Interview de M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics, à "RTL" le 11 juillet 2017, sur les économies budgétaires à réaliser

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEROME CHAPUIS
Elizabeth MARTICHOUX, vous recevez ce matin le ministre de l'Action et des comptes publics !
ELIZABETH MARTICHOUX
Bonjour Gérald DARMANIN.
GÉRALD DARMANIN
Bonjour.
ELIZABETH MARTICHOUX
Au Budget, vous êtes en effet le ministre qui serre les vis. Merci d'être sur RTL ce matin. Vous confirmez avoir trouvé quatre milliards et demi d'économies supplémentaires pour tenir la promesse des 3 % de déficits en 2017 ?
GERALD DARMANIN
Oui, le président de la République et le Premier ministre m'ont demandé de trouver effectivement entre 4 et 5 milliards d'euros suite au rapport de la Cour des comptes, qui était alarmant, des sous-budgétisations, des sous-recettes, des coûts partis, qui n'étaient pas prévus, si j'ose dire, comme la recapitalisation d'AREVA, et donc nous avons trouvé 4,5 milliards d'euros que je détaille ce matin.
ELIZABETH MARTICHOUX
Pour arriver aux 3 %, 3 %, ni plus ni moins de l'objectif ?
GERALD DARMANIN
Non, mais bien sûr, on va tenir la parole de la France, parce que quand on est patriote, on aime tenir la parole de la France, mais on ne tient pas les 3 % pour Bruxelles, on ne tient pas les 3 % pour vous-même, si je puis me permettre, pour le chiffre des 3 %, on le tient pour le fait qu'on doit réduire un déficit qui, depuis 2008, a toujours été au-dessus des 3 %, et un budget qui est en déséquilibre depuis 1974.
ELIZABETH MARTICHOUX
Ce serait un drame d'être à 3,1 % ou 3,2 % ?
GERALD DARMANIN
Mais, ce qui est un drame, c'est de continuer d'augmenter le déficit, de mentir quand on est en responsabilité politique face au Parlement, face à la Commission européenne, face aux médias, face aux Français, et de continuer à expliquer qu'on peut laisser filer des déficits, que ça n'a pas de conséquences, alors que plus de déficits, c'est plus de dettes, plus de dettes, c'est plus d'impôts.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous dites : ce n'est pas pour Bruxelles, mais quand même, Emmanuel MACRON, l'Européen, qui veut être en première ligne pour redonner de la force à l'Europe, pour être crédible, il doit bien se soumettre à la discipline budgétaire. Il y a ça aussi…
GERALD DARMANIN
Alors, la France ne se soumet pas, le président de la République ne se soumet pas, je voudrais simplement dire que nous avons des engagements, et même si nous n'étions pas dans des traités européens, nous devrions limiter notre déficit, parce que quand on a…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ce n'est pas une question de crédibilité quand même vis-à-vis de Bruxelles, il n'y a pas aussi ça ?
GERALD DARMANIN
Non, mais la crédibilité, c'est quand par trois fois la France dit : oui, oui, promis, je vais faire 3 %, et que chaque année, elle revient et dit : ben, non, je ne peux pas les faire. Ça, ce n'est pas crédible. La France, elle a su dire à la Commission européenne, au Parlement français, aux Français : voilà, je vais dépasser mes déficits, parce que, par exemple, je fais un plan de relance. Mais quand les autres pays, au moment de la sortie de la crise économique, je pense à l'Allemagne, avait la même dette que nous, a parfois fait de la relance, elle est redevenue une dette normale, 65, 66 % pour l'Allemagne, alors que nous, nous avons augmenté notre dette de 30 points de différence, alors que nous avions la même dette que l'Allemagne. Donc trop de déficits, c'est trop de dettes, trop de dettes, c'est – tout le monde peut le comprendre – trop d'intérêts pour payer cette dette, qui est aujourd'hui le deuxième budget de l'Etat, devant celui de la Défense. Et à la fin, ça fait plus d'impôts. Puisqu'on veut réduire les impôts pour relancer le pouvoir d'achat des Français, pour aider les entreprises et créer de l'emploi, nous devons baisser notre déficit.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, pour être dans l'épure de ces 3 %, donc vous trouvez quatre milliards et demi d'euros d'économies supplémentaires, est-ce que par exemple des recrutements dans la Fonction publique ont été différés ?
GERALD DARMANIN
Non, ce que je souhaite vous dire, c'est que lorsqu'on a construit le budget 2017, sous l'ancien gouvernement, l'ancien Parlement, il y avait sept milliards de différence quand la Cour des comptes l'a constaté, et le Budget. Le budget a dérivé de sept milliards. Nous ne baissons pas le budget 2017, nous diminuons la hausse, la dérive de ces sept milliards. Donc sur ces sept milliards, nous ne dépenserons donc que deux milliards et demi de plus que le budget 2017, tout le monde voit que ce n'est pas de la rigueur…
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, vous renoncez donc à des…
GERALD DARMANIN
Ce n'est pas de la rigueur, c'est simplement être rigoureux.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous renoncez à des dépenses, uniquement…
GERALD DARMANIN
Alors, quand on fait des économies, en effet, chaque Français peut comprendre qu'on renonce à des dépenses…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous renoncez à des dépenses prévues d'ici à la fin de l'année, lesquelles ?
GERALD DARMANIN
Oh, nous avons à chacun des ministères de voir quels sont les crédits qui, au milieu de l'année, pouvaient être économisés sans remettre en cause le service public.
ELIZABETH MARTICHOUX
Par exemple, la réinstauration – pardon, je reviens sur les fonctionnaires – la réinstauration du jour de carence, ce n'est pas pour maintenant, c'est pour dans l'an prochain…
GERALD DARMANIN
Alors, c'est effectivement pour l'année prochaine, mais par exemple, l'ancien gouvernement avait consommé 70 % de l'enveloppe pour les contrats aidés en quatre mois et demi, c'est-à-dire 190.000 contrats, avec madame la ministre du Travail, nous avons décidé de ne mettre en place que 110.000 contrats aidés pour ces derniers mois d'ici la fin de l'année.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, vous prenez plus ou moins un peu partout ? Vous faites un petit coup de rabot partout…
GERALD DARMANIN
Alors c'est le contraire du rabot !
ELIZABETH MARTICHOUX
… Ministères…
GERALD DARMANIN
Le rabot, c'est moins 3, moins 5 % partout, et on ne discute pas. Au contraire, nous avons vu, ministère par ministère, là où on pouvait faire des économies, parce que, en face, il y avait aussi des dépenses à ouvrir, moi, je voudrais dire que je suis très sensible à l'électorat populaire, aux demandes populaires, il n'y avait plus de crédit pour l'hébergement d'urgence de cet hiver. Il n'y en avait plus, ce n'était pas budgétisé. Il n'y avait pas la possibilité de payer l'intégralité de l'allocation adulte handicapé d'ici la fin de l'année. Donc il fallait trouver des économies, et ces économies permettent notamment de faire face à ces prestations. Je voudrais dire aussi que nous avons fait quatre milliards et demi d'économies sans toucher aux collectivités locales, sans toucher à la Sécurité sociale, sans toucher aux minima sociaux…
ELIZABETH MARTICHOUX
Ça, ce sont les lignes rouges…
GERALD DARMANIN
C'est-à-dire que c'est le budget de l'Etat, c'est l'Etat lui-même qui a fait des économies. Quand le président de la République nous a demandé de diviser au moins par deux le nombre de collaborateurs dans les cabinets, c'est trente millions d'euros d'économies. Les services du Premier ministre…
ELIZABETH MARTICHOUX
Dès cette année ?
GERALD DARMANIN
Exactement. Les services du Premier ministre, Edouard PHILIPPE, en premier, ont proposé 60 millions d'euros d'économies dans le fonctionnement de Matignon…
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais sur quoi ? Sur les voitures… sur, là, vous parliez des collaborateurs, sur quoi ?
GERALD DARMANIN
Oui, exactement, sur le fonctionnement, sur le train de vie des ministères et de l'Etat. Juste vous dire qu'on ne peut plus continuer avec 57 % de dépenses publiques, ce n'est plus possible.
ELIZABETH MARTICHOUX
On va revenir, enfin, on reste plutôt sur le détail de ces quatre milliards et demi. J'ai calculé : 850 millions économisés à la Défense, 530 à l'Intérieur, 160 à la Justice. Ça fait un milliard et demi à peu près sur ces trois ministères sensibles. Vous rognez sur la sécurité des Français ?
GERALD DARMANIN
Absolument pas, nous avons travaillé avec monsieur le ministre de l'Intérieur, madame la ministre de la Justice, madame la ministre des Armées, pour trouver des économies…
ELIZABETH MARTICHOUX
850 millions à la Défense, on peut dans la période trouver cette économie, sans fragiliser la protection des Français ?
GERALD DARMANIN
Mais le budget 2017 de la Défense ne bougera pas, ce que je veux vous faire comprendre, c'est qu'il n'y a pas d'économies sur le budget voté par le Parlement. En revanche, nous allons…
ELIZABETH MARTICHOUX
Eh bien, ça n'a pas l'air si simple, puisque Florence PARLY a annulé un déplacement aujourd'hui prévu à Mont-de-Marsan, dans les Landes, on l'a appris ce matin, les inquiétudes de la Défense portent sur la fin de l'année 2017 en matière de budget, en raison de négociations budgétaires douloureuses, elle reste à Paris.
GERALD DARMANIN
Mais en tout cas, moi, je peux vous dire que j'avais prévu déjà, depuis un certain temps, de voir la ministre des Armées….
ELIZABETH MARTICHOUX
… Ce n'est pas aussi serein que ça semble l'être…
GÉRALD DARMANIN
Non, mais c'est tout à fait serein, les opérations extérieures seront financées, les soldats auront les équipements nécessaires, ce qui n'était d'ailleurs pas tout à fait prévu à la fin de cet exercice budgétaire. Ce qui est certain, c'est que chacun va faire des économies. Et le budget de la Défense va connaître le projet du président de la République, une augmentation de crédit dans la loi de Finances 2018. Vous savez, je comprends que chacun…
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous confirmez l'objectif des 2 % d'ici à la fin du quinquennat ?
GERALD DARMANIN
Bien sûr, mais évidemment, nous tiendrons toutes les promesses du président de la République. Et parmi les promesses du président de la République, il y a la baisse de la fiscalité pour les ménages, parce que les Français n'en peuvent plus de payer des impôts, et la baisse de la fiscalité pour les entreprises. Eh bien, pour baisser les impôts, il faut faire des économies. Chacun doit comprendre que, eh bien, faire des économies, c'est un devoir citoyen, c'est un devoir patriotique, parce qu'on ne peut plus être le pays en Europe qui dépense le plus d'argent public.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, vous dites : ce ne sont pas des coups de rabot, mais c'est quand même une façon d'aller chercher des économies un peu partout. Il en faudra plus l'an prochain pour réaliser les économies substantielles, auxquelles le gouvernement va s'engager, est-ce qu'il faut redéfinir, est-ce que vous allez redéfinir le périmètre des missions de l'Etat, et confier par exemple au privé certaines missions qui sont aujourd'hui assurées par le public ?
GERALD DARMANIN
Alors, il faudra en effet faire plus d'économies l'année prochaine. Cette année, nous avons fait une économie en gestion, aucun gouvernement n'a jamais fait quatre milliards et demi d'économies dans l'année. Donc l'année prochaine, évidemment, il faut faire plus d'économies. Il faut…
ELIZABETH MARTICHOUX
Il est habituel de faire plusieurs milliards d'économies en fin d'année…
GERALD DARMANIN
Il est habitué à faire deux milliards et demi d'économies au mois de novembre, c'est-à-dire qu'il pousse ses factures au mois de janvier, voilà. Donc quand on va être au mois de juillet, vous avez la possibilité d'arrêter de faire des dépenses. L'année prochaine, il faudrait effectivement faire des réformes de structure, que nous préparons aujourd'hui. Le président de la République les a évoquées dans sa campagne électorale, mais tous les Français et tous les politiques connaissent ces réformes de structure qu'il faut faire, nous les ferons afin, structurellement, de faire des économies…
ELIZABETH MARTICHOUX
Par exemple ? Par exemple, les aides au logement, est-ce que…
GERALD DARMANIN
La politique de formation et d'emploi, la question…
ELIZABETH MARTICHOUX
Le logement…
GERALD DARMANIN
La question du logement, toutes les thématiques, si vous voulez, de la politique publique sont sans doute à revoir…
ELIZABETH MARTICHOUX
Les dépenses de santé…
GERALD DARMANIN
Afin de moins dépenser.
ELIZABETH MARTICHOUX
Un mot maintenant, parce qu'il nous reste quelques minutes…
GERALD DARMANIN
Mais, sur les dépenses de santé, chaque citoyen peut contribuer à effectivement diminuer ses dépenses, quand on prend un générique plutôt qu'un médicament de marque, si j'ose dire, on contribue à faire baisser la dépense publique.
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, Gérald DARMANIN, zigzag, couac, cacophonie, revirement, quel mot vous préférez, vous, pour qualifier les annonces du gouvernement sur les impôts ces derniers jours ?
GERALD DARMANIN
Mais il n'y a pas d'annonce du gouvernement, il y a eu un discours de politique générale du Premier ministre, qui a annoncé qu'il allait y avoir un calendrier qui va être évoqué, je pense que le Premier ministre le fera dans les prochains jours, notamment dans le cadre de la loi de Finances. Nous ferons toutes les baisses d'impôts, annoncées par le président de la République…
ELIZABETH MARTICHOUX
Enfin, permettez-moi, Edouard PHILIPPE, dans son discours de politique générale, par exemple, a décalé à 2019 le démarrage de la réforme de l'ISF. Et aujourd'hui, on nous dit – source Matignon – que, effectivement, ce sera dès 2018. Donc, est-ce qu'il n'y a une contradiction ?
GERALD DARMANIN
Non, je ne pense pas qu'il y ait de contradiction, parce que ça fait cinq semaines que nous sommes en responsabilité…
ELIZABETH MARTICHOUX
Mais il y a quoi alors ? Ça s'appelle comment ? Ça s'appelle l'évolution du discours…
GERALD DARMANIN
Non, je ne suis pas d'accord, vous constatez quand vous arrivez en responsabilité qu'il manque huit milliards dans les caisses de l'Etat, qu'il y a effectivement une fiscalité, celle promise par le président de la République, à appliquer, et qu'il faut, à la fois, être responsable et tenir ses promesses. Moi, plutôt que de faire des annonces, je préfère faire des économies…
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est Bruno LE MAIRE qui a fait des annonces…
GERALD DARMANIN
Je préfère faire des économies. Je crois que Bruno LE MAIRE, comme chacun des membres du gouvernement, est tout à fait sous l'autorité du Premier ministre, attend que le premier ministre donne la feuille de route…
ELIZABETH MARTICHOUX
Alors, ça, c'est…
GERALD DARMANIN
Conformément à la volonté du président de la République…
ELIZABETH MARTICHOUX
Il s'est passé quelque chose mardi dernier, il y a eu des annonces qui sont aujourd'hui revisitées, corrigées, prenez le mot que vous voulez…
GERALD DARMANIN
J'ai bien écouté le discours du Premier ministre…
ELIZABETH MARTICHOUX
Il n'a pas décalé à 2019 le démarrage de la taxe…, de la réforme de l'ISF…
GERALD DARMANIN
Je n'ai pas vu en quoi il y avait un changement… je n'ai pas vu en quoi, puisque je suis ministre des Comptes publics et j'assiste à des arbitrages, il y avait un changement fondamental dans ce qu'il a dit aux parlementaires et ce qui va s'appliquer dans les prochains jours. Il y aura la baisse promise des impôts par le Premier ministre, pardon, Madame MARTICHOUX, en revanche, moi, ce qui m'intéresse, ce n'est pas de faire des annonces, c'est de faire des économies.
ELIZABETH MARTICHOUX
C'est une belle langue de bois quand même sur ce sujet, vous ne reconnaissez pas l'évidence, mais on en prend acte, Gérald DARMANIN. Vous êtes ministre du Budget. Et par ailleurs, est-ce que vous vous attendez à être exclu de votre parti ce soir ?
GERALD DARMANIN
Ah, je ne le crois pas, pour quelle raison m'exclure, je rétablis le jour de carence, je crois que la droite l'a proposé depuis un certain temps, je fais des économies, je vais contribuer à baisser les impôts, ce serait idiot de considérer qu'aujourd'hui, Les Républicains, plutôt que de se poser la question pourquoi ils ont perdu, pourquoi ils ont fait le Trocadéro ils préfèreraient exclure ceux qui ont eu raison avant tout le monde, c'est-à-dire qui sont partis au moment où il fallait éviter le Trocadéro. Moi, je ne crois pas que mon parti politique ira jusque-là. Vous savez, moi, j'ai adhéré au RPR, j'avais 16 ans, je croyais au Gaullisme, et notamment le Gaullisme, c'est de savoir choisir entre une candidate d'extrême droite et un candidat Républicains. Le candidat Républicains, ce n'est qu'a fait le bureau politique des Républicains, malheureusement.
ELIZABETH MARTICHOUX
Vous ne pensez pas que votre parti ira jusque-là ce soir ?
GERALD DARMANIN
Eh bien, je ne crois pas qu'ils vont persévérer dans l'erreur, vous savez, on dit que l'erreur est humaine, et que persévérer est diabolique…
ELIZABETH MARTICHOUX
Perseverare diabolicum…
GERALD DARMANIN
Exactement.
ELIZABETH MARTICHOUX
Et Errare humanum est. Merci beaucoup Gérald DARMANIN d'avoir été ce matin dans le studio de RTL.
GERALD DARMANIN
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 juillet 2017