Texte intégral
JULIE LECLERC
Ce matin, Patrick, vous recevez le ministre de l'Economie et des Finances.
PATRICK COHEN
Alias Hermès, le messager de Jupiter, c'est comme ça qu'il s'était présenté il y a quelques semaines à New-York. Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Patrick COHEN.
PATRICK COHEN
Le président, le gouvernement, jouent gros aujourd'hui avec cette réforme du marché du travail, dont on va connaitre le contenu détaillé dans quelques heures ?
BRUNO LE MAIRE
Il joue gros, je pense surtout que c'est les Français et c'est le pays qui jouent gros. Parce que ma conviction c'est que si nous voulons créer plus d'emploi, et c'est bien ça notre objectif, il faut un marché du travail plus simple, et la réforme que va présenter le Premier ministre, avec Muriel PENICAUD, c'est une réforme qui permettra de créer plus d'emploi, en particulier dans les PME.
PATRICK COHEN
Mais vous ne dites pas combien, il n'y a pas d'objectifs chiffrés.
BRUNO LE MAIRE
Non, sûrement pas des objectifs chiffrés, vous savez, les pin's que l'on affiche, les objectifs d'inversion de la courbe du chômage, on sait ce que ça donne...
PATRICK COHEN
C'est pas une promesse à court terme, en tout cas.
BRUNO LE MAIRE
Ah non, c'est une transformation en profondeur.
PATRICK COHEN
Il n'y aura pas d'effet à court terme.
BRUNO LE MAIRE
Il n'y aura probablement pas d'effets demain ou après demain, mais je pense que pour toutes les PME, pour tous ceux qui embauchent, et il n'y a pas de décision plus difficile pour un chef d'entreprise, que prendre la responsabilité d'embaucher un nouveau collaborateur. Là il va le faire en sécurité, en sachant comment ça se passe si jamais demain, après demain, il est obligé de s'en séparer. Les salariés...
PATRICK COHEN
Mais moins de sécurité pour les salariés.
BRUNO LE MAIRE
Non, pas du tout, les salariés vont pouvoir participer davantage à la vie de l'entreprise. Moi il y a une chose que je trouve formidable dans ces réformes présentées par Muriel PENICAUD, c'est la capacité pour les salariés de négocier directement, même lorsqu'il n'y a pas de syndicat, dans les petites entreprises, celles de moins de 50 salariés. Parce que ça fait participer tout le monde aux transformations de l'entreprise.
PATRICK COHEN
Alors, votre chantier à vous, c'est une réforme de la fiscalité, Bruno LE MAIRE, qui va notamment enterrer l'ISF, l'impôt sur la fortune, tel qu'on le connait depuis plus de 30 ans, et qui va profiter aux plus riches, 4 milliards d'euros rendus aux 330 000 redevables de l'ISF, c'est considérable. Comment justifier un tel cadeau ?
BRUNO LE MAIRE
Il n'y a aucun cadeau. Il y a une politique, une politique qui vise à financer nos entreprises. Alors, on peut continuer comme avant, avec une vision très égalitariste de l'impôt, ce n'est pas la mienne. La vision que nous défendons, c'est celle d'un impôt qui doit participer au financement de nos entreprises, de l'investissement, de l'innovation et donc des emplois de demain. Oui, j'assume la suppression de l'impôt sur la fortune, pour les valeurs mobilières. Si vous investissez...
PATRICK COHEN
Les valeurs mobilières, les placements financiers, les liquidités, les meubles, les voitures, les bijoux, les chevaux de course...
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, mais c'est quoi tout ça ?
PATRICK COHEN
Tout ça était soumis à l'ISF, et tout ça sera exonéré demain.
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais enfin, Patrick COHEN, n'exagérons rien, il n'y a pas non plus des millions de chevaux de course en France, et des millions de personnes qui investissent dans les chevaux de course. En revanche, il y a beaucoup de Français...
PATRICK COHEN
Il y en a quelques centaines de milliers.
BRUNO LE MAIRE
... qui investissent dans les entreprises, qui investissent dans les PME, qui prennent des parts, qui prennent des actions dans les entreprises, ça finance notre économie réelle, et ça...
PATRICK COHEN
Sans garantie que ces quatre milliards iront à l'investissement et retourneront dans les entreprises.
BRUNO LE MAIRE
Mais, sans garantie non plus, Patrick COHEN, sans garantie non plus pour les gens qui investissent, que ça va bien se passer et qu'ils auront le retour sur leur investissement. Donc, nous soutenons le risque, nous soutenons l'audace. Tous ceux qui font le choix d'investir dans l'économie réelle, d'investir dans les actions, eh bien ils verront leur risque compensé, parce que nous supprimerons l'impôt sur la fortune, sur toutes ces valeurs mobilières.
PATRICK COHEN
Ça fait 12 000 en moyenne par foyer soumis à l'ISF, et beaucoup beaucoup plus pour les très gros patrimoines, puisque c'est progressif.
BRUNO LE MAIRE
Ça permettra, je le redis, de financer notre économie. C'est un choix que nous assumons, et je rappelle que de l'autre côté, nous supprimons toutes les cotisations salariales sur l'assurance chômage, sur l'assurance maladie, ça bénéficiera en priorité à ceux qui sont à des niveaux de salaires modestes, à ceux qui sont au niveau du SMIC. Donc ne me dites pas que nous faisons une politique pour les riches...
PATRICK COHEN
Bruno LE MAIRE, les plus modestes, ceux qui verront leur APL amputée de 5 , se diront que ce n'est pas vraiment la justice sociale qui guide ce gouvernement.
BRUNO LE MAIRE
C'est la justice qui guide ce gouvernement, je vous le confirme. C'est la justice, lorsque vous décidez que le travail paiera davantage, et vous supprimez ces cotisations salariales, assurance chômage, assurance maladie. C'est la justice quand vous augmentez l'allocation adulte handicapé. C'est la justice quand vous dites que ceux qui ont des revenus modestes, qui ne paient pas d'impôt sur le revenu, doivent avoir un crédit d'impôt pour embaucher une aide à domicile, pour aider leurs parents qui sont en situation de dépendance ou pour faire garder leurs enfants. Il y a beaucoup de mesures, justes, nécessaires, dans le projet de budget que nous allons présenter avec Gérald DARMANIN. Vous savez, la politique pour les riches, la politique pour les uns, la politique pour les autres, ça n'est pas ma vision, de l'ambition que nous portons avec le président de la République. Nous, ce que nous portons comme ambition, c'est aller au coeur des problèmes des Français, les régler, et que chacun, au bout du compte, je l'ai dit hier au MEDEF, chacun doit y retrouver son compte.
PATRICK COHEN
L'assurance-vie sera-t-elle davantage taxée, Bruno LE MAIRE ? C'est une inquiétude des professionnels après l'annonce d'une flat-taxe à 30 % qui pourrait décourager la détention longue des produits d'assurance-vie à plus de 8 ans.
BRUNO LE MAIRE
Oui, enfin, là je crois qu'il y a beaucoup de mauvaise foi.
PATRICK COHEN
De la part des professionnels ?
BRUNO LE MAIRE
Beaucoup de mauvaise foi, puisque pour tous les contrats d'assurance-vie, tous les encours jusqu'à 150 000 , il n'y aura aucune modification de la fiscalité. Et croyez-moi, quand on a un contrat d'assurance-vie avec un encours jusqu'à 150 000 , c'est déjà qu'on est bien loti, et ça représente l'immense majorité des encours de l'assurance-vie en France. Ceux-là ne seront pas touchés par le prélèvement forfaitaire unique, ce sera la même fiscalité avantageuse de l'assurance-vie, qui est un très bon produit de placement pour des millions de Français.
PATRICK COHEN
Donc, ça ne bougera pas, vous restez...
BRUNO LE MAIRE
Et en revanche, le prélèvement forfaitaire unique, s'appliquera au-delà. Et je dirais deux choses. Un, pour l'immense majorité des contrats d'assurance-vie des Français, puisque c'est l'encours jusqu'à 150 000 , ça ne changera rien. Deuxième remarque. Emmanuel MACRON avait été très clair dans sa campagne. Tout ce que je vous dis, il l'avait annoncé avant son élection. Et s'il y a bien un changement à la politique française, dont je me réjouis, avec Emmanuel MACRON, c'est que nous tenons nos promesses.
PATRICK COHEN
L'économie française va mieux, il y a pas mal d'indicateurs qui sont au vert, Bruno LE MAIRE, ça veut dire qu'elle n'était pas si mauvaise que ça, la politique du quinquennat Hollande.
BRUNO LE MAIRE
Je suis très prudent sur ces résultats économiques. Tout le monde m'explique « la croissance revient, ça va mieux, le chômage sur le long terme commence à baisser ». Moi, je n'ai pas cette appréciation. Je pense qu'il y a une légère amélioration, tant mieux, que la confiance des entrepreneurs revient, tant mieux, raison de plus pour tenir nos promesses en matière fiscale, mais je considère que notre économie reste trop fragile, qu'elle est vulnérable à un retournement de conjoncture. S'il y a demain une crise aux Etats-Unis ou en Chine, nous ne sommes pas suffisamment solides pour résister. L'appréciation de l'euro fait peser aussi une menace sur notre économie, donc c'est parce que les choses vont un tout petit peu mieux, qu'il faut accélérer la transformation économique du pays. Depuis dix, vingt, trente ans, à chaque fois que ça va mieux, on dit : « Ecoutez, c'est formidable, ça va mieux, plus la peine de toucher à notre économie ». Je crois exactement le contraire, et nous ferons exactement le contraire.
PATRICK COHEN
Le budget que vous préparez avec Gérald DARMANIN pour 2018, et qui prévoit 20 milliards d'économies, dont 10 milliards sur les dépenses de l'Etat, ce sera un choc, ce sera douloureux ?
BRUNO LE MAIRE
Non, c'est nécessaire.
PATRICK COHEN
10 milliards sans douleur ?
BRUNO LE MAIRE
C'est nécessaire. Le cap il est extraordinairement clair : transformer l'économie française pour qu'elle crée plus d'emploi. C'est mon objectif. Et respecter nos engagements européens. Ce serait tellement plus facile, quand vous faites le budget, de dire « bon, il faut réinvestir, on se lâche un peu sur la dépense publique, c'est trop difficile de tailler dans les dépenses de l'Etat, c'est trop difficile de supprimer certaines dépenses sociales ». C'est vrai que c'est difficile de toucher aux APL, mais au bout du compte, on dépasse systématiquement nos engagements européens, on est au-delà de ces fameux 3 %. Quelle est la conséquence ? C'est quand vous vous retrouvez ensuite, avec vos partenaires européens, et que vous dites « il faut arrêter avec la directive travailleurs détachés, arrêter avec le dumping social ». Quand, comme ministre des Finances je vais dire « il faut la convergence fiscale, assez avec le dumping fiscal d'un certain nombre d'Etats en Europe, qui pratiquent des taux trop bas et qui du coup récupèrent des avantages qui sont indus », plus personne ne vous écoute. Plus personne ne vous écoute. On vous dit : « Mais respectez d'abord vos engagements, ensuite on vous écoutera. C'est pour cela que nous avons décidé de faire un budget, dans lequel il y a l'ambition de transformation économique du pays, mais nous tenons à respecter nos engagements européens. Et croyez-moi, j'ai suffisamment d'expérience politique pour vous dire que c'est très nouveau, d'avoir un président de la République qui arrive, et qui au lieu de faire un bras d'honneur à tous ses partenaires européens en leur disant « tiens, j'ai été élu, maintenant mes engagements européens, je les oublie », rappelle qu'il a été élu sur un engagement européen, et qu'il les tient.
PATRICK COHEN
Et ce sera très nouveau, et très difficile.
BRUNO LE MAIRE
Très difficile.
PATRICK COHEN
Sinon ça aurait été fait avant.
BRUNO LE MAIRE
Non mais je ne vous le cache pas, Patrick COHEN, je peux vous garantir que nous passons, avec Gérald DARMANIN, des heures, des heures et des heures à trouver les meilleures solutions.
PATRICK COHEN
Mais ça ne sera pas douloureux, pour aucune catégorie. Ça ne sera pas douloureux.
BRUNO LE MAIRE
Vous savez, je n'ai pas le culte de la douleur.
PATRICK COHEN
Vous avez rencontré Nicolas SARKOZY, hier, il vous encourage, Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Il fait partie des personnalités, des Républicains, que je vois régulièrement, et avec grand plaisir.
PATRICK COHEN
Est-ce qu'il vous encourage ?
BRUNO LE MAIRE
Vous me permettrez de garder pour moi mes discussions avec Nicolas SARKOZY. J'ai toujours...
PATRICK COHEN
S'il vous reçoit, c'est qu'il vous aime bien, c'est qu'il a de la sympathie pour ce que vous faites aujourd'hui au gouvernement.
BRUNO LE MAIRE
Patrick COHEN, c'est parce que nous nous aimons bien. J'ai travaillé avec Nicolas SARKOZY, j'ai été son ministre de l'Agriculture, chargé des Affaires européennes, et j'ai eu un grand plaisir, et ça a été un grand honneur pour moi de travailler avec lui. Et je pense qu'écouter des personnalités qui ont une expérience comme lui, c'est toujours utile.
PATRICK COHEN
Et dans le même temps, sur le plan politique, il encourage Laurent WAUQUIEZ, au sein des Républicains pour prendre la tête de ce mouvement ?
BRUNO LE MAIRE
Vous lui demanderez.
PATRICK COHEN
Votre opinion, vous, sur l'évolution des Républicains, et la campagne qui commence pour la présidence de ce mouvement, ce parti, c'est une page pour vous ?
BRUNO LE MAIRE
C'est les militants qui décideront. On ne tourne pas 10 ans, 12 ans, 15 ans, de pages de vie politique. Je garde des liens très étroits avec bon nombre de responsables des Républicains. Je suis un homme de fidélité. Je n'oublie pas mes liens amicaux, affectifs avec un certain nombre de membres des Républicains, le premier d'entre eux, Nicolas SARKOZY. Simplement, nous sommes dans un moment particulier de notre histoire nationale, un moment où les Français ont décidé, au deuxième tour de l'élection présidentielle, de placer face à face Emmanuel MACRON et les extrêmes. Il y avait un choix à faire, j'ai fait ce choix, et ce choix, je l'ai fait valider par les Français aux élections législatives, en leur disant : j'ai soutenu Emmanuel MACRON, je veux m'engager derrière lui, je veux qu'il réussisse, êtes-vous oui ou non d'accord ? Et dans ma circonscription de l'Eure, ils ont dit oui à 64 %.
PATRICK COHEN
Au premier tour de la présidentielle, vous aviez voté pour qui, Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Au premier tour de la présidentielle ?
PATRICK COHEN
Oui, vous avez voté pour qui ?
BRUNO LE MAIRE
Mais, à votre avis, pour qui ai-je voté ?
PATRICK COHEN
Pour François FILLON ?
BRUNO LE MAIRE
Je l'ai dit. La clarté c'est tellement plus simple en politique. Je l'ai dit, je l'ai écrit dans une interview à Paris Normandie, et je tiens toujours parole.
PATRICK COHEN
Merci Bruno LE MAIRE d'être venu ce matin au micro d'Europe 1.
BRUNO LE MAIRE
Merci Patrick COHEN.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 septembre 2017
Ce matin, Patrick, vous recevez le ministre de l'Economie et des Finances.
PATRICK COHEN
Alias Hermès, le messager de Jupiter, c'est comme ça qu'il s'était présenté il y a quelques semaines à New-York. Bonjour Bruno LE MAIRE.
BRUNO LE MAIRE
Bonjour Patrick COHEN.
PATRICK COHEN
Le président, le gouvernement, jouent gros aujourd'hui avec cette réforme du marché du travail, dont on va connaitre le contenu détaillé dans quelques heures ?
BRUNO LE MAIRE
Il joue gros, je pense surtout que c'est les Français et c'est le pays qui jouent gros. Parce que ma conviction c'est que si nous voulons créer plus d'emploi, et c'est bien ça notre objectif, il faut un marché du travail plus simple, et la réforme que va présenter le Premier ministre, avec Muriel PENICAUD, c'est une réforme qui permettra de créer plus d'emploi, en particulier dans les PME.
PATRICK COHEN
Mais vous ne dites pas combien, il n'y a pas d'objectifs chiffrés.
BRUNO LE MAIRE
Non, sûrement pas des objectifs chiffrés, vous savez, les pin's que l'on affiche, les objectifs d'inversion de la courbe du chômage, on sait ce que ça donne...
PATRICK COHEN
C'est pas une promesse à court terme, en tout cas.
BRUNO LE MAIRE
Ah non, c'est une transformation en profondeur.
PATRICK COHEN
Il n'y aura pas d'effet à court terme.
BRUNO LE MAIRE
Il n'y aura probablement pas d'effets demain ou après demain, mais je pense que pour toutes les PME, pour tous ceux qui embauchent, et il n'y a pas de décision plus difficile pour un chef d'entreprise, que prendre la responsabilité d'embaucher un nouveau collaborateur. Là il va le faire en sécurité, en sachant comment ça se passe si jamais demain, après demain, il est obligé de s'en séparer. Les salariés...
PATRICK COHEN
Mais moins de sécurité pour les salariés.
BRUNO LE MAIRE
Non, pas du tout, les salariés vont pouvoir participer davantage à la vie de l'entreprise. Moi il y a une chose que je trouve formidable dans ces réformes présentées par Muriel PENICAUD, c'est la capacité pour les salariés de négocier directement, même lorsqu'il n'y a pas de syndicat, dans les petites entreprises, celles de moins de 50 salariés. Parce que ça fait participer tout le monde aux transformations de l'entreprise.
PATRICK COHEN
Alors, votre chantier à vous, c'est une réforme de la fiscalité, Bruno LE MAIRE, qui va notamment enterrer l'ISF, l'impôt sur la fortune, tel qu'on le connait depuis plus de 30 ans, et qui va profiter aux plus riches, 4 milliards d'euros rendus aux 330 000 redevables de l'ISF, c'est considérable. Comment justifier un tel cadeau ?
BRUNO LE MAIRE
Il n'y a aucun cadeau. Il y a une politique, une politique qui vise à financer nos entreprises. Alors, on peut continuer comme avant, avec une vision très égalitariste de l'impôt, ce n'est pas la mienne. La vision que nous défendons, c'est celle d'un impôt qui doit participer au financement de nos entreprises, de l'investissement, de l'innovation et donc des emplois de demain. Oui, j'assume la suppression de l'impôt sur la fortune, pour les valeurs mobilières. Si vous investissez...
PATRICK COHEN
Les valeurs mobilières, les placements financiers, les liquidités, les meubles, les voitures, les bijoux, les chevaux de course...
BRUNO LE MAIRE
Bien sûr, mais c'est quoi tout ça ?
PATRICK COHEN
Tout ça était soumis à l'ISF, et tout ça sera exonéré demain.
BRUNO LE MAIRE
Oui, mais enfin, Patrick COHEN, n'exagérons rien, il n'y a pas non plus des millions de chevaux de course en France, et des millions de personnes qui investissent dans les chevaux de course. En revanche, il y a beaucoup de Français...
PATRICK COHEN
Il y en a quelques centaines de milliers.
BRUNO LE MAIRE
... qui investissent dans les entreprises, qui investissent dans les PME, qui prennent des parts, qui prennent des actions dans les entreprises, ça finance notre économie réelle, et ça...
PATRICK COHEN
Sans garantie que ces quatre milliards iront à l'investissement et retourneront dans les entreprises.
BRUNO LE MAIRE
Mais, sans garantie non plus, Patrick COHEN, sans garantie non plus pour les gens qui investissent, que ça va bien se passer et qu'ils auront le retour sur leur investissement. Donc, nous soutenons le risque, nous soutenons l'audace. Tous ceux qui font le choix d'investir dans l'économie réelle, d'investir dans les actions, eh bien ils verront leur risque compensé, parce que nous supprimerons l'impôt sur la fortune, sur toutes ces valeurs mobilières.
PATRICK COHEN
Ça fait 12 000 en moyenne par foyer soumis à l'ISF, et beaucoup beaucoup plus pour les très gros patrimoines, puisque c'est progressif.
BRUNO LE MAIRE
Ça permettra, je le redis, de financer notre économie. C'est un choix que nous assumons, et je rappelle que de l'autre côté, nous supprimons toutes les cotisations salariales sur l'assurance chômage, sur l'assurance maladie, ça bénéficiera en priorité à ceux qui sont à des niveaux de salaires modestes, à ceux qui sont au niveau du SMIC. Donc ne me dites pas que nous faisons une politique pour les riches...
PATRICK COHEN
Bruno LE MAIRE, les plus modestes, ceux qui verront leur APL amputée de 5 , se diront que ce n'est pas vraiment la justice sociale qui guide ce gouvernement.
BRUNO LE MAIRE
C'est la justice qui guide ce gouvernement, je vous le confirme. C'est la justice, lorsque vous décidez que le travail paiera davantage, et vous supprimez ces cotisations salariales, assurance chômage, assurance maladie. C'est la justice quand vous augmentez l'allocation adulte handicapé. C'est la justice quand vous dites que ceux qui ont des revenus modestes, qui ne paient pas d'impôt sur le revenu, doivent avoir un crédit d'impôt pour embaucher une aide à domicile, pour aider leurs parents qui sont en situation de dépendance ou pour faire garder leurs enfants. Il y a beaucoup de mesures, justes, nécessaires, dans le projet de budget que nous allons présenter avec Gérald DARMANIN. Vous savez, la politique pour les riches, la politique pour les uns, la politique pour les autres, ça n'est pas ma vision, de l'ambition que nous portons avec le président de la République. Nous, ce que nous portons comme ambition, c'est aller au coeur des problèmes des Français, les régler, et que chacun, au bout du compte, je l'ai dit hier au MEDEF, chacun doit y retrouver son compte.
PATRICK COHEN
L'assurance-vie sera-t-elle davantage taxée, Bruno LE MAIRE ? C'est une inquiétude des professionnels après l'annonce d'une flat-taxe à 30 % qui pourrait décourager la détention longue des produits d'assurance-vie à plus de 8 ans.
BRUNO LE MAIRE
Oui, enfin, là je crois qu'il y a beaucoup de mauvaise foi.
PATRICK COHEN
De la part des professionnels ?
BRUNO LE MAIRE
Beaucoup de mauvaise foi, puisque pour tous les contrats d'assurance-vie, tous les encours jusqu'à 150 000 , il n'y aura aucune modification de la fiscalité. Et croyez-moi, quand on a un contrat d'assurance-vie avec un encours jusqu'à 150 000 , c'est déjà qu'on est bien loti, et ça représente l'immense majorité des encours de l'assurance-vie en France. Ceux-là ne seront pas touchés par le prélèvement forfaitaire unique, ce sera la même fiscalité avantageuse de l'assurance-vie, qui est un très bon produit de placement pour des millions de Français.
PATRICK COHEN
Donc, ça ne bougera pas, vous restez...
BRUNO LE MAIRE
Et en revanche, le prélèvement forfaitaire unique, s'appliquera au-delà. Et je dirais deux choses. Un, pour l'immense majorité des contrats d'assurance-vie des Français, puisque c'est l'encours jusqu'à 150 000 , ça ne changera rien. Deuxième remarque. Emmanuel MACRON avait été très clair dans sa campagne. Tout ce que je vous dis, il l'avait annoncé avant son élection. Et s'il y a bien un changement à la politique française, dont je me réjouis, avec Emmanuel MACRON, c'est que nous tenons nos promesses.
PATRICK COHEN
L'économie française va mieux, il y a pas mal d'indicateurs qui sont au vert, Bruno LE MAIRE, ça veut dire qu'elle n'était pas si mauvaise que ça, la politique du quinquennat Hollande.
BRUNO LE MAIRE
Je suis très prudent sur ces résultats économiques. Tout le monde m'explique « la croissance revient, ça va mieux, le chômage sur le long terme commence à baisser ». Moi, je n'ai pas cette appréciation. Je pense qu'il y a une légère amélioration, tant mieux, que la confiance des entrepreneurs revient, tant mieux, raison de plus pour tenir nos promesses en matière fiscale, mais je considère que notre économie reste trop fragile, qu'elle est vulnérable à un retournement de conjoncture. S'il y a demain une crise aux Etats-Unis ou en Chine, nous ne sommes pas suffisamment solides pour résister. L'appréciation de l'euro fait peser aussi une menace sur notre économie, donc c'est parce que les choses vont un tout petit peu mieux, qu'il faut accélérer la transformation économique du pays. Depuis dix, vingt, trente ans, à chaque fois que ça va mieux, on dit : « Ecoutez, c'est formidable, ça va mieux, plus la peine de toucher à notre économie ». Je crois exactement le contraire, et nous ferons exactement le contraire.
PATRICK COHEN
Le budget que vous préparez avec Gérald DARMANIN pour 2018, et qui prévoit 20 milliards d'économies, dont 10 milliards sur les dépenses de l'Etat, ce sera un choc, ce sera douloureux ?
BRUNO LE MAIRE
Non, c'est nécessaire.
PATRICK COHEN
10 milliards sans douleur ?
BRUNO LE MAIRE
C'est nécessaire. Le cap il est extraordinairement clair : transformer l'économie française pour qu'elle crée plus d'emploi. C'est mon objectif. Et respecter nos engagements européens. Ce serait tellement plus facile, quand vous faites le budget, de dire « bon, il faut réinvestir, on se lâche un peu sur la dépense publique, c'est trop difficile de tailler dans les dépenses de l'Etat, c'est trop difficile de supprimer certaines dépenses sociales ». C'est vrai que c'est difficile de toucher aux APL, mais au bout du compte, on dépasse systématiquement nos engagements européens, on est au-delà de ces fameux 3 %. Quelle est la conséquence ? C'est quand vous vous retrouvez ensuite, avec vos partenaires européens, et que vous dites « il faut arrêter avec la directive travailleurs détachés, arrêter avec le dumping social ». Quand, comme ministre des Finances je vais dire « il faut la convergence fiscale, assez avec le dumping fiscal d'un certain nombre d'Etats en Europe, qui pratiquent des taux trop bas et qui du coup récupèrent des avantages qui sont indus », plus personne ne vous écoute. Plus personne ne vous écoute. On vous dit : « Mais respectez d'abord vos engagements, ensuite on vous écoutera. C'est pour cela que nous avons décidé de faire un budget, dans lequel il y a l'ambition de transformation économique du pays, mais nous tenons à respecter nos engagements européens. Et croyez-moi, j'ai suffisamment d'expérience politique pour vous dire que c'est très nouveau, d'avoir un président de la République qui arrive, et qui au lieu de faire un bras d'honneur à tous ses partenaires européens en leur disant « tiens, j'ai été élu, maintenant mes engagements européens, je les oublie », rappelle qu'il a été élu sur un engagement européen, et qu'il les tient.
PATRICK COHEN
Et ce sera très nouveau, et très difficile.
BRUNO LE MAIRE
Très difficile.
PATRICK COHEN
Sinon ça aurait été fait avant.
BRUNO LE MAIRE
Non mais je ne vous le cache pas, Patrick COHEN, je peux vous garantir que nous passons, avec Gérald DARMANIN, des heures, des heures et des heures à trouver les meilleures solutions.
PATRICK COHEN
Mais ça ne sera pas douloureux, pour aucune catégorie. Ça ne sera pas douloureux.
BRUNO LE MAIRE
Vous savez, je n'ai pas le culte de la douleur.
PATRICK COHEN
Vous avez rencontré Nicolas SARKOZY, hier, il vous encourage, Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Il fait partie des personnalités, des Républicains, que je vois régulièrement, et avec grand plaisir.
PATRICK COHEN
Est-ce qu'il vous encourage ?
BRUNO LE MAIRE
Vous me permettrez de garder pour moi mes discussions avec Nicolas SARKOZY. J'ai toujours...
PATRICK COHEN
S'il vous reçoit, c'est qu'il vous aime bien, c'est qu'il a de la sympathie pour ce que vous faites aujourd'hui au gouvernement.
BRUNO LE MAIRE
Patrick COHEN, c'est parce que nous nous aimons bien. J'ai travaillé avec Nicolas SARKOZY, j'ai été son ministre de l'Agriculture, chargé des Affaires européennes, et j'ai eu un grand plaisir, et ça a été un grand honneur pour moi de travailler avec lui. Et je pense qu'écouter des personnalités qui ont une expérience comme lui, c'est toujours utile.
PATRICK COHEN
Et dans le même temps, sur le plan politique, il encourage Laurent WAUQUIEZ, au sein des Républicains pour prendre la tête de ce mouvement ?
BRUNO LE MAIRE
Vous lui demanderez.
PATRICK COHEN
Votre opinion, vous, sur l'évolution des Républicains, et la campagne qui commence pour la présidence de ce mouvement, ce parti, c'est une page pour vous ?
BRUNO LE MAIRE
C'est les militants qui décideront. On ne tourne pas 10 ans, 12 ans, 15 ans, de pages de vie politique. Je garde des liens très étroits avec bon nombre de responsables des Républicains. Je suis un homme de fidélité. Je n'oublie pas mes liens amicaux, affectifs avec un certain nombre de membres des Républicains, le premier d'entre eux, Nicolas SARKOZY. Simplement, nous sommes dans un moment particulier de notre histoire nationale, un moment où les Français ont décidé, au deuxième tour de l'élection présidentielle, de placer face à face Emmanuel MACRON et les extrêmes. Il y avait un choix à faire, j'ai fait ce choix, et ce choix, je l'ai fait valider par les Français aux élections législatives, en leur disant : j'ai soutenu Emmanuel MACRON, je veux m'engager derrière lui, je veux qu'il réussisse, êtes-vous oui ou non d'accord ? Et dans ma circonscription de l'Eure, ils ont dit oui à 64 %.
PATRICK COHEN
Au premier tour de la présidentielle, vous aviez voté pour qui, Bruno LE MAIRE ?
BRUNO LE MAIRE
Au premier tour de la présidentielle ?
PATRICK COHEN
Oui, vous avez voté pour qui ?
BRUNO LE MAIRE
Mais, à votre avis, pour qui ai-je voté ?
PATRICK COHEN
Pour François FILLON ?
BRUNO LE MAIRE
Je l'ai dit. La clarté c'est tellement plus simple en politique. Je l'ai dit, je l'ai écrit dans une interview à Paris Normandie, et je tiens toujours parole.
PATRICK COHEN
Merci Bruno LE MAIRE d'être venu ce matin au micro d'Europe 1.
BRUNO LE MAIRE
Merci Patrick COHEN.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 septembre 2017