Texte intégral
Mesdames et messieurs les parlementaires,
Monsieur le président de la FEDOM,
Mesdames et messieurs les membres des organismes consulaires et représentants des organisations patronales,
Mesdames et messieurs,
Je vous remercie pour votre accueil chaleureux à l'assemblée générale de la Fédération des entreprises d'outre-mer (FEDOM). Je suis heureuse d'être parmi vous aujourd'hui.
Comme vous le savez, l'actualité a été marquée par les catastrophes cycloniques qui se sont abattues aux Antilles. Aujourd'hui, l'heure est à la reconstruction et je tiens à saluer l'élan de solidarité nationale qui s'est manifesté chez nos concitoyens, dans l'action résolue des pouvoirs publics ainsi que chez les acteurs privés. J'en veux pour preuve le Fonds de dotation « Solidarité Irma » que la FEDOM a mis en place la semaine dernière. Je vous remercie pour cette initiative dans ce combat pour la reconstruction. Toutes les forces vives sont concernées. Les économies de ces territoires ont été gravement touchées. Il faut tout mettre en oeuvre pour un retour à la normale d'ici quelques mois : électricité, eau, infrastructures sanitaires, éducatives et sociales, logements, routes, communication et bien entendu l'ensemble des entreprises. La semaine dernière, la réouverture d'un centre commercial à Saint-Martin a été perçue par la population comme un signal d'espoir. L'impératif, c'est aussi de reconstruire en prenant en compte le changement climatique. Le développement durable, c'est déjà considérer les spécificités géographiques avec une utilisation rationnelle des ressources.
Les 17 objectifs de développement durable doivent guider un nouveau modèle économique qui ne tourne pas le dos aux entreprises, au contraire : il concilie croissance, innovation, responsabilité et fin des inégalités. C'est une chance à saisir pour les outre-mer. Nos territoires doivent bénéficier de mesures adaptées et efficaces. L'Union européenne partage cette vision, le gouvernement également : je rappelle ici la circulaire du Premier ministre incitant à plus de simplification administrative. Vous le dîtes souvent cher président Philibert, nous devons simplifier la vie des entrepreneurs. Simplifier ce n'est pas contourner la règle, c'est mettre du bon sens dans l'action. Je plaide pour une politique de développement économique adaptée et inclusive, car elle doit permettre à chacun d'en partager les fruits. Une politique qui permettra de faire rayonner nos territoires français d'outre-mer.
La formule est belle, vous en conviendrez, mais je préciserai mon propos à travers un constat : depuis plusieurs années, l'accompagnement économique des outre-mer se résume à la mise en oeuvre de deux leviers : lutter contre la vie chère et distribuer des aides aux entreprises. Sur le deuxième levier, et je le sais en tant qu'ultramarine, nos entreprises doivent sur-investir. Cela doit s'accompagner par des aides, et par une ouverture aux marchés tiers. Les outre-mer ont besoin d'entreprises solides ! Ces politiques de soutien sont certes nécessaires, mais elles doivent prendre en compte chacun des territoires et leurs bassins régionaux d'influence. Oui les outre-mer sont une richesse pour la France. Mais ils ne sont pas simplement une « chance » pour la France, ces territoires sont la France ! Vous le savez, le gouvernement présente aujourd'hui son premier budget du quinquennat. Dans ce cadre, le budget des outre-mer, à périmètre constant, est en augmentation de près de 4%. Ces arbitrages nous les avons gagnés car notre conviction est qu'il faut se donner les moyens pour accompagner le développement de nos territoires de manière volontaire. J'irai même jusqu'à dire qu'il faut analyser « sans tabou » le rapport des coûts sur les bénéfices des actions entreprises. Tout cela avec raison, sans précipitation et à l'échelle du budget de l'Etat. Evidemment, au-delà du soutien aux territoires, le rôle de régulateur de l'Etat est primordial. Et dans ce cadre la question de la vie chère ne peut pas être occultée. Mais les dispositifs de soutien au pouvoir d'achat et de défense des consommateurs ultramarins devront être évalués ; je pense notamment au dispositif bouclier qualité/prix (BQP) dont les effets doivent être mesurés sereinement. 4 L'Etat devra également, dès que les situations l'exigent, s'assurer que les ultramarins profitent bien d'économies de marché. Dans le cas où le marché n'est pas possible alors l'Etat prendra ses responsabilités et interviendra pour que ces situations génèrent un minimum d'impact pour les consommateurs, tout cela dans le respect de la loi relative à la régulation économique outremer et la loi égalité réelle outre-mer. Mais je souhaite que nous n'oubliions pas une dimension fondamentale : les entreprises d'outre-mer doivent être écoutées. Les handicaps structurels que l'on connait génèrent des surcoûts et des écarts de compétitivité évidents qu'il faut absolument résorber. Il en va de la durabilité et de l'attractivité de nos économies. Pour cela, je vais être claire. Il n'est plus la peine de mesurer les effets et impacts des dispositifs de soutien à l'économie. Nous avons déjà tous ces informations, ne perdons plus de temps. Je sais que nos entreprises ont besoin de dispositifs d'aides à l'exploitation et à l'investissement, focalisés sur les secteurs les plus prioritaires ou prometteurs. C'est la condition du développement. Et ma conviction, claire, est la suivante : nous devons simplifier, accentuer, et stabiliser les dispositifs futurs. Nous avons des propositions que l'on vous présentera avant la fin de l'année afin de construire ensemble des solutions. Cher Président : oui des dispositifs s'éteignent, d'autres changent. Je le redis ici, j'assume le soutien à l'économie ultramarine, à condition ou on recherche l'efficacité et l'équité. Pour exemple, le CICE sera supprimé au niveau national pour être remplacé par des dispositifs d'exonération de charges. La simple transposition en outre-mer ferait perdre de la compétitivité à nos entreprises qui sont déjà exonérées au titre de la LODEOM. Nous avons pourtant choisi de 5 nous inscrire, pour partie, dans cette réforme : le CICE sera donc supprimé en outre-mer au 1er janvier 2019 sans que nous n'ayons souhaité préempté les débats publics. D'ici là il sera maintenu à 9%. Mais il nous faudra donc bâtir ensemble une solution de remplacement dans les 12 prochains mois. Il faut un dispositif aussi efficace, plus ciblé, et permettant d'améliorer la compétitivité de vos entreprises. La feuille est blanche, nous attendons vos propositions, on vous proposera les nôtres. Je souhaite que nous entrions dans un cycle de travail pour que cette question soit tranchée au plus tard en février prochain. Nous devons également repenser la relation qui nous lie à l'Union Européenne. Le Brexit aura des impacts budgétaires, mais pas que. Les PTOM britanniques quitteront à terme l'Union Européenne. Le poids du lobby des PTOM dans les réflexions européennes sera réduit et la France sera le seul pays européen positionné dans certaines régions du monde. Il y a aussi l'arrêt de la Cour Européenne de Justice dit « arrêt Mayotte » qui rappelle que nos territoires sont pour la plupart définis par l'article 349 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE). Comme l'a rappelé le Président Juncker, la Commission doit maintenant tenir parfaitement compte de leurs spécificités et adapter sa politique. La conférence des RUP présidée par Rodolphe Alexandre, que je salue, a réalisé un travail considérable sous la forme d'un Mémorandum remis en mars dernier. J'ai souhaité que les autorités françaises appuient cette initiative en lien avec les autorités espagnoles et portugaises. La conférence des Présidents des RUP du mois prochain à Cayenne pourrait être celle d'un renouveau profond des relations de nos territoires avec l'UE. 6 Le travail doit se poursuivre. Notamment parce que des secteurs, pourtant prometteurs, n'ont pas encore pu pleinement initier leur développement, alors qu'ils sont des leviers essentiels pour le rayonnement des outre-mer : Le tourisme tout d'abord. J'ouvrais il y a deux jours les Rencontres nationales du tourisme outre-mer et j'ai pu insister sur la nécessaire refonte de la gouvernance. Nécessaire car les lois de décentralisation, et notamment la loi Notre, renforcent la place des échelons locaux en leur donnant toutes les compétences sur ce point. Dorénavant, chaque collectivité territoriale devra penser localement sa politique touristique. L'Etat assumera à leurs côtés un rôle de facilitateur, d'initiateur et de partenaire. Autre secteur, et certains savent combien il me tient à coeur, celui de l'exploitation raisonnée des ressources marines. C'est aussi une question de souveraineté de la France, mais également une opportunité de coopération unique avec des pays tiers. Là encore, des discussions devront s'ouvrir avec l'Union Européenne afin que les règles imposées tiennent réellement compte du potentiel de développement de chacun des territoires. Dans l'économie bleue, on a tendance à mettre beaucoup de choses Pour moi, nos territoires d'outre-mer ont vocation à porter la stratégie maritime de la France à travers des infrastructures portuaires adaptées, et autour de sujets précis : l'exploitation raisonnée des ressources halieutiques, des énergies marines, l'aquaculture poissons, algues, crustacés l'identification et l'exploitation de molécules d'intérêt, le tourisme de croisière ou encore la plaisance.
L'enjeu est bien le rayonnement des territoires ultramarins et la conquête de nouveaux marchés. Je crois en l'outre-mer des solutions et c'est aussi toute l'ambition des Assises des outre-mer. 7 Je vous le répète ici, l'économie est au coeur des Assises. Et leur calendrier est le suivant : Une première phase de consultation dans les territoires entre octobre et novembre, une seconde phase d'ateliers qui se prolongera jusqu'en janvier. Cela nous permettra de produire le livre bleu outre mer d'ici la fin du mois d'avril et de traduire dans la loi, si besoin, les ambitions et projets qui en ressortiront. Croire en l'outre-mer, c'est aussi croire que ces territoires peuvent accueillir des projets expérimentaux et structurants sur des critères de développement durable. C'est diffuser l'esprit de « French Tech » d'outre-mer, permettant à des start-up d'émerger avec des offres adaptées à leur environnement géographique proche. Mais il faut aussi regarder en face certaines réalités des territoires d'outre-mer. Je pense à la pauvreté, au manque d'emplois, au recours massif aux minimas sociaux. Le taux de chômage moyen dans tous les départements d'outremer est trois fois plus élevé qu'en métropole et il touche particulièrement les jeunes. Vous, chefs d'entreprise, avez une responsabilité sur l'emploi, et vous devez l'assumer. Aussi, moins d'un jeune sur cinq effectue des études supérieures en outre-mer, contre plus de 56% en île de France ! C'est pour ça que nous avons besoin de formations inclusives sur les territoires. Je pense notamment aux classes préparatoires intégrées que j'ai impulsé lorsque j'étais ministre de la Fonction publique. En la matière, les innovations sont toutes bonnes à prendre : « l'Ecole de la deuxième chance » d'Edith Cresson, « l'Ecole 42 » de Xavier Niel, « Cuisine mode d'emploi » du chef Thierry Marx, sont autant d'exemples de projets non 8 conventionnels qui fonctionnent. Nos territoires sont spécifiques, les solutions ne peuvent pas être classiques. La réussite de tous est l'affaire de chacun : l'Etat, les collectivités locales, mais aussi vos entreprises et notamment les plus grandes d'entre elles. Ces grands groupes sont structurants pour nos territoires, ils sont même souvent indispensables, mais nous devons les inciter à offrir, plus encore, un avenir professionnel à notre jeunesse. Pourquoi ne pas travailler sur des dispositifs de détection et de formation de talents depuis les outre-mer ? J'entends que les territoires ultramarins soient bien parties prenantes de la stratégie de croissance des entreprises et non de « simples succursales de leur développement ». En clair, je vous invite à faire de la place aux jeunes d'outremer dans vos organigrammes. Mais je n'en oublie pas la responsabilité des acteurs publics, notamment par le biais de la commande publique. C'est bien là un levier essentiel du développement pour réaliser des infrastructures, des prestations de services ou de la fourniture de biens. Les acheteurs publics sont devenus des agents économiques, ils ont cette responsabilité et la Loi EROM prévoit la mise en place de Stratégie du Bon Achat ! Les premières expertises juridiques montrent que le droit européen ne va pas nous faciliter les choses. Mais après tout, au-delà de la loi, je crois à l'intelligence collective et territoriale. Allotissement, organisation, volonté et audace devraient permettre à chaque acheteur public de mesurer et piloter l'impact de ses choix, et de les arbitrer résolument en faveur du territoire. L'activité dans le secteur de la construction est portée par la politique du logement. Je présentais hier à Strasbourg, devant les bailleurs sociaux, ma volonté de lancer un groupe de travail outre-mer logement qui devra rendre ses propositions d'ici à fin novembre, en lien avec les élus et les socioprofessionnels. Pour l'année prochaine, nous avons préservé la LBU pour la construction, la réhabilitation, la RHI et l'accession sociale à la propriété. Mais au-delà, j'ai souhaité mobiliser les outils du grand plan d'investissements pour renforcer l'intervention de l'ANAH. Enfin, je le répète ici devant vous, comme je l'ai fait hier devant la délégation outre mer de l'Assemblée nationale : la réforme des APL ne touchera pas les outre-mer. Un dernier mot sur la gouvernance : le rôle de l'Etat dans les territoires ultramarins doit être adapté. Extrêmement sollicité, le préfet est tour à tour arbitre, facilitateur, faiseur, mais doit en toutes circonstances laisser les représentations locales s'exprimer et faire émerger des projets structurants. Il faut donc un Etat fort, stratège, et dont les compétences se croisent parfaitement, et en toute clarté, avec celles des collectivités locales. Pour moi, c'est bien là toute l'essence du « mieux d'Etat ».
Mesdames et messieurs, Je suis quelqu'un de pragmatique. Vous pouvez compter sur mon écoute et mon volontarisme. Soyons critiques et constructifs. Regardons la réalité en face et mettons en place des dispositifs prenant réellement en compte les besoins de nos concitoyens. Je m'y engagerai totalement et je vous incite à entreprendre, investir, continuer à prendre des risques pour que nous construisions ensemble des territoires inclusifs, rayonnants, d'innovation et d'excellence.
Je vous remercie.
Source http://www.topoutremer.com, le 10 octobre 2017