Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, sur la politique budgétaire du gouvernement, le projet de suppression de la taxe d'habitation pour 80 pour cent des foyers.

Prononcé le

Média : France Info

Texte intégral

FABIENNE SINTES
Notre invité ce matin est le ministre de l'Action et des Comptes publics.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Gérald DARMANIN.
GERALD DARMANIN
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le Premier ministre Edouard PHILIPPE a assuré mardi lors de son discours de politique générale que le déficit du budget 2017, ce n'est pas gagné, serait bien ramené à 3 %.
Extrait
Alors pour ramener le déficit public à 3% du PIB il faut économiser 4 milliards. Vous savez déjà où auront lieu ces économies ?
GERALD DARMANIN
J'ai effectivement proposé à monsieur le Premier ministre un certain nombre d'économies qui touche tous les ministères, et le Premier ministre va rendre des arbitrages dans la semaine. Aujourd'hui c'est entre effectivement 4 et 5 milliards d'euros qu'il faut économiser. Je voudrais juste vous arrêter quelques instants sur le fait que la France depuis dix ans, depuis 2008, a dépassé les 3 %, elle a dépassé sa parole. C'est pas un diktat de Bruxelles, c'est la propre parole de la France qui n'est pas respectée. Il y a eu la crise économique, mais depuis la crise économique l'Allemagne a retrouvé un niveau de dette, un niveau de déficit qui est acceptable….
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y a même des excédents en Allemagne.
GERALD DARMANIN
Nous étions 5 pays l'année dernière à être au-dessus des 3 %, plus que deux cette année – la France et l'Espagne – et si nous ne faisons rien il n'y aura plus que la France.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et donc à l'instant le porte-parole du gouvernement Christophe CASTANER annonce des baisses dans tous les ministères, donc ça rejoint la proposition que vous faites ; Il manque maintenant l'arbitrage du Premier ministre, si j'ai bien compris.
GERALD DARMANIN
Alors ce n'est pas une question de baisse, c'est une question d'économie, de ralentir la dépense. Je veux juste qu'on s'arrête quelques instants sur ce point…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est pareil.
GERALD DARMANIN
Non ce n'est pas tout à fait pareil. Parce que le gouvernement il va agir sur deux fronts. Le premier c'est de tenir la parole du président de la République qui est parti, les 3 %. Le président de la République qui est parti…
JEAN-MICHEL APHATIE
François HOLLANDE.
GERALD DARMANIN
Il a proposé à Bruxelles 2,8 % de déficit. La Cour des Comptes a constaté 3,2 % si jamais nous faisons déjà 4 milliards d'économie, donc en fait on est à 3,4 % aujourd'hui. Et le président de la République actuel a tenu des promesses, des engagements de financement de ces promesses électorales et de calendrier de ces mesures fiscales notamment pour encourager l'entreprise. Donc on doit à la fois faire des économies en 2017 – ce sont les 5 milliards – et préparer 2018 et plus tard. Donc nous devons à la fois faire du court terme, faire des économies aujourd'hui ; pour mon ministère, par exemple c'est 120 millions d'euros d'économie que nous allons nous imposer jusqu'à la fin de cette année…
JEAN-MICHEL APHATIE
120 millions d'euros d'économie dans votre ministère au Budget …
GERALD DARMANIN
Exactement. Et en même temps on doit organiser les réformes structurelles, parce qu'on ne peut pas gérer la France comme ça au milieu d'année, chaque année en faisant des économies alors que les lois et les budgets ont été votés par le Parlement.
GILLES BORNSTEIN
Quand vous annoncez vous et Christophe CASTANER des mesures sur tous les ministères, ça veut dire qu'on continue la politique du rabot, il n'y a rien de structurel, c'est voilà on enlève 1 % un petit peu partout.
GERALD DARMANIN
On n'enlève pas 1 % un peu partout. Je voudrais juste attirer votre attention que lorsqu'on est au mois de juillet il est bien difficile de faire du structurel pour que ce qui arrive jusqu'en décembre, parce que le structurel par principe c'est des réformes sur le logement, sur l'éducation… toutes les réformes qu'a annoncé le Premier ministre et Emmanuel MACRON pendant sa campagne c'est des réformes qui prennent du temps à trouver des économies ; Donc c'est pour ça qu'il faut les faire dès maintenant. C'est pour ça que nous discutons dès cet été par ordonnance des lois Travail. Mais il est vrai que pour tenir la promesse des 3 %, qui est extrêmement importante, ce n'est pas une question de pourcentage fétichiste, il est aujourd'hui très important de descendre ce déficit parce que ça va diminuer la progression de notre dette qui va elle-même permettre de baisser les impôts. Juste vous arrêtez sur un point : chaque seconde la France a 2400 euros de déficit en plus. A la fin de votre émission vous allez avoir plus de 3 millions d'euros de déficit.
FABIENNE SINTES
On va la raccourcir alors.
GERALD DARMANIN
Chaque Français qui nait c'est 35 000 euros de dette. On ne peut pas continuer comme ça.
GILLES BORNSTEIN
Mais ça vous le dites tout le temps.
GERALD DARMANIN
Je ne le dis pas tout le temps, ça fait cinq semaines que je suis ministre et je voudrais juste dire quelques mots. Depuis que je suis adhérent dans un parti politique, depuis que je m'intéresse à la chose publique, j'entends des responsables politiques qui disent « la génération d'après va payer l'endettement d'aujourd'hui ». Sauf que la génération d'après c'est le ministre de l'Action et des Comptes publics puisque depuis 74 vote des budgets en déséquilibre.
JEAN-MICHEL APHATIE
Exact, nous avons noté aussi dans le discours du Premier ministre mardi une forme de recul parce que plusieurs baisses d'impôt étaient annoncées et puis certaines apparaissent moins certaines après le discours du Premier ministre, c'est notamment le fait de la taxe d'habitation. Le président de la République avait promis qu'elle baisserait pour 80 % des Français et à écouter Edouard PHILIPPE mardi on s'est pris à douter. On écoute.
Extrait
Là le Premier ministre est très clair : « La baisse de la taxe d'habitation dépend de la négociation avec les collectivités locales ». Donc on ne peut pas dire aujourd'hui que 80 % des assujettis vont être exonérés de la taxe d'habitation.
GERALD DARMANIN
Je ne me permettrais pas d'interpréter les propos du Premier ministre. Je pense qu'au contraire il a été très clair. Nous allons accomplir la promesse du président de la République, et je peux ici vous dire qu'il y aura 80 % de la taxe d'habitation supprimée pour les Français.
JEAN-MICHEL APHATIE
D'ici la fin du quinquennat ?
GERALD DARMANIN
Cependant il y a d'abord une concertation sur les modalités de la suppression de cette taxe, qui est à la fois injuste pour les Français et qui permet des ressources pour les collectivités locales, je le sais j'ai été maire et je sais que c'est une ressource qui est aujourd'hui inéquitable pour les collectivités, mais qui existe. Et le 17 juillet, le Premier ministre va présider la Conférence des territoires pour parler de cette question qui est dans un paquet global, si j'ose dire, sur les territoires, la réforme territoriale, la façon dont vivent les dotations, la façon dont vivent ces recettes fiscales. Mais le président de la République a dit dans sa campagne « ce sera sur trois ans, que l'on va supprimer la taxe d'habitation, ce sera sur trois ans qu'on supprimera la taxe d'habitation », et à la fin du quinquennat il n'y aura plus de taxe d'habitation pour 80 %.
GILLES BORNSTEIN
Trois ans, ça commence quand ?
GERALD DARMANIN
Le principe c'est que nous en discutions avec les collectivités territoriales, mais le principe du président de la République c'est que ça commence le plus vite possible, pour redonner du pouvoir d'achat aux Français.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais pas en 2018.
GERALD DARMANIN
Aujourd'hui nous allons faire une Conférence territoriale le 17 juillet, il y aura une loi de finances et dans la loi de finances qu'on va présenter en septembre au Parlement il y aura la question de la suppression de la taxe d'habitation.
JEAN-MICHEL APHATIE
La taxe d'habitation commencera à baisser dès la loi de finances 2018.
GERALD DARMANIN
La loi de finances 2018 permettra de voir les mécanismes qui permettront la baisse de cette taxe d'habitation.
GILLES BORNSTEIN
Ca peut être décidé dans la loi de finances mais pour plus tard.
GERALD DARMANIN
Si vous m'invitez au mois de septembre je serais heureux de répondre exactement à la question que vous me posez.
FABIENNE SINTES
Quand on voit que monsieur CASTANER dit que les baisses d'impôts décidées avant la fin de l'année pourront entrer en vigueur dès 2018 ou 2019 ça ne concerne pas la taxe d'habitation, on est d'accord ; parce que si on parle de trois ans c'est pas 2019 c'est 2020.
GERALD DARMANIN
Moi j'entends vos questions. Je voudrais juste qu'on s'arrête une minute sur la nouveauté de ce gouvernement. Nous avons constaté 8 milliards de différence entre ce qui est prévu au budget et la Cour des Comptes. Chaque gouvernement vous dit « c'est terrible, c'est le coup de l'héritage, et du coup 1/ on ne fera pas toutes les promesses ; 2 / on augmente les impôts dès l'été – c'est ce que font la plupart des gouvernements, c'est ce qui s'est passé notamment en 2012 – pour combler ce déficit ». Le président de la République et le Premier ministre vous disent « pas du tout, nous on constate ce trou et ce n'est pas des économies, par aucune augmentation d'impôt que nous comblerons ce déficit ». Alors qu'il y ait par ailleurs ici ou là des questions sur le calendrier c'est tout à fait normal, mais il faut dire que la mère des batailles c'est la maitrise de notre dépense publique. On ne peut plus continuer à dépenser autant qu'avant, ce n'est plus possible.
(…)
GILLES BORNSTEIN
Le Premier ministre a aussi annoncé des dépenses nouvelles, et particulièrement celle concernant le nouveau service militaire. On l'écoute
Extrait
Alors il avait parlé pendant la campagne d'une durée d'un mois, le président de la République, est-ce que vous confirmez et combien ça va vous coûter, à vous ministre du Budget aux finances publiques ?
GERALD DARMANIN
J'entends votre question. Le Premier ministre vient de dire qu'il y a la concertation pour connaitre les modalités. Est-ce que c'est un service qui est simplement géré par le ministère des Armées, est-ce que c'est quelque chose qui est plus interministériel…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça coûte.
GERALD DARMANIN
J'entends bien. Il y a une concertation… Attendez, attendez… Mais évidemment qu'il y a des dépenses…
GILLES BORNSTEIN
La durée d'un mois qui avait été dite par le président de la République n'est plus certaine.
GERALD DARMANIN
Vous aurez constaté que je ne suis pas le Premier ministre et que je n'ai pas en charge ce dossier. Je veux dire qu'aujourd'hui le Premier ministre il a annoncé des concertations pour mettre en place… le ministre du Budget va participer pour mettre en place le service national qui est une nécessité pour notre pays. Sur ce point très précis, puisque vous ne me posez pas la question je me permets d'y répondre – puisqu'il y a des interrogations – il y a des engagements qui ont été pris aussi sur certaines politiques publiques. Le fait que tous les ministères doivent faire des économies et faire des réformes à terme, tous les ministères doivent le faire – parce que c'est l'action publique – il n'y a pas aujourd'hui de lieu sacré pour éviter de faire des réformes ; et il y a en revanche des ministères qui vont connaitre – c'est la promesse du président de la République – des augmentations de moyens. C'est effectivement le cas du ministère de la Défense, parce que nos militaires depuis longtemps connaissent effectivement ce manque de moyens. Ça ne veut pas quand il y a une augmentation de moyens qu'il n'y a pas des réformes à faire à l'intérieur de ce ministère. Mais ce sera la promesse tenue du président de la République.
JEAN-MICHEL APHATIE
On a manqué de réflexe effectivement tout à l'heure, dans la liste que vous avait donné le Premier ministre, le ministère de l'Intérieur, le ministère de la Défense figurent sur cette liste.
GERALD DARMANIN
Il y a dans tous les ministères des économies de fonctionnement à faire. Ca ne veut pas dire monsieur APHATIE qu'il y a des baisses de budget. C'est-à-dire qu'il y a des économies à faire. Et il y a notamment…
JEAN-MICHEL APHATIE
La subtilité m'échappe, mais ce n'est pas grave.
GERALD DARMANIN
Mais non, ce n'est pas du tout une subtilité. Vous savez le monde se modernise, la numérisation, la réforme territoriale, la façon dont les Français vivent, doivent pousser tous les ministères à adapter non seulement le nombre d'agents qu'il y a dans les services publics, la façon dont ils retravaillent, la façon dont il y a des gains de productivité, notamment à Bercy, la réforme de la numérisation des impôts a permis non seulement des gains en productivité et une meilleure efficacité pour les Français. Donc tous les ministères doivent se réformer. Cette année est une année difficile pour les finances publiques. 2018 est aussi une année extrêmement difficile parce que non seulement il y a des mauvaises nouvelles, la Cour des Comptes dit « insincérité, biais de construction», jamais elle n'a dit des choses comme ça. Cette année, mais en plus l'année prochaine, nous allons commencer l'année, dit la Cour des Comptes, avec plus de 9 milliards de recettes en moins, puisque les promesses du gouvernement précédent sont impactées budgétairement l'année prochaine. Donc on a deux années difficiles. La parole de la France et la souveraineté c'est de ne pas être l'enfant malade de l'Europe budgétairement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc peut-être que les militaires auront davantage de moyens, mais en attendant ils devront commencer par faire des économies. Pourquoi on vous a posé la question du service militaire ? Parce que vous dites, vous le répétez depuis le début de cette émission, le Premier ministre l'a dit : « ce qui est important c'est de maitriser la dépense publique », et puis il y a de nouvelles dépenses ; et le service tel que l'a annoncé le président de la République est évalué à à peu près 2 milliards, ce qui est énorme ! Vous faites 4 milliards d'économie sur l'année, et rien qu'avec une mesure ça coûterait 2 milliards.
GERALD DARMANIN
Moi je voudrais surtout vous dire que ce qui coûte 2 milliards c'est l'augmentation d'un point de taux d'intérêt.
JEAN-MICHEL APHATIE
Moi je vous parle du service miliaire. Le service militaire coûte cher, voire très cher.
GERALD DARMANIN
Je vais vous répondre. Aujourd'hui ce qui coûte le plus cher c'est la non maitrise par la France de ses taux d'intérêt. Chacun peut le comprendre.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous l'avez déjà dit.
GERALD DARMANIN
Non, non, je ne l'ai pas dit. Un ménage qui s'endette il paye à la fin, s'il est trop endetté, beaucoup plus de taux d'intérêt que lorsqu'il est endetté raisonnablement. Et plus il s'endette plus il est difficile de négocier des bons taux d'intérêt.
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce qu'on a les moyens de faire un service militaire à 2 milliards ? C'est ça la question posée au ministre du Budget, nommé maintenant ministre des Comptes publics.
GERALD DARMANIN
Mais évidemment qu'on a les moyens de le faire si on fait des réformes structurelles à partir de maintenant pour les années qui viennent. Le Premier ministre n'a pas dit que le service militaire entrait en vigueur au 1er septembre de cette année !! Il a dit que nous allons faire une concertation pour le financer à partir du moment où on fait des réformes structurelles. Quand on fait un certain nombre de réformes structurelles, regardez ce qu'il a dit sur la réforme de l'éducation nationale : « notre niveau de lycée coûte trop cher, le bac coûte très cher, en revanche il y a des moyens à mettre dans l'école primaire ». Nous dépensons deux fois plus en politique du logement avec des résultats moins performants souvent que les autres pays européens.
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce que vos services, qui évaluent tout, et qui ont une compétence extraordinaire, ont évalué le coût du service militaire ?
GERALD DARMANIN
Alors je pense que vous pouvez me poser la question en javanais, en chinois médiéval ou en chtimi, monsieur APHATIE, je vous dis que …
JEAN-MICHEL APHATIE
Je ne vous demande pas le chiffre, est-ce que vous avez une note qui vous donne un chiffre ?
GERALD DARMANIN
Je vous dis que aujourd'hui ce qu'ont fait les services de Bercy avec un travail effectivement très important et très réduit, c'est à la fois boucler un budget 2017. Quand vous arrivez aux responsabilités et que vous avez 8 milliards de trou, ce n'est pas extrêmement agréable. Et quand par ailleurs on vous demande, et c'est bien normal, de ne pas augmenter les impôts, et c'est tout à fait logique, vous devez faire preuve d'imagination, un peu de fermeté et de courage, c'est ce qu'on essaye de faire avec le Premier ministre aujourd'hui.
GILLES BORNSTEIN
Alors en chinois, non pas médiéval, mais de la renaissance, peut-être que vous pourrez nous dire, la ministre de la Santé a dit sur RTL ce matin que l'augmentation du prix du paquet de cigarettes à 10 euros serait effective dans 3 ans, est-ce que vous confirmez ?
GERALD DARMANIN
Il y a une augmentation qui est prévue par le gouvernement, le Premier ministre l'a dit, pour lutter contre le tabagisme très fortement. Et c'est tout à fait normal.
GILLES BORNSTEIN
Dans trois ans le paquet coûtera 10 euros.
GERALD DARMANIN
Ce n'est pas tout à fait ce qu'a dit la ministre de la Santé, je l'ai écouté en venant vous voir, elle a dit qu'elle aimerait qu'effectivement …
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah, elle aimerait. Et vous est-ce que vous aimeriez ?
GERALD DARMANIN
Moi je suis dans un gouvernement et ce gouvernement il a expliqué qu'il y aura une augmentation du prix du tabac, et ce qui est normal. Parce que le tabagisme est un fléau. En même temps, il faut le dire, et elle le sait très bien, madame BUZYN…
GILLES BORNSTEIN
En même temps.
GERALD DARMANIN
Je la rejoins dans quelques instants pour aller à la Commission des comptes de la sécurité sociale, les buralistes doivent être accompagnés, il y a un travail d'harmonisation fiscale européen, les douanes font un travail très fort contre la contrebande, donc cette augmentation du prix du tabac elle est légitime, on va la faire la plus rapidement possible, en concertation aussi avec les professionnels, les buralistes…
GILLES BORNSTEIN
Donc elle a fait part d'un souhait et non pas d'une décision ? Ce n'est pas acté.
GERALD DARMANIN
Evidemment que nous allons accompagner cette augmentation de tabac et le plus rapidement possible en lien avec les professionnels. Et c'est tout à fait normal. En tout cas c'est un courage très fort que de le faire, parce que ce n'est pas une position facile que de porter cette augmentation du prix du tabac. Et moi je suis totalement solidaire de cette décision, elle est nécessaire pour la santé publique, elle doit aussi s'accompagner notamment dans les zones frontalières d'une explication plus particulière. Ce que nous allons faire évidemment.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le ministre des transports a évoqué elle une possible taxe pour les poids lourds qui circuleraient sur le réseau secondaire français, vous confirmez ça aussi, que c'est à l'étude.
GERALD DARMANIN
Alors d'abord je voudrais dire que la ministre des Transports elle a affaire aussi à une situation dramatique. Puisque entre tous les engagements qu'ont été pris précédemment et l'argent qu'il y a pour les financer il y a, non pas une rivière, mais un canyon.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc une taxe pour les poids lourds ?
GERALD DARMANIN
J'entends bien que vous répondiez toujours par taxe, on peut aussi répondre par économie. Ce qu'a annoncé le président de la République dans son discours de Rennes, c'est qu'il y avait une pause dans ces infrastructures, et on va faire une loi de programmation après les Assises de la mobilité que doit présider madame la ministre des Transports. Et il y a un financement sans doute de ces infrastructures. Il y a dans le programme du président de la république un rattrapage essence-diesel. Nous verrons si entre les infrastructures qui ont été choisies – parce qu'aujourd'hui on ne connait pas lesquelles seront dans cette loi de programmation, dans ces Assises de la mobilité et les ressources, nous rediscuterons effectivement des recettes qui permettent d'atteindre ces infrastructures.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc la ministre des Transports a parlé un peu vite ?
GERALD DARMANIN
Ce n'est pas ce que j'ai dit du tout. La méthode d'un gouvernement ne peut pas être « on va avoir besoin de dépense et donc de recettes ». La méthode du gouvernement c'est comment on dépense moins pour éviter des augmentations d'impôt.
FABIENNE SINTES
Vous conviendrez qu'on ne sait pas sur le service militaire, on verra. On ne sait pas sur le paquet à 10 euros parce qu'on verra il y aura concertation. On ne sait pas sur la taxe d'habitation parce qu'on verra il y aura concertation. Bien sur qu'il faut concerter mais tout ça ce sont des choses qui ont été annoncées à un moment, donc …
GERALD DARMANIN
Je comprends que vous confondiez 5 semaines avec 5 années, je serais très heureux d'être ministre de l'Action et des Comptes publics pendant cinq années, ça dépendra du Premier ministre et du président de la République. Aujourd'hui il y a une urgence, le Parlement est réuni depuis une semaine, j'entends votre impatience…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n'est pas de l'impatience, comment vous avez réagi quand vous avez lu les Echos hier. La ministre des Transports qui dit « une taxe sur les poids lourds », comment vous avez réagi ?
GERALD DARMANIN
Mais je crois que l'une des erreurs….
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous vous êtes dit « tiens je découvre !! ».
GERALD DARMANIN
Non pas du tout. Je trouve que l'une des erreurs du quinquennat précédent c'est d'avoir reculé sur une taxation qui était, me semble-t-il, intelligente même si elle pouvait être modulée, qui a d'ailleurs coûté à la France, et qui permettait de financer une partie de ces infrastructures. Voilà. Donc je comprends tout à fait qu'un ministre des Transports se pose la question.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc c'est le retour de l'écotaxe.
GERALD DARMANIN
Ce n'est pas ce que j'ai dit monsieur APHATIE. Ce que je veux vous dire c'est que si on veut éviter d'avoir des augmentations de recette il faut diminuer la dépense. Personne dans ce pays n'à jamais diminuer la dépense. Vous auriez pu passer le moment du discours du Premier ministre où il dit « l'année prochaine - c'est un engagement très fort sur lequel il est bien difficile de tenir cet engagement et on va le tenir - 0 % d'augmentation de dépense dans le budget de l'Etat. Jamais personne n'a fait 0 % d'augmentation.
(…)
JEAN-MICHEL APHATIE
On vous avoue qu'on est un peu perdu parce qu'on parle beaucoup d'économie. Moi j'ai entendu le Premier ministre dire, évoquer plutôt, un emprunt de 50 milliards d'euros pour financer la transition écologique et puis hier le ministre de l'Economie, votre collègue à Bercy, vous partagez les bureaux de ce grand ensemble à Bercy, lui évoque un emprunt de 10 milliard pour une loi sur (phon). Alors est-ce que les deux s'additionnent, et puis ces emprunts, on sort l'argent d'où ? J'ai lu par ailleurs, c'est ce qu'a dit aussi le ministre de l'Economie Bruno LE MAIRE c'est qu'il y aurait des cessions d'actifs de l'Etat pour commencer à financer ces emprunts. Alors est-ce que vous confirmez 60 milliards d'emprunt dans les années à venir ?
GERALD DARMANIN
Il y a deux choses. Il y avait 50 milliards d'investissement prévus par le président de la République dans sa campagne électorale, une mission a été confiée à monsieur PISANI-FERRY. Ces investissements vont pouvoir programmer les infrastructures, les investissements, les réformes, l'innovation, la numérisation de l'Etat et une partie de ces innovations pour les collectivités locales.
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc les 10 milliards de Bruno LE MAIRE ils sont là-dedans.
GERALD DARMANIN
Non, ce n'est pas comme ça qu'on raisonne, si vous me le permettez. Justement ces milliards d'euros, ces 50 milliards d'euros sont notamment permis par le fait qu'on fait des réformes de structure de fonctionnement. Je voudrais juste vous rappeler que plus vous faites des dépenses de fonctionnement, moins vous pouvez investir. Et effectivement quand vous investissez du coup vous n'investissez que par l'emprunt.
GILLES BORNSTEIN
La même réduction d'impôt ne peut pas à la fois servir à réduire le déficit et servir à l'investissement ? Quand on économise 10 euros on ne s'en sert qu'une fois.
GERALD DARMANIN
Je vais m'arrêter quelques instants. Il y a à la fois des économies d'impôt, baisse de recettes de la part de l'Etat, et il y a aussi, nous l'espérons, une situation économique qui s'améliore, parce qu'on ne baisse pas les impôts pour le plaisir de baisser les impôts. On baisse les impôts pour remettre l'initiative. Par exemple lorsque l'on dit « on va mettre fin à une partie de la taxe Tobin française dans le cadre du Brexit pour faire revenir en France à Paris un certain nombre de personnes qui travaille dans la finance », nous espérons évidemment – il y a une perte de recette, la suppression d'une taxe, ou la diminution d'une taxe – et en même temps plus de gens qui la paient. Le principe qui consiste à dire que les gens doivent être tous surtaxés parce qu'on récupère plus de recette est un mauvais principe. Il faut que beaucoup de gens puissent payer peu d'impôt, ce qui permet d'avoir plus de recette en dynamique.
GUY BIRENBAUM
Pardon, il n'y a pas d'emprunt. Moi je n'ai pas compris, j'ai compris 50 milliards, il n'y a pas d'emprunt. Vous nous dites ce matin qu'il n'y a pas d'emprunt.
GERALD DARMANIN
Je voudrais juste terminer, parce que j'ai été interrogé sur les recettes. Il y a 50 milliards, ça c'est le plan du président de la république. Et il y a les 10 milliards qu'annonce effectivement monsieur le ministre de l'Economie et des Finances dont il a d'ailleurs précisé ces dernières heures qu'il y avait une vente des participations de l'Etat. Il appartient au ministre de l'Economie et des Finances de dire quels sont les ventes de ces participations d'Etat. Je pense qu'il vous les dira avec plaisir. Et effectivement l'idée c'set e pouvoir être en équilibre entre les ventes, les recettes et les infrastructures. Moi je vous dis très franchement, on ne peut pas continuer éternellement, non seulement à creuser la dette mais à le faire sans augmentation du budget de la Recherche depuis dix ans, sans augmentation de l'entretien courant des infrastructures, sans augmentation du niveau moyen de l'Education nationale. Nous avons fait de la mauvaise dépense publique et donc de la mauvaise dette.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nous avons fait, vous incluez là dedans le quinquennat SARKOZY par exemple. Vous en étiez l'un des soutiens à la place qui est la vôtre à l'époque.
GERALD DARMANIN
Vous aurez constaté que je n'étais pas membre du gouvernement. Ou alors j'étais extrêmement précoce monsieur APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous étiez déjà dans un ministère, je ne me trompe pas.
GERALD DARMANIN
Je voudrais juste vous dire vraiment ce point très important, parce qu'on a l'impression que ce qu'annonce le gouvernement c'est assez facile. Depuis 1974 les budgets sont en déséquilibres. Et depuis au moins trente ans nous travaillons à répondre aux déficits, à la dette par des augmentations d'impôt. Nous allons faire exactement l'inverse. Notre but est de rééquilibrer le budget de l'Etat et de ne pas augmenter les impôts pour combler les déficits, défendre la baisse de la dépense publique. Nous avons une addiction en France à la dépense publique. Et comme toute addiction elle est agréable au début et elle pose de vrais problèmes ensuite. Il faut se battre contre cette addiction.
GUY BIRENBAUM
Les addictions, il y a des traitements vous savez.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui il y a des sevrages.
GERALD DARMANIN
Vous savez il y a notamment un thermomètre et ce thermomètre c'est celui de la Cour des Comptes. Et on ne discute pas le thermomètre. La Cour des Compte…
GILLES BORNSTEIN
J'ai une dernière question, le Parisien ce matin prétend que vous avez un conseiller spécial assez prestigieux qui s'appelle Nicolas SARKOZY qui vous donne des conseils. C'est vrai ?
GERALD DARMANIN
C'est tout à fait faux. Moi j'ai beaucoup d'affection… je ne sais pas si je peux avoir de l'amitié, mais j'ai beaucoup d'affection pour le président Nicolas SARKOZY, et s'il nous arrive de nous appeler c'est pour parler de football.
FABIENNE SINTES
Vous vous appelez donc de temps en temps, sérieusement monsieur DARMANIN ?
GERALD DARMANIN
J'ai croisé le président Nicolas SARKOZY hier à l'enterrement de madame VEIL.
FABIENNE SINTES
Vous avez parlé football ?
GERALD DARMANIN
Non je n'ai pas parlé football à l'enterrement de madame VEIL. Mais je peux vous assurer que j'ai gardé avec lui des relations me semble-t-il cordiales, et beaucoup d'affection pour lui comme avec Xavier BERTRAND. On peut avoir des chemins politiques qui divergent et garderai une amitié. La politique ce n'est pas tout dans la vie.
GUY BIRENBAUM
Vous faites des fiches entre minuit et trois heures du matin, c'est écrit aussi dans le Parisien, ça va vous dormez, vous n'êtes pas trop fatigué ?
GERALD DARMANIN
Est-ce que j'ai l'air fatigué !!
JEAN-MICHEL APHATIE
Non vous n'avez pas l'air, pas trop. Mais que vous ne parliez que football avec Nicolas SARKOZY, on a du mal à le croire, mais peut-être.
GERALD DARMANIN
Vous êtes moins passionné que lui peut-être ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Moi je suis moins passionné de football que vous.
GUY BIRENBAUM
Je pense qu'il est plus passionné de politique que de football.
GERALD DARMANIN
Je n'en suis pas tout à fait certain.
JEAN-MICHEL APHATIE
Merci d'avoir accepté notre invitation.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 20 juillet 2017