Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sophie CLUZEL est avec nous, secrétaire d'Etat chargée des Personnes handicapées, merci d'être avec nous, bonjour.
SOPHIE CLUZEL
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ce matin nous allons parler du travail des personnes handicapées, il y a des règles aujourd'hui, des lois, une loi que beaucoup d'entreprises ne respectent pas, préférant payer des amendes plutôt que d'employer des travailleurs handicapés, vous avez des chiffres ?
SOPHIE CLUZEL
Ça fait 30 ans que cette loi existe, qui fixait le quota à 6 %, au bout de 30 ans, on est à 3,5 % dans les entreprises privées. Donc on voit bien
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il y a une explication à cela ?
SOPHIE CLUZEL
C'est très compliqué, c'est compliqué, la politique d'emploi n'est pas visible, les entreprises ne s'y retrouvent pas, les personnes handicapées ont du mal aussi, on voit que c'est éparpillé, donc il faut vraiment qu'on simplifie. Qu'on simplifie, qu'on donne de la visibilité sur la politique de l'emploi, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. De nombreux rapports sont sortis, ce n'est pas moi qui le dis, c'est beaucoup de rapports, Cour des Comptes, IGAS, tout le monde fait le constat que ça fonctionne mal. Donc moi je n'ai pas 30 ans encore à attendre pour atteindre 6 %.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon nous allons voir quelles sont vos solutions.
SOPHIE CLUZEL
J'ai des personnes handicapées qui frappent à la porte, qui me disent, il faut qu'on change, il faut qu'on bouge.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Evidemment, évidemment d'ailleurs nous avons des quantités de témoignages ici qui viennent de personnes handicapées qui ne trouvent pas de boulot, qui sont mal considérées dans leur entreprise, qui n'ont pas le travail, à qui on ne confie pas les tâches pour lesquelles ils sont formés
SOPHIE CLUZEL
Et compétents.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et compétents évidemment. Sophie CLUZEL, donc les entreprises préfèrent payer des amendes ?
SOPHIE CLUZEL
Elles disent que c'est tellement compliqué que parfois elles préfèrent payer des amendes en effet, mais il y a des entreprises qui ont envie de faire, donc moi, j'ai envie de travailler avec celles-là qui sont vraiment demandeuses de pouvoir faire changer les lignes, bouger les lignes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon alors vous dites, je veux tout changer, qu'est-ce que vous allez changer ?
SOPHIE CLUZEL
Alors d'abord je vais simplifier, parce que c'est ce que me demandent les entreprises, simplifier les déclarations. Je pense qu'il faut laisser le quota, c'est important d'avoir un quota parce que ça donne des objectifs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc on garde le quota.
SOPHIE CLUZEL
On garde le quota, ça donne des objectifs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et on ne change pas le quota.
SOPHIE CLUZEL
On peut le changer à la marge, mais ce n'est pas le but.
JEAN-JACQUES BOURDIN
6 % ?
SOPHIE CLUZEL
6 %, il y en a qui peuvent faire mieux, qui me disent dans certaines branches professionnelles où il y a de l'activité, on peut faire mieux, allons-y, ça ce sera de la négociation, c'est de la concertation, je lance la concertation avec les partenaires sociaux, avec les entreprises, avec les associations de personnes handicapées, parce que moi, je veux travailler sur les besoins des personnes et les besoins des entreprises. Donc ça s'est lancé, c'est en cours. Je travaille aussi sur la simplification, nous allons pouvoir faire la déclaration d'obligation d'emploi dans la DSN, pour les entreprises ça parle, c'est-à-dire qu'au 1er janvier, on va arrêter de devoir remplir des liasses qui font
JEAN-JACQUES BOURDIN
1er janvier
SOPHIE CLUZEL
2019.
JEAN-JACQUES BOURDIN
2019, oui.
SOPHIE CLUZEL
85 items aujourd'hui, on parle en unité bénéficiaire, monsieur BOURDIN, moi, je ne sais pas ce que ça veut dire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Moi non plus.
SOPHIE CLUZEL
Donc moi, je parle en travailleur, en nombre de salariés handicapés, vous en avez combien ? Je veux aussi privilégier l'emploi direct parce que trop longtemps on a pu faire des minorations de ces taux, donc il faut qu'on travaille vraiment sur les fondamentaux, emploi des personnes, des besoins et des besoins des employeurs et les mettre en relation, c'est éparpillé la politique de l'emploi, les entreprises ne comprennent pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc simplifier les formalités.
SOPHIE CLUZEL
Simplifier les formalités, donner un dispositif à une palette de ressources, accompagner la personne handicapée, accompagner l'entreprise. On voit bien qu'aujourd'hui la politique d'accompagnement, elle est illisible, c'est sectionnée, c'est en silo. Les personnes handicapées, elles ne savent plus à qui s'adresser et les employeurs non plus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien les employeurs qui n'emploient pas, qui n'atteignent pas les quotas, que risquent-ils ? Est-ce que vous allez changer les règles ?
SOPHIE CLUZEL
Non, aujourd'hui on dit une contribution, il ne faut pas se leurrer, c'est une pénalité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est une amende, une pénalité.
SOPHIE CLUZEL
Qui permet justement d'abonder un fonds qui va pouvoir leur servir
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que vous allez changer cela ou pas ?
SOPHIE CLUZEL
Non, il faut laisser.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Renforcer les amendes, je ne sais pas moi.
SOPHIE CLUZEL
Aucun tabou, c'est en cours, on concerte, donc pourquoi pas ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pourriez renforcer les amendes ?
SOPHIE CLUZEL
Mais pourquoi pas, aujourd'hui si ça ne marche pas, si les entreprises ne veulent pas y aller, on a besoin aussi d'argent pour pouvoir accompagner les entreprises, donc celles qui ne veulent pas y aller, pourquoi pas, je n'ai aucun tabou là-dessus, nous sommes en train de concerter. J'ai demandé aux entreprises de quoi, elles ont besoin, je demande aux partenaires sociaux de quoi ils ont besoin pour embarquer dans le dialogue social de l'entreprise, l'emploi des personnes handicapées. Il faut en faire une richesse. Il faut montrer les talents des personnes handicapées. Elles sont capables de transformer l'entreprise. La société se transforme, ce serait dommage que la politique de d'emploi des personnes handicapées n'en profite pas pour se transformer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sophie CLUZEL, c'est une question de mentalité ?
SOPHIE CLUZEL
Exactement, il faut changer
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'état d'esprit.
SOPHIE CLUZEL
Il faut changer le regard, bien sûr, c'est la société inclusive qu'on appelle tout simplement, école inclusive, emploi inclusif, il faut qu'on avance là-dessus, ce n'est plus possible de laisser sur le chemin autant de personnes
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est une responsabilité sociale de l'entreprise.
SOPHIE CLUZEL
Voilà c'est un autre levier, monsieur BOURDIN, vous avez tout à fait raison, dans la diversité, il faut qu'on puisse montrer que les entreprises qui avancent sur cette politique, on en fasse une vitrine vraiment positive, responsabilité sociale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je comprends votre volonté, elle est forte.
SOPHIE CLUZEL
Elle est intacte ma volonté, il faut qu'on le sache.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui d'accord mais beaucoup de chefs d'entreprise vous écoutent, mais
SOPHIE CLUZEL
Mais beaucoup de chefs d'entreprise sont partant, ils m'ont contacté
JEAN-JACQUES BOURDIN
Beaucoup sont partant, mais beaucoup aussi s'intéressent peu à cette question là.
SOPHIE CLUZEL
Pourquoi ? Parce qu'on ne leur a pas montré ce que ça peut apporter, on peut augmenter la capacité managériale d'un chef d'entreprise en faisant une vraie politique RH. On peut embarquer un collectif de travail. Moi, quand je vais dans les entreprises parce que j'en ai visité beaucoup depuis six mois sur le terrain, eh bien je vois que quand on s'attaque justement à cette politique handicap, on gagne en capacité managériale, en productivité aussi parce qu'on adapte les postes et on ne les adapte pas que pour la personne handicapée, on embarque un collectif avec une fierté des autres salariés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais j'entends toutes les personnes handicapées qui cherchent du boulot, je les entends. Ils nous écrivent, ils nous appellent, ils vous écrivent.
SOPHIE CLUZEL
Bien sûr.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dès qu'on fait état de son handicap, on est handicapé si je puis dire. Handicapé dans le boulot, handicapé dans l'embauche parce que le chef d'entreprise pense tout de suite : « Il ne sera pas capable ou elle ne sera pas capable de remplir la tâche que je veux lui confier. »
SOPHIE CLUZEL
Vous avez raison. Aujourd'hui, on le voit comme une charge. Vous avez tout à fait raison.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais oui, comme une charge.
SOPHIE CLUZEL
Moi, je veux changer ça. Je veux que ce soit un bonus. Je veux que la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé soit vécue comme un bonus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'on ne pourrait pas changer ? Je ne sais pas, au lieu de parler d'amende, offrir des bonus aux entreprises ?
SOPHIE CLUZEL
C'est pour ça, je vous dis, je veux que ce soit vu comme un bonus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais alors pourquoi pas des baisses d'impôts, je ne sais pas. Un bonus pour l'entreprise qui emploie tant de handicapés. Ce serait positif.
SOPHIE CLUZEL
Ça serait positif, c'est bien pour cela qu'on n'a aucun tabou, qu'on concerte.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi pas ?
SOPHIE CLUZEL
Mais pourquoi pas ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un bonus-malus ?
SOPHIE CLUZEL
Non, peut-être pas un bonus-malus mais une incitation, si vous voulez, déjà de pouvoir payer pour un service rendu. Ça, c'est très important. Les entreprises ont besoin d'être accompagnées dans leur politique d'emploi, donc il faut qu'elles puissent, si vous voulez, avoir
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une incitation, Sophie CLUZEL.
SOPHIE CLUZEL
Bien sûr, c'est exactement ça. Quand je parle de RSE, quand je veux valoriser dans la RSE la politique handicap et diversité, c'est bien dans ce sens-là. C'est de pouvoir mettre en exergue, mettre en valeur les capacités d'une entreprise qui vont vers une politique d'emploi des personnes handicapées. Donc bonifier, aussi dire : « Je suis handicapé et alors ? Avec ce handicap, vous pouvez avoir un bonus. »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, d'accord Sophie CLUZEL. Mais aider les entreprises qui font des efforts ?
SOPHIE CLUZEL
Exactement. C'est bien pour cela que je concerte et que je demande aux entreprises de me donner leurs solutions.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Quand est-ce que vous aurez fini votre concertation ?
SOPHIE CLUZEL
Nous concertons en janvier-février. En mars, puisque justement nous voulons profiter de la grande réforme
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un nouveau texte de loi ?
SOPHIE CLUZEL
Non. La politique du handicap, ça doit être la politique de l'entreprise d'abord, donc c'est dans les politiques, dans la concertation réforme de l'apprentissage que nous pourrons porter justement cette rénovation de la politique d'emploi, en faire un bonus. Moi je retiens ça, c'est très intéressant. Il faut qu'on travaille avec les entreprises pour voir quel est le plus simple surtout pour elles. Le plus simple.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Sophie CLUZEL d'être venue nous voir. Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 janvier 2018