Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2018 (projet n° 63, rapport n° 77 [tomes I à III], avis n° 68).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de présenter devant votre assemblée, avec le ministre de l'action et des comptes publics qui ne peut malheureusement être présent parmi nous cet après-midi , le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale de cette mandature.
Ce PLFSS est à la fois un texte dense et un texte qui fait des choix.
Il fait le choix du pouvoir d'achat pour les salariés par la baisse des cotisations sociales et par l'augmentation, au 1er octobre prochain, de la prime d'activité.
Il fait le choix de conforter notre modèle de protection sociale en adaptant son financement à l'évolution de notre économie et de notre société et en renforçant son universalité, afin que chacun puisse bénéficier de la même sécurité sociale quel que soit son statut professionnel.
Il fait le choix j'y reviendrai de la solidarité au bénéfice de nos concitoyens les plus fragiles, qu'il s'agisse des bénéficiaires du minimum vieillesse ou des familles les plus pauvres.
Choisir, c'est aussi assumer une politique de prévention ambitieuse qui protège nos concitoyens et prend à bras-le-corps la première des inégalités en matière de santé : l'inégalité devant la prévention.
Faire des choix, c'est également poser, dès maintenant, les jalons pour une transformation continue et résolue des modalités de tarification des actes et des prestations qui incitent à privilégier la pertinence et la qualité et qui prennent en compte les besoins des patients dans leur globalité.
Les choix que ce PLFSS vous propose sont ceux d'une France qui porte haut l'ambition d'un modèle de protection sociale et d'un modèle de santé solidaires, d'un modèle qui permette l'égal accès aux soins et à l'innovation pour tous, qui garantisse aux citoyens l'équité devant la retraite et qui réponde efficacement aux besoins prioritaires des familles.
Ces choix ne sont possibles, ces choix ne sont crédibles, mesdames, messieurs les sénateurs, que si nous nous donnons les moyens de rétablir l'équilibre des comptes de la sécurité sociale. Je sais votre assemblée très attentive à cet objectif.
En tant que ministre des solidarités, je suis particulièrement attachée à ce que nos concitoyens puissent avoir durablement confiance dans leur système de protection sociale. Or, sans équilibre des comptes, il n'y a pas de confiance possible à moyen et à long terme.
L'année 2017 verra les comptes de la sécurité sociale s'améliorer de 2,6 milliards d'euros par rapport à 2016, avec toutefois un déficit encore important de 5,2 milliards d'euros.
En 2018, le déficit devrait à nouveau se réduire de 3 milliards d'euros par rapport à 2017.
C'est une trajectoire en ligne avec l'objectif fixé par le Premier ministre dans son discours de politique générale d'un retour à l'équilibre à l'horizon de 2020.
Suivre ce chemin exigeant, c'est certes faire des choix, mais c'est aussi ouvrir à nos concitoyens la perspective nouvelle de la fin du déficit de la sécurité sociale et offrir aux jeunes générations une protection sociale débarrassée de la dette sociale accumulée au cours des vingt dernières années.
Je souhaite, mesdames, messieurs les sénateurs, revenir plus précisément sur les orientations de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Ce PLFSS est celui de la solidarité. Il s'adresse en effet d'abord aux personnes, aux familles les plus en difficulté et pour lesquelles la solidarité nationale doit jouer en priorité.
Ma première préoccupation concerne les personnes âgées les plus pauvres. Elles sont plus d'un demi-million en France à vivre avec 800 euros par mois. Nous augmenterons donc le minimum vieillesse de 100 euros par mois, conformément aux engagements du Président de la République. Cela commencera dès le 1er avril prochain, avec une augmentation de 30 euros ; l'augmentation sera ensuite de 35 euros en janvier 2019 et de 35 euros supplémentaires en janvier 2020. À mi-mandat, le minimum vieillesse aura donc augmenté de plus de 12 %.
Je veux aussi répondre aux besoins des personnes âgées en perte d'autonomie et poursuivre l'adaptation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, en renforçant l'encadrement soignant : 4 500 places d'hébergement permanent et près de 1 500 places d'accueil de jour ou d'hébergement temporaire seront créées et 100 millions d'euros seront consacrés au renforcement de l'encadrement soignant.
Par ailleurs, j'ai souhaité soutenir, avec ce PLFSS, le déploiement progressif d'astreintes infirmières la nuit. Ce dispositif permet un meilleur traitement des problèmes qui peuvent survenir la nuit et évite ainsi des hospitalisations inutiles dont on sait qu'elles sont toujours très délétères pour des personnes dépendantes et fragiles.
Ce PLFSS s'adresse aussi aux familles. Je veux mettre en adéquation les priorités et les outils de la politique familiale avec les besoins des familles.
Notre pays se distingue de longue date par l'importance qu'il attache à une politique familiale large et structurée.
Cette politique affiche des réussites manifestes : un taux de fécondité parmi les plus élevés d'Europe, une participation relativement forte des femmes au marché du travail et une conciliation entre vie familiale et vie professionnelle qui doit encore progresser, mais qui est facilitée par une offre d'accueil du jeune enfant substantielle, diverse et financièrement accessible.
Mais je fais aussi le constat que la politique familiale est aujourd'hui en perte de repères quant à ses finalités et ses priorités, et que le nombre de naissance est en baisse depuis plusieurs années.
La politique familiale est un élément essentiel pour faire société et construire le monde de demain. Elle mérite que nous ayons un débat ouvert, large, sur la façon dont elle répond aujourd'hui, concrètement, aux attentes des familles : comment augmenter et améliorer les solutions de garde des jeunes enfants et prendre mieux en compte les besoins des parents qui travaillent ou recherchent un emploi ? Comment aider les familles en difficulté éducative et être plus efficace dans le soutien à la parentalité ? Comment contribuer à réduire les situations de pauvreté ? La France compte aujourd'hui trois millions d'enfants vivant dans un foyer dont les revenus se situent en dessous du seuil de pauvreté. Cette réalité, nous devons nous en saisir pour la faire évoluer, et c'est pour moi une priorité.
Ce premier PLFSS fait un choix très clair, celui d'augmenter les prestations à destination des familles les plus fragiles. Les familles nombreuses les plus pauvres bénéficieront de la hausse du complément familial majoré au 1er avril 2018 450 000 familles seront concernées.
Pour les familles monoparentales, qui sont souvent parmi les plus en difficulté, le montant de l'allocation de soutien familial sera revalorisé, au 1er avril également 750 000 familles en bénéficieront. Le montant maximal de l'aide à la garde d'enfants pour les parents qui recourent à un assistant maternel, à une garde à domicile ou à une microcrèche, augmentera de 30 %.
Ce PLFSS fait des choix, dont certains peuvent faire débat, mais il s'inscrit résolument dans la perspective plus large d'une concertation menée en 2018 avec l'ensemble des parties prenantes, avec les organisations familiales, avec les parlementaires également, pour redéfinir les objectifs assignés à notre politique familiale.
Ce PLFSS, je l'ai indiqué, est aussi un PLFSS de transformation : il engage des évolutions structurelles pour les années à venir. Cette ambition de réforme concerne d'abord l'organisation de la protection sociale.
Le 1er janvier 2018, le régime social des indépendants, le RSI, sera adossé au régime général. Cette réforme part du constat, largement partagé, que le lien de confiance entre les indépendants et leur régime de sécurité sociale a été durablement altéré par les difficultés de mise en place de l'interlocuteur social unique depuis 2008.
Cette réforme s'inscrit aussi dans la perspective d'une sécurité sociale universelle, qui vise à simplifier les démarches des citoyens, quel que soit leur parcours professionnel salarié ou travailleur indépendant ou leur statut je pense notamment aux étudiants. Elle est donc une nouvelle étape de la construction de notre système de protection sociale et une forme de retour aux sources de l'ambition des fondateurs de la sécurité sociale en 1945.
Je vous sais légitimement très attentifs aux conditions de mise en oeuvre de la réforme. Parce que c'est une réforme ambitieuse, nous donnons le temps et les moyens nécessaires à la transformation.
Vous le savez, au 1er janvier 2018, une période de transition de deux ans sera ouverte. Cette période permettra de faire évoluer progressivement les organisations de travail et de mener un dialogue social de qualité avec les salariés et leurs représentants. Je veux redire devant vous mon attention à l'accompagnement social et professionnel des salariés du RSI, comme de ceux des organismes conventionnés qui servent les prestations d'assurance maladie.
Cette période de transition est nécessaire, elle sera même un peu plus longue pour la reprise de l'activité des organismes conventionnés qui n'interviendra qu'en 2020. Elle ne doit pas être prolongée au-delà, de façon à donner aux organisations et aux personnels un cadre pérenne de travail.
Elle n'impose pas de date butoir s'agissant de l'évolution des systèmes d'information. Le Gouvernement est particulièrement attentif à ce que l'organisation mise en place permette une évolution graduée et maîtrisée de ces systèmes, dans des conditions de sécurité garanties.
Je veux enfin dire l'attachement du Gouvernement à la reconnaissance, au sein du régime général, de la spécificité de la situation des travailleurs indépendants, de façon à adapter le service qui leur est rendu.
L'ambition de transformation concerne également notre système de retraite. Le Président de la République s'est engagé à le faire évoluer pour le rendre plus juste et plus transparent. Sa rénovation devra répondre à plusieurs enjeux majeurs.
Elle redonnera de la lisibilité à un système qui s'est construit par strates successives et qui est aujourd'hui devenu complexe et opaque pour les Français.
Elle devra également assurer la pérennité de notre système de retraite et rétablir la confiance que lui portent nos concitoyens, en particulier les jeunes.
Elle permettra de redonner confiance à nos concitoyens dans son équité. Aujourd'hui, compte tenu de la diversité des régimes et des règles, un euro cotisé n'ouvre pas les mêmes droits selon le statut, la forme d'emploi ou encore le profil de la carrière de l'assuré. Cette réforme permettra donc de garantir une équité de traitement entre l'ensemble des assurés.
Enfin, elle devra permettre à chacun de mener des carrières nécessairement plus diversifiées qu'elles ne l'ont été dans le passé, entre statuts et régimes, sans craindre l'impact de ces choix sur ses droits à retraite.
Ce projet ambitieux, nous le mènerons avec Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire à la réforme des retraites, dans le cadre d'une démarche exemplaire de concertation avec l'ensemble des parties prenantes.
L'ambition de transformation concerne enfin le champ de la santé. Je construis, vous le savez, la stratégie nationale de santé pour les cinq prochaines années. Je ferai connaître, en décembre prochain, les orientations précises que je retiendrai au terme de plusieurs mois de consultations et d'une grande concertation publique qui s'est ouverte mardi dernier. Ces orientations serviront de cadre à l'élaboration d'un plan national de santé et de plans régionaux de santé, au printemps.
Cette stratégie privilégie quatre axes : la prévention, l'égal accès aux soins, l'innovation et la pertinence et la qualité des soins.
Je souhaite évoquer d'abord la prévention, parce qu'elle est au centre de mon action.
Notre système de santé est un système de soins performant. En revanche, c'est un système de prévention défaillant, à tout le moins perfectible. Les résultats médiocres que nous affichons pour certains indicateurs je pense notamment à la mortalité avant l'âge de 65 ans illustrent cette défaillance. C'est aussi la principale source des inégalités sociales que notre système de santé ne parvient pas à corriger.
Nous devons avoir comme première priorité de changer cet état de fait, de systématiser les démarches de prévention dès le plus jeune âge, de faire en sorte qu'elles soient davantage prises en compte par les professionnels de santé dans leur pratique et que la prévention et la promotion de la santé deviennent une part intégrante des objectifs de nos politiques publiques et des acteurs de notre société civile.
Je me réjouis profondément de l'intérêt que suscite cette approche au sein de votre assemblée. Je crois que nous pouvons partager collectivement, et de façon transpartisane, dans cet hémicycle, la volonté d'un changement de méthode, d'une ambition renouvelée pour la politique de santé et même d'un réel changement de paradigme dans la conduite des politiques publiques.
Ce PLFSS comporte, vous le savez, deux mesures très fortes et emblématiques de cette démarche. Nous souhaitons rendre obligatoires pour les jeunes enfants onze vaccins qui étaient jusqu'à présent, pour huit d'entre eux, simplement recommandés. Nous ne pouvons pas accepter une situation où des personnes, des enfants, sont victimes de maladies qui peuvent être évitées par la vaccination.
Entre 70 % et 80 % des enfants français reçoivent déjà ces onze vaccins. Il ne s'agit donc pas d'un bouleversement majeur des habitudes ni des attitudes vaccinales. Mais ce taux est malheureusement insuffisant pour obtenir une couverture vaccinale efficace, car il laisse la possibilité que se développent des situations épidémiques ayant des conséquences graves. Il revient donc à la puissance publique de prendre ses responsabilités. Vacciner son enfant, c'est le protéger, mais c'est aussi protéger les autres. Je veux insister sur la dimension profondément solidaire et altruiste du geste de la vaccination.
Ce PLFSS prévoit également une augmentation très importante des prix du tabac, sur trois ans, avec une première étape significative dès 2018 et une hausse de 1 euro par paquet.
Nous avons un problème particulier avec le tabagisme : nos jeunes fument plus que dans les pays voisins et le tabagisme des femmes est particulièrement élevé en France. Le résultat, c'est près de 80 000 morts par an. Ce sont surtout des vies abrégées, des souffrances importantes que l'on pourrait éviter.
Je l'ai déjà dit, il n'y a pas plus de fatalité dans ces morts qu'il n'y avait de fatalité dans la mortalité sur nos routes. Le prix du tabac, c'est un fait constaté, documenté, est un paramètre important du comportement des fumeurs : il faut donc agir sur ce levier. Ce n'est bien sûr pas le seul et je ferai connaître, dans le cadre du plan national de santé, les mesures de prévention et d'incitation que je souhaite mettre en place pour aider les fumeurs à s'arrêter.
J'ai déjà eu l'occasion de rappeler le dialogue très constructif que j'ai eu avec Gérald Darmanin pour progresser vers cet objectif de santé publique majeur. Je veux affirmer devant vous mon égale détermination à soutenir la lutte contre les marchés parallèles, légaux ou illégaux, dans le cadre national comme dans le cadre européen, et à veiller, toujours à l'échelon européen, à la mise en place d'un système de traçabilité efficace et indépendant.
L'Assemblée nationale a également souhaité, avec un soutien très large des différentes familles politiques, faire évoluer la taxation des boissons sucrées pour inciter les producteurs à réduire leur teneur en sucre.
Le Gouvernement soutient cette initiative et partage le constat de l'importance d'une politique résolue et constante visant à réduire l'obésité et le surpoids.
La consommation de boissons sucrées est un vecteur notable de la consommation excessive de sucre, notamment chez les plus jeunes. Il m'apparaît dès lors nécessaire et légitime de renforcer la prise de conscience collective autour des enjeux d'une alimentation équilibrée et d'inciter les acteurs de ce secteur à agir en ce sens.
Je veux dire enfin mon attachement à une meilleure prévention du cancer, dont j'ai souhaité renforcer l'efficacité pour les jeunes femmes par le vote, à l'Assemblée nationale, d'un amendement visant à mettre en place une consultation gratuite à partir de 25 ans.
Le deuxième axe de la stratégie nationale de santé concerne l'égalité d'accès aux soins. Les Français y sont légitimement très attachés, car c'est le fondement de notre modèle social. Je veux améliorer concrètement l'accès aux soins.
Les difficultés sont d'abord liées au montant des restes à charge. C'est en particulier vrai, de longue date, dans trois domaines du soin : l'optique, le dentaire et les audioprothèses, où l'assurance maladie couvre moins bien la dépense, où les assureurs complémentaires ont parfois pris le relais, mais où, globalement, le reste à charge pour le patient est très élevé.
Cette situation est le fruit de l'histoire, d'arbitrages successifs qui ont conduit à créer des « angles morts » de la protection sociale, pour des soins ou des prestations qui rendent pourtant un service important aux patients et réduisent le risque de « bascule » dans la dépendance. Il n'y a pas de fatalité à ce qu'il en soit toujours ainsi.
C'est pourquoi j'ai commencé le travail et la concertation pour aboutir à un reste à charge « zéro » dans les domaines de l'optique et des audioprothèses, en sus des négociations entamées à la mi-septembre dans le secteur dentaire. Ces travaux devront aboutir, en tout état de cause, avant la fin du premier semestre de 2018.
Permettez-moi, dans ce contexte, d'évoquer le tiers payant. Vous le savez, le récent rapport que l'IGAS l'Inspection générale des affaires sociales m'a remis a conclu que la généralisation du tiers payant à la date du 30 novembre prochain, telle que la prévoyait la loi du 26 janvier 2016, était irréaliste.
J'en ai tiré les conclusions en proposant au Parlement de lever cette obligation. Le tiers payant restera bien entendu obligatoire là où il s'applique déjà et où il fonctionne bien, c'est-à-dire pour les personnes souffrant d'une affection de longue durée, ou ALD, prise en charge à 100 %, pour les femmes enceintes ou pour les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, et de l'aide à la complémentaire en santé.
Mais je veux vous dire également mon attachement à ce que le tiers payant se généralise pour les consultations médicales, comme cela a été le cas pour les médicaments, et ma détermination à faire aboutir les travaux qui permettront de rendre le système simple d'utilisation pour les professionnels.
Le Gouvernement s'est engagé à présenter au Parlement, d'ici au 31 mars 2018, un calendrier de déploiement opérationnel du tiers payant intégral dans des conditions techniques fiabilisées. À cette date, nous identifierons également des publics prioritaires, au-delà des publics déjà couverts, pour lesquels un accès effectif au tiers payant intégral devrait être garanti.
Nos concitoyens sont également de plus en plus préoccupés par l'égal accès aux soins sur le territoire, et je sais la Haute Assemblée fortement mobilisée sur cette question. J'ai présenté, le 13 septembre dernier, avec le Premier ministre, un plan pour renforcer l'égal accès aux soins.
Le constat que nous pouvons faire, c'est que nous n'avons pas su assez anticiper l'évolution de l'exercice médical, des attentes des nouvelles générations de médecins et surtout le fait que l'évolution du profil des patients nécessite une prise en charge par des équipes de soins composées du médecin et d'autres professionnels de santé.
Je ne crois ni la coercition ni à l'obligation. Il n'y a pas une solution unique aux difficultés que rencontrent nos concitoyens, mais des solutions, adaptées à chaque territoire, et portées par les acteurs de terrain.
Il faut « promouvoir l'innovation en santé dans les territoires », comme les sénateurs Jean-Noël Cardoux et Yves Daudigny l'ont préconisé dans leur rapport, donner à ces acteurs de terrain le maximum de possibilités d'organisation, libérer du temps médical en levant les freins administratifs, notamment en favorisant le cumul emploi-retraite, les remplacements, les consultations avancées et l'exercice coordonné sous toutes ses formes. Tel est le sens du plan d'action que nous avons bâti et qui devra continuer à être enrichi, avec la contribution des élus, au cours de la mandature.
En appui de ce plan, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit la généralisation de l'usage de la téléconsultation et de la téléexpertise, en les sortant de leur cadre expérimental.
S'agissant maintenant de l'innovation et de la pertinence des soins, je veux en particulier faciliter l'expérimentation de formes nouvelles d'organisation et de rémunération. Elles permettront de dépasser les logiques sectorielles ville-hôpital, de rémunérer par exemple au forfait des séquences de soins, de prendre en compte la prévention, ainsi que la pertinence des actes réalisés.
Je vous proposerai donc d'adopter, à l'article 35 de ce projet de loi, un cadre général, valable pour le quinquennat, qui permettra de lancer et d'évaluer ces expérimentations. Elles pourront être financées par un fonds d'innovation qui sera abondé en tant que de besoin par l'assurance maladie.
Mon objectif, à terme, est bien de faire évoluer et de compléter les dispositifs actuels de rémunération, à savoir la rmunération à l'acte et la tarification à l'activité. Je suis en effet convaincue que le levier tarifaire est un levier fondamental de l'évolution de notre système de santé vers plus de prévention, de coopération entre professionnels et de pertinence des soins.
Je sais, monsieur le président Milon, monsieur le rapporteur général, que nous partageons l'idée selon laquelle la pertinence des soins est un enjeu majeur pour notre système de santé. Je veux vous dire ma disponibilité pour travailler de concert à ce que les professionnels et les organisations prennent mieux en compte cet objectif.
Je veux terminer en évoquant l'évolution de la dépense d'assurance maladie, et donc l'ONDAM, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Il sera fixé à 2,3 %.
Ce taux est conforme à l'engagement du Président de la République. Il est supérieur à celui des trois années précédentes et permettra de consacrer 4,4 milliards d'euros supplémentaires à la couverture des soins.
Il prend en compte des engagements déjà souscrits, comme la convention médicale, signée en 2016, dont l'impact, déjà important en 2017, le sera plus encore en 2018. C'est pourquoi le sous-objectif des soins de ville, fixé à 2,4 %, sera supérieur au taux global de l'ONDAM. J'estime que cette convention va dans le sens des orientations que je porte : elle valorise mieux l'action des généralistes et prend mieux en compte, notamment, les actes complexes ou réalisés dans des situations d'urgence.
L'évolution des ressources des établissements de santé sera fixée pour sa part à 2,2 %, du fait de l'apport que constituera pour les établissements de santé le relèvement de 2 euros du forfait journalier.
Par ailleurs, 400 millions d'euros seront dédiés à l'investissement immobilier et numérique. Près de 600 millions d'euros seront consacrés à l'augmentation des dépenses de la liste en sus, liée à l'arrivée des nouvelles classes thérapeutiques innovantes. Des mesures nouvelles, financées à hauteur de plus de 200 millions d'euros, permettront de mettre en oeuvre des actions indispensables dans le cadre de nos politiques publiques, visant notamment à mieux faciliter l'accès aux soins des populations précaires.
Enfin, le Fonds d'intervention régional, le FIR, sera augmenté de 3,1 %. Il doit être, avec le fonds d'innovation que j'évoquais précédemment, le support d'une politique de transformation au plus près du terrain.
Un taux d'ONDAM de 2,3 % reste un taux exigeant. Cela doit nous inviter à poursuivre la réorganisation de notre offre de soins et à orienter toujours plus notre offre de santé vers la pertinence : plusieurs dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoient des actions en ce sens.
Nous devons également, pour les prestations de santé comme sur l'ensemble du champ de la sécurité sociale, être vigilants pour détecter et juguler la fraude. Nous avons formulé des propositions en ce sens dans le cadre de ce projet de loi.
Pour conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons voulu, avec ce premier projet de loi de financement de la sécurité sociale du quinquennat, donner du sens et des perspectives.
Donner du sens, c'est mettre en oeuvre, pour nos concitoyens, des réformes concrètes et faire des choix. Donner des perspectives, c'est engager des réformes en profondeur et bouger les lignes pour faire progresser notre collectivité nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste.)
( )
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.
Mme Agnès Buzyn, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de l'ensemble de vos contributions.
Je note déjà avec satisfaction que, sur un certain nombre de sujets, notamment dans le champ de la santé, et particulièrement sur la prévention, nous pourrons peut-être arriver à des consensus dans les débats à venir. Cela me réjouit.
Je ne saurais répondre maintenant à l'ensemble des points que vous avez soulevés, mais j'aurai évidemment l'occasion de le faire lors de l'examen des amendements.
Je veux simplement revenir sur quelques grands axes que plusieurs d'entre vous ont évoqués.
Concernant la CSG, il faut considérer la politique du Gouvernement dans son ensemble. Ainsi, seuls les retraités assujettis au taux plein de CSG subiront la hausse de 1,7 point et 40 % des retraités les plus modestes, dont les retraites se situent en dessous du seuil de la CSG à taux plein échapperont à cette augmentation.
Par ailleurs, une grande partie des retraités qui seront assujettis à la hausse de 1,7 point bénéficieront de l'allégement de la taxe d'habitation. Au total, sur les 7 millions de retraités qui connaîtront une augmentation de la CSG, 3,8 millions seront compensés, voire plus que compensés ils gagneront en pouvoir d'achat par la suppression de la taxe d'habitation.
J'ajoute que le PLFSS comportera des dispositions à destination des plus modestes, notamment la revalorisation du minimum vieillesse, qui augmentera dès le 1er avril 2018.
Prenant en compte la politique fiscale et sociale dans son ensemble, nous sommes attentifs à l'équilibre d'ensemble des réformes, dont il est très important de retracer l'impact, dans sa globalité, sur telle ou telle population. Il ne s'agit pas de travailler en silo.
Monsieur Milon, vous avez évoqué les conditions de financement de la sécurité sociale, et vous n'avez pas été le seul à relever que le projet de loi augmente fortement la part de la CSG dans ce financement. Il nous semble en effet que celle-ci est une ressource particulièrement adaptée, du fait de son assiette très large, qui assure une contribution de toutes les ressources productives. Il s'agit également d'une ressource adaptée au caractère de plus en plus universel de certaines branches, notamment des branches famille et maladie.
Nous voyons bien aujourd'hui que le ratio entre actifs et inactifs a tellement diminué depuis la création de la sécurité sociale que le modèle qui a été pensé en 1945 n'est plus soutenable. Nous sommes obligés de réfléchir à d'autres voies.
Concernant le RSI, beaucoup ont estimé que nous prenions des risques, voire que la réforme n'était pas souhaitée. Je rappelle tout de même que la perte de confiance des indépendants dans leur régime de sécurité sociale était telle que presque tous les candidats à la présidence de la République avaient inscrit dans leur programme la réforme du RSI ! Nous n'avons à aucun moment menti en évoquant une baisse des charges. Il s'agit d'une réforme qui vise simplement, à charges constantes, à améliorer la qualité du service rendu. Nous n'avons pas non plus vendu une harmonisation entre le régime général et le modèle des indépendants. En revanche, nous vendons une simplification pour ceux qui, dans leur vie professionnelle, sont amenés à changer de statut plusieurs fois, ou à avoir des statuts mixtes je pense notamment aux travailleurs qui sont salariés à mi-temps et indépendants à mi-temps. Ces derniers verront leur parcours de vie simplifié par les dispositions du droit de la sécurité sociale qui les concernent. L'enjeu réside donc aussi, selon nous, dans la simplification des parcours. C'est d'ailleurs également la raison pour laquelle nous allons, à terme, intégrer le régime étudiant dans le régime général.
Nous sommes évidemment très attentifs à ce que ne se produise pas un nouvel accident industriel, tel que celui qui a été observé en 2008. Depuis le mois de juillet dernier, l'Inspection générale des affaires sociales et l'Inspection générale des finances ont été chargées d'une mission de préparation et de pilotage de la réforme et, contrairement à ce qui s'est passé en 2008, nous ne prendrons aucune décision aux conséquences irréversibles. Nous nous mettons donc en mesure d'assurer aux indépendants une bascule de leur régime vers le régime général, en prenant en compte toute la complexité du système. Nous avons, je pense, appris du passé, de façon à ne pas renouveler les erreurs.
Concernant, en particulier, les systèmes d'information, nous avons constitué un groupement d'intérêt économique, un GIE, formé par les différents organismes du régime général, pour maintenir et faire évoluer en commun les applications du RSI. McKinsey et Accenture se sont également vu confier la mission de définir un schéma type. Nous avons donc pris énormément de précautions.
Le projet de loi prévoit d'ailleurs la mise en place d'un comité de surveillance, qui sera chargé de valider chaque étape avant tout changement. Je pense que nous avons donc été vraiment très vigilants.
Sur la question de la dette et des besoins de financement de l'ACOSS, qui a été évoquée par beaucoup d'entre vous, le plafond de trésorerie de l'ACOSS devrait être porté à 38 milliards d'euros en 2018, contre 33 milliards d'euros en 2017. Le montant de l'encours de dette de l'ACOSS ne pose pas de problème de financement dès lors que les taux à court terme demeurent bas, ce qui sera visiblement le cas en 2018, eu égard à la politique conduite par la Banque centrale européenne.
Toutefois, face à davantage d'incertitudes à moyen terme, le Gouvernement est favorable à ce qu'une réflexion soit engagée dans le courant de l'année prochaine, visant à réduire cette dette via la CADES ou grâce aux excédents dégagés par les différentes branches. Nous y reviendrons.
Beaucoup de remarques ont également été faites sur les personnes âgées, sur l'ONDAM médico-social et sur les EHPAD. Je vais tâcher d'être brève, d'autant que nous aurons l'occasion de revenir sur l'ensemble de ces mesures.
S'agissant des EHPAD, nous sommes conscients que l'ONDAM médico-social, qui progresse plus que l'ONDAM général, correspond à un vrai besoin, compte tenu du vieillissement de la population dans les EHPAD, et à la part de soins, qui est importante.
En prenant nos responsabilités, nous avons pris acte de la réforme de la tarification qui avait été prévue dans la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement. Nous sommes en train de suivre de façon très étroite la mise en oeuvre de cette réforme, qui commence à s'appliquer. Les inquiétudes d'un certain nombre d'EHPAD quant au modèle de tarification sont parvenues jusqu'à nous. C'est la raison pour laquelle nous accompagnons aujourd'hui cette évolution financièrement, en prévoyant des financements supplémentaires pour la partie relative aux soins. En effet, nous voyons non seulement que les personnes âgées sont de plus en plus dépendantes, mais qu'elles souffrent aussi de polypathologies qui nécessitent davantage de soins. Notre effort s'élève d'ores et déjà à 100 millions d'euros.
Nous avons également prévu un fonds pour accompagner les EHPAD qui ne s'y retrouveraient pas financièrement et resteraient en déficit. Ce fonds sera doté, de mémoire, de 26 millions d'euros pour l'année 2018.
Enfin, nous créons des postes d'infirmières de nuit, là aussi pour répondre à des besoins qui ont été exprimés sur le terrain.
Notre vigilance est donc très grande, ce qui ne nous exonérera pas d'une réflexion de moyen et de long terme sur notre modèle d'accompagnement de la perte d'autonomie dans notre société. En effet, l'EHPAD n'est pas un modèle unique. Le séjour en EHPAD correspond aujourd'hui clairement à la fin de vie, puisque les personnes qui entrent dans ces structures y restent en moyenne deux ans.
Nous avons à réfléchir collectivement, de façon interministérielle, à la politique d'accompagnement des aînés, à une politique de la ville qui rende la ville inclusive, à une politique d'adaptation des logements et à une tarification différente de la perte d'autonomie. La réflexion ne fait que débuter. Nous prenons acte d'un changement de tarification des EHPAD, que nous allons accompagner, mais il ne s'agit évidemment pas là de l'ultime réforme de l'accompagnement de la perte d'autonomie de nos aînés, puisque nous savons que le nombre de personnes âgées dépendantes va tripler d'ici à 2050.
J'ai d'ailleurs confié aujourd'hui une mission sur l'évolution à moyen terme du modèle d'accompagnement de la dépendance à deux hauts conseils, le Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge et le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie, le HCAAM. Je pense que nous aurons l'occasion de reparler de ce virage dans cet hémicycle.
Monsieur Savary, vous avez évoqué la situation des retraites. Le Gouvernement est évidemment très attentif aux équilibres de la branche retraite à court et moyen termes. Nous allons suivre de très près les travaux du Conseil d'orientation des retraites, dont nous attendons le nouveau rapport. Il serait à mon avis prématuré de tirer, sur la base d'un seul point d'un seul rapport, des conclusions qui amèneraient à des réformes paramétriques, alors que nous nous engageons dans une réforme structurelle.
Nous avons d'ores et déjà intégré dans nos hypothèses de travail une prévision d'évolution à court terme plus réaliste que celle qu'avait retenue le PLFSS pour 2017, mais nous nous adapterons au fur et à mesure. Nous ferons preuve sur ce plan, d'une très grande vigilance.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous pouvez compter sur moi pour tenir devant vous un discours de vérité sur ce sujet qui nous concerne tous et sur lequel nous aurons évidemment des choix stratégiques à faire dans les années qui viennent.
Concernant le Fonds de solidarité vieillesse, il n'est pas exact de dire que la hausse du minimum vieillesse n'est pas financée. Je vous fais remarquer que le déficit du Fonds de solidarité vieillesse devrait diminuer vous l'avez d'ailleurs relevé de 200 millions d'euros en 2018. Une revalorisation du minimum vieillesse n'est pas incompatible avec une réduction importante du déficit de ce fonds, qui devrait passer de 3,6 milliards d'euros cette année à 800 millions d'euros en 2021.
Beaucoup d'orateurs ont évoqué la politique familiale je pense notamment à Mmes Doineau, Schillinger et Dindar. Je partage votre souhait, mesdames les sénatrices, de réfléchir en priorité aux objectifs de notre politique familiale. Nous avons par exemple une inquiétude : la baisse de la natalité en 2016 et 2017. Si cette baisse se confirme, nous devrons repenser une politique nataliste ; en effet, je ne sais pas si les allocations familiales telles qu'elles ont été conçues il y a quelques années correspondent aux besoins actuels des familles.
Nous avons un autre défi à relever : la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Nous devons réfléchir à une politique de création de places en crèche ou à d'autres modes de garde pour le jeune enfant. Mme Rossignol a évoqué ce point. Or les places de crèche telles qu'elles ont été pensées sous le quinquennat précédent ne semblent pas répondre exactement aux besoins des familles.
Enfin, je voudrais évoquer un troisième objectif : la pauvreté des familles nombreuses ou monoparentales. Notre politique familiale ne saurait se dédouaner totalement d'un sujet spécifique à la France : le nombre d'enfants vivant en dessous du seuil de pauvreté, qui sont en quelque sorte assignés à résidence dans la pauvreté, est bien supérieur à la moyenne de l'OCDE. C'est la raison pour laquelle je souhaite qu'on ouvre un grand débat en 2018 sur les objectifs assignés à notre politique familiale et sur la manière de les atteindre. Là encore, ce débat devra tenir compte de toutes les sensibilités représentées au sein de cette assemblée, mais également de toutes les parties prenantes.
La réflexion ne fait que commencer. On ne peut donc réduire le PLFSS aux mesures d'urgence que j'ai prises quand j'ai constaté que 36 % des familles monoparentales vivaient en dessous du seuil de pauvreté et que cela représentait 70 % des enfants vivant en dessous du seuil de pauvreté. J'assume ce choix stratégique effectué dans l'urgence, mais le débat devra se prolonger en 2018.
Madame Deroche, vous m'avez posé une question sur les ATU. Les autorisations temporaires d'utilisation ont été créées à une période où l'industrie pharmaceutique présentait un médicament ayant une indication. On a vu qu'avec une nouvelle politique visant à obtenir une première indication, souvent dans une niche, puis à développer progressivement de très nombreuses indications, le système des ATU ne permettait pas, une fois l'AMM octroyée, d'avoir accès aux médicaments innovants dans les nouvelles indications de façon anticipée. J'ai vu ce problème arriver quand j'étais présidente de l'INCA. Le ministère en est parfaitement conscient également, et nous devons encore travailler pour essayer de proposer une solution dès 2018.
Vous m'avez aussi interrogée sur les chirurgiens-dentistes : la négociation de la nouvelle convention est en cours avec la CNAM et, pour l'instant, nous réfléchissons avec les chirurgiens-dentistes à la manière de définir un panier de soins minimum qui permettrait d'accentuer l'intérêt pour les actes de prévention et d'avoir un reste à charge de zéro pour les familles.
Vous m'avez également interpellée sur les vaccins, notamment les vaccins contre les HPV. La problématique des vaccins contre la grippe ou les HPV est légèrement différente de celle des vaccins de la petite enfance.
J'ai souhaité aujourd'hui axer l'obligation vaccinale sur les vaccins de la petite enfance, car un certain nombre d'enfants, notamment des enfants atteints de cancer, ne peuvent pas bénéficier de la couverture vaccinale et sont, de ce fait, particulièrement sensibles aux épidémies. C'est la raison pour laquelle nous avons besoin d'une couverture vaccinale large pour éviter des décès d'enfants.
La problématique du vaccin contre les HPV est très différente, puisqu'il s'agit d'une protection individuelle. Si l'on veut considérer le vaccin anti-HPV sous l'angle de la protection collective, il faudrait alors s'interroger sur la vaccination des garçons. C'est un sujet réel. D'autres pays ont choisi de vacciner l'ensemble des jeunes, et pas seulement les filles. Nous aurons peut-être ce débat l'année prochaine. Mais nous avons déjà suffisamment de pain sur la planche pour convaincre nos concitoyens de l'utilité de vacciner les enfants de moins de deux ans !
J'ai regretté, madame Cohen, que vous évoquiez le suicide d'un praticien à Grenoble. Si la qualité de vie des professionnels de santé est, certes, une vraie question dans nos établissements, que ce soit en EHPAD ou à l'hôpital public, le cas particulier dont vous avez fait part relève, me semble-t-il, d'un autre problème. Veillons, sur des sujets aussi sensibles, à ne pas instrumentaliser le suicide d'un professionnel à un moment donné.
Cela étant, nous ouvrons évidemment la question de la qualité de vie au travail et du sens de l'hôpital public de demain. La tâche est immense, après des années d'une politique qui a voulu faire croire que l'hôpital public devait répondre à une logique d'entreprise. L'hôpital n'est pas une entreprise comme une autre, il ne doit pas rechercher des parts de marché. C'est la raison pour laquelle je souhaite revenir, au moins partiellement, sur la tarification à l'activité. Nous devons redonner à l'hôpital public le sens de sa magnifique mission, qui consiste à faire du progrès médical, de l'enseignement, de la recherche et à accueillir toutes les populations, sans reste à charge.
Nous allons travailler l'an prochain avec l'ensemble des acteurs pour que l'hôpital public retrouve la place qu'il n'aurait jamais dû cesser d'avoir. Les réformes successives T2A, loi HPST, politique d'ONDAM très contraint l'ont considérablement impacté et la politique du rabot sur la T2A n'a pas été compensée par un autre mode de tarification permettant de valoriser le savoir-faire de l'hôpital, notamment la pertinence des actes et la qualité des soins.
Je souhaite rééquilibrer cette politique de façon à ce que l'hôpital public ne se lance plus dans une course effrénée à l'activité. J'espère que nous pourrons mener ce débat de façon apaisée.
Je rappelle que 400 millions d'euros d'investissements sont prévus pour l'hôpital public, de même que 400 millions d'euros pour le numérique en santé, qui bénéficiera évidemment en partie à l'hôpital.
Monsieur Daudigny, vous estimez qu'on aurait pu mettre en place partiellement le tiers payant sur la part AMO. Mais on aurait alors perdu le sens de la réforme voulue par Marisol Touraine, qui devait déboucher sur un tiers payant complet et généralisé. Dans les débats, à aucun moment il n'a été question d'avancer par étapes, en commençant par un tiers payant sur la part AMO, puis en l'étendant aux complémentaires en cas de succès. L'esprit de la loi était d'offrir à tous les Français une facilité d'accès aux soins au moyen d'un tiers payant généralisé sur l'ensemble du champ tarifaire. Pour l'instant, il est clair que nous ne pouvons pas atteindre cet objectif. Je ne pense pas qu'on rendrait service à nos collègues médecins en généralisant le tiers payant seulement sur la partie AMO. Nous devons surtout rendre du temps médical aux praticiens.
Ce qui compte pour moi, c'est que le rapport commandé permette d'identifier j'ai pris un engagement pour mars 2018 le délai dans lequel nous serons en mesure de généraliser le tiers payant sur l'ensemble du champ tarifaire, complémentaire et obligatoire, de façon à ce que tout le monde y ait accès le plus vite possible. Ce rapport prévoit également d'identifier les populations qui sont vraiment gênées par l'absence de tiers payant généralisé, au-delà de celles qui en bénéficient déjà CMU-C, ACS, ALD. Nous savons en effet qu'un certain nombre de nos concitoyens ont des difficultés à avancer ces sommes. L'idée est d'avancer par étapes en faveur des populations les plus en difficulté. Nous le savons tous ici, il n'y a pas urgence à ce que le tiers payant soit accessible à l'ensemble des foyers, quels que soient leurs revenus. Nous privilégions une démarche pragmatique, qui ne perd pas pour autant sa cible de vue, à savoir l'accessibilité pour ceux qui en ont vraiment besoin, le plus rapidement possible.
S'agissant du tabac, beaucoup de choses ont été dites sur les zones frontalières. Nous sommes parfaitement conscients de ce problème avec Gérald Darmanin. C'est la raison pour laquelle nous menons une politique acharnée de lutte contre la fraude : 200 postes supplémentaires vont être dédiés à la lutte contre la fraude et le commerce illégal de tabac dans l'administration des douanes. Le ministère des comptes publics travaille par ailleurs à un plan d'aide pour les buralistes. Enfin, les sanctions et les poursuites vont se durcir.
Outre ce renforcement des contrôles, je m'engage pour ma part à mener des négociations à l'échelon européen, notamment sur la traçabilité du tabac, un sujet sur lequel je suis très engagée avec mes homologues ministres de la santé, des finances ou de l'agriculture. Nous sommes aidés pour cela par la volonté farouche du directeur général de l'Organisation mondiale de la santé et du commissaire européen à la santé, résolus à avancer vers une harmonisation de la fiscalité sur le tabac en Europe, avec la nécessité d'en faire réellement une priorité de santé publique pour l'ensemble des pays européens.
Je le rappelle quand même, s'il est aujourd'hui difficile d'harmoniser la fiscalité au niveau européen, c'est en partie parce que la France fait office d'exception. Le taux de prévalence du tabagisme dans les autres pays d'Europe n'a rien à voir avec le nôtre, et nos voisins ne sont donc pas confrontés à la même urgence sanitaire. L'Angleterre compte 15 % de fumeurs, contre 30 % pour la France. Les autres pays ont réussi là où nous avons échoué, et il est donc plus difficile de les embarquer vers une hausse drastique du prix du tabac, alors que leur santé publique est meilleure que le nôtre.
Je voudrais conclure sur les cancers des enfants, un sujet qui me tient à coeur depuis de nombreuses années. J'avais écrit le plan Cancer 2014-2019 en faisant des cancers des enfants l'une de mes priorités. Ce plan comportait, me semble-t-il, l'ensemble des mesures qu'on pouvait imaginer pour favoriser la recherche sur les cancers des enfants.
Aujourd'hui, une association de malades en particulier prône la taxation de certaines industries. Or nous avons besoin que les industriels fabriquent des médicaments pour les cancers pédiatriques. Il nous faut donc entraîner les industriels sur la voie de l'innovation médicamenteuse.
On peut décider d'instaurer une taxe, mais ce n'est pas elle qui permettra de développer de nouveaux médicaments.
Nous avons besoin de nous investir considérablement dans le nouveau règlement pédiatrique européen, qui favorise justement les investissements de l'industrie dans les médicaments pédiatriques. La France est leader en la matière.
Dans le cadre du plan Cancer, j'avais créé des centres d'essais cliniques de phase précoce pour les enfants et j'avais invité tous les grands industriels à nous donner leurs molécules innovantes pour les cancers réfractaires afin de les tester dans un cadre offrant une sécurité maximale aux enfants français. La France était donc pionnière dans l'accès aux médicaments innovants et aux essais cliniques.
Nous devons développer une réflexion intelligente, et non pas dogmatique, sur les cancers pédiatriques.
La question de la recherche est importante. J'avais mobilisé beaucoup d'acteurs de la recherche sur les cancers pédiatriques, mais nous avons peu d'équipes de recherche dédiées, probablement parce que la plupart des grands progrès médicaux ne proviennent pas d'une recherche appliquée.
Il faut certes avoir, en matière de recherche, des financements dédiés à un sujet. Mais, selon la formule consacrée, nous n'avons pas découvert l'électricité en essayant d'améliorer la bougie ! C'est une réalité : les grands progrès en médecine sont venus de recherches qui n'avaient rien à voir avec le sujet sur lequel allait s'appliquer le résultat des recherches. Vouloir à tout prix financer la recherche sur les cancers des enfants ne fera donc pas forcément progresser la recherche sur ces cancers. Ce qui compte, c'est d'avoir un très bon financement de la recherche en France de manière générale et de renforcer l'accessibilité aux essais cliniques. Cela doit devenir une priorité.
En revanche, je ne crois pas à la taxation des industriels : celle-ci risque de les freiner au lieu de les inciter. Toutes les incitations à la recherche sont pour moi positives, mais elles ne passent pas forcément par une taxation. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen, du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains.)
Mme la présidente. La discussion générale est close.
Source http://www.senat.fr, le 23 novembre 2017