commissaire ne dit pas autre chose à nos partenaires, lorsqu'il énonce les points durs de la position européenne.
Le Conseil Affaires générales du 29 octobre prochain sera l'occasion de vérifier si l'objectif du lancement d'un cycle porteur de développement de gouvernance commerciale peut être atteint.

(source http://www.commerce-exterieur.gouv.fr, le 24 octobre 2001)