Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Notre invité ce matin est le ministre de l'Agriculture, Stéphane TRAVERT.
JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Stéphane TRAVERT.
STEPHANE TRAVERT
Bonjour.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez lancé à la fin du mois de juin et ils dureront jusqu'en novembre-décembre, je ne sais pas exactement
STEPHANE TRAVERT
Décembre.
JEAN-MICHEL APHATIE
Décembre. Les états généraux de l'alimentation. Etats généraux de l'alimentation qui réunissent dans des discussions qui sont sans doute complexes des producteurs, des industriels, des distributeurs et des consommateurs. Emmanuel MACRON s'exprime sur le sujet cet après-midi à Rungis. Vous avez déjà pris des décisions ou des pistes pour essayer, puisque c'est l'un des enjeux je pense vous êtes vous-même ministre de l'Agriculture d'apporter quelque chose aux agriculteurs qui ne vivent pas toujours de leur production ?
STEPHANE TRAVERT
Bien sûr. L'objectif de ces états généraux de l'alimentation, c'était de redonner le juste prix aux agriculteurs pour qu'ils puissent vivre dignement de leur travail. Les agriculteurs, ils travaillent dur, se lèvent tôt et gagnent peu, et il fallait inverser cette tendance. Il fallait que nous redonnions du pouvoir d'achat aux agriculteurs qui sont dans une grande précarité. Et donc, ces états généraux ont permis de mettre autour de la table des femmes et des hommes qui ne se parlaient plus depuis longtemps ; des producteurs, des distributeurs et des transformateurs.
Et nous avons réussi quelque chose d'historique, c'est-à-dire de faire en sorte que nous puissions, à travers la concertation, dans les ateliers, 11 000 contributions sur la plateforme Internet, des centaines de réunions dans les territoires, mais ici aussi à Paris, d'essayer de faire émerger des solutions pour transformer à la fois l'agriculture, répondre aux demandes des consommateurs qui sont importantes et puis trouver les solutions, les pistes et c'est là-dessus que le président de la République interviendra cet après-midi au marché international de Rungis dégager des pistes de travail pour permettre de résoudre cette équation du prix payé aux agriculteurs.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et alors, quelles mesures pourraient être annoncées ou prises ?
STEPHANE TRAVERT
Trois mesures importantes et essentielles. L'inversion du calcul du prix. Aujourd'hui, nous partons toujours du prix du distributeur ensuite qui se retourne vers le transformateur puis ensuite vers le producteur, et on s'aperçoit que le producteur est toujours lésé dans cette histoire. Et donc, nous souhaitons partir du coût de revient du producteur pour ensuite entraîner la négociation avec le transformateur et ensuite le distributeur pour mieux répartir la valeur, mais aussi créer de la valeur à travers un certain nombre de dispositifs.
JEAN-MICHEL APHATIE
Qui va déterminer le coût de revient ? C'est le ministère de l'Agriculture qui va dire aux distributeurs ou aux transformateurs, aux industriels : « Le blé, vous le payez tant » ?
STEPHANE TRAVERT
Non, parce que nous ne sommes pas dans une économie administrée, il y a les prix de marché, les coûts de revient. C'est-à-dire qu'on va faire de la comptabilité analytique dans les exploitations agricoles pour déterminer un coût de revient, un prix de marché, un prix en deçà duquel un producteur ne peut pas vivre dignement de son travail.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais qui va garantir le prix ?
STEPHANE TRAVERT
Mais pour faire cela, il va falloir s'organiser. Il va falloir faire en sorte que les producteurs puissent s'organiser autour d'organisations de producteurs pour partir groupés, travailler en groupes, trouver des solutions autour d'un bassin laitier par exemple et puis aller déterminer les conditions de prix, les conditions de livraison d'un produit pour le transformer et faire en sorte, ensuite, que ce prix soit déterminé en connaissance de cause avec les transformateurs.
BRUCE TOUSSAINT
C'est une intention. Comment garantir que ce soit réellement le cas ? Il y aura une loi ?
STEPHANE TRAVERT
C'est plus qu'une intention. Mais bien sûr, l'Etat prendra toutes ses dispositions mais il y a plusieurs niveaux d'interaction dans ce que nous allons faire. Il y a ce que le gouvernement peut faire à travers la loi, à travers des ordonnances ou à travers la réglementation. Et là, nous sommes en train de travailler puisque nous venons de recevoir l'ensemble des contributions des états généraux. Nous sommes en train d'étudier toute la faisabilité juridique, législative, pour nous donner les moyens de regarder si nous passons par un système réglementaire ou par un système législatif pour modifier un certain nombre de choses.
Et puis, il y a ce que les acteurs peuvent faire eux-mêmes, c'est-à-dire le regroupement des organisations de producteurs. Ça, c'est un travail qui doit être fait par les professionnels eux-mêmes. Et puis, il y a le travail qui peut être fait aussi à l'intérieur des filières. Nous souhaitons pouvoir voir se créer des plans de filière pour faire en sorte que dans ces plans de filière, on puisse donner de la perspective, on puisse donner de la visibilité à l'ensemble des producteurs pour pouvoir ensuite investir.
BRUCE TOUSSAINT
Mais les distributeurs vont être d'accord ? Vous êtes très optimiste sur cet aspect.
STEPHANE TRAVERT
Je suis optimiste parce que d'abord j'ai toujours l'optimisme de la volonté, et puis parce que je crois qu'aujourd'hui on a réussi quelque chose d'assez historique. C'est-à-dire que toutes les personnes que j'ai pu voir, les associations de consommateurs, les transformateurs, les distributeurs, tout le monde a la perception qu'on est arrivé au bout d'un cycle. Qu'on ne peut pas continuer comme cela. Qu'on ne peut pas continuer à faire en sorte que ce soit le prix le plus bas qui soit le juste prix. Les consommateurs ne veulent plus d'une alimentation low cost.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et les consommateurs, ils sont prêts à payer plus cher ? Parce que ça va être la valse des étiquettes.
STEPHANE TRAVERT
Evidemment, il y a aussi cette question sur le coût qui revient au consommateur.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le pouvoir d'achat des consommateurs.
STEPHANE TRAVERT
La question du pouvoir d'achat, elle est essentielle bien évidemment. Mais à partir du moment où nous aurons su, avec les producteurs, les consommateurs et les distributeurs, trouver les règles qui vont nous permettre d'avoir une alimentation plus diversifiée, une alimentation de meilleure qualité, regarder comment nous pouvons améliorer le travail de nos filières
JEAN-MICHEL APHATIE
Ça coûte cher tout ça. Quel impact sur le pouvoir d'achat ?
STEPHANE TRAVERT
Moi, je pense que de toute façon sur ces questions-là, on arrivera à lisser la question de l'augmentation des prix et qu'elle ne se fera pas dans les proportions que certains veulent bien nous dire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le marché a ses règles. Si on paye plus aux producteurs, ça se retrouve bien en bout de chaîne.
STEPHANE TRAVERT
Oui, mais vous avez aussi à un moment cette question de la répartition de la valeur sur laquelle nous devons travailler, et c'est un travail de profondeur que nous avons mené avec l'ensemble des distributeurs que nous avons pu rencontrer. Un certain nombre d'entre eux sont prêts à faire aussi les efforts nécessaires pour améliorer la qualité de notre alimentation et répondre à la demande des consommateurs.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est votre point de vue, il est optimiste. Stéphane TRAVERT, vous êtes ministre de l'Agriculture, vous êtes l'architecte de ces états généraux de l'alimentation. Pascal CANFIN, qui dirige le WWF, participe aux états généraux de l'alimentation. Il ne partage pas tout à fait votre opinion. Pour lui quand même, vous êtes un peu trop optimiste sans doute. On l'écoute, il était notre invité hier.
PASCAL CANFIN, PRESIDENT DU WWF FRANCE
On a un ministère de l'Agriculture qui est une institution qui ne comprend plus du tout, qui est vraiment une institution des années 50-60, qui ne comprend plus du tout la société, les évolutions des attentes des Français.
JEAN-MICHEL APHATIE
A ce point ?
PASCAL CANFIN
Sérieusement. On a aujourd'hui un modèle qui est fossilisé.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et les ONG menacent de se retirer des états généraux de l'alimentation, Greenpeace et WWF notamment.
STEPHANE TRAVERT
Vous savez, tout ce qui est excessif est pour le moins insignifiant. Nous sommes dans la semaine du goût cette semaine et je remarque que tout le monde n'a pas pris le train au même moment.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n'est pas dire que le ministère de l'Agriculture est tombé dans la FNSEA.
STEPHANE TRAVERT
Ce que je veux dire, c'est que les ONG ont tout leur rôle à jouer dans ces états généraux. Nous allons entamer le deuxième chantier sur une alimentation saine, durable et accessible à tous. Et les ONG, elles ont leur mot à dire comme elles ont eu leur mot à dire dans les premiers ateliers où elles ont participé, et je les ai reçues une semaine après
BRUCE TOUSSAINT
Et elles vous disent là que vous êtes fossilisé pas vous mais le ministère. Vous leur dites quoi ?
STEPHANE TRAVERT
Ecoutez, moi je n'ai pas cette vision. Moi, je vois des fonctionnaires au ministère de l'Agriculture qui travaillent pour faire en sorte que nos modèles agricoles puissent se transformer durablement. Je vois des fonctionnaires qui sont à la tâche pour faire en sorte que notre agriculture soit plus moderne, plus compétitive, plus innovante. C'est ça qui m'intéresse. Et aujourd'hui ce qui m'intéresse aussi, c'est d'avoir des espaces de dialogue avec les ONG. J'y suis prêt, je les ai reçues à peine une semaine après mon arrivée au ministère et je continuerai parce que c'est ma méthode. Le dialogue, la concertation et le respect.
BRUCE TOUSSAINT
On continue à en parler dans un tout petit instant.
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STEPHANE TRAVERT
Le ministre de l'Agriculture Stéphane TRAVERT est l'invité de France Info ce matin, Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Votre deuxième chantier, vous l'avez dit Stéphane TRAVERT, c'est une alimentation saine, sûre, durable et accessible à tous, je vous propose de réécouter l'inévitable Pascal CANFIN qui avait une solution intéressante d'ailleurs, on l'écoute.
PASCAL CANFIN, HIER SUR FRANCE INFO
Aujourd'hui vous avez des dizaines pesticides dans nos produits, des produits que nous consommons tous les jours, ces pesticides ne sont pas indiqués, la mesure de bon sens c'est la transparence, lorsqu'un produit n'est pas bio et qu'il y a des néonicotinoïdes, du glyphosate et autre joyeuseté ça devrait être marqué que ce produit contient X traces de pesticides et il n'y a aucune raison...
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous voudriez que les Etats généraux...
PASCAL CANFIN
Bien sûr.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors, c'est une bonne idée ça marquer Sur chaque boite le pesticide qui est dedans ?
STEPHANE TRAVERT
Ecoutez, là où je peux le rejoindre c'est que les consommateurs ils ont besoin de traçabilité et de transparence - c'est une réalité et c'est vrai les gens ont le droit de savoir ce qu'ils consomment...
JEAN-MICHEL APHATIE
Et donc ?
STEPHANE TRAVERT
Et pour le coup sur la question de l'étiquetage moi je crois qu'il y a des expérimentations qui sont en cours - notamment sur les produits laitiers - expérimentations qui avaient été mises en place au 1er janvier 2017 et nous évaluerons la pertinence de le reconduire ou pas, moi j'y suis plutôt favorable...
JEAN-MICHEL APHATIE
Et de le généraliser ?
STEPHANE TRAVERT
Et nous devrons pouvoir travailler ensemble, notamment sur la dématérialisation des étiquetages, c'est-à-dire lorsque vous avez un produit dans un rayon avec un QR Code que vous puissiez flasher avec votre iPhone sur un produit pour que vous puissiez voir je dirais l'intégralité de sa composition ; ça fait partie aussi...
JEAN-MICHEL APHATIE
Les industriels n'en ont pas envie, parce que si on marque qu'il y a quatre pesticides dans une boite de sardines...
STEPHANE TRAVERT
Oui, mais quand on le fait...
JEAN-MICHEL APHATIE
On n'achète pas la boite de sardines ?
STEPHANE TRAVERT
Mais si on le fait, si on le fait sur la base de l'expérimentation, si on le fait sur la base du volontariat et si on se laisse suffisamment le temps pour assumer ces transitions, moi je crois qu'il n'y a pas de problème. Mais ce que je crois c'est que...
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, mais ça c'est général. Excusez-moi d'être un peu plus précis...
STEPHANE TRAVERT
Non, non.
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce que vous sortirez de ces Etats généraux avec là-dessus des décisions, c'est-à-dire à partir du 1er janvier 2019 parce qu'on imagine qu'il faut un peu de temps les produits seront transparents, on saura ce qu'il y a dedans ?
STEPHANE TRAVERT
Mais bien sûr, il faudra sortir avec des décisions, des trajectoires dans le temps pour je dirais mettre en oeuvre...
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais là-dessus, sur ce problème-là ?
STEPHANE TRAVERT
Mais sur ce point-là, sur l'étiquetage, nous avons déjà commencé et aujourd'hui moi j'attends beaucoup de ce deuxième chantier sur les questions de santé...
BRUCE TOUSSAINT
Oui, mais sur les pesticides vous pouvez vous permettre ça ?
STEPHANE TRAVERT
Mais sur les pesticides vous savez la règle...
JEAN-MICHEL APHATIE
On ne les achètera pas, moi je suis industriel je dis : « mais non, à ce moment-là mon produit je ne pourrai plus le vendre », si je dis qu'il y a du glyphosate dans mon produit je ne le vends plus mon produit, c'est honnête non ?
STEPHANE TRAVERT
Mais vous savez la règle elle est assez simple et le gouvernement a été très clair là-dessus, sur les pesticides le président de la République s'est engagé pendant sa campagne électorale à réduire progressivement les pesticides et donc nous devons aujourd'hui trouver la trajectoire qui va nous permettre de sortir progressivement de l'utilisation des pesticides pour assurer la transition notamment en agriculture regarder comment nous faisons face aux impasses techniques, trouver les produits de substitution, donc des produits de substitution plus vertueux, pour faire en sorte que nous puissions accompagner les agriculteurs ; et puis ce que je voudrais dire c'est que sur les pesticides de gros efforts ont déjà été faits, l'agro-écologie c'est une forme de label sur lequel les agriculteurs peuvent se retrouver, vous avez des céréaliers aujourd'hui qui ont diminué de 45 % l'utilisation de pesticides sur leurs récoltes avec la couverture des sols, avec l'utilisation du 4 pour 1.000, ce sont des éléments importants. Mais il faut se fixer un objectif clair, ambitieux - le président de la République l'a fait et nous allons travailler dans ce sens bien évidemment.
JEAN-MICHEL APHATIE
Sur le glyphosate quel objectif clair ? Actuellement on en discute au niveau de l'Europe, votre position...
STEPHANE TRAVERT
On en discute au niveau européen, la France ne votera pas la reconduction à 10 ans de l'utilisation du glyphosate parce que nous estimons que ce délai est trop long et que si pendant 10 ans, il ne se passe rien, rien ne sert de redonner cette autorisation, donc le Premier ministre...
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est quoi un délai acceptable ?
STEPHANE TRAVERT
Le Premier ministre nous a demandé, avec mon collègue de l'Environnement, d'établir un plan de sortie du glyphosate et donc nous allons y atteler, nous devons rendre notre copie à la fin de l'année, je souhaite qu'avec mon collègue du ministère de l'Environnement nous puissions faire une saisine conjointe...
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est qui votre collègue du ministère de l'Environnement ?
STEPHANE TRAVERT
Nicolas HULOT bien sûr !
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah ! Nicolas HULOT, oui.
STEPHANE TRAVERT
Mais je souhaite que nous puissions faire avec le ministre d'Etat une saisine conjointe à la fin de l'INRA, de l'IRSTA, de toutes les structures scientifiques...
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous allez le faire, d'accord.
STEPHANE TRAVERT
Mobiliser la recherche publique pour trouver les solutions et nous rendrons notre copie à la fin de l'année.
BRUCE TOUSSAINT
Ça se passe comment avec votre collège de l'Environnement ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Qui s'appelle ?
BRUCE TOUSSAINT
Qui s'appelle donc Nicolas HULOT, puisque cest bien de le rappeler à Jean-Michel APHATIE...
STEPHANE TRAVERT
Bien sûr !
JEAN-MICHEL APHATIE
Je l'ai dit.
STEPHANE TRAVERT
Je n'ai pas de difficulté particulière.
BRUCE TOUSSAINT
On se demandait si vous ne disiez pas son nom parce qu'il y avait un petit...
STEPHANE TRAVERT
Non, non, non.
BRUCE TOUSSAINT
Non.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas du tout. Mais vous savez moi je suis dans ce gouvernement....
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est la presse, ça fait une vente.
STEPHANE TRAVERT
Avec un objectif, moi j'ai accompagné Emmanuel MACRON dans cette campagne présidentielle très tôt et nous sommes mus par un même objectif : la réussite du quinquennat d'Emmanuel MACRON, la réussite du gouvernement et la cohésion de la majorité et, moi, je travaille uniquement dans ce sens et j'ai de bonnes relations de travail avec l'ensemble de mes collègues et je travaille avec tout le monde pour l'intérêt des Français et l'intérêt du gouvernement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et vous avez de bonnes relations avec Nicolas HULOT ?
STEPHANE TRAVERT
Bien sûr.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n'est pas acquis, vous avez deux secteurs ministériels qui sont antagonistes.
STEPHANE TRAVERT
Non, mais il faut arrêter... mais deux secteurs ministériels, mais je crois qu'il faut arrêter de vouloir opposer en permanence...
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah ! Non, non.
STEPHANE TRAVERT
L'Environnement et l'Agriculture parce qu'on en arrive aux propos qu'on pouvait entendre hier, moi ce que je crois c'est que et l'agriculture et l'environnement ont de belles choses à faire ensemble au service de nos concitoyens et de nos consommateurs, l'agriculteur est le premier professionnel qui est je dirais en lutte contre les changements climatiques et donc il doit tenir compte de ces changements climatiques et donc on doit avancer ensemble pour je dirais modifier, changer nos modèles.
BRUCE TOUSSAINT
Le Parisien dit ce matin que Nicolas HULOT veut faire une sorte de taxe béton qui taxerait donc les projets immobiliers qui s'attaquent d'une certaine façon aux terres agricoles, c'est vrai ça ?
STEPHANE TRAVERT
Vous savez la question de la protection des terres agricoles c'est un élément important, on a des missions à faire...
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous êtes au courant de la proposition de Nicolas HULOT ?
STEPHANE TRAVERT
Je lai vu ce matin dans le même journal.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous soutenez cette proposition ? Il a saisi le Premier ministre.
STEPHANE TRAVERT
Mais il faut regarder !
JEAN-MICHEL APHATIE
Attendez ! Excusez-moi. Vous avez de très bonnes relations avec Nicolas HULOT et vous ne saviez pas qu'il avait saisi le Premier ministre, vous l'avez découvert dans le journal ?
STEPHANE TRAVERT
Ecoutez, nous sommes à notre tâche en permanence sur l'ensemble de nos sujets, mais sur...
BRUCE TOUSSAINT
Enfin ça vous concerne directement, on est un peu surpris.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il ne vous a pas passé un coup de fil, Nicolas HULOT ?
STEPHANE TRAVERT
Non, pas là-dessus, mais sur tout ce qui concerne les terres agricoles ce sont des sujets sur lesquels je travaille parce que la mobilisation et la préservation du foncier c'est essentiel - notamment pour les jeunes lorsque l'on veut les emmener vers l'installation et là-dessus il faut regarder comment les choses peuvent se mettre en place bien évidemment.
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est une bonne idée la taxe ?
STEPHANE TRAVERT
Mais je ne sais pas si cette taxe est une bonne idée, je n'en connais pas les tenants et les aboutissants pour l'instant, donc je ne veux pas vous donner un jugement qui pourrait paraître péremptoire ou un mauvais jugement. Moi ce que je veux regarder c'est quelle est l'efficacité de la mesure, si la mesure est efficace bien évidemment que je la soutiendrai...
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais spontanément vous n'en êtes pas convaincu ?
STEPHANE TRAVERT
Et si la mesure est efficace pour les agriculteurs elle sera soutenue par le ministère de l'Agriculture je peux vous le garantir.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et, comme Nicolas HULOT n'a pas pris le temps de vous l'expliquer, vous ne pouvez pas répondre précisément à notre question...
STEPHANE TRAVERT
Non, mais nous en parlerons.
JEAN-MICHEL APHATIE
J'ai une autre question précise, glyphosate vous dites 10 ans c'est trop long, alors c'est quoi le bon délai pour ne plus utiliser de glyphosate dans l'agriculture française, cinq ans ?
STEPHANE TRAVERT
Mais justement on a... il ne faut pas se bloquer sur des éléments de calendrier...
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais c'est vous dites 10 ans c'est trop.
STEPHANE TRAVERT
Oui. Mais on dit 10 ans c'est trop long, si on...
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc, sur votre idée de ce qui est acceptable ?
STEPHANE TRAVERT
Oui, mais il ne faut pas se tromper de débat. La reconduite du glyphosate sur 10 ans c'était le reconduire sans mobiliser les crédits attenant à la recherche et donc il aurait pu se repasser 10 ans sans qu'il ne se passe rien et nous aurions été dans 10 ans au même point qu'aujourd'hui, nous ce que nous voulons faire à travers la mission que nous a confié le Premier ministre c'est de faire en sorte que pendant le laps de temps, la trajectoire que nous allons définir, nous allons mobiliser la recherche publique, nous allons mobiliser les crédits pour faire en sorte que nous puissions donner une trajectoire de sortie du glyphosate et donc, si la recherche nous dit que ça peut se faire en trois ans, allons-y dans les trois ans, mais si ça doit être cinq ans ce sera cinq ans.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et, si elle vous dit : « on a besoin de 10 ans » 10 ans ?
STEPHANE TRAVERT
Ce n'est pas à moi de fixer un délai, une deadline, c'est à la science de répondre à ces questions.
BRUCE TOUSSAINT
Vous restez avec nous, l'essentiel de l'info Edwige COUPEZ.
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BRUCE TOUSSAINT
Le ministre de l'Agriculture, Stéphane TRAVERT, est l'invité de France Info, ce matin. Jean-Michel APHATIE.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le 1er janvier et le 30 septembre, on compte à peu près 8 000 têtes de bétail, principalement des ovins, qui ont été tués par les quelques 360 loups qui sont recensés aujourd'hui en France. Tous ces chiffres-là sont très précis, ils ont incité des agriculteurs lundi dernier à se retrouver Place Bellecour à Lyon, pour dire leur ras-le-bol de cette situation. On en écoute quelques-uns.
TEMOIGNAGE
Nous, éleveurs, on se fait massacrer des brebis chaque année, ça coûte un pognon fou aux contribuables. On comprend qu'il faut de la biodiversité, mais ce n'est pas possible de pouvoir travailler. On est au Moyen-âge
TEMOIGNAGE
Trop de mesures de protection, trop de choses qui font qu'on ne peut pas On ne peut pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
Entre le 1er juillet de cette année et le 1er juillet de l'année prochaine, l'autorisation a été donnée de tuer 40 loup, c'est un compromis que vous avez passé avec Nicolas HULOT. Est-ce que c'est assez ? Quand on voit les agriculteurs, on a le sentiment que non.
STEPHANE TRAVERT
C'est n'est pas jusqu'au 1er juillet de l'année prochaine, c'est jusqu'à la fin de l'année.
JEAN-MICHEL APHATIE
La fin de cette année ?
STEPHANE TRAVERT
A la fin de cette année, parce que nous devons rendre un plan pluriannuel que nous souhaitons porter. Et moi j'ai...
JEAN-MICHEL APHATIE
Il faut en tuer plus que 40 par an ?
STEPHANE TRAVERT
Et moi j'ai.... Il ne faut pas s'arrêter à un chiffre, 40 ou 45 loups, ou 35.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah si si, bien sûr, ça a été votre débat avec Nicolas HULOT.
STEPHANE TRAVERT
Oui mais, ce que je veux dire là-dessus, c'est que moi j'ai rencontré les éleveurs, je suis allé en Aveyron, j'en ai reçu plusieurs délégations, ici au ministère à Paris. Il faut protéger les éleveurs. Protéger les éleveurs et tendre vers le zéro attaque. Et zéro attaque, par contre, ça n'est pas zéro loup, et il faut protéger aussi...
JEAN-MICHEL APHATIE
Combien il faut tuer de loups ?
STEPHANE TRAVERT
... les éléments de biodiversité. Mais, vous savez...
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors, excusez-moi, une question précise. Aujourd'hui ils ne sont pas protégé, les agriculteurs, c'est ce qu'ils disent, vous êtes d'accord ?
STEPHANE TRAVERT
Exactement. Mais bien sûr.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ils ne sont pas protégés ?
STEPHANE TRAVERT
Ils ne sont pas suffisamment protégés. Le ministère de l'Agriculture...
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc il faut en tuer plus.
STEPHANE TRAVERT
... investit des millions d'euros, tous les ans, sur cette question de la prédation, et aujourd'hui on s'aperçoit que ça ne sert à rien, que cet argent dépensé ne sert à rien ou qu'il est mal utilisé. Et donc il faut revoir la dépense de ces crédits, voir comment nous pouvons mobiliser ces crédits, pour que cela soit enfin efficace. Et ça ne veut pas dire qu'il faut tuer plus de loups, ça veut dire comment nous éloignons les loups des troupeaux, des bergers, comment faire en sorte de mieux protéger les éleveurs, à travers un certain nombre de dispositifs qui peuvent déjà exister. Moi je suis attaché...
JEAN-MICHEL APHATIE
On peut les éloigner des troupeaux sans les tuer ?
STEPHANE TRAVERT
Moi je suis attaché à l'agropastoralisme, parce qu'il est utile pour la préservation de nos paysages.
JEAN-MICHEL APHATIE
On peut les éloigner des troupeaux sans les tuer ?
STEPHANE TRAVERT
Mais, le loup revient, parce qu'il sent qu'il n'y a pas de danger. Et si nous arrivons à effaroucher, comme on dit, suffisamment, le loup pour qu'il ne revienne pas, ça peut être une des pistes de travail. Et puis, il faut regarder comment cela se passe sur les territoires. Aujourd'hui, 35 départements sont concernés par la présence du loup, mais vous avez des départements qui sont moins touchés que d'autres par la prédation. Vous avez des départements qui subissent des dizaines et des dizaines d'attaques par an, et c'est sur ces départements où il faut que nous puissions concentrer notre action. Et donc nous devons aujourd'hui travailler avec le ministère de l'Environnement, pour un plan pluriannuel, qui donnera des objectifs précis en matière de nombre de loups, sur lesquels... qu'il faudra retirer des alpages ou autres, et faire en sorte que nous puissions ensemble trouver des solutions durables pour les éleveurs et la protection de la biodiversité.
JEAN-MICHEL APHATIE
On suivra tout ça effectivement, c'est votre dialogue avec Nicolas HULOT qui déterminera le nombre de loups à tuer.
STEPHANE TRAVERT
Bien sûr.
JEAN-MICHEL APHATIE
40 cette année, ça n'est peut-être pas assez, on peut le déduire quand même de vos propos. Vous lirez, Stéphane TRAVERT, dans Le Monde de cet après-midi, la phrase suivante, c'est un « ministre anonyme », c'est peut-être vous d'ailleurs, je ne sais pas, « La Macronie penche trop à droite ».
STEPHANE TRAVERT
Non, ce n'est pas moi.
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais vous le pensez ?
STEPHANE TRAVERT
Non. Non, parce que...
JEAN-MICHEL APHATIE
Elle ne penche pas trop à droite ?
STEPHANE TRAVERT
Vous savez, aujourd'hui, le gouvernement...
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui vous le pensez et vous ne pouvez pas le dire, c'est ça ?
STEPHANE TRAVERT
Non non, mais moi je suis libre dans mes propos, je l'ai toujours été et je le resterai. Mais, aujourd'hui, j'appartiens à un gouvernement où des hommes et des femmes qui appartiennent à ce gouvernement, ont fait des choix, des choix politiques. Nous avons cheminé pour que, ensemble, avec des gens d'une sensibilité différente, nous puissions travailler dans l'intérêt du pays. Nous avons fait un choix de rejoindre Emmanuel MACRON, parce qu'il avait une volonté de transformer durablement notre pays.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, ça on le sait, mais...
STEPHANE TRAVERT
Ça, vous le savez, mais c'est cette réalité...
JEAN-MICHEL APHATIE
Une modification substantielle de l'impôt sur la fortune, modification du Code du travail, baisse des APL. Un ministre anonyme dit : « La Macronie penche trop à droite », et vous ne le pensez pas.
STEPHANE TRAVERT
Ecoutez, je pense que, aujourd'hui...
JEAN-MICHEL APHATIE
Elle est au centre la Macronie ?
STEPHANE TRAVERT
Pas au centre de la Macronie, je suis dans la Macronie, comme vous le dites...
JEAN-MICHEL APHATIE
Non mais, la Macronie, elle est au centre de l'échiquier politique ?
STEPHANE TRAVERT
Elle est centrale.
JEAN-MICHEL APHATIE
Elle ne penche pas trop d'un côté ?
STEPHANE TRAVERT
Elle est centrale et nous devons maintenir cet équilibre. Libérer et protéger. Libérer les énergies pour permette d'investir, et protéger celles et ceux qui sont les plus fragiles, et a ça c'est une ... qui me tiens très à coeur.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous-même vous êtes issu du Parti socialiste...
STEPHANE TRAVERT
Mais bien sûr.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous étiez proche de Benoit HAMON. Il y a trois ans, on vous aurait dit : tu sais, on va supprimer pratiquement l'impôt sur la fortune, vous auriez dit : « Mais c'est une injustice », c'est ce que disait d'ailleurs Manuel VALLS en 2016.
STEPHANE TRAVERT
Mais, vous savez...
JEAN-MICHEL APHATIE
On change vite d'avis dans la politique.
STEPHANE TRAVERT
Non, on ne change pas d'avis, mais on s'aperçoit qu'à un moment, quand on est arrivé au bout d'un cycle, quand on doit résoudre les questions de chômage de masse, quand la précarité a atteint un tel point, qu'à un moment il faut changer complètement le système, et revoir notre fonctionnement politique, et c'est ce que nous avons essayé de faire avec Emmanuel MACRON.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et donc l'impôt sur la fortune était un obstacle, au redémarrage de l'économie.
STEPHANE TRAVERT
Mais vous savez, l'impôt sur la fortune...
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous le diriez, ça, ou pas ?
STEPHANE TRAVERT
L'impôt sur la fortune, tel que nous souhaitons le remobiliser, c'est-à-dire permettre à ce que l'investissement puisse de nouveau, demain, créer des richesses, créer des emplois, je pense que c'est plutôt une bonne formule, mais en même temps, parce que c'est le fameux en même temps, c'est de faire en sorte que l'on puisse protéger celles et ceux qui en ont besoin, parce que, qui érige dans ce pays ? Moi, ce que je vois, c'est qu'il y a de plus en plus de pauvres, et que c'est sur cette question de la précarité que nous devons aussi travailler. Libérer et protéger.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et donc l'ancien impôt sur la fortune ne permettait pas à l'économie de bien fonctionner.
STEPHANE TRAVERT
Eh bien visiblement non, puisqu'aujourd'hui, nous nous apercevons que l'économie ne produisait pas suffisamment de richesses pour permettre de créer de l'emploi.
BRUCE TOUSSAINT
Merci beaucoup Stéphane TRAVERT, merci d'avoir été l'invité de France Info ce matin.
STEPHANE TRAVERT
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 12 octobre 2017