Texte intégral
C'est un plaisir et un honneur que de clore avec vous ce grand colloque du bicentenaire de l'Ecole Polytechnique. Il a fait l'objet d'une remarquable préparation et participe ainsi à la réputation et au rayonnement de cette école en France et dans le monde. Aussi, tiendrai-je tout d'abord à féliciter les organisateurs d'une commémoration qui, en rendant hommage à deux cents ans d'histoire prestigieuse, tire de ce passé l'élan nécessaire pour se tourner vers l'avenir.
Je pense, bien sûr, aux autorités de l'Ecole Polytechnique, au Président de son Conseil d'Administration, M. Pierre FAURE, et au Général MARESCAUX qui la dirige. Je pense au Président de l'Association des Anciens Elèves de l'Ecole Polytechnique, M. Bernard PACHE, à celui de sa Fondation, M. Bertrand COLLOMB, à M. Christian MARBACH qui a animé l'Association du Bicentenaire, et, enfin à M. Jacques BOUTTES qui a mobilisé les énergies nécessaires à la préparation de ce grand colloque de prospective sur le XXIème siècle. Je tiens également à saluer la présence de Mme Geneviève DE GAULLE ANTONIOZ, Présidente de ATD Quart Monde et en cette année de la femme, de Mme Anne DUTHILLEUL CHOPINET, première femme entrée à l'Ecole.
Polytechnique a deux cents ans. Née de la haute exigence que le Comité des Savants de 1794 nourrissait pour la Nation et qui présida à la création des "Ecoles de services publics", l'Ecole Polytechnique fut la première grande institution chargée de former l'élite républicaine dont le pays avait besoin. La même année étaient également fondés, pour l'enseignement, l'Ecole Normale Supérieure, pour la technique, le Conservatoire des Arts et Métiers, pour la diplomatie, les Langues Orientales. Cette Ecole est née sous le signe d'une grande ambition, révolutionnaire à l'époque : former des cadres scientifiques et des responsables indispensables à une grande nation moderne.
"Stimuler le génie français prêt à s'endormir, rappeler l'attention vers les sciences, ranimer l'amour de l'étude" écrivait MONGE à sa création. Dès l'origine, certaines valeurs ont prévalu : élitisme républicain fondé sur la reconnaissance du seul mérite, rationalité scientifique, intelligence créatrice, sens du service de la patrie. Ces valeurs ont incontestablement résisté à deux cents ans d'histoire.
La loi du 7 Vendémiaire de l'an III définissait les critères sur lesquels les jeunes gens seraient choisis : ils devront "avoir prouvé leur intelligence en subissant un examen sur l'arithmétique et sur les éléments d'algèbre et de géométrie". Ce recrutement fondé sur le seul mérite est une caractéristique essentielle de l'Ecole Polytechnique. Il a permis une longue tradition de promotion sociale.
Ce même texte fondateur prévoyait que l'Ecole avait pour objectif de former ceux qui devaient exercer les "fonctions d'ingénieurs pour les différentes formes de travaux publics, d'après la capacité et l'aptitude qu'ils auront montrées". Car Polytechnique est d'abord une grande école d'ingénieur. Ce mot "ingénieur" porte en lui un double sens : il doit être à la fois scientifique car il lui faut comprendre les lois de la nature et, si besoin est, les découvrir, et organisateur car l'exécution de grands ouvrages est avant tout un travail collectif.
Cette vocation polyvalente du métier d'ingénieur explique que les polytechniciens se penchent sur l'ensemble des problèmes de la société française. Chercheurs, bâtisseurs, enseignants, industriels, administrateurs... L'histoire de cette école épouse celle de la France. Mieux, les Polytechniciens ont contribué à façonner le visage moderne de notre pays.
En deux cents ans, l'Ecole Polytechnique a donné à la France des personnages d'exception. Songeons aux théoriciens scientifiques, tels POINCARE et le prix Nobel BECQUEREL, ou aux économistes tels Jacques RUEFF ! Songeons à ceux qui s'illustrèrent dans la défense de notre pays, tels JOFFRE, FOCH, et ESTIENNE D'ORVES ! Songeons aux serviteurs de l'Etat, à l'exemple de Pierre GUILLAUMAT, qui participèrent au développement économique de notre pays ! Songeons aux entrepreneurs, tel André CITROEN qui permirent à notre pays de rentrer de plein pied dans la modernité !
Le passé de l'Ecole, les hommes et les femmes qu'elle a donnés au pays les rendent dignes de la confiance que la Nation a placée en eux. Il est bon que ces hommes et ces femmes aient conscience de l'effort que la Nation consent pour leur assurer une formation privilégiée et de la dette envers le pays qu'ils doivent ainsi rembourser.
Il est bon que ces hommes et ces femmes, que des concours ont distingués, sachent aussi que cette voie n'est pas unique, que la vie reclasse les talents et fait émerger les mérites. Ainsi, les élites républicaines pourront affronter les changements de notre société, résister aux tentations corporatistes et entrer pleinement dans une compétition dont ils n'ont rien à redouter.
Polytechnique est un vivier de cadres qui doivent permettre à notre pays de tenir son rang économique au sein des nations dans ce que Bernard ESAMBERT a appelé la guerre économique mondiale. Aussi les évolutions qu'elle amorce, notamment sa plus grande ouverture sur les réalités internationales et sur celles de l'entreprise, me paraissent-elles appropriées aux exigences actuelles. La guerre économique se nourrit de créativité scientifique et d'innovation. Il est nécessaire de développer plus encore le lien entre la recherche et l'enseignement pour inciter nos meilleurs scientifiques à se consacrer plus largement encore à la recherche et à la technologie. Il est également nécessaire que l'Ecole veille à la qualité des spécialisations ultérieures de ses élèves car la généralité ne suffit plus face à la complexité croissante du monde.
Ces orientations sont nécessaire pour permettre de mieux épouser le progrès et ses ruptures, de répondre à ces grands enjeux que votre colloque a pris pour objet d'étude : les évolutions technologiques de demain ; la mondialisation économique, sociale et culturelle et la façon dont nous devons la gérer pour bâtir un monde plus solidaire.
En cette fin de XXème siècle, grâce ou à cause du progrès technique et des évolutions de la technologie, qui ont centuplé la puissance de l'homme, nous vivons le passage de l'ère de la révolution industrielle, celle de la mécanisation, à l'ère dite de la troisième révolution technologique, celle de l'information et de la communication.
Bientôt devenus "comme maîtres et possesseurs de la nature", conformément au projet cartésien, nous nous heurtons aux difficultés nouvelles que suscita l'avancée technologique elle-même : explosion démographique, menaces sur l'équilibre écologique, soubresauts économiques, dilemmes éthiques, dissolution des liens sociaux. Confrontés aux problèmes de déséquilibre du développement, d'exclusion, d'environnement, de morale, nous sommes moins bien assurés de notre foi dans le progrès.
C'est pourtant bien toujours du même débat qu'il s'agit, celui des moyens et des fins.
Le progrès technique reste le principal atout de l'humanité dans sa quête car l'innovation technologique est la condition nécessaire du progrès et le nerf de la guerre économique, mais nous savons aussi que cette irrésistible montée de la technologie doit, pour âtre acceptée, être au service de l'homme.
Le progrès technique et économique ne se suffit pas à lui seul et ne se conçoit pas seul. Il faut concilier la volonté de changement avec le respect des traditions essentielles. Une certaine conception de la famille a ainsi été mise à mal, à tort, au nom du progrès. Il faut concilier le progrès avec le respect de notre patrimoine naturel. La remise en cause des moyens techniques de la production, comme ceux de la consommation, qui reposaient sur la destruction du patrimoine que la nature nous offre, était nécessaire. Ceci a conduit à la notion de développement durable qui ne s'oppose pas à l'impératif de croissance économique. Au contraire, organiser un développement durable, c'est imaginer des sentiers de croissance que nos enfants pourront continuer à suivre. Il faut concilier la participation de tous à l'effort collectif qui permet de créer davantage de richesse en reconnaissant le droit de chacun à proposer, à innover, à décider.
Les nouvelles technologies de l'information seront assurément un facteur clé des grands changements du XXIème siècle. Après avoir cherché à communiquer plus loin, plus vite, il nous faudra communiquer plus près, créer des produits plus souples, plus proches des besoins et du comportement du consommateur, de l'utilisateur. C'est dans cet esprit qu'a été décidé le lancement d'une réflexion autour des autoroutes de l'information.
Pour réussir dans ces entreprises, je suis convaincu qu'il nous faut renforcer la formation, initiale et continue, compléter l'enseignement secondaire. La formation de l'honnête homme moderne, au-delà de la nécessaire culture classique, doit comporter une composante qui lui fait plus défaut en France qu'ailleurs : la culture technologique qui permettrait aux jeunes, de mieux s'insérer dans le monde du travail en les préparant à adopter des méthodes qui les aideront à développer leur savoir faire. Elever le niveau de culture technologique de nos concitoyens est un objectif majeur pour éviter un éclatement de notre société entre ceux qui sauront utiliser ces techniques nouvelles et ceux que le progrès laissera au bord de la route. C'est dans cet esprit que j'ai souhaité mettre en place un haut conseil pour l'information scientifique et technique.
Nous devons collectivement tendre vers une technologie plus intégrée encore à la société. Telle est la gageure à laquelle doivent répondre les scientifiques et les techniciens. C'est un des enjeux essentiels mis en évidence par la consultation nationale sur la recherche française que le Gouvernement vient de mener pour retrouver une vision stratégique dans ce domaine.
Par une meilleure articulation de la connaissance scientifique et de la maîtrise technologique, nous serons mieux armés dans la compétition internationale. N'oublions pas que la capacité d'innover est, en cette matière, un atout décisif. La conjugaison des efforts des scientifiques, des ingénieurs et des entreprises doit permettre de transformer les progrès de la connaissance scientifique en produits et procédés qui permettront le développement des entreprises et la création d'emplois.
La technologie peut et doit jouer un rôle de fédérateur de nos énergies autour de quelques grands projets qui accroîtront le bien-être de tous. Elle peut être à l'origine d'un nouvel humanisme, créateur de nouvelles solidarités.
Aussi ai-je considéré avec intérêt une proposition née des travaux préparatoires de ce colloque. Il s'agit de mettre en place un système d'observation de la terre qui veillerait à la bonne harmonie de nos activités sur cette terre et à l'équilibre planétaire.
Idée qu'il faut mettre à profit, ainsi que d'autres bien séduisantes, comme les explorations plus poussées de l'espace ou le développement des cités marines. Il est heureux de penser qu'avec le siècle prochain l'homme se mesurera aux nouvelles frontières.
Pareils projets doivent réunir les efforts de tous : la coopération des Etats est désormais la condition de la réussite. Les impératifs du développement sont l'une des justifications de l'effort de construction européenne dans lequel nous nous sommes engagés. En matière de technologies nouvelles plus que dans tout autre domaine, notre pensée, nos investissements, nos recherches et nos efforts doivent, pour aboutir, être européens, et quelquefois mondiaux. C'est désormais vrai dans de nombreux domaines : les télécommunications, les transports, l'informatique, les matériaux, la médecine, la mécanique pour n'en citer que quelques-uns.
L'Europe gagnerait à multiplier les technopôles, véritables foyers de créativité où la recherche et la technologie bénéficieraient des meilleures formations et conditions de travail. Dans ces lieux où les compétences se rassembleraient, la mise en commun des talents pourrait permettre de relever le plus grand défi international, celui des technologies modernes.
Le deuxième défi qui constitue en même temps le deuxième thème de votre réflexion est celui de la mondialisation. Ce phénomène affecte, là encore, tous les aspects de notre existence. Les transactions se font désormais à l'échelle de la planète. L'espace et le temps ne s'appréhendent plus de la même façon quand les marchés et les cultures communiquent à pareille vitesse. Ce défi est lancé à l'entreprise, à l'Etat, à la société tout entière.
Défi aux entreprises qui sont à la poursuite de ce l'on désigne du mot barbare de globalisation.
Ce phénomène modifie peu à peu la teneur même des activités exercées dans les pays industrialisés. Les entreprises évoluent irrésistiblement vers des métiers de service. Aujourd'hui, aux Etats-Unis, les services représentent plus de 80 % du produit national brut si l'on compte parmi eux les opérations immatérielles des entreprises industrielles.
Les entreprises doivent prendre en compte cette évolution. Il faut surtout, et la société entière est concernée, savoir donner aux services la place qu'ils méritent car ils peuvent nous aider à créer plus d'emplois.
La mondialisation est aussi un défi lancé à l'Etat et je souhaite préciser comment je conçois la nécessaire évolution de l'Etat face à ce défi.
Longtemps nous avons cru qu'il revenait à l'Etat de proposer, de définir, un idéal national, social, culturel. Dans un monde qui a tant changé, l'Etat ne peut plus avoir les mêmes buts, ni centraliser tous les pouvoirs et prendre toutes les décisions. Il a pour mission d'ordonner une autre société qui permette le progrès pour tous, la solidarité et la défense de la Nation. C'est déjà une tâche immense.
Je crois en un Etat régalien, recentré et efficace, qui sache ménager la liberté de chacun. Le progrès, c'est-à-dire la croissance économique et la justice, ne résultera que d'une plus grande liberté et d'une plus grande responsabilité de chacun. C'est tout le sens de la politique que nous menons.
Voilà ce qui nous conduit à rechercher une meilleure maîtrise des dépenses publiques en gérant mieux l'Etat, pour diminuer les déficits publics en même temps que les charges qui pèsent sur les entreprises et les ménages.
Le monde dans lequel nous vivons a bien changé depuis deux siècles, mais je demeure convaincu que la philosophie optimiste qui a vu la naissance de l'Ecole Polytechnique garde toute sa force. Pour l'avenir, seul l'épanouissement de la liberté est réaliste. Cela ne signifie bien évidemment pas le règne de la licence et l'absence de toute intervention étatique. L'Etat doit au contraire veiller à la mise en oeuvre des solidarités essentielles à notre société. Il doit pour cela concilier les contraires dans le respect de principes permanents : la Nation qui correspond à un besoin de protection et d'identification dans une communauté de taille humaine; l'Europe qui correspond à l'aspiration des Etats à retrouver une influence perdue ; la sauvegarde de l'environnement qui correspond au désir de ne pas voir la nature détruite par un progrès mal contrôlé.
Notre monde est soumis à des influences contradictoires entre, d'une part, une unification toujours plus forte et d'autre part, une tendance à la fragmentation qui nuit au sentiment d'une identité commune. L'actualité de tous les jours le confirme : les mouvements migratoires, les séparatismes, les conflits ethniques et religieux minent de tous côtés les cohésions nationales et remettent en cause la démocratie qui suppose un corps social adhérant à des principes communs. Les luttes qui se déroulent à nos portes, en ex-Yougoslavie, sur un continent que la guerre avait épargné depuis un demi-siècle, nous rappellent plus fermement que jamais à la vigilance.
C'est pour cela que, face à cette mondialisation de l'économie, la mise en place d'une organisation du commerce qui veille aux règles de la concurrence internationale et qui ne fasse pas la part trop belle aux pays les moins soucieux de justice sociale était essentielle. C'est pour cela qu'il est nécessaire de mettre en place un système monétaire international stable sans lequel aucun développement ordonné du monde n'est possible. C'est pour cela que j'ai pris l'initiative du pacte de stabilité en Europe pour assurer les conditions d'une paix durable.
Enfin, c'est la société tout entière qui est concernée par ce défi de la mondialisation. A trois décennies de croissance économique forte et de progrès social a succédé une crise qui dure encore.
Cette crise a profondément affecté nos sociétés. En 20 ans le chômage a été multiplié par 6.
Aussi devons-nous agir pour maintenir ce pacte social qui faisait notre fierté depuis la Révolution et que soutenaient des valeurs communes, de justice et de fraternité. Les décennies qui s'annoncent seront décisives et il faudra beaucoup d'énergie et de fermeté pour préserver nos valeurs sociales, les soustraire aux pressions de la concurrence mondiale.
Nous le pourrons si nous le voulons. Pour cela, il faut inventer une autre société qui ne soit pas la reproduction des modèles du passé. Il faut renouveler le contrat social des Lumières en inventant de nouvelles formes de solidarités.
C'est le sens des préoccupations qui nous animent en matière d'aménagement du territoire. Nous devons parvenir à un meilleur partage des ressources entre les collectivités pour éviter la désertification de nos campagnes.
C'est aussi le sens de la politique de la ville. Nos banlieues doivent faire face à ces phénomènes qui, cumulés, portent des risques d'explosion : la surpopulation, la dégradation de l'habitat, la coexistence parfois conflictuelle de communautés que les traditions séparent, le chômage, bien sûr, et l'échec scolaire qui le prépare, l'insécurité enfin. A ces maux, nous entendons apporter de vraies réponses. Celles-ci supposent une action en profondeur, des efforts dans tous les domaines dont la conjugaison demande du temps et de la patience.
Garantir les solidarités, cela passe par une politique familiale pour inverser la tendance démographique actuelle, par une protection sociale plus efficace, mais mieux organisée et dont les coûts soient mieux maîtrisés, en matière de retraite comme de santé.
Nous avons engagé dès la formation du gouvernement la réforme de notre système de retraite pour qu'il soit à la fois durable et équitable.
La société française doit également pouvoir bénéficier du progrès médical sans que le système de sécurité sociale soit menacé. Les Français y sont tous, légitimement attachés. Les choix, délicats en ce domaine, ne doivent dépendre ni des intérêts locaux ni des corps intermédiaires. Tous doivent prendre leurs responsabilités pour que la médecine soit moins coûteuse et plus efficace. Ce n'est qu'en maîtrisant les prélèvements sociaux que nous permettrons à notre économie de rester compétitive et donc de créer des emplois.
Il faut que tous nos concitoyens partagent les bienfaits du progrès, que la misère et l'exclusion régressent. C'est là une priorité de notre action à laquelle tous les responsables politiques, économiques et scientifiques, la société entière doivent s'associer. Là encore l'accès au travail est sans doute le meilleur moyen de vaincre l'exclusion. Et s'il est difficile de prédire l'évolution de l'emploi en France ou en Europe, les premiers effets de notre politique nous encouragent sur cette voie.
Cette voie est celle du retour à une croissance forte. Pour cela le travail doit être mieux réparti, mieux organisé, en allégeant par exemple les contraintes administratives. Il doit, surtout quand il est peu qualifié et donc menacé, coûter moins cher. Nous réfléchissons donc aux moyens de financer la protection sociale sans obérer le coût du travail. Toutes les énergies, toutes les réflexions doivent converger sur cet immense problème de l'emploi, le plus important, celui dont la solution conditionne celle de tous les autres.
Le recours à la mobilité, à la formation continue, à des reconversions professionnelles sera nécessaire. Soyons conscients que les jeunes Français connaîtront plusieurs métiers et plusieurs entreprises durant leur vie professionnelle. Cela exige que chacun puisse acquérir une véritable qualification professionnelle. Les entreprises ont ici un rôle déterminant à jouer. En participant à cet effort de formation initiale et continue, elles contribueront à resserrer le tissu économique et social.
Les entreprises devront se soucier davantage des affaires de la cité et c'est de cette capacité à développer collectivement un monde dont elles se sentiront pleinement citoyennes que dépendra leur avenir et le nôtre.
La marche vers cette autre société est engagée. Il n'y a pas de progrès économique sans progrès social. Et vous savez qu'il ne peut y avoir de progrès social qui ne soit assis sur une économie forte.
Le devoir collectif des hommes politiques, des industriels, des banquiers, des chercheurs, est de permettre que soient mises en oeuvre ces valeurs qui animaient les Savants de la Convention.
Le thème du grand colloque qui vous a réunis était une interrogation sur l'avenir de nos sociétés. Nous percevons qu'il sera à la fois plus proche et plus universel.
Universel, car il faudra privilégier une approche planétaire des problèmes technologiques, économiques et sociaux. Dans bien des domaines, le seul espace de développement sera mondial, un espace riche de communication et d'échanges entre les hommes, les idées et les valeurs.
Mais cet avenir conçu à une si vaste échelle doit être aussi proche de l'homme. Il doit s'ouvrir pour chacun, enraciné, dans les identités locales et les solidarités régionales.Car c'est dans l'environnement proche, l'héritage culturel de chacun que l'on trouve la force de regarder au loin, comme c'est dans le passé et dans ces deux siècles écoulés que vous avez sagement cherché les germes de l'avenir.
Je pense, bien sûr, aux autorités de l'Ecole Polytechnique, au Président de son Conseil d'Administration, M. Pierre FAURE, et au Général MARESCAUX qui la dirige. Je pense au Président de l'Association des Anciens Elèves de l'Ecole Polytechnique, M. Bernard PACHE, à celui de sa Fondation, M. Bertrand COLLOMB, à M. Christian MARBACH qui a animé l'Association du Bicentenaire, et, enfin à M. Jacques BOUTTES qui a mobilisé les énergies nécessaires à la préparation de ce grand colloque de prospective sur le XXIème siècle. Je tiens également à saluer la présence de Mme Geneviève DE GAULLE ANTONIOZ, Présidente de ATD Quart Monde et en cette année de la femme, de Mme Anne DUTHILLEUL CHOPINET, première femme entrée à l'Ecole.
Polytechnique a deux cents ans. Née de la haute exigence que le Comité des Savants de 1794 nourrissait pour la Nation et qui présida à la création des "Ecoles de services publics", l'Ecole Polytechnique fut la première grande institution chargée de former l'élite républicaine dont le pays avait besoin. La même année étaient également fondés, pour l'enseignement, l'Ecole Normale Supérieure, pour la technique, le Conservatoire des Arts et Métiers, pour la diplomatie, les Langues Orientales. Cette Ecole est née sous le signe d'une grande ambition, révolutionnaire à l'époque : former des cadres scientifiques et des responsables indispensables à une grande nation moderne.
"Stimuler le génie français prêt à s'endormir, rappeler l'attention vers les sciences, ranimer l'amour de l'étude" écrivait MONGE à sa création. Dès l'origine, certaines valeurs ont prévalu : élitisme républicain fondé sur la reconnaissance du seul mérite, rationalité scientifique, intelligence créatrice, sens du service de la patrie. Ces valeurs ont incontestablement résisté à deux cents ans d'histoire.
La loi du 7 Vendémiaire de l'an III définissait les critères sur lesquels les jeunes gens seraient choisis : ils devront "avoir prouvé leur intelligence en subissant un examen sur l'arithmétique et sur les éléments d'algèbre et de géométrie". Ce recrutement fondé sur le seul mérite est une caractéristique essentielle de l'Ecole Polytechnique. Il a permis une longue tradition de promotion sociale.
Ce même texte fondateur prévoyait que l'Ecole avait pour objectif de former ceux qui devaient exercer les "fonctions d'ingénieurs pour les différentes formes de travaux publics, d'après la capacité et l'aptitude qu'ils auront montrées". Car Polytechnique est d'abord une grande école d'ingénieur. Ce mot "ingénieur" porte en lui un double sens : il doit être à la fois scientifique car il lui faut comprendre les lois de la nature et, si besoin est, les découvrir, et organisateur car l'exécution de grands ouvrages est avant tout un travail collectif.
Cette vocation polyvalente du métier d'ingénieur explique que les polytechniciens se penchent sur l'ensemble des problèmes de la société française. Chercheurs, bâtisseurs, enseignants, industriels, administrateurs... L'histoire de cette école épouse celle de la France. Mieux, les Polytechniciens ont contribué à façonner le visage moderne de notre pays.
En deux cents ans, l'Ecole Polytechnique a donné à la France des personnages d'exception. Songeons aux théoriciens scientifiques, tels POINCARE et le prix Nobel BECQUEREL, ou aux économistes tels Jacques RUEFF ! Songeons à ceux qui s'illustrèrent dans la défense de notre pays, tels JOFFRE, FOCH, et ESTIENNE D'ORVES ! Songeons aux serviteurs de l'Etat, à l'exemple de Pierre GUILLAUMAT, qui participèrent au développement économique de notre pays ! Songeons aux entrepreneurs, tel André CITROEN qui permirent à notre pays de rentrer de plein pied dans la modernité !
Le passé de l'Ecole, les hommes et les femmes qu'elle a donnés au pays les rendent dignes de la confiance que la Nation a placée en eux. Il est bon que ces hommes et ces femmes aient conscience de l'effort que la Nation consent pour leur assurer une formation privilégiée et de la dette envers le pays qu'ils doivent ainsi rembourser.
Il est bon que ces hommes et ces femmes, que des concours ont distingués, sachent aussi que cette voie n'est pas unique, que la vie reclasse les talents et fait émerger les mérites. Ainsi, les élites républicaines pourront affronter les changements de notre société, résister aux tentations corporatistes et entrer pleinement dans une compétition dont ils n'ont rien à redouter.
Polytechnique est un vivier de cadres qui doivent permettre à notre pays de tenir son rang économique au sein des nations dans ce que Bernard ESAMBERT a appelé la guerre économique mondiale. Aussi les évolutions qu'elle amorce, notamment sa plus grande ouverture sur les réalités internationales et sur celles de l'entreprise, me paraissent-elles appropriées aux exigences actuelles. La guerre économique se nourrit de créativité scientifique et d'innovation. Il est nécessaire de développer plus encore le lien entre la recherche et l'enseignement pour inciter nos meilleurs scientifiques à se consacrer plus largement encore à la recherche et à la technologie. Il est également nécessaire que l'Ecole veille à la qualité des spécialisations ultérieures de ses élèves car la généralité ne suffit plus face à la complexité croissante du monde.
Ces orientations sont nécessaire pour permettre de mieux épouser le progrès et ses ruptures, de répondre à ces grands enjeux que votre colloque a pris pour objet d'étude : les évolutions technologiques de demain ; la mondialisation économique, sociale et culturelle et la façon dont nous devons la gérer pour bâtir un monde plus solidaire.
En cette fin de XXème siècle, grâce ou à cause du progrès technique et des évolutions de la technologie, qui ont centuplé la puissance de l'homme, nous vivons le passage de l'ère de la révolution industrielle, celle de la mécanisation, à l'ère dite de la troisième révolution technologique, celle de l'information et de la communication.
Bientôt devenus "comme maîtres et possesseurs de la nature", conformément au projet cartésien, nous nous heurtons aux difficultés nouvelles que suscita l'avancée technologique elle-même : explosion démographique, menaces sur l'équilibre écologique, soubresauts économiques, dilemmes éthiques, dissolution des liens sociaux. Confrontés aux problèmes de déséquilibre du développement, d'exclusion, d'environnement, de morale, nous sommes moins bien assurés de notre foi dans le progrès.
C'est pourtant bien toujours du même débat qu'il s'agit, celui des moyens et des fins.
Le progrès technique reste le principal atout de l'humanité dans sa quête car l'innovation technologique est la condition nécessaire du progrès et le nerf de la guerre économique, mais nous savons aussi que cette irrésistible montée de la technologie doit, pour âtre acceptée, être au service de l'homme.
Le progrès technique et économique ne se suffit pas à lui seul et ne se conçoit pas seul. Il faut concilier la volonté de changement avec le respect des traditions essentielles. Une certaine conception de la famille a ainsi été mise à mal, à tort, au nom du progrès. Il faut concilier le progrès avec le respect de notre patrimoine naturel. La remise en cause des moyens techniques de la production, comme ceux de la consommation, qui reposaient sur la destruction du patrimoine que la nature nous offre, était nécessaire. Ceci a conduit à la notion de développement durable qui ne s'oppose pas à l'impératif de croissance économique. Au contraire, organiser un développement durable, c'est imaginer des sentiers de croissance que nos enfants pourront continuer à suivre. Il faut concilier la participation de tous à l'effort collectif qui permet de créer davantage de richesse en reconnaissant le droit de chacun à proposer, à innover, à décider.
Les nouvelles technologies de l'information seront assurément un facteur clé des grands changements du XXIème siècle. Après avoir cherché à communiquer plus loin, plus vite, il nous faudra communiquer plus près, créer des produits plus souples, plus proches des besoins et du comportement du consommateur, de l'utilisateur. C'est dans cet esprit qu'a été décidé le lancement d'une réflexion autour des autoroutes de l'information.
Pour réussir dans ces entreprises, je suis convaincu qu'il nous faut renforcer la formation, initiale et continue, compléter l'enseignement secondaire. La formation de l'honnête homme moderne, au-delà de la nécessaire culture classique, doit comporter une composante qui lui fait plus défaut en France qu'ailleurs : la culture technologique qui permettrait aux jeunes, de mieux s'insérer dans le monde du travail en les préparant à adopter des méthodes qui les aideront à développer leur savoir faire. Elever le niveau de culture technologique de nos concitoyens est un objectif majeur pour éviter un éclatement de notre société entre ceux qui sauront utiliser ces techniques nouvelles et ceux que le progrès laissera au bord de la route. C'est dans cet esprit que j'ai souhaité mettre en place un haut conseil pour l'information scientifique et technique.
Nous devons collectivement tendre vers une technologie plus intégrée encore à la société. Telle est la gageure à laquelle doivent répondre les scientifiques et les techniciens. C'est un des enjeux essentiels mis en évidence par la consultation nationale sur la recherche française que le Gouvernement vient de mener pour retrouver une vision stratégique dans ce domaine.
Par une meilleure articulation de la connaissance scientifique et de la maîtrise technologique, nous serons mieux armés dans la compétition internationale. N'oublions pas que la capacité d'innover est, en cette matière, un atout décisif. La conjugaison des efforts des scientifiques, des ingénieurs et des entreprises doit permettre de transformer les progrès de la connaissance scientifique en produits et procédés qui permettront le développement des entreprises et la création d'emplois.
La technologie peut et doit jouer un rôle de fédérateur de nos énergies autour de quelques grands projets qui accroîtront le bien-être de tous. Elle peut être à l'origine d'un nouvel humanisme, créateur de nouvelles solidarités.
Aussi ai-je considéré avec intérêt une proposition née des travaux préparatoires de ce colloque. Il s'agit de mettre en place un système d'observation de la terre qui veillerait à la bonne harmonie de nos activités sur cette terre et à l'équilibre planétaire.
Idée qu'il faut mettre à profit, ainsi que d'autres bien séduisantes, comme les explorations plus poussées de l'espace ou le développement des cités marines. Il est heureux de penser qu'avec le siècle prochain l'homme se mesurera aux nouvelles frontières.
Pareils projets doivent réunir les efforts de tous : la coopération des Etats est désormais la condition de la réussite. Les impératifs du développement sont l'une des justifications de l'effort de construction européenne dans lequel nous nous sommes engagés. En matière de technologies nouvelles plus que dans tout autre domaine, notre pensée, nos investissements, nos recherches et nos efforts doivent, pour aboutir, être européens, et quelquefois mondiaux. C'est désormais vrai dans de nombreux domaines : les télécommunications, les transports, l'informatique, les matériaux, la médecine, la mécanique pour n'en citer que quelques-uns.
L'Europe gagnerait à multiplier les technopôles, véritables foyers de créativité où la recherche et la technologie bénéficieraient des meilleures formations et conditions de travail. Dans ces lieux où les compétences se rassembleraient, la mise en commun des talents pourrait permettre de relever le plus grand défi international, celui des technologies modernes.
Le deuxième défi qui constitue en même temps le deuxième thème de votre réflexion est celui de la mondialisation. Ce phénomène affecte, là encore, tous les aspects de notre existence. Les transactions se font désormais à l'échelle de la planète. L'espace et le temps ne s'appréhendent plus de la même façon quand les marchés et les cultures communiquent à pareille vitesse. Ce défi est lancé à l'entreprise, à l'Etat, à la société tout entière.
Défi aux entreprises qui sont à la poursuite de ce l'on désigne du mot barbare de globalisation.
Ce phénomène modifie peu à peu la teneur même des activités exercées dans les pays industrialisés. Les entreprises évoluent irrésistiblement vers des métiers de service. Aujourd'hui, aux Etats-Unis, les services représentent plus de 80 % du produit national brut si l'on compte parmi eux les opérations immatérielles des entreprises industrielles.
Les entreprises doivent prendre en compte cette évolution. Il faut surtout, et la société entière est concernée, savoir donner aux services la place qu'ils méritent car ils peuvent nous aider à créer plus d'emplois.
La mondialisation est aussi un défi lancé à l'Etat et je souhaite préciser comment je conçois la nécessaire évolution de l'Etat face à ce défi.
Longtemps nous avons cru qu'il revenait à l'Etat de proposer, de définir, un idéal national, social, culturel. Dans un monde qui a tant changé, l'Etat ne peut plus avoir les mêmes buts, ni centraliser tous les pouvoirs et prendre toutes les décisions. Il a pour mission d'ordonner une autre société qui permette le progrès pour tous, la solidarité et la défense de la Nation. C'est déjà une tâche immense.
Je crois en un Etat régalien, recentré et efficace, qui sache ménager la liberté de chacun. Le progrès, c'est-à-dire la croissance économique et la justice, ne résultera que d'une plus grande liberté et d'une plus grande responsabilité de chacun. C'est tout le sens de la politique que nous menons.
Voilà ce qui nous conduit à rechercher une meilleure maîtrise des dépenses publiques en gérant mieux l'Etat, pour diminuer les déficits publics en même temps que les charges qui pèsent sur les entreprises et les ménages.
Le monde dans lequel nous vivons a bien changé depuis deux siècles, mais je demeure convaincu que la philosophie optimiste qui a vu la naissance de l'Ecole Polytechnique garde toute sa force. Pour l'avenir, seul l'épanouissement de la liberté est réaliste. Cela ne signifie bien évidemment pas le règne de la licence et l'absence de toute intervention étatique. L'Etat doit au contraire veiller à la mise en oeuvre des solidarités essentielles à notre société. Il doit pour cela concilier les contraires dans le respect de principes permanents : la Nation qui correspond à un besoin de protection et d'identification dans une communauté de taille humaine; l'Europe qui correspond à l'aspiration des Etats à retrouver une influence perdue ; la sauvegarde de l'environnement qui correspond au désir de ne pas voir la nature détruite par un progrès mal contrôlé.
Notre monde est soumis à des influences contradictoires entre, d'une part, une unification toujours plus forte et d'autre part, une tendance à la fragmentation qui nuit au sentiment d'une identité commune. L'actualité de tous les jours le confirme : les mouvements migratoires, les séparatismes, les conflits ethniques et religieux minent de tous côtés les cohésions nationales et remettent en cause la démocratie qui suppose un corps social adhérant à des principes communs. Les luttes qui se déroulent à nos portes, en ex-Yougoslavie, sur un continent que la guerre avait épargné depuis un demi-siècle, nous rappellent plus fermement que jamais à la vigilance.
C'est pour cela que, face à cette mondialisation de l'économie, la mise en place d'une organisation du commerce qui veille aux règles de la concurrence internationale et qui ne fasse pas la part trop belle aux pays les moins soucieux de justice sociale était essentielle. C'est pour cela qu'il est nécessaire de mettre en place un système monétaire international stable sans lequel aucun développement ordonné du monde n'est possible. C'est pour cela que j'ai pris l'initiative du pacte de stabilité en Europe pour assurer les conditions d'une paix durable.
Enfin, c'est la société tout entière qui est concernée par ce défi de la mondialisation. A trois décennies de croissance économique forte et de progrès social a succédé une crise qui dure encore.
Cette crise a profondément affecté nos sociétés. En 20 ans le chômage a été multiplié par 6.
Aussi devons-nous agir pour maintenir ce pacte social qui faisait notre fierté depuis la Révolution et que soutenaient des valeurs communes, de justice et de fraternité. Les décennies qui s'annoncent seront décisives et il faudra beaucoup d'énergie et de fermeté pour préserver nos valeurs sociales, les soustraire aux pressions de la concurrence mondiale.
Nous le pourrons si nous le voulons. Pour cela, il faut inventer une autre société qui ne soit pas la reproduction des modèles du passé. Il faut renouveler le contrat social des Lumières en inventant de nouvelles formes de solidarités.
C'est le sens des préoccupations qui nous animent en matière d'aménagement du territoire. Nous devons parvenir à un meilleur partage des ressources entre les collectivités pour éviter la désertification de nos campagnes.
C'est aussi le sens de la politique de la ville. Nos banlieues doivent faire face à ces phénomènes qui, cumulés, portent des risques d'explosion : la surpopulation, la dégradation de l'habitat, la coexistence parfois conflictuelle de communautés que les traditions séparent, le chômage, bien sûr, et l'échec scolaire qui le prépare, l'insécurité enfin. A ces maux, nous entendons apporter de vraies réponses. Celles-ci supposent une action en profondeur, des efforts dans tous les domaines dont la conjugaison demande du temps et de la patience.
Garantir les solidarités, cela passe par une politique familiale pour inverser la tendance démographique actuelle, par une protection sociale plus efficace, mais mieux organisée et dont les coûts soient mieux maîtrisés, en matière de retraite comme de santé.
Nous avons engagé dès la formation du gouvernement la réforme de notre système de retraite pour qu'il soit à la fois durable et équitable.
La société française doit également pouvoir bénéficier du progrès médical sans que le système de sécurité sociale soit menacé. Les Français y sont tous, légitimement attachés. Les choix, délicats en ce domaine, ne doivent dépendre ni des intérêts locaux ni des corps intermédiaires. Tous doivent prendre leurs responsabilités pour que la médecine soit moins coûteuse et plus efficace. Ce n'est qu'en maîtrisant les prélèvements sociaux que nous permettrons à notre économie de rester compétitive et donc de créer des emplois.
Il faut que tous nos concitoyens partagent les bienfaits du progrès, que la misère et l'exclusion régressent. C'est là une priorité de notre action à laquelle tous les responsables politiques, économiques et scientifiques, la société entière doivent s'associer. Là encore l'accès au travail est sans doute le meilleur moyen de vaincre l'exclusion. Et s'il est difficile de prédire l'évolution de l'emploi en France ou en Europe, les premiers effets de notre politique nous encouragent sur cette voie.
Cette voie est celle du retour à une croissance forte. Pour cela le travail doit être mieux réparti, mieux organisé, en allégeant par exemple les contraintes administratives. Il doit, surtout quand il est peu qualifié et donc menacé, coûter moins cher. Nous réfléchissons donc aux moyens de financer la protection sociale sans obérer le coût du travail. Toutes les énergies, toutes les réflexions doivent converger sur cet immense problème de l'emploi, le plus important, celui dont la solution conditionne celle de tous les autres.
Le recours à la mobilité, à la formation continue, à des reconversions professionnelles sera nécessaire. Soyons conscients que les jeunes Français connaîtront plusieurs métiers et plusieurs entreprises durant leur vie professionnelle. Cela exige que chacun puisse acquérir une véritable qualification professionnelle. Les entreprises ont ici un rôle déterminant à jouer. En participant à cet effort de formation initiale et continue, elles contribueront à resserrer le tissu économique et social.
Les entreprises devront se soucier davantage des affaires de la cité et c'est de cette capacité à développer collectivement un monde dont elles se sentiront pleinement citoyennes que dépendra leur avenir et le nôtre.
La marche vers cette autre société est engagée. Il n'y a pas de progrès économique sans progrès social. Et vous savez qu'il ne peut y avoir de progrès social qui ne soit assis sur une économie forte.
Le devoir collectif des hommes politiques, des industriels, des banquiers, des chercheurs, est de permettre que soient mises en oeuvre ces valeurs qui animaient les Savants de la Convention.
Le thème du grand colloque qui vous a réunis était une interrogation sur l'avenir de nos sociétés. Nous percevons qu'il sera à la fois plus proche et plus universel.
Universel, car il faudra privilégier une approche planétaire des problèmes technologiques, économiques et sociaux. Dans bien des domaines, le seul espace de développement sera mondial, un espace riche de communication et d'échanges entre les hommes, les idées et les valeurs.
Mais cet avenir conçu à une si vaste échelle doit être aussi proche de l'homme. Il doit s'ouvrir pour chacun, enraciné, dans les identités locales et les solidarités régionales.Car c'est dans l'environnement proche, l'héritage culturel de chacun que l'on trouve la force de regarder au loin, comme c'est dans le passé et dans ces deux siècles écoulés que vous avez sagement cherché les germes de l'avenir.