Déclaration de M. Edouard Balladur, Premier ministre, sur la politique de l'emploi et les projets en matière de voies de communications en Indre-et-Loire, Tours le 10 octobre 1994.

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Circonstance : Déplacement de M. Edouard Balladur en Indre-et-Loire, visite à l'Université de Tours, le 10 octobre 1994

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs,
Je vous remercie pour l'accueil qui m'est réservé depuis ce matin, en Indre et Loire.
Nous avons eu avec Michel GIRAUD, ministre du Travail, des entretiens avec des salariés bénéficiaires des "contrats d'accès à l'emploi" et leurs chefs d'entreprise, au centre de formation professionnelle polytechnique de la ville de Tours.
Avec François FILLON, nous avons participé à l'inauguration de la faculté des sciences pharmaceutiques.
Monsieur le maire de Tours, votre engagement en faveur de l'Université ne se traduit pas uniquement par des concours financiers. Vous êtes un des rares à avoir fait, en son temps, le choix d'une "Université dans la ville".
Aux étudiants, vous avez voulu offrir, non seulement des lieux d'étude, mais aussi des lieux de loisirs. C'est un des éléments qui vous a décidé à rénover le Vieux Tours et à recréer ainsi un quartier avec lequel peu de villes universitaires comparables peuvent rivaliser.
Votre engagement en faveur des étudiants et celui de tous les parlementaires du département, est une des raisons parmi bien d'autres, qui m'a conduit à choisir la ville de Tours pour accueillir une nouvelle école nationale d'architecture.
Vous partagez, par ailleurs, la détermination du Gouvernement d'employer tous les moyens pour lutter contre le chômage.
Vous avez mis en place un programme pour les chômeurs de plus de 26 ans qui sont menacés de perdre leurs droits aux ASSEDIC. Vous vous êtes également engagé à favoriser l'accès à l'emploi de jeunes de moins de 26 ans qui sont en grande difficulté. Ces deux actions reposent sur une coopération étroite entre la ville bien sûr, l'Etat, l'ANPE, et les ASSEDIC.
Leur succès est reconnu. Plusieurs grandes villes de France ont emprunté la voie que vous avez ouverte.
Je vous remercie de contribuer ainsi à la réalisation de l'objectif du Gouvernement qui est de redresser la France sans laisser personne sur le bord du chemin.
La France a connu en 1993 la récession la plus grave depuis la guerre, avec un recul du PIB de 1 %. A son arrivée, le Gouvernement s'est trouvé confronté à des déficits publics considérables et à un fort accroissement du chômage, au rythme de 30 000 chômeurs supplémentaires par mois.
Quelle a été son action ? En premier lieu, la réduction des déficits publics, qu'il s'agisse du budget de l'Etat, de celui de la Sécurité sociale ou bien encore de l'assurance-chômage.
En second lieu, le Gouvernement s'est efforcé de soutenir l'activité et de restaurer la confiance. Par un grand emprunt d'Etat qui a mobilisé les Français et permis de financer un plan de soutien en faveur des entreprises. Par le remboursement d'une grande partie de la dette de l'Etat à l'égard des entreprises, au titre du décalage d'un mois de la TVA. Par la réforme de l'impôt sur le revenu qui s'est traduite par un allègement sans précédent de 19 milliards de francs. Et par des mesures de soutien spécifique aux secteurs les plus touchés par la crise, le logement, les travaux publics et l'automobile.
Enfin, le Gouvernement s'est attaché à rétablir la situation de l'emploi. Une politique nouvelle a été définie pour mobiliser tous les acteurs et tous les instruments au service de l'emploi.
Aujourd'hui, toutes les indications montrent que la croissance est de retour.
La reprise de l'activité se fait sur des bases saines et durables.
Enfin, même s'il convient d'être prudent et si, certains mois, les résultats peuvent être moins bons, la politique de l'emploi commence à donner des effets positifs.
J'en voudrai pour preuve les quelques exemples suivants :
- Le chômage des jeunes a diminué de 20 000 personnes depuis le début de l'année, alors qu'il avait augmenté d'autant au cours de la même période de 1993.
- Le nombre des offres d'emploi est de 40 % supérieur en 1994 par rapport à celui de 1993.
- Enfin, le premier semestre 1994 est le premier depuis 1990 à voir des emplois créés : 118 000 en tout. Ce chiffre, qu'aucun expert n'avait prévu, provient sans doute, pour une grande part, de l'allègement des charges sur les bas salaires et sur le temps partiel.
L'allègement des charges sur les bas salaires sera poursuivi en 1995 et les mesures retenues par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 1995 renforceront les créations d'emplois.
La reprise d'activité est le fait du dynamisme de notre économie et non pas seulement d'un effet d'entraînement venant de nos partenaires extérieurs. Les sondages auprès des chefs d'entreprises montrent qu'ils ont confiance dans le développement de leur activité. La situation est favorable à une reprise marquée de l'investissement.
Les perspectives pour les prochains mois sont positives.
La croissance du pouvoir d'achat des ménages devrait s'améliorer. La reprise de l'investissement en logement et des dépenses d'entretien ou d'amélioration de l'habitat devrait être vigoureuse. Dans l'industrie, les carnets de commande des biens d'équipement professionnel ont retrouvé un niveau normal et les importations de ces biens augmentent. Quant aux prévisions de dépenses d'équipement des chefs d'entreprise pour le second semestre, elles sont elles-mêmes en très forte hausse.
Au total, la croissance devrait se poursuivre en 1995 à un rythme supérieur à 3 %. Les choix du Gouvernement, qu'il s'agisse du freinage des dépenses publiques, de la réduction des déficits, de la maîtrise de l'inflation et de le stabilité monétaire ne peuvent qu'améliorer ces perspectives.
Mais il n'y a de véritable progrès que si la cohésion du pays tout entier est maintenue. Le Gouvernement a, vous le savez, redonné vie à la politique d'aménagement du territoire. De nombreuses décisions, de nombreuses initiatives ont permis que le développement économique soit mieux réparti sur le territoire.
Je voudrais en citer quelques exemples :
1- Les départements ont leur rôle à tenir dans cette action. En Indre et Loire, Monsieur le président du Conseil général, vous avez engagé une politique originale. Je tiens à la saluer, dans l'espoir qu'elle fera des émules.
Des territoires homogènes ont été définis qui font l'objet de contrat, les "contrats de territoire". Il s'agit, par des instances adaptées, de faciliter la coordination de tous ceux qui financent des projets de développement économique. Cette volonté d'une plus grande concertation dans le cadre de "pays", s'inscrit bien dans la perspective du projet de loi d'orientation qu'a présenté M. Charles PASQUA.
2- Nous venons, par ailleurs, de signer la première convention nationale de télétravail. C'est un exemple de la contribution que les nouvelles techniques peuvent apporter à l'aménagement du territoire.
Le développement du télétravail est devenu indispensable dans une sociét en progrès qui veut garder son unité. En effet, ce mode de production concerne de plus en plus de secteurs économiques et de services rendus aux personnes. Les experts avancent que prochainement plus de 50 % des activités mondiales pourront transiter par des réseaux de télécommunication.
Ces activités représentent un enjeu important : produites par télétravail, elles peuvent créer des emplois dans les zones fragiles. Quant aux téléservices, ils améliorent le cadre de vie et la compétitivité des entreprises, quelque soit le lieu de leur implantation.
3- La qualité des voies de communication est également un important facteur de développement et de cohésion.
Le train Inter-Loire est une réussite exemplaire pour laquelle je salue M. Maurice DOUSSET, président du Conseil régional. Je rends aussi hommage à la volonté qui est la vôtre de renforcer en même temps les dessertes de proximité par la voie ferrée.
En ce qui concerne les routes, la liaison Alençon-Le Mans-Tours s'inscrit dans le contournement autoroutier par l'Ouest de la région Ile-de-France. Les travaux ont été déclarés d'utilité publique le 20 juillet 1993.
A ma demande, et comme je m'y était engagé lors de mon déplacement à Nantes le 16 octobre 1993, le ministre de l'Equipement proposera d'inscrire le tronçon Le Mans-Tours au programme des opérations du Fonds de Développement Economique et Social lancées dès 1995.
La section Alençon-Le Mans sera proposée dès 1996 dans un programme national particulièrement chargé ou en 1997, au plus tard.
Cela permettra une mise en service de la totalité d'Alençon-Tours à l'horizon 2000.
La liaison Tours-Vierzon vise à assurer la continuité de l'axe qui, de Nantes, va à Lyon par Angers et Clermont-Ferrand. L'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique de cette opération s'est achevée le 14 janvier 1994 ; le rapport de la commission d'enquête a été rendu le 5 mars dernier. Cela permet d'espérer, après l'avis du Conseil d'Etat, une déclaration d'utilité publique mi 1995.
Je n'oublie pas, bien entendu, la liaison Angers-Tours :
La réalisation de cette liaison est aujourd'hui bien engagée, tant entre Angers et l'Ouest de Langeais, section concédée, que sur la section terminale non concédée, entre Langeais et Tours.
Le passage de ce projet en bord de Loire, au droit de Langeais, a suscité de nombreuses interrogations. Le Gouvernement, soucieux de retenir le meilleur tracé possible dans ce secteur de grande sensibilité, a décidé de réexaminer les conditions du passage de l'autoroute A.85, et de lancer une nouvelle enquête publique sur une option de tracé au Nord de Langeais. Je souhaite que tout soit fait pour que le dossier ne prenne pas de retard.
S'agissant dé la partie non concédée de l'autoroute comprise entre Langeais et Tours, l'effort de l'Etat, de la région Centre et du département de l'Indre et Loire, sera poursuivi. Le montant inscrit à l'actuel contrat Etat-région permettra d'achever cet aménagement.
4- Faciliter la circulation engendre bien souvent une activité économique supplémentaire. Pour la soutenir, il faut favoriser les initiatives. Elles témoignent du dynamisme des régions. Elles renforcent le pays tout entier grâce aux forces locales.
Les entreprises individuelles représentent aujourd'hui 71 % des entreprises françaises, 1 million 500 mille salariés et plus de 3 millions d'actifs.
La loi du 11 février 1994, proposée par M. Alain MADELIN, a apporté des réformes importantes.
L'objectif de simplification que s'était fixé le Gouvernement peut sembler paradoxal : la seule lecture de la loi témoigne de la complexité du sujet.
Ce texte modifie 45 articles répartis dans quinze codes ou lois. Plutôt que de créer de nouveaux principes, de nouveaux statuts, de nouvelles dérogations, nous avons choisi de toucher aux règles juridiques de la vie des entreprises en améliorant, en simplifiant, en réformant ce qui existe, et en abordant tous les domaines, le droit des sociétés, le droit du travail, le droit financier, la fiscalité, le droit social.
C'est ainsi que la loi "initiative et entreprise individuelle" va permettre à 1 million 700 mille entreprises de bénéficier d'une grande simplification des formalités comptables, d'un forfait social pendant deux ans, d'une protection du patrimoine et d'une meilleure protection statutaire. La loi facilite également la création entreprises nouvelles notamment par la réduction de toutes les démarches administratives à un seul formulaire.
La loi du 11 février 1994 marque un tournant. Elle reconnait un certain nombre de faits de société et d'évolutions de notre économie. L'émergence du travail indépendant, une souplesse plus grande d'organisation des entreprises, des services publics soucieux de simplifier leurs rapports avec les entreprises, une mobilisation locale plus forte pour la revitalisation du tissu économique: sur tous ces points, la loi a ouvert des portes, reconnu de nouveaux droits.
C'est aux Français, à vous, d'utiliser ces possibilités pour montrer le réel dynamisme de notre pays.
La France a devant elle de longues années de réformes. Il nous faut, pour répondre à cette obligation, faire preuve d'union, d'optimisme et de courage.
L'union s'obtiendra par la volonté de rechercher toujours la cohésion géographique et sociale du pays. Cela suppose que se développe un climat de confiance, auquel chacun peut et doit contribuer.
L'optimisme est nécessaire pour faciliter l'émergence d'initiatives individuelles et accompagner le développement économique. Il ne doit pas masquer les difficultés qui demeurent, mais s'appuyer sur notre capacité à les surmonter.
Il faut aussi du courage pour poursuivre les réformes dont le pays a besoin et pour en engager de nouvelles.
Avançons ensemble avec résolution et confiance !