Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2016 (nos 5, 97).
Présentation
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, je le sais d'expérience de jeune parlementaire, l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'État pour l'année qui vient de s'écouler est toujours frustrant, car il s'agit souvent d'un texte comptable, qui ne permet pas de véritable débat politique, alors qu'il mériterait, nous en sommes tous persuadés, davantage de temps pour pouvoir nous intéresser à ce qu'est l'exécution, et pas simplement à ce qu'est la prévision. Imagine-t-on un élu local ne pas passer de temps sur son compte administratif avec son opposition, voire avec ses services ? Imagine-t-on un chef d'entreprise ne pas regarder son compte financier au moins autant que le budget prévisionnel ?
Mais il s'agit aussi, et c'est le message que je voudrais vous faire passer aujourd'hui, avec l'audit qui vient d'être rendu par la Cour des comptes, du point de départ de l'action du Gouvernement et de la majorité. En effet, bien que portant sur l'année passée, l'analyse du résultat budgétaire et comptable de 2016 est éclairante pour l'année en cours et pour l'avenir.
J'insisterai tout d'abord sur les chiffres les plus éloquents au regard de l'exécution budgétaire, avant de rentrer dans l'analyse de cette exécution elle-même.
Revenons ensemble à la vérité des chiffres, par nature indiscutable. Premièrement, si le déficit public est certes moins élevé qu'en 2015, il reste à 3,4 % du produit intérieur brut encore supérieur à la cible européenne de 3 % du PIB. Rappelons d'ailleurs que celle-ci a été acceptée comme plafond : notre engagement européen est d'arriver à un déficit à 0 % du PIB. Ces 3 % n'ont pas été atteints depuis 2008 ; ils ne l'ont été que deux fois dans les quinze dernières années. Cette situation, à laquelle je ne saurais me résoudre tant elle met en péril notre souveraineté elle-même, nous place malheureusement parmi les quatre derniers pays européens, et les deux pays de la zone euro, avec l'Espagne, ayant encore un déficit supérieur à 3 % du PIB. Tout porte d'ailleurs à croire que l'an prochain, l'Espagne sera sortie de la procédure de déficit excessif.
Cause de cet écart entre les recettes et les dépenses, nos dépenses publiques s'élèvent à 56,4 % du PIB, soit le niveau le plus haut de l'Union européenne nous avons dépassé la Finlande, pays qui se situe d'ordinaire largement au-dessus de tous les pays européens.
Conséquence de ce niveau très élevé de dépenses publiques, les prélèvements obligatoires représentent 44,4 % du PIB, ce qui reste, là encore, beaucoup trop élevé.
Le constat est donc très clair : trop de dépenses publiques, c'est trop de déficit, trop de dette et trop d'impôts. Notre feuille de route pour les cinq années à venir sera tout aussi claire, puisque nous allons réduire notre déficit en réduisant nos dépenses et les prélèvements obligatoires afin de lutter contre une dette excessive.
Voilà pour les résultats. J'en viens maintenant à quelques analyses qualitatives. De ce point de vue, force est de constater que le jugement des observateurs extérieurs est particulièrement alarmant. Il démontre que le résultat obtenu en 2016 d'un déficit de 3,4 % du PIB n'est rien d'autre qu'un résultat en trompe l'oeil.
Dans son rapport sur le budget de l'État en 2016, la Cour des comptes a ainsi déjà souligné le volume important des sous-budgétisations et des annonces en cours d'année, plus particulièrement en fin d'année, qui ont conduit à une gestion budgétaire heurtée, qui déresponsabilise les ministres, les directeurs de programme et les agents publics et qui désespère les Français. Les facteurs favorables, comme la bonne tenue des recettes ou la baisse spontanée de la charge de la dette, n'ont pas été utilisés pour lancer les réformes structurelles dont notre pays a tant besoin. Rappelons que, contrairement à 2012, la Cour des comptes a souligné que c'est bien le budget de l'État et ses dérives qui sont à l'origine du déficit constaté.
De ce point de vue, si la dépense publique n'a progressé que de 1,1 %, ce résultat a été en grande partie obtenu grâce à des éléments sur lesquels le gouvernement précédent n'avait aucune prise. La charge de la dette a ainsi été beaucoup moins élevée que prévu du fait d'une faible inflation et de taux d'intérêt historiquement bas. Telle est la raison pour laquelle, dans son avis sur le projet de loi de règlement, le Haut conseil des finances publiques déplore « le ralentissement de l'effort de redressement des finances publiques ».
Enfin, je souhaite profiter de la tribune qui m'est ici offerte pour qu'à l'avenir, nous fassions de l'examen de ce texte un moment de vérité sur la gestion budgétaire et les comptes publics, rôle que la loi organique relative aux lois de finances LOLF avait pour ambition de lui conférer. Je veux que l'examen de la performance des gestionnaires, ministres comme directeurs de programme, le constat qu'ils ont ou non atteint leurs objectifs, devienne un temps fort pour le Parlement, qui pourra là exercer au mieux, je le crois, son rôle central de contrôle et d'évaluation. Je tiens d'ores et déjà à dire mais nous en discuterons lors de la bataille des amendements, si j'ose dire qu'il n'est pas possible que d'autres hauts conseils ou d'autres instances extérieures au Parlement donnent un avis sur le contrôle de l'action du Gouvernement. Il appartient au seul Parlement, Assemblée et Sénat, de donner cet avis en opportunité et de faire remontrance ou de donner un satisfecit aux ministres.
Mme Cendra Motin. Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ainsi sortirons-nous de la conception du débat budgétaire qui veut qu'un bon ministre soit un ministre qui obtient plus, alors qu'un bon ministre est un ministre qui exécute bien, et si possible avec le moins d'argent public possible.
L'objectif de responsabilisation des membres du Gouvernement fixé par le Président de la République et rappelé par le Premier ministre dans sa lettre de cadrage sur la procédure budgétaire du 2 juin dernier doit trouver pleinement à s'appliquer dans ce moment législatif.
Avec le ministre des relations avec le Parlement, mais aussi avec les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, nous allons ouvrir ce chantier : sans aller jusqu'à y consacrer autant de temps qu'à celui du budget, l'examen du projet de loi de règlement requiert davantage de temps. Nous n'y accordons en effet aujourd'hui que quelques heures, alors que nous allons passer quasiment trois mois sur le projet de budget.
Mesdames, messieurs les députés, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, voici venu espérons-le le temps nouveau où la LOLF sera écoutée, où l'on pourra se pencher sur l'exécution du budget et demander, ministre par ministre, programme par programme, mission par mission, où en est l'exécution, afin que le Parlement puisse constater les dérives avant que la Cour des comptes ne nous les apprenne et que les ministres puissent répondre ici même des engagements pris en loi de finances. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LC.)
( )
M. le président. La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Mesdames et messieurs les députés, je souhaite répondre aux divers orateurs, en les remerciant du temps qu'ils ont consacré à l'examen de cette loi de règlement. Se prononcer sur un texte qui clôt le passé est toujours frustrant, mais celui-ci ouvre, comme beaucoup d'entre vous l'avez souligné, des perspectives d'avenir même s'il engendre parfois des désaccords profonds sur la méthode et sur le fond.
Je vous parle d'un temps que les moins de quarante-cinq ans ne peuvent pas connaître pour continuer dans la paraphrase d'Aznavour : celui d'un budget en équilibre. Je ne sais si le Gouvernement a pour ambition de retrouver un budget en équilibre je n'engagerai pas ma tête sur ce point , mais il a, en tout cas, pour ambition de diminuer fortement le déficit et de changer les méthodes.
Je me permettrai de dire quelques mots sur la stratégie du Gouvernement : elle explique la construction du prochain budget, éclairée par les erreurs du passé. J'aimerais revenir également sur les méthodes et les outils évoqués par les parlementaires. Enfin, je souhaite tordre le cou à quelques canards évoqués ici ou là.
Quelle est la stratégie du Gouvernement ? Elle repose sur l'idée que la dépense publique a atteint un niveau inacceptable dans une démocratie comme la nôtre. Bien que dépassant celle de tous les pays, y compris des États nordiques, elle n'a contribué à renforcer ni le service public, ni le budget de la recherche, ni le niveau moyen des élèves, ni un certain nombre de politiques comme les politiques d'infrastructure.
La dépense publique est exponentielle : c'est tellement vrai que tous ceux ayant critiqué les précédents gouvernements en ont présenté un tableau le plus noir possible. Ainsi, l'augmentation de la dépense publique ne signifie pas que le pays va mieux, comme l'affirment les opposants au Gouvernement, sinon la corrélation serait évidente. Vous diriez : « C'est formidable, ne baissez pas la dépense publique ! » Or cette augmentation des moyens n'a pas contribué à l'amélioration de la vie quotidienne des Français, à en croire les tableaux sombres qui ont été dépeints.
La dépense publique a fait naître du déficit, qui a lui-même fait naître de la dette et donc des intérêts de la dette, qui représentent un budget supérieur à celui de la défense : c'est le deuxième budget de l'État ! et, enfin, des impôts et des taxes qui découragent les particuliers et les entreprises. Voilà le cercle vicieux auquel le Gouvernement veut mettre fin.
Pour cela, nous voulons baisser de trois points la dépense publique, ainsi que le Président de la République et le Gouvernement, par la voix du Premier ministre, l'ont affirmé. C'est effectivement extrêmement difficile. L'engagement du Premier ministre de ne pas augmenter en valeur le budget est extrêmement difficile à tenir il n'a d'ailleurs jamais été tenu.
Nous vous le proposons parce qu'il faut changer de méthode, non pas avec des économies ou une sous-estimation, mais en profondeur. Cela demandera évidemment beaucoup de courage et suscitera, je l'espère, beaucoup d'encouragements.
La baisse de la dépense et la baisse de la fiscalité redonneront du pouvoir d'achat à nos concitoyens et surtout des moyens aux entreprises puisque, nous en sommes tous persuadés, c'est l'entreprise qui crée l'emploi. Cette stratégie étant évoquée, je voudrais évoquer la méthode.
Oui, le Gouvernement tentera de sincériser le budget : ce n'est pas évident, car les habitudes sont prises. Une rebudgétisation entraînant un ressaut budgétaire alors qu'un certain nombre de baisses sont attendues de nous , l'élaboration de ces documents demandera de la sincérité. Le Gouvernement inscrira les vrais montants en face des dépenses constatées. Nous ne présenterons pas un budget offrant des possibilités de modification en cours d'année, même si des événements exceptionnels peuvent toujours se produire. Mais concernant l'hébergement d'urgence, l'allocation adulte handicapé, les dépenses de guichet, les dépenses d'infrastructure,
M. Charles de Courson. Et les OPEX !
M. Gérald Darmanin, ministre. et les opérations extérieures cela n'a pas été fait depuis très longtemps , le Président de la République l'a dit lui-même dans son discours à l'Hôtel de Brienne : nous allons sincériser le budget.
M. Éric Coquerel. « Sincériser », ça n'existe pas !
M. Gérald Darmanin, ministre. C'est un très gros travail, que nous devons aux parlementaires et à nos partenaires européens.
Par ailleurs, j'en conviens, la politique du rabot n'est pas une bonne politique. C'est une mauvaise politique, que l'on met en oeuvre lorsque l'on n'a plus de mesure structurelle à appliquer en milieu d'année. Cela est exact, mais il faut alors accepter l'idée de faire de réformes structurelles ; or on ne fait pas des réformes structurelles en ne touchant à rien.
Quand j'écoute ceux qui ne cessent de défendre les réformes structurelles, j'entends des généralités moi aussi, je suis pour que l'eau mouille le moins possible, que les gens soient de plus en plus heureux et qu'il y ait moins de chômage. Concrètement, le Gouvernement proposera ces réformes structurelles ; j'espère qu'elles seront soutenues parce qu'on ne peut pas à la fois lui demander de baisser durablement la dépense publique, d'éviter les coups de rabot et refuser toute dépense structurelle différée. Cela n'est pas possible.
Il est tout à fait loisible de faire le constat que les gouvernements n'ont pas, à ce jour, fait ces réformes structurelles ; les raisons en sont multiples et tiennent notamment à la crise économique qui a frappé il y a quelques années. Il faudra donc beaucoup de courage en début de mandat pour faire ces réformes structurelles, et nous aurons besoin d'être accompagnés par les parlementaires. Il ne faudra pas, en effet, combattre ces réformes structurelles tout en déplorant que la dépense publique ne baisse pas.
Je souhaite répondre à la question du décret d'avance. Je suis très étonné de savoir que le groupe de La France insoumise souhaite que nous augmentions le budget des armées je l'ai appris aujourd'hui.
Un député du groupe LR. C'est une conversion !
M. Gérald Darmanin, ministre. Cela ne m'a pas paru tout à fait cohérent avec les propositions de M. Mélenchon pendant la campagne présidentielle, mais j'ai dû me tromper.
M. Jean-Luc Mélenchon. Oui, vous vous êtes trompé !
M. Gérald Darmanin, ministre. M. Mélenchon proposait, me semble-t-il, la fin d'une composante nucléaire ; j'espère que cela s'accompagnait, dans son esprit, de la baisse du budget des armées. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir. Il était contre le service national
M. Jean-Luc Mélenchon. Non ! J'avais même voté contre sa suppression.
M. Gérald Darmanin, ministre. et contre diverses propositions d'augmentation du budget des armées. Il y a là une contradiction entre M. Coquerel et vous-même, monsieur Mélenchon ; mais ce n'est pas bien grave.
M. Éric Coquerel. C'est surtout faux !
M. Gérald Darmanin, ministre. Qu'avons-nous fait concernant les décrets d'avance ? Nous avons diminué les dépenses de l'État de 1 %. Nous avons demandé cet effort à l'État, et non aux collectivités locales ou aux minima sociaux. Concernant le budget de l'État, je suis bien d'accord avec les intervenants, et notamment M. Vigier : selon lui, c'est en priorité à l'État de faire des économies, ce qu'il n'a pas fait jusqu'à présent. De même, dans son rapport critique, la Cour des comptes demande à l'État de diminuer ses dépenses en cours d'année de 1 %.
À la suite de cette décision, j'entends parler de « coupes » et de « naufrage ». Manifestement, pour certains, le pays ne serait plus gardé, les soldats n'auraient plus de munitions, les chômeurs ne seraient plus dédommagés, il n'y aurait plus d'électricité dans les bâtiments ni dans les écoles, et l'invasion des termites commencerait dans quelques instants si la discussion générale se poursuivait ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.)
Nous avons demandé 1 % d'économies, et déjà on entend des cris. Que n'entendra-t-on lorsqu'on demandera 20 milliards !
Mme Valérie Rabault. Pour certains, ce sera beaucoup plus !
M. Gérald Darmanin, ministre. J'y arrive, madame Rabault, ne vous inquiétez pas !
Je ne sais ce que nous entendrons dans l'hémicycle de la part de ceux qui voudront une diminution de notre dépense, de notre déficit, de notre dette et des prélèvements obligatoires mais qui, en même temps, refuseront de faire des économies ! 1 %, c'est conforme à la LOLF loi organique relative aux lois de finance.
Madame Rabault, il faut être cohérent avec vous-même et surtout avec le gouvernement que vous avez soutenu, y compris en commission, lors de l'audition de M. Sapin, si j'en crois les comptes rendus.
M. Sapin a dit : « Le jeune ministre ne sait pas très bien de quoi il parle puisque des décrets d'avance, surtout pour ce montant, on en fait tout le temps ! »
Mme Valérie Rabault. Ce n'est pas ce qu'il a dit !
M. Gérald Darmanin, ministre. Or j'ai noté ce que vous avez dit tout à l'heure : « Ces coupes n'ont jamais été atteintes. »
Mme Valérie Rabault. C'est vrai !
M. Gérald Darmanin, ministre. Mettez-vous d'accord entre Michel Sapin et vous-même !
Mme Valérie Rabault. Je suis d'accord avec moi-même !
M. Gérald Darmanin, ministre. C'est bien d'être d'accord avec vous-même : c'est déjà ça de pris !
En vérité, les décrets d'avance que nous avons faits en milieu de mandat n'ont effectivement jamais atteint les niveaux des précédents gouvernements.
Mme Valérie Rabault. Ah, vous le reconnaissez !
M. Gérald Darmanin, ministre. Mais ils portent sur moins de 1 % des dépenses.
Mme Valérie Rabault. C'est dans la LOLF !
M. Gérald Darmanin, ministre. La difficulté bien française , c'est que tout le monde est d'accord pour faire des économies en général, mais que personne n'en veut en particulier !
Pour mettre fin à cette forme d'égoïsme, chacun devra diminuer ses dépenses publiques, non pas par rabot, mais en acceptant l'idée qu'il faut revoir les missions de l'État. Il y a effectivement certaines choses que nous ne pouvons plus faire, ou que les collectivités locales peuvent faire, ou que d'autres peuvent faire à notre place parce que nous les faisons parfois mal. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM)
M. Coquerel a cité l'exemple de l'Espagne. Je ne dirai pas qu'il a ainsi montré du doigt nos amis espagnols, qui vivent une période très difficile, car je ne veux pas faire de politique politicienne lui-même ne l'a d'ailleurs pas fait. Il nous invite à regarder ce qu'il se passe en Espagne : or, en Espagne, depuis 2013, le chômage a baissé de 8 %. En Espagne, depuis 2013, après des efforts budgétaires sans précédent et des baisses de dépenses très importantes, dont le peuple espagnol a évidemment souffert, la croissance s'établit à 3 %. L'Espagne, aujourd'hui, c'est 3 % de croissance ! On peut vouloir faire le lien entre le niveau de dépense publique et la croissance, mais cela ne s'est pas vérifié dans les faits ces dernières années.
M. Jean-Luc Mélenchon. Si ! Parlez plutôt du Portugal !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous n'avons évidemment pas la même vision, mais l'exemple de l'Espagne est, à mon avis, un mauvais exemple pour soutenir votre argumentation. Les Espagnols, après avoir consenti ces efforts, vont sortir de la procédure de déficit excessif. De plus, ils ont une croissance à 3 % et un chômage en baisse de 8 % : on aurait aimé que notre pays connaisse pareille évolution.
Je termine, enfin, en répondant à Mme le Pen et à M. Coquerel qui parlent de Bruxelles comme si nous étions soumis à je ne sais quel monstre ou dictateur qui nous empêcherait de vivre.
À moins que nous ne soyons plus démocrates et quels que soient les votes passés, vous conviendrez que le peuple français a adopté le traité de Maastricht.
M. Éric Coquerel. Mais pas le traité constitutionnel.
Mme Marine Le Pen. Et en 2005 ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le traité de Maastricht, ce n'était pas en 2005 j'avais alors le droit de vote, pas en 1992.
Mme Marine Le Pen. Le référendum de 2005 !
M. Gérald Darmanin, ministre. Les 3 % de déficit : c'est Maastricht. On pouvait être pour ou contre Maastricht, se demander s'il fallait ou non voter pour, mais le débat n'a maintenant plus lieu d'être. Aujourd'hui, à chaque élection, notamment à l'élection présidentielle, des candidats tout à fait respectables dont vous et M. Mélenchon proposent de revenir contre ces dispositions mais le peuple ne les suit pas. Soyons démocrates ! Le peuple souhaite donc que nous poursuivions notre engagement européen (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)
Je crois, madame le Pen, que nous sommes dans l'allégorie de la caverne : Bruxelles est l'autre nom de notre lâcheté collective (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM) : nous n'osons pas faire les réformes que tous les pays européens ont faites. Qu'importe les 3 % de déficit ! Le problème, c'est le déficit lui-même et ses conséquences. Qu'il soit de 3 %, de 2,5 % ou de 3,5 %, nous avons vécu avec l'idée que le déficit était la norme. Eh bien non ! Le déficit, ce n'est pas normal ! Vous devez comprendre qu'aujourd'hui nous ne pouvons plus continuer à penser qu'un État peut-être en procédure de déficit et, surtout, qu'il ne puisse pas présenter un budget en équilibre pendant quarante ans ! Quelle famille, quelle entreprise pourraient présenter un budget déséquilibré pendant quarante ans, Madame le Pen ? (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)
Nous ne voulons pas en terminer avec le déficit pour faire plaisir à la Commission européenne mais pour mettre un terme à ses conséquences : le paiement d'intérêts, qui implique de payer des banques, de ne pas pouvoir payer des agents du service public pour appliquer les politiques publiques que vous évoquez et de ne pas pouvoir financer des infrastructures
M. Sébastien Chenu. C'est vous qui avez été au pouvoir !
M. le président. Laissez le ministre s'exprimer, je vous prie !
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Chenu, j'essaie de terminer une explication montrant que tous, collectivement, nous devons
M. Sébastien Chenu. Vous faites le procès de votre propre action !
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Chenu, c'est pour faire oublier que vous avez vous-même été un adhérent de l'UMP que vous criez comme cela ?
M. Sébastien Chenu. C'est bien pour les raisons que vous faites valoir que j'en suis sorti !
M. le président. S'il vous plaît, monsieur Chenu
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous considérez qu'il est normal de conserver ad vitam aeternam un tel déficit qui nous endette et nous fait payer des intérêts ?
Mme Marine Le Pen. Et créer des emplois !
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement veut mettre fin à cette spirale d'irresponsabilités sans chercher de boucs émissaires, car nous ne sommes pas des lâches. Nous considérons que nous devons diminuer notre déficit pour pouvoir baisser nos impôts, relancer ainsi notre économie et, à la fin du quinquennat, présenter non seulement un budget sincère, mais créer plus d'emplois tout en ayant, je le répète, moins de déficit, moins de dette, moins de prélèvements obligatoires, moins de dépenses publiques.
Rendez-vous à la fin du quinquennat et vous verrez que nous serons dans le cercle vertueux que tous les grands pays européens connaissent ! Il faut juste un peu de courage et éviter de crier avant d'avoir mal (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 19 juillet 2017
Présentation
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'action et des comptes publics.
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les députés, je le sais d'expérience de jeune parlementaire, l'examen du projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'État pour l'année qui vient de s'écouler est toujours frustrant, car il s'agit souvent d'un texte comptable, qui ne permet pas de véritable débat politique, alors qu'il mériterait, nous en sommes tous persuadés, davantage de temps pour pouvoir nous intéresser à ce qu'est l'exécution, et pas simplement à ce qu'est la prévision. Imagine-t-on un élu local ne pas passer de temps sur son compte administratif avec son opposition, voire avec ses services ? Imagine-t-on un chef d'entreprise ne pas regarder son compte financier au moins autant que le budget prévisionnel ?
Mais il s'agit aussi, et c'est le message que je voudrais vous faire passer aujourd'hui, avec l'audit qui vient d'être rendu par la Cour des comptes, du point de départ de l'action du Gouvernement et de la majorité. En effet, bien que portant sur l'année passée, l'analyse du résultat budgétaire et comptable de 2016 est éclairante pour l'année en cours et pour l'avenir.
J'insisterai tout d'abord sur les chiffres les plus éloquents au regard de l'exécution budgétaire, avant de rentrer dans l'analyse de cette exécution elle-même.
Revenons ensemble à la vérité des chiffres, par nature indiscutable. Premièrement, si le déficit public est certes moins élevé qu'en 2015, il reste à 3,4 % du produit intérieur brut encore supérieur à la cible européenne de 3 % du PIB. Rappelons d'ailleurs que celle-ci a été acceptée comme plafond : notre engagement européen est d'arriver à un déficit à 0 % du PIB. Ces 3 % n'ont pas été atteints depuis 2008 ; ils ne l'ont été que deux fois dans les quinze dernières années. Cette situation, à laquelle je ne saurais me résoudre tant elle met en péril notre souveraineté elle-même, nous place malheureusement parmi les quatre derniers pays européens, et les deux pays de la zone euro, avec l'Espagne, ayant encore un déficit supérieur à 3 % du PIB. Tout porte d'ailleurs à croire que l'an prochain, l'Espagne sera sortie de la procédure de déficit excessif.
Cause de cet écart entre les recettes et les dépenses, nos dépenses publiques s'élèvent à 56,4 % du PIB, soit le niveau le plus haut de l'Union européenne nous avons dépassé la Finlande, pays qui se situe d'ordinaire largement au-dessus de tous les pays européens.
Conséquence de ce niveau très élevé de dépenses publiques, les prélèvements obligatoires représentent 44,4 % du PIB, ce qui reste, là encore, beaucoup trop élevé.
Le constat est donc très clair : trop de dépenses publiques, c'est trop de déficit, trop de dette et trop d'impôts. Notre feuille de route pour les cinq années à venir sera tout aussi claire, puisque nous allons réduire notre déficit en réduisant nos dépenses et les prélèvements obligatoires afin de lutter contre une dette excessive.
Voilà pour les résultats. J'en viens maintenant à quelques analyses qualitatives. De ce point de vue, force est de constater que le jugement des observateurs extérieurs est particulièrement alarmant. Il démontre que le résultat obtenu en 2016 d'un déficit de 3,4 % du PIB n'est rien d'autre qu'un résultat en trompe l'oeil.
Dans son rapport sur le budget de l'État en 2016, la Cour des comptes a ainsi déjà souligné le volume important des sous-budgétisations et des annonces en cours d'année, plus particulièrement en fin d'année, qui ont conduit à une gestion budgétaire heurtée, qui déresponsabilise les ministres, les directeurs de programme et les agents publics et qui désespère les Français. Les facteurs favorables, comme la bonne tenue des recettes ou la baisse spontanée de la charge de la dette, n'ont pas été utilisés pour lancer les réformes structurelles dont notre pays a tant besoin. Rappelons que, contrairement à 2012, la Cour des comptes a souligné que c'est bien le budget de l'État et ses dérives qui sont à l'origine du déficit constaté.
De ce point de vue, si la dépense publique n'a progressé que de 1,1 %, ce résultat a été en grande partie obtenu grâce à des éléments sur lesquels le gouvernement précédent n'avait aucune prise. La charge de la dette a ainsi été beaucoup moins élevée que prévu du fait d'une faible inflation et de taux d'intérêt historiquement bas. Telle est la raison pour laquelle, dans son avis sur le projet de loi de règlement, le Haut conseil des finances publiques déplore « le ralentissement de l'effort de redressement des finances publiques ».
Enfin, je souhaite profiter de la tribune qui m'est ici offerte pour qu'à l'avenir, nous fassions de l'examen de ce texte un moment de vérité sur la gestion budgétaire et les comptes publics, rôle que la loi organique relative aux lois de finances LOLF avait pour ambition de lui conférer. Je veux que l'examen de la performance des gestionnaires, ministres comme directeurs de programme, le constat qu'ils ont ou non atteint leurs objectifs, devienne un temps fort pour le Parlement, qui pourra là exercer au mieux, je le crois, son rôle central de contrôle et d'évaluation. Je tiens d'ores et déjà à dire mais nous en discuterons lors de la bataille des amendements, si j'ose dire qu'il n'est pas possible que d'autres hauts conseils ou d'autres instances extérieures au Parlement donnent un avis sur le contrôle de l'action du Gouvernement. Il appartient au seul Parlement, Assemblée et Sénat, de donner cet avis en opportunité et de faire remontrance ou de donner un satisfecit aux ministres.
Mme Cendra Motin. Très bien !
M. Gérald Darmanin, ministre. Ainsi sortirons-nous de la conception du débat budgétaire qui veut qu'un bon ministre soit un ministre qui obtient plus, alors qu'un bon ministre est un ministre qui exécute bien, et si possible avec le moins d'argent public possible.
L'objectif de responsabilisation des membres du Gouvernement fixé par le Président de la République et rappelé par le Premier ministre dans sa lettre de cadrage sur la procédure budgétaire du 2 juin dernier doit trouver pleinement à s'appliquer dans ce moment législatif.
Avec le ministre des relations avec le Parlement, mais aussi avec les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, nous allons ouvrir ce chantier : sans aller jusqu'à y consacrer autant de temps qu'à celui du budget, l'examen du projet de loi de règlement requiert davantage de temps. Nous n'y accordons en effet aujourd'hui que quelques heures, alors que nous allons passer quasiment trois mois sur le projet de budget.
Mesdames, messieurs les députés, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, voici venu espérons-le le temps nouveau où la LOLF sera écoutée, où l'on pourra se pencher sur l'exécution du budget et demander, ministre par ministre, programme par programme, mission par mission, où en est l'exécution, afin que le Parlement puisse constater les dérives avant que la Cour des comptes ne nous les apprenne et que les ministres puissent répondre ici même des engagements pris en loi de finances. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LC.)
( )
M. le président. La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre.
M. Gérald Darmanin, ministre. Mesdames et messieurs les députés, je souhaite répondre aux divers orateurs, en les remerciant du temps qu'ils ont consacré à l'examen de cette loi de règlement. Se prononcer sur un texte qui clôt le passé est toujours frustrant, mais celui-ci ouvre, comme beaucoup d'entre vous l'avez souligné, des perspectives d'avenir même s'il engendre parfois des désaccords profonds sur la méthode et sur le fond.
Je vous parle d'un temps que les moins de quarante-cinq ans ne peuvent pas connaître pour continuer dans la paraphrase d'Aznavour : celui d'un budget en équilibre. Je ne sais si le Gouvernement a pour ambition de retrouver un budget en équilibre je n'engagerai pas ma tête sur ce point , mais il a, en tout cas, pour ambition de diminuer fortement le déficit et de changer les méthodes.
Je me permettrai de dire quelques mots sur la stratégie du Gouvernement : elle explique la construction du prochain budget, éclairée par les erreurs du passé. J'aimerais revenir également sur les méthodes et les outils évoqués par les parlementaires. Enfin, je souhaite tordre le cou à quelques canards évoqués ici ou là.
Quelle est la stratégie du Gouvernement ? Elle repose sur l'idée que la dépense publique a atteint un niveau inacceptable dans une démocratie comme la nôtre. Bien que dépassant celle de tous les pays, y compris des États nordiques, elle n'a contribué à renforcer ni le service public, ni le budget de la recherche, ni le niveau moyen des élèves, ni un certain nombre de politiques comme les politiques d'infrastructure.
La dépense publique est exponentielle : c'est tellement vrai que tous ceux ayant critiqué les précédents gouvernements en ont présenté un tableau le plus noir possible. Ainsi, l'augmentation de la dépense publique ne signifie pas que le pays va mieux, comme l'affirment les opposants au Gouvernement, sinon la corrélation serait évidente. Vous diriez : « C'est formidable, ne baissez pas la dépense publique ! » Or cette augmentation des moyens n'a pas contribué à l'amélioration de la vie quotidienne des Français, à en croire les tableaux sombres qui ont été dépeints.
La dépense publique a fait naître du déficit, qui a lui-même fait naître de la dette et donc des intérêts de la dette, qui représentent un budget supérieur à celui de la défense : c'est le deuxième budget de l'État ! et, enfin, des impôts et des taxes qui découragent les particuliers et les entreprises. Voilà le cercle vicieux auquel le Gouvernement veut mettre fin.
Pour cela, nous voulons baisser de trois points la dépense publique, ainsi que le Président de la République et le Gouvernement, par la voix du Premier ministre, l'ont affirmé. C'est effectivement extrêmement difficile. L'engagement du Premier ministre de ne pas augmenter en valeur le budget est extrêmement difficile à tenir il n'a d'ailleurs jamais été tenu.
Nous vous le proposons parce qu'il faut changer de méthode, non pas avec des économies ou une sous-estimation, mais en profondeur. Cela demandera évidemment beaucoup de courage et suscitera, je l'espère, beaucoup d'encouragements.
La baisse de la dépense et la baisse de la fiscalité redonneront du pouvoir d'achat à nos concitoyens et surtout des moyens aux entreprises puisque, nous en sommes tous persuadés, c'est l'entreprise qui crée l'emploi. Cette stratégie étant évoquée, je voudrais évoquer la méthode.
Oui, le Gouvernement tentera de sincériser le budget : ce n'est pas évident, car les habitudes sont prises. Une rebudgétisation entraînant un ressaut budgétaire alors qu'un certain nombre de baisses sont attendues de nous , l'élaboration de ces documents demandera de la sincérité. Le Gouvernement inscrira les vrais montants en face des dépenses constatées. Nous ne présenterons pas un budget offrant des possibilités de modification en cours d'année, même si des événements exceptionnels peuvent toujours se produire. Mais concernant l'hébergement d'urgence, l'allocation adulte handicapé, les dépenses de guichet, les dépenses d'infrastructure,
M. Charles de Courson. Et les OPEX !
M. Gérald Darmanin, ministre. et les opérations extérieures cela n'a pas été fait depuis très longtemps , le Président de la République l'a dit lui-même dans son discours à l'Hôtel de Brienne : nous allons sincériser le budget.
M. Éric Coquerel. « Sincériser », ça n'existe pas !
M. Gérald Darmanin, ministre. C'est un très gros travail, que nous devons aux parlementaires et à nos partenaires européens.
Par ailleurs, j'en conviens, la politique du rabot n'est pas une bonne politique. C'est une mauvaise politique, que l'on met en oeuvre lorsque l'on n'a plus de mesure structurelle à appliquer en milieu d'année. Cela est exact, mais il faut alors accepter l'idée de faire de réformes structurelles ; or on ne fait pas des réformes structurelles en ne touchant à rien.
Quand j'écoute ceux qui ne cessent de défendre les réformes structurelles, j'entends des généralités moi aussi, je suis pour que l'eau mouille le moins possible, que les gens soient de plus en plus heureux et qu'il y ait moins de chômage. Concrètement, le Gouvernement proposera ces réformes structurelles ; j'espère qu'elles seront soutenues parce qu'on ne peut pas à la fois lui demander de baisser durablement la dépense publique, d'éviter les coups de rabot et refuser toute dépense structurelle différée. Cela n'est pas possible.
Il est tout à fait loisible de faire le constat que les gouvernements n'ont pas, à ce jour, fait ces réformes structurelles ; les raisons en sont multiples et tiennent notamment à la crise économique qui a frappé il y a quelques années. Il faudra donc beaucoup de courage en début de mandat pour faire ces réformes structurelles, et nous aurons besoin d'être accompagnés par les parlementaires. Il ne faudra pas, en effet, combattre ces réformes structurelles tout en déplorant que la dépense publique ne baisse pas.
Je souhaite répondre à la question du décret d'avance. Je suis très étonné de savoir que le groupe de La France insoumise souhaite que nous augmentions le budget des armées je l'ai appris aujourd'hui.
Un député du groupe LR. C'est une conversion !
M. Gérald Darmanin, ministre. Cela ne m'a pas paru tout à fait cohérent avec les propositions de M. Mélenchon pendant la campagne présidentielle, mais j'ai dû me tromper.
M. Jean-Luc Mélenchon. Oui, vous vous êtes trompé !
M. Gérald Darmanin, ministre. M. Mélenchon proposait, me semble-t-il, la fin d'une composante nucléaire ; j'espère que cela s'accompagnait, dans son esprit, de la baisse du budget des armées. Mais nous aurons l'occasion d'y revenir. Il était contre le service national
M. Jean-Luc Mélenchon. Non ! J'avais même voté contre sa suppression.
M. Gérald Darmanin, ministre. et contre diverses propositions d'augmentation du budget des armées. Il y a là une contradiction entre M. Coquerel et vous-même, monsieur Mélenchon ; mais ce n'est pas bien grave.
M. Éric Coquerel. C'est surtout faux !
M. Gérald Darmanin, ministre. Qu'avons-nous fait concernant les décrets d'avance ? Nous avons diminué les dépenses de l'État de 1 %. Nous avons demandé cet effort à l'État, et non aux collectivités locales ou aux minima sociaux. Concernant le budget de l'État, je suis bien d'accord avec les intervenants, et notamment M. Vigier : selon lui, c'est en priorité à l'État de faire des économies, ce qu'il n'a pas fait jusqu'à présent. De même, dans son rapport critique, la Cour des comptes demande à l'État de diminuer ses dépenses en cours d'année de 1 %.
À la suite de cette décision, j'entends parler de « coupes » et de « naufrage ». Manifestement, pour certains, le pays ne serait plus gardé, les soldats n'auraient plus de munitions, les chômeurs ne seraient plus dédommagés, il n'y aurait plus d'électricité dans les bâtiments ni dans les écoles, et l'invasion des termites commencerait dans quelques instants si la discussion générale se poursuivait ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.)
Nous avons demandé 1 % d'économies, et déjà on entend des cris. Que n'entendra-t-on lorsqu'on demandera 20 milliards !
Mme Valérie Rabault. Pour certains, ce sera beaucoup plus !
M. Gérald Darmanin, ministre. J'y arrive, madame Rabault, ne vous inquiétez pas !
Je ne sais ce que nous entendrons dans l'hémicycle de la part de ceux qui voudront une diminution de notre dépense, de notre déficit, de notre dette et des prélèvements obligatoires mais qui, en même temps, refuseront de faire des économies ! 1 %, c'est conforme à la LOLF loi organique relative aux lois de finance.
Madame Rabault, il faut être cohérent avec vous-même et surtout avec le gouvernement que vous avez soutenu, y compris en commission, lors de l'audition de M. Sapin, si j'en crois les comptes rendus.
M. Sapin a dit : « Le jeune ministre ne sait pas très bien de quoi il parle puisque des décrets d'avance, surtout pour ce montant, on en fait tout le temps ! »
Mme Valérie Rabault. Ce n'est pas ce qu'il a dit !
M. Gérald Darmanin, ministre. Or j'ai noté ce que vous avez dit tout à l'heure : « Ces coupes n'ont jamais été atteintes. »
Mme Valérie Rabault. C'est vrai !
M. Gérald Darmanin, ministre. Mettez-vous d'accord entre Michel Sapin et vous-même !
Mme Valérie Rabault. Je suis d'accord avec moi-même !
M. Gérald Darmanin, ministre. C'est bien d'être d'accord avec vous-même : c'est déjà ça de pris !
En vérité, les décrets d'avance que nous avons faits en milieu de mandat n'ont effectivement jamais atteint les niveaux des précédents gouvernements.
Mme Valérie Rabault. Ah, vous le reconnaissez !
M. Gérald Darmanin, ministre. Mais ils portent sur moins de 1 % des dépenses.
Mme Valérie Rabault. C'est dans la LOLF !
M. Gérald Darmanin, ministre. La difficulté bien française , c'est que tout le monde est d'accord pour faire des économies en général, mais que personne n'en veut en particulier !
Pour mettre fin à cette forme d'égoïsme, chacun devra diminuer ses dépenses publiques, non pas par rabot, mais en acceptant l'idée qu'il faut revoir les missions de l'État. Il y a effectivement certaines choses que nous ne pouvons plus faire, ou que les collectivités locales peuvent faire, ou que d'autres peuvent faire à notre place parce que nous les faisons parfois mal. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM)
M. Coquerel a cité l'exemple de l'Espagne. Je ne dirai pas qu'il a ainsi montré du doigt nos amis espagnols, qui vivent une période très difficile, car je ne veux pas faire de politique politicienne lui-même ne l'a d'ailleurs pas fait. Il nous invite à regarder ce qu'il se passe en Espagne : or, en Espagne, depuis 2013, le chômage a baissé de 8 %. En Espagne, depuis 2013, après des efforts budgétaires sans précédent et des baisses de dépenses très importantes, dont le peuple espagnol a évidemment souffert, la croissance s'établit à 3 %. L'Espagne, aujourd'hui, c'est 3 % de croissance ! On peut vouloir faire le lien entre le niveau de dépense publique et la croissance, mais cela ne s'est pas vérifié dans les faits ces dernières années.
M. Jean-Luc Mélenchon. Si ! Parlez plutôt du Portugal !
M. Gérald Darmanin, ministre. Nous n'avons évidemment pas la même vision, mais l'exemple de l'Espagne est, à mon avis, un mauvais exemple pour soutenir votre argumentation. Les Espagnols, après avoir consenti ces efforts, vont sortir de la procédure de déficit excessif. De plus, ils ont une croissance à 3 % et un chômage en baisse de 8 % : on aurait aimé que notre pays connaisse pareille évolution.
Je termine, enfin, en répondant à Mme le Pen et à M. Coquerel qui parlent de Bruxelles comme si nous étions soumis à je ne sais quel monstre ou dictateur qui nous empêcherait de vivre.
À moins que nous ne soyons plus démocrates et quels que soient les votes passés, vous conviendrez que le peuple français a adopté le traité de Maastricht.
M. Éric Coquerel. Mais pas le traité constitutionnel.
Mme Marine Le Pen. Et en 2005 ?
M. Gérald Darmanin, ministre. Le traité de Maastricht, ce n'était pas en 2005 j'avais alors le droit de vote, pas en 1992.
Mme Marine Le Pen. Le référendum de 2005 !
M. Gérald Darmanin, ministre. Les 3 % de déficit : c'est Maastricht. On pouvait être pour ou contre Maastricht, se demander s'il fallait ou non voter pour, mais le débat n'a maintenant plus lieu d'être. Aujourd'hui, à chaque élection, notamment à l'élection présidentielle, des candidats tout à fait respectables dont vous et M. Mélenchon proposent de revenir contre ces dispositions mais le peuple ne les suit pas. Soyons démocrates ! Le peuple souhaite donc que nous poursuivions notre engagement européen (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)
Je crois, madame le Pen, que nous sommes dans l'allégorie de la caverne : Bruxelles est l'autre nom de notre lâcheté collective (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM) : nous n'osons pas faire les réformes que tous les pays européens ont faites. Qu'importe les 3 % de déficit ! Le problème, c'est le déficit lui-même et ses conséquences. Qu'il soit de 3 %, de 2,5 % ou de 3,5 %, nous avons vécu avec l'idée que le déficit était la norme. Eh bien non ! Le déficit, ce n'est pas normal ! Vous devez comprendre qu'aujourd'hui nous ne pouvons plus continuer à penser qu'un État peut-être en procédure de déficit et, surtout, qu'il ne puisse pas présenter un budget en équilibre pendant quarante ans ! Quelle famille, quelle entreprise pourraient présenter un budget déséquilibré pendant quarante ans, Madame le Pen ? (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)
Nous ne voulons pas en terminer avec le déficit pour faire plaisir à la Commission européenne mais pour mettre un terme à ses conséquences : le paiement d'intérêts, qui implique de payer des banques, de ne pas pouvoir payer des agents du service public pour appliquer les politiques publiques que vous évoquez et de ne pas pouvoir financer des infrastructures
M. Sébastien Chenu. C'est vous qui avez été au pouvoir !
M. le président. Laissez le ministre s'exprimer, je vous prie !
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Chenu, j'essaie de terminer une explication montrant que tous, collectivement, nous devons
M. Sébastien Chenu. Vous faites le procès de votre propre action !
M. Gérald Darmanin, ministre. Monsieur Chenu, c'est pour faire oublier que vous avez vous-même été un adhérent de l'UMP que vous criez comme cela ?
M. Sébastien Chenu. C'est bien pour les raisons que vous faites valoir que j'en suis sorti !
M. le président. S'il vous plaît, monsieur Chenu
M. Gérald Darmanin, ministre. Vous considérez qu'il est normal de conserver ad vitam aeternam un tel déficit qui nous endette et nous fait payer des intérêts ?
Mme Marine Le Pen. Et créer des emplois !
M. Gérald Darmanin, ministre. Le Gouvernement veut mettre fin à cette spirale d'irresponsabilités sans chercher de boucs émissaires, car nous ne sommes pas des lâches. Nous considérons que nous devons diminuer notre déficit pour pouvoir baisser nos impôts, relancer ainsi notre économie et, à la fin du quinquennat, présenter non seulement un budget sincère, mais créer plus d'emplois tout en ayant, je le répète, moins de déficit, moins de dette, moins de prélèvements obligatoires, moins de dépenses publiques.
Rendez-vous à la fin du quinquennat et vous verrez que nous serons dans le cercle vertueux que tous les grands pays européens connaissent ! Il faut juste un peu de courage et éviter de crier avant d'avoir mal (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 19 juillet 2017