Texte intégral
Le quadruple meurtre d'Athis Mons et celui de deux policiers au Plessis-Trevise, dans lesquels pourrait être impliqué un malfaiteur récidiviste, ont relancé la polémique sur la politique gouvernementale en matière de sécurité. Faut-il revoir notre loi de procédure pénale, et notamment la loi Guigou, ou bien faut-il donner des moyens supplémentaires à la police et à la justice pour qu'elle soit mieux appliquée ?
JPC : Tout d'abord, je veux exprimer mon émotion après le lâche assassinat de deux jeunes policiers dans l'exercice de leurs fonctions par un repris de justice imprudemment libéré. Ces meurtres sauvages doivent nous rappeller combien le métier de policier est dangereux : plus de cinq mille blessés par an.
Maintenant je réponds deux fois oui à votre question :
Il faut à la fois revoir certaines dispositions de la loi du 15 juin 2000 modifiant la procédure pénale et faire voter une loi de programmation pour la justice et pour la police. La décision de la Chambre d'instruction de la Cour d'Appel de Paris, décidant de remettre en liberté Jean-Claude Bonnal dit " Le Chinois " ne s'explique que par un emballement de la machine judiciaire, à la lumière d'une loi encore en cours de discussion mais dont l'esprit a été imprudemment anticipé
La loi du 15 juin 2000 alourdit excessivement les charges procédurales qui pèsent sur la justice et la police. Elle multiplie les possibilités de recours qui peuvent permettre aux prévenus de faire traîner la procédure. Elle crée des suspicions qui découragent le travail des policiers. Le nombre des gardes à vue à diminué de plus de 10% et ceci n'est évidemment pas sans rapport avec l'augmentation des faits délictueux.
Je préconise donc la suspension, non pas de l'ensemble de la loi Guigou, mais de certaines de ses dispositions contre lesquelles j'avais été le seul, avec Christian Bonnet, à mettre en garde, au moment de la première lecture du projet. Je rappelle que celui-ci a été voté à l'unanimité -droite et gauche confondues- par le Sénat et par la Commission des Lois à l'Assemblée Nationale.
Il est clair que beaucoup de parlementaires ne comprennent pas que le fonctionnement de la police et celui de la justice dans un Etat de droit est un tout : la police fournit à la justice des éléments de preuve, mais c'est la justice qui décide ou non de donner suite.
Ceux qui réclament plus de moyens pour la police sont les mêmes qui multiplient les entraves sous ses pas. Il faut un peu plus de cohérence chez les parlementaires mais aussi de courage de la part du Gouvernement pour savoir s'opposer, le cas échéant, à des propositions démagogiques.
Par ailleurs, il est clair que la police et la justice dans notre pays manquent cruellement de moyens. J'avais proposé au Premier ministre, dès le mois de janvier 1999, une loi de programmation qui, à mes yeux, est toujours d'actualité. Il faut un véritable plan " Orsec " pour la sécurité qui doit aller de pair avec une vigoureuse politique d'accès à la citoyenneté, ensemble indissociable de droits et de devoirs.
Les problèmes de la sécurité sont un tout. Ils exigent pour être résolus l'engagement de tout le gouvernement. Nous avons besoin d'une politique de fermeté républicaine également éloignée de l'angélisme et de la démagogie.
Les Etats-Unis poursuivent leurs opérations militaires en Afghanistan pour détruire les réseaux terroristes d'Oussama ben Laden. La France, et l'Europe, doivent-elles s'impliquer dans ces opérations et, au-delà, quel rôle doivent jouer notre pays et l'union européenne dans la lutte contre le terrorisme international ?
JPC : La lutte contre le terrorisme implique une détermination sans faille. C'est une lutte multiforme qui durera longtemps. L'éradication des camps d'entraînement d'Oussama ben Laden en Afghanistan est une oeuvre de salubrité publique. Ces camps ont formé des milliers de fanatiques qui ont par exemple largement participé aux. Il faut cependant répéter inlassablement que cette guerre n'est pas une guerre contre le peuple afghan qui est la première victime du régime des talibans, et encore moins une guerre contre le monde arabo-musulman.
La France a un rôle important à jouer sur le plan diplomatique pour aider à résoudre des problèmes politiques pendants depuis très longtemps : les Palestiniens doivent pouvoir disposer d'un Etat viable. Celui-ci sera la meilleure garantie de sécurité de l'Etat d'Israël. L'embargo cruel qui pèse sur l'Irak doit être levé et ce pays doit retrouver la voie d'un développement pacifique. Bien évidemment l'idée de recourir à des frappes militaires sur d'autres pays que l'Afghanistan comme l'Irak, idée avancée par un courant belliciste très présent au Pentagone ferait le jeu des terroristes en embrasant le monde arabo-musulman. Nous devons mettre en garde par les moyens appropriés l'administration américaine contre une telle tentation si celle-ci lui venait à l'esprit. C'est ainsi que la France jouera un rôle utile pour éradiquer non seulement le terrorisme mais aussi les causes du terrorisme. Celles-ci résident bien souvent dans la politique à courte vue qui a été celle des Etats-Unis dans le passé. Nous devons aider l'Amérique à réorienter sa politique dans le monde arabo musulman et non pas l'encourager à persévérer dans ses erreurs passées. C'est là le rôle politique de la France qui n'exclut nullement bien entendu une coopération renforcée avec les Etats-Unis dès lors que celle-ci s'effectuera dans un contexte politique parfaitement clair. Il en va de la sécurité de la France et des Français.
La liquidation partielle du groupe Moulinex est un drame économique et social pour la Normandie. Les pouvoirs publics mettent en place une cellule de crise pour aider les salariés licenciés à se reclasser. Selon vous, l'Etat aurait-il dû intervenir plus tôt et, plus généralement, doit-il s'immiscer dans le fonctionnement de l'économie ?
JPC : Le drame de Moulinex fait ressortir l'impuissance consentie qui est aujourd'hui celle de la puissance publique : l'ouvrière licenciée n'a désormais plus qu'un seul recours, le Tribunal d'Instance de Nanterre qui, entre le règlement d'un cas de divorce et une affaire de racket, doit décider la reprise de Moulinex par Seb.
La loi dite de modernisation sociale contre laquelle j'ai voté ne fait que renforcer cette tendance de la judiciarisation de la vie économique. J'ai proposé, par un amendement qui a été rejeté, que l'Etat ait son mot à dire sur tous les grands dossiers à caractère stratégique pour la politique industrielle ou l'aménagement du territoire. C'est bien évidemment le cas de Moulinex. Il y a très longtemps qu'une politique industrielle cohérente aurait dû permettre de prévenir ce sinistre.
Vous avez une image de républicain farouche, mais aussi de souverainiste anti-européen. Les moins aimables vous taxent de " ringardise ". Vous êtes pourtant crédité de 10% d'intentions de vote à l'élection présidentielle par les instituts de sondage, alors que la campagne débute à peine ; A quoi attribuez-vous ce " capital de sympathie ", alimenté aussi bien par des électeurs de gauche que par des électeurs de droite ?
JPC : Si ma candidature rencontre un grand écho dans le pays c'est qu'elle répond à une attente. Nos concitoyens voient bien que la droite comme la gauche sont à bout de souffle. Ils ont besoin qu'on leur propose des orientations cohérentes. C'est ce que j'ai fait en lançant ma campagne à Vincennes.
Les Français ont besoin de sens, et je crois pouvoir redonner sa signification à une politique qui s'appuie sur des principes simples : l'autorité de la loi égale pour tous ; la citoyenneté, avec ses droits et ses devoirs ; l'égalité des chances en commençant par les jeunes des quartiers populaires que le chômage frappe trois fois plus que la moyenne ; et enfin la souveraineté populaire indissociable de la démocratie. A cet égard, je ne suis nullement anti-européen. Je suis pour donner un nouveau souffle à l 'Europe en impliquant les nations dans sa construction.
Si j'avais une seule proposition à formuler dans ce domaine c'est que le droit de proposition qui est actuellement le monopole de la Commission soit partagé entre toutes les nations qui sont membres de l'Union européenne. C'est ainsi que nous pourrons sortir du marasme politique actuel et par exemple faire des propositions constructives face à la récession qui se profile à l'horizon : relance massive par l'investissement, baisse accélérée des taux d'intérêt, au besoin en réformant les statuts de la Banque centrale européenne. C'est ainsi que l'Europe pourra être à la hauteur de ses responsabilités en conjuguant ses efforts avec ceux des Etats-Unis pour conjurer une crise qui est aujourd'hui mondiale. Vous le voyez : je vais vers l'élection en faisant en tous domaines des propositions concrètes. Il faut organiser le retour de la France et de la République. C'est la clé de tout.
(source http://www.chevenement2002.net, le 26 octobre 2001)
JPC : Tout d'abord, je veux exprimer mon émotion après le lâche assassinat de deux jeunes policiers dans l'exercice de leurs fonctions par un repris de justice imprudemment libéré. Ces meurtres sauvages doivent nous rappeller combien le métier de policier est dangereux : plus de cinq mille blessés par an.
Maintenant je réponds deux fois oui à votre question :
Il faut à la fois revoir certaines dispositions de la loi du 15 juin 2000 modifiant la procédure pénale et faire voter une loi de programmation pour la justice et pour la police. La décision de la Chambre d'instruction de la Cour d'Appel de Paris, décidant de remettre en liberté Jean-Claude Bonnal dit " Le Chinois " ne s'explique que par un emballement de la machine judiciaire, à la lumière d'une loi encore en cours de discussion mais dont l'esprit a été imprudemment anticipé
La loi du 15 juin 2000 alourdit excessivement les charges procédurales qui pèsent sur la justice et la police. Elle multiplie les possibilités de recours qui peuvent permettre aux prévenus de faire traîner la procédure. Elle crée des suspicions qui découragent le travail des policiers. Le nombre des gardes à vue à diminué de plus de 10% et ceci n'est évidemment pas sans rapport avec l'augmentation des faits délictueux.
Je préconise donc la suspension, non pas de l'ensemble de la loi Guigou, mais de certaines de ses dispositions contre lesquelles j'avais été le seul, avec Christian Bonnet, à mettre en garde, au moment de la première lecture du projet. Je rappelle que celui-ci a été voté à l'unanimité -droite et gauche confondues- par le Sénat et par la Commission des Lois à l'Assemblée Nationale.
Il est clair que beaucoup de parlementaires ne comprennent pas que le fonctionnement de la police et celui de la justice dans un Etat de droit est un tout : la police fournit à la justice des éléments de preuve, mais c'est la justice qui décide ou non de donner suite.
Ceux qui réclament plus de moyens pour la police sont les mêmes qui multiplient les entraves sous ses pas. Il faut un peu plus de cohérence chez les parlementaires mais aussi de courage de la part du Gouvernement pour savoir s'opposer, le cas échéant, à des propositions démagogiques.
Par ailleurs, il est clair que la police et la justice dans notre pays manquent cruellement de moyens. J'avais proposé au Premier ministre, dès le mois de janvier 1999, une loi de programmation qui, à mes yeux, est toujours d'actualité. Il faut un véritable plan " Orsec " pour la sécurité qui doit aller de pair avec une vigoureuse politique d'accès à la citoyenneté, ensemble indissociable de droits et de devoirs.
Les problèmes de la sécurité sont un tout. Ils exigent pour être résolus l'engagement de tout le gouvernement. Nous avons besoin d'une politique de fermeté républicaine également éloignée de l'angélisme et de la démagogie.
Les Etats-Unis poursuivent leurs opérations militaires en Afghanistan pour détruire les réseaux terroristes d'Oussama ben Laden. La France, et l'Europe, doivent-elles s'impliquer dans ces opérations et, au-delà, quel rôle doivent jouer notre pays et l'union européenne dans la lutte contre le terrorisme international ?
JPC : La lutte contre le terrorisme implique une détermination sans faille. C'est une lutte multiforme qui durera longtemps. L'éradication des camps d'entraînement d'Oussama ben Laden en Afghanistan est une oeuvre de salubrité publique. Ces camps ont formé des milliers de fanatiques qui ont par exemple largement participé aux. Il faut cependant répéter inlassablement que cette guerre n'est pas une guerre contre le peuple afghan qui est la première victime du régime des talibans, et encore moins une guerre contre le monde arabo-musulman.
La France a un rôle important à jouer sur le plan diplomatique pour aider à résoudre des problèmes politiques pendants depuis très longtemps : les Palestiniens doivent pouvoir disposer d'un Etat viable. Celui-ci sera la meilleure garantie de sécurité de l'Etat d'Israël. L'embargo cruel qui pèse sur l'Irak doit être levé et ce pays doit retrouver la voie d'un développement pacifique. Bien évidemment l'idée de recourir à des frappes militaires sur d'autres pays que l'Afghanistan comme l'Irak, idée avancée par un courant belliciste très présent au Pentagone ferait le jeu des terroristes en embrasant le monde arabo-musulman. Nous devons mettre en garde par les moyens appropriés l'administration américaine contre une telle tentation si celle-ci lui venait à l'esprit. C'est ainsi que la France jouera un rôle utile pour éradiquer non seulement le terrorisme mais aussi les causes du terrorisme. Celles-ci résident bien souvent dans la politique à courte vue qui a été celle des Etats-Unis dans le passé. Nous devons aider l'Amérique à réorienter sa politique dans le monde arabo musulman et non pas l'encourager à persévérer dans ses erreurs passées. C'est là le rôle politique de la France qui n'exclut nullement bien entendu une coopération renforcée avec les Etats-Unis dès lors que celle-ci s'effectuera dans un contexte politique parfaitement clair. Il en va de la sécurité de la France et des Français.
La liquidation partielle du groupe Moulinex est un drame économique et social pour la Normandie. Les pouvoirs publics mettent en place une cellule de crise pour aider les salariés licenciés à se reclasser. Selon vous, l'Etat aurait-il dû intervenir plus tôt et, plus généralement, doit-il s'immiscer dans le fonctionnement de l'économie ?
JPC : Le drame de Moulinex fait ressortir l'impuissance consentie qui est aujourd'hui celle de la puissance publique : l'ouvrière licenciée n'a désormais plus qu'un seul recours, le Tribunal d'Instance de Nanterre qui, entre le règlement d'un cas de divorce et une affaire de racket, doit décider la reprise de Moulinex par Seb.
La loi dite de modernisation sociale contre laquelle j'ai voté ne fait que renforcer cette tendance de la judiciarisation de la vie économique. J'ai proposé, par un amendement qui a été rejeté, que l'Etat ait son mot à dire sur tous les grands dossiers à caractère stratégique pour la politique industrielle ou l'aménagement du territoire. C'est bien évidemment le cas de Moulinex. Il y a très longtemps qu'une politique industrielle cohérente aurait dû permettre de prévenir ce sinistre.
Vous avez une image de républicain farouche, mais aussi de souverainiste anti-européen. Les moins aimables vous taxent de " ringardise ". Vous êtes pourtant crédité de 10% d'intentions de vote à l'élection présidentielle par les instituts de sondage, alors que la campagne débute à peine ; A quoi attribuez-vous ce " capital de sympathie ", alimenté aussi bien par des électeurs de gauche que par des électeurs de droite ?
JPC : Si ma candidature rencontre un grand écho dans le pays c'est qu'elle répond à une attente. Nos concitoyens voient bien que la droite comme la gauche sont à bout de souffle. Ils ont besoin qu'on leur propose des orientations cohérentes. C'est ce que j'ai fait en lançant ma campagne à Vincennes.
Les Français ont besoin de sens, et je crois pouvoir redonner sa signification à une politique qui s'appuie sur des principes simples : l'autorité de la loi égale pour tous ; la citoyenneté, avec ses droits et ses devoirs ; l'égalité des chances en commençant par les jeunes des quartiers populaires que le chômage frappe trois fois plus que la moyenne ; et enfin la souveraineté populaire indissociable de la démocratie. A cet égard, je ne suis nullement anti-européen. Je suis pour donner un nouveau souffle à l 'Europe en impliquant les nations dans sa construction.
Si j'avais une seule proposition à formuler dans ce domaine c'est que le droit de proposition qui est actuellement le monopole de la Commission soit partagé entre toutes les nations qui sont membres de l'Union européenne. C'est ainsi que nous pourrons sortir du marasme politique actuel et par exemple faire des propositions constructives face à la récession qui se profile à l'horizon : relance massive par l'investissement, baisse accélérée des taux d'intérêt, au besoin en réformant les statuts de la Banque centrale européenne. C'est ainsi que l'Europe pourra être à la hauteur de ses responsabilités en conjuguant ses efforts avec ceux des Etats-Unis pour conjurer une crise qui est aujourd'hui mondiale. Vous le voyez : je vais vers l'élection en faisant en tous domaines des propositions concrètes. Il faut organiser le retour de la France et de la République. C'est la clé de tout.
(source http://www.chevenement2002.net, le 26 octobre 2001)