Texte intégral
M. le président. L'ordre du jour appelle le débat, à la demande de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, sur les conclusions du rapport d'information Femmes et agriculture : pour l'égalité dans les territoires (rapport d'information n° 615, 2016-2017).
Nous allons procéder au débat sous la forme d'une série de questions-réponses dont les modalités ont été fixées par la conférence des présidents.
Je vous rappelle que l'auteur du débat disposera d'un temps de parole de dix minutes, y compris la réplique, puis le Gouvernement répondra pour une durée équivalente.
(...)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le président, madame la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, mesdames, monsieur les rapporteurs, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'avoir invitée à débattre des conclusions et des recommandations de ce rapport d'information.
Je salue l'esprit de consensus qui a guidé votre réflexion commune. Ce rapport est le fruit des échanges très constructifs que vous avez eus avec les agricultrices, les organisations professionnelles, les institutions sociales et les services de l'État.
Je voudrais souligner la richesse du travail accompli, mais aussi l'importance des enjeux que nous aurons à relever collectivement pour faire progresser très concrètement l'égalité entre les femmes et les hommes partout en France, et particulièrement dans les territoires ruraux.
Traditionnellement, le monde agricole a longtemps été considéré comme un milieu d'hommes en raison de la pénibilité physique des travaux, du temps de travail conséquent, des risques professionnels importants. Cette culture du risque fait partie de ce que l'Institut Catalyst appelle les « normes masculines du pouvoir », bien plus valorisées dès l'enfance chez les petits garçons que chez les petites filles.
La persistance de ces stéréotypes nous conduit à penser que la direction d'une exploitation, ou même seulement un investissement identique, à parts égales, des femmes dans tous les travaux agricoles ne peut théoriquement pas constituer une option pour elles.
Et pourtant, comme votre rapport le montre parfaitement, les femmes occupent depuis longtemps une place de premier plan dans la vie des exploitations.
M. Charles Revet. C'est vrai !
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. Elles assument une part importante de l'emploi agricole et contribuent, de manière privilégiée, au dynamisme du milieu rural.
J'en veux pour preuve l'état des lieux dressé dans votre rapport : plus de 150 000 femmes chefs d'exploitation, 60 000 collaboratrices d'exploitation, 42 000 femmes salariées dans la production agricole Garantir aux femmes les mêmes droits que ceux des hommes dans le secteur agricole constitue donc un enjeu fondamental pour notre pays.
Comme vous le savez peut-être, je suis originaire de Corse et élue de la Sarthe. Je sais donc à quel point les agricultrices sont essentielles à la vie et au dynamisme de la France.
C'est la raison pour laquelle j'ai effectué l'un de mes premiers déplacements, en juillet dernier, avec le ministre de l'agriculture, en Meurthe-et-Moselle. Ce fut l'occasion d'échanges très constructifs avec plusieurs femmes chefs d'exploitation l'une d'entre elles était seule à la tête de son entreprise, les autres associées du groupement agricole d'exploitation en commun, le GAEC, constitué avec leur époux ou leur frère et partageant les responsabilités de manière égale.
J'ai aussi pu observer cette égalité en acte lors de ma visite du domaine agricole de Valle, premier GAEC de Corse géré par un couple à parité. Plus récemment, lors du voyage officiel du Président de la République en Corse, de nouveau, j'ai pu constater l'investissement remarquable d'exploitantes, notamment au service de l'innovation dans l'agriculture.
Tous ces échanges ont bien sûr renforcé la détermination du Gouvernement à agir en faveur des agricultrices. Je me félicite du fait que nous puissions présenter prochainement la feuille de route ambitieuse que Stéphane Travert et moi-même élaborons, pour faire progresser la place des femmes dans le monde agricole.
La haute fonctionnaire en charge de l'égalité au ministère de l'agriculture a activement participé à vos travaux. À la demande du ministre, elle a travaillé en étroite collaboration avec le service des droits des femmes et de l'égalité pour que cette feuille de route 20182020 intègre l'essentiel des propositions présentées dans ce rapport.
Je pense tout particulièrement au soutien renforcé aux projets portés par les femmes, à la promotion de la parité dans les instances représentatives, ou encore à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles en milieu rural.
Le ministre de l'agriculture et moi-même assurerons, évidemment dans la durée, la mise en oeuvre et le suivi de cette feuille de route.
Conformément à vos recommandations, cet enjeu d'égalité est pleinement pris en compte au sein de l'enseignement agricole qui développe une pédagogie innovante sur les sujets liés à l'égalité filles-garçons. Peut-être aurons-nous l'occasion d'y revenir au cours de nos échanges.
Comme vous le savez, le Président de la République a choisi de faire de l'égalité entre les femmes et les hommes la grande cause du quinquennat. L'annonce faite le 25 novembre dernier à l'Élysée est la traduction d'un engagement pris par le Président durant sa campagne, lorsqu'il déclarait : « La loi a changé ; maintenant c'est la vie des femmes qui doit changer ». (M. Michel Savin s'exclame.)
Pour ce faire, il faut agir au plus précis, au plus concret des situations de chaque territoire. L'objectif est le même partout et pour tous : l'égalité entre les femmes et les hommes, ni discutable ni négociable.
Toutefois, les moyens mis en oeuvre pour atteindre cet objectif peuvent différer d'un territoire à l'autre, en fonction de plusieurs paramètres : l'accessibilité des services publics, la richesse du tissu associatif, la situation économique et sociale, les particularités géographiques.
Repenser la manière dont le service public s'organise partout en France, au plus près des réalités des territoires, voilà l'un des enjeux. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre et moi-même avons lancé, en octobre dernier, le Tour de France de l'égalité entre les femmes et les hommes. Dans ce cadre, j'étais hier encore en Gironde, à Pessac, et dans le bassin d'Arcachon, pour me rendre compte de la réalité au plus près des territoires.
L'objectif de ce Tour de France est d'identifier précisément les besoins, les attentes des femmes, pour adapter les politiques publiques à la diversité des situations, mais aussi pour partager les bonnes pratiques et faire connaître les dispositifs innovants qui existent à l'échelle des territoires.
En six mois, près de 850 ateliers ont été organisés dans toute la France métropole et outre-mer et ont rassemblé plus de 55 000 personnes. À l'issue de ces échanges, je constate que les préoccupations et les demandes qui se sont exprimées dans les zones rurales rejoignent de nombreuses recommandations formulées dans votre rapport, notamment en matière de droits sociaux.
Au cours des deux dernières décennies, la protection sociale des femmes exerçant une activité agricole s'est améliorée, en particulier avec la fin du statut de conjointe participant aux travaux et la création du statut de collaboratrice d'exploitation qui ouvre des droits plus importants singulièrement en matière de retraite.
Vous proposez d'aller plus loin en prévoyant de limiter sa durée dans le temps. J'imagine que nous allons avoir l'occasion de détailler cette mesure dans quelques instants.
Une telle réforme permettrait de compléter l'évolution vers l'égalité des droits, avec la limitation progressive des statuts secondaires et du statut des aides familiaux.
Nul ici ne conteste le fait que ces statuts ont constitué un véritable progrès voilà une vingtaine d'années. Toutefois, il me semble temps de les faire évoluer, notamment pour combattre la précarité dans laquelle ils peuvent maintenir certains et, surtout, certaines de leurs bénéficiaires.
Vous suggérez, dans votre rapport, de limiter à cinq ans la durée du statut de conjoint collaborateur. Cette piste de réflexion doit être étudiée à condition qu'elle corresponde aux attentes des agricultrices. Les femmes qui, aujourd'hui encore, travaillent sur une exploitation sans aucun statut doivent faire l'objet d'une attention toute particulière.
Mon collègue ministre de l'agriculture et moi-même serons aussi particulièrement vigilants à garantir les droits des femmes agricultrices à certaines périodes charnières de leur vie. L'arrivée d'un enfant fait partie de ces moments particuliers, votre rapport le souligne.
La réglementation permet aujourd'hui de se faire remplacer pour une durée égale au congé maternité des salariées. Il me semble tout d'abord important de faire connaître plus largement ce droit.
Nous travaillons également à la création d'un congé maternité harmonisé pour permettre aux agricultrices de bénéficier véritablement de ce droit. C'est la raison pour laquelle nous avons confié à la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale, Marie-Pierre Rixain, une mission temporaire sur le congé maternité.
Je sais les agricultrices très attachées aux dispositifs existants. Je ne doute pas que cette mission saura être attentive à la recherche d'un équilibre entre ce qui existe et ce que nous pouvons proposer pour améliorer la protection de ces femmes quand elles deviennent mères.
La fin de la vie active est un autre moment particulier de la vie des femmes.
Le plan de revalorisation des petites retraites agricoles, avec l'attribution de points gratuits de retraite complémentaire obligatoire, a surtout bénéficié aux femmes, ce qui est une bonne chose. Toutefois, malgré les efforts consentis, il faut reconnaître que les retraites agricoles sont plus faibles que celles des autres régimes, notamment pour les agricultrices.
Autant de constats qui illustrent la pertinence de votre recommandation visant à limiter l'accès au statut de collaboratrice. Je vous confirme que cette question sera portée par le ministère de l'agriculture à la faveur des travaux sur la réforme globale des retraites.
Bien évidemment, les agricultrices aujourd'hui en activité bénéficieront des évolutions qui seront retenues dans le cadre de cette réforme. C'est la raison pour laquelle, dès la semaine prochaine, je lance, dans la Vienne, notamment avec Jean-Paul Delevoye, une réflexion sur la retraite des femmes.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, le temps qui m'est imparti ne me permet pas d'évoquer l'ensemble des sujets, mais le débat qui va s'ouvrir nous donnera l'occasion d'aborder certaines questions.
Je voudrais simplement souligner que le ministère de l'agriculture est le tout premier à s'être engagé dans une démarche de budgétisation sensible au genre, comme il en existe depuis des dizaines d'années dans d'autres pays, au Canada ou au Maroc, par exemple. Il s'agit d'une avancée concrète pour le budget consacré aux agricultrices et à la défense de leurs droits.
Je me rendrai mi-mars à New York, auprès des Nations unies. J'ai choisi de consacrer l'un des événements organisés sur place par la France à la question de la place des femmes et de leurs conditions de vie dans les zones rurales. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et sur des travées du groupe socialiste et républicain, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe Union Centriste. M. Michel Savin applaudit également.)
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes, pour la réplique.
Mme Annick Billon, présidente de la délégation aux droits des femmes. Merci, madame la secrétaire d'État, de ces informations.
Notre rapport a créé de fortes attentes dans les territoires. Certaines de nos quarante recommandations doivent se traduire de manière législative, mais pas seulement. Les territoires doivent aussi s'en emparer.
À la veille du Salon de l'agriculture, il est urgent de répondre à toutes ces attentes. Améliorer la situation des femmes agricultrices, c'est améliorer la situation des familles, améliorer la situation des hommes agriculteurs.
Toutes ces femmes, tous ces acteurs du monde agricole, attendent de vous de vraies réponses, madame la secrétaire d'État.
Ce rapport est le début d'un long travail. Le Sénat et la délégation aux droits des femmes resteront vigilants pour suivre l'application de ces mesures. (Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain.)
M. Michel Savin. Très bien !
- Débat interactif -
M. le président. Mes chers collègues, madame la secrétaire d'État, je vous rappelle que chaque orateur dispose au maximum de deux minutes, y compris la réplique, avec une réponse du Gouvernement également pour un maximum de deux minutes.
Dans le débat interactif, la parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
M. Franck Menonville. Je tiens tout d'abord à féliciter la délégation aux droits des femmes pour cet excellent rapport que j'ai eu beaucoup de plaisir à découvrir, n'étant pas membre de cette assemblée lors de sa parution.
Les agricultrices disposent d'un niveau de pension de retraite très modeste. Force est de constater que la retraite moyenne des agriculteurs est inférieure de 38 % à celle du régime général qui s'élève, en moyenne, à 1 300 euros par mois, contre 800 euros pour les agriculteurs et 500 euros pour les agricultrices, quand le minimum vieillesse est de 900 euros par mois, pour un travail à temps plein.
Ces faibles montants s'expliquent notamment par le mode de calcul : la retraite d'un agriculteur est basée sur ses quarante meilleures années, celle d'un salarié du privé sur ses vingt-cinq meilleures années et celle d'un fonctionnaire sur les six derniers mois d'activité.
Madame la secrétaire d'État, ces disparités importantes sont flagrantes et extrêmement pénalisantes. Je voudrais savoir si le Gouvernement entend établir des critères de calcul plus convergents, voire identiques, quel que soit le domaine d'activité, pour tendre à une égalité des droits.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le sénateur, vous avez tout à fait raison : les montants que vous venez de rappeler, bien trop faibles, ne sont pas acceptables.
En raison de cotisations moins élevées, les retraites de collaborateurs qui sont majoritairement des collaboratrices sont nettement inférieures à celles des chefs d'exploitation.
Le montant des retraites allouées aux conjoints d'exploitants a été au coeur des dispositifs de revalorisation des retraites agricoles. Depuis 2011, les collaboratrices d'exploitation sont affiliées au régime de retraite complémentaire obligatoire, le RCO, ce qui contribue à améliorer légèrement le niveau de retraite de ces femmes jusqu'alors affiliées au seul régime de base.
Les femmes sont les principales bénéficiaires du plan de rattrapage des retraites agricoles qui s'est concrétisé dans la loi du 20 janvier 2014. Depuis 2014, 66 points gratuits de RCO sont attribués aux conjoints et aux aidants familiaux justifiant d'une durée minimale d'assurance au titre des années antérieures à la création du régime, et ce dans la limite de dix-sept années.
Le montant de la retraite des chefs d'exploitation ayant effectué une carrière complète a été porté à 75 % du SMIC net par la création d'un complément différentiel de RCO mis en oeuvre au 1er janvier 2015.
S'agissant de l'action du Gouvernement, sachez que, ce matin même, Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire chargé de la réforme des retraites, a réuni un groupe de travail sur la réforme des retraites, auquel le ministère de l'agriculture et de l'alimentation est bien sûr pleinement associé.
Les réflexions sont en cours et je sais que la spécificité des conjoints d'exploitants est sérieusement prise en compte.
Comme je l'ai dit voilà quelques instants, nous organiserons bientôt dans la Vienne, avec un député national, une députée européenne, Élisabeth Morin-Chartier, et le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye, un grand atelier du Tour de France de l'égalité entre les femmes et les hommes destiné à faire remonter toutes les propositions visant à améliorer le pouvoir d'achat des femmes retraitées, et tout particulièrement celui des femmes retraitées des zones rurales.
M. le président. La parole est à M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains.
M. Didier Mandelli. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la délégation, chère Annick, mes chers collègues, elles s'appellent Karen, Catherine, Jacqueline, Émeline, Marie-Blandine, Élodie, Sarah, Nathalie, Ghislaine, Brigitte, Perrine, Marie-Christine, Anne, Sylvie
Elles vivent dans les départements du Lot, du Doubs, du Maine-et-Loire, du Gers, de Loire-Atlantique, de Haute-Garonne, de la Drôme, des Ardennes, d'Ille-et-Vilaine, du Rhône, de Haute-Marne, du Morbihan, du Loiret, de Meurthe-et-Moselle, de Vendée.
Elles ont en commun d'être « femmes en agriculture ». Elles élèvent des ovins, des vaches laitières et allaitantes, des lapins, des porcs, des chevaux, des volailles. Elles produisent des céréales, des légumes, des fruits, du vin.
Elles sont engagées, parfois militantes, dans les organisations professionnelles agricoles, présidentes de lycée agricole, présidentes de chambre d'agriculture, présidentes de section féminine, élues municipales, départementales, régionales, et ancienne sénatrice, pour l'une d'entre elles.
Elles, ce sont les femmes que j'ai eu la chance de rencontrer, parmi d'autres, en tant que corapporteur, aux côtés de mes cinq collègues, à l'occasion du colloque organisé ici même ou lors de nos déplacements.
Elles ont fait de leur passion un métier choisi et assumé.
Elles se caractérisent par leur esprit d'ouverture. Elles ont le souci de la recherche de valeur ajoutée, une sensibilité aux questions environnementales et sociétales. Certaines accueillent des touristes ou pratiquent la vente directe.
Elles sont vives d'esprit et épanouies.
Pourtant, ce rapport met en exergue les conditions parfois difficiles dans lesquelles elles vivent leur activité, de la formation à la retraite, à l'instar de leurs homologues masculins sur certains aspects.
Aussi, nous avons l'obligation collective de faire vivre ce rapport et ses quarante recommandations pour reconnaître les carences et insuffisances, pour redonner du sens à ce noble métier et de l'espérance à celles qui l'ont choisi.
Il nous appartient désormais, législateur, ministre de l'agriculture pour l'enseignement agricole , chambres consulaires, mutualité sociale agricole, banques, coopératives agricoles, collectivités locales et autres acteurs de l'agriculture et de la ruralité de tout mettre en oeuvre pour obtenir des résultats à la hauteur des espoirs suscités.
M. le président. Votre question, mon cher collègue !
M. Didier Mandelli. Madame la secrétaire d'État, vos services pourraient-ils assurer le suivi de ces propositions, en liaison avec la délégation aux droits des femmes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe socialiste et républicain. MM. Jean-Marie Janssens et Franck Menonville applaudissent également.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur la mise en oeuvre des recommandations du rapport d'information établi par la délégation aux droits des femmes du Sénat.
Les services du ministère de l'agriculture ont vocation à examiner très concrètement, une par une, les suites qui peuvent être réservées à l'ensemble des recommandations de ce rapport.
À la demande de Stéphane Travert, la haute fonctionnaire en charge de l'égalité entre les femmes et les hommes au ministère de l'agriculture, qui a participé activement à vos travaux en 2017, a élaboré une feuille de route sur l'égalité des droits 20182020 qui intègre l'essentiel de vos recommandations dont elle s'est inspirée pour faire ses propositions : soutien renforcé aux projets portés par les femmes, promotion de la parité dans les instances représentatives décisionnelles, formation et accompagnement des jeunes filles vers les métiers de l'agriculture, lutte contre les violences faites aux femmes en zone rurale. L'ensemble du ministère en assurera la mise en oeuvre et le suivi concret dans la durée.
J'ajoute que ces enjeux sont pleinement pris en compte au sein de l'enseignement agricole qui développe depuis peu une pédagogie innovante sur les sujets liés à l'égalité entre filles et garçons.
Par ailleurs, certaines des recommandations émises dans ce rapport avaient déjà fait l'objet de réflexions ayant conduit à inscrire des dispositions spécifiques dans les textes au cours des dernières années loi retraite de 2014, loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt dont il faut encore évaluer l'impact.
D'autres recommandations, qui concernent plutôt l'aménagement du territoire, seront prises en compte dans les travaux menés par le commissariat général à l'égalité des territoires, le CGET, en partenariat avec le ministère de l'agriculture.
Monsieur le sénateur, vous avez raison de rappeler que ce métier, particulièrement pour les femmes, est une passion. C'est aussi un choix, et c'est en tout cas une nécessité pour le pays.
M. le président. La parole est à Mme Noëlle Rauscent, pour le groupe La République En Marche.
Mme Noëlle Rauscent. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la délégation, mes chers collègues, femme d'agriculteur éleveur dans le Morvan, conjointe collaboratrice depuis la loi de juillet 1999 instituant ce statut, mère de trois enfants, je me sens particulièrement concernée par ce débat.
Comme toute femme, une agricultrice doit pouvoir s'épanouir dans sa vie professionnelle et familiale. Le domaine le plus clivant entre hommes et femmes est celui de la maternité. D'où mes différentes questions.
Comment les pouvoirs publics peuvent-ils mettre en place un service de remplacement entièrement pris en charge permettant à ces agricultrices d'avoir une grossesse sereine sans risque de complications, de soigner leur enfant quand il est malade ?
Comment allez-vous permettre le développement de solutions d'accueil pour la petite enfance en milieu rural ?
Quelles structures innovantes, prenant en compte les contraintes des métiers de l'agriculture, ce qui implique de pouvoir recourir à des formules souples accueil régulier, occasionnel, en urgence et flexibles horaires décalés, week-ends, jours fériés, période estivale , allez-vous mettre en place ?
Enfin, comment établir cet équilibre, cette égalité, cette équité entre, d'une part, les agricultrices et, d'autre part, les actrices économiques des autres secteurs d'activité qui bénéficient aujourd'hui de ces solutions ?
L'histoire nous permet d'affirmer que ce serait la meilleure façon d'assurer la relève dans ce monde agricole. (Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, ainsi que sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe Union Centriste.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Merci de cette question, madame la sénatrice, qui concerne des sujets passionnants, mais elle est si vaste que je n'aurai pas assez de deux minutes pour répondre à tous les points que vous avez évoqués.
Certaines agricultrices m'ont raconté la réalité de leur situation : faute de mode d'accueil de la petite enfance, elles sont parfois contraintes d'aller travailler sur l'exploitation agricole avec des enfants en bas âge, au mépris des règles de sécurité, et qu'elles cachent lors des contrôles. Il ne s'agit pas d'un choix, mais d'une nécessité si elles veulent travailler.
Je suis tout à fait d'accord avec vous : le mode d'accueil des enfants en bas âge est un vrai sujet pour les jeunes mères agricultrices.
Un certain nombre d'expérimentations sont mises en oeuvre. Depuis près de quinze ans, la MSA mène une politique volontariste en versant la prestation de service unique, la PSU, à parité pour les enfants qui relèvent du régime agricole, en finançant des initiatives locales, en construisant avec les territoires qui en sont dépourvus, en accompagnant l'expérimentation de microcrèches et en suscitant l'innovation.
La MSA soutient l'ensemble des formules d'accueil des jeunes enfants en visant la réduction des inégalités territoriales et l'effectivité du libre choix des parents.
La mise en place d'un congé maternité harmonisé était l'un des engagements de campagne du Président de la République. Nous avons décidé qu'il fallait en priorité s'occuper de celui des femmes agricultrices.
C'est pour cette raison que, dans la feuille de route qu'il m'a remise, le Premier ministre m'a demandé de travailler sur cette question du congé maternité harmonisé. C'est aussi pourquoi nous avons, avec la ministre des solidarités et de la santé et la ministre du travail, confié une mission temporaire à la présidente de la délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale sur le congé maternité.
Elle doit réfléchir à la meilleure manière d'instaurer un véritable congé maternité pour les femmes agricultrices et pour les femmes travaillant dans le milieu agricole. Elles doivent pouvoir bénéficier non seulement de l'indemnité de remplacement déjà existante, mais aussi si elles le souhaitent , d'un véritable congé maternité.
Je rappelle enfin que les agricultrices arrêtées en début de grossesse, qui ne sont plus en état d'assurer leur travail pour raison médicale, peuvent bénéficier des indemnités journalières de maladie, ce qui est bien normal.
M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Mme Laurence Cohen. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, en abordant ce débat, les mots passion, courage, engagement me viennent immédiatement à l'esprit, aussitôt suivis par les mots pénibilité, préjugé et invisibilité.
Ainsi, le monde agricole n'échappe pas à ce que vivent les femmes en général, quel que soit le secteur d'activité concerné.
Une fois de plus, les travaux de la délégation démontrent l'apport indéniable des femmes dans l'agriculture, comme dans tous les domaines.
Permettez-moi de remercier les six corapporteurs cinq sénatrices et un sénateur en regrettant que n'apparaissent pas « sénatrices et sénateurs » sur la couverture du rapport, mais seulement « sénateurs », comme il est de règle, paraît-il, dans notre Haute Assemblée.
Je vous invite, mes chers collègues, à lire le livre d'Éliane Viennot Non, le masculin ne l'emporte pas sur le féminin, ce qui devrait aider à changer cette règle bien arbitraire !
Ma première question portera sur la présence des femmes dans les instances dirigeantes du monde agricole. Quelles mesures comptez-vous prendre pour que la parité y soit respectée ? Par parité, madame la secrétaire d'État, j'entends 50 %.
Ma deuxième question sera axée sur le statut juridique de la femme conjointe ou collaboratrice d'agriculteur, car beaucoup d'entre elles travaillent encore sans un véritable statut. Quelles sont vos intentions pour améliorer cette situation ?
Enfin, pour présenter ma dernière question, je m'appuierai sur le témoignage d'une agricultrice du département des Côtes-d'Armor, cher à ma collègue Christine Prunaud : « J'aime mon métier, il me demande beaucoup d'investissements et de persévérance. » et de continuer « il ne me laisse que peu de temps pour les loisirs, car c'est plus qu'un métier Je commence ma journée de travail à six heures du matin qui ne s'achève qu'à dix-neuf heures trente ! ».
Les questions sociales sont prépondérantes dans ce secteur d'activité : faibles revenus, retraites insignifiantes, non-reconnaissance du travail de ces femmes Quelles mesures comptez-vous prendre, madame la secrétaire d'État, pour apporter un peu d'espoir aux femmes agricultrices en améliorant profondément leurs conditions de vie ?
J'ai entendu que vous réfléchissiez, que vous aviez travaillé sur cette question. Au-delà des réflexions, il y a nos recommandations et il faut des moyens, comptez-vous les mettre en oeuvre ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il est indispensable de réfléchir avant de mettre en oeuvre des politiques publiques. Le rapport dont nous discutons aujourd'hui nourrit cette réflexion.
Votre question porte, en premier lieu, sur la parité dans les instances représentatives agricole. Lors des dernières élections, en 2015, les femmes représentaient 45 % du corps électoral de la mutualité sociale agricole.
Au sein des conseils d'administration des 35 caisses locales, la proportion d'administratrices croît régulièrement depuis quarante ans. Entre 1974 et 1999, la part des femmes a crû fortement puisqu'elle est passée de 7,2 % à 26,1 % ; depuis, elle n'augmente plus que légèrement, passant 27,1 % en 2005 à 28,8 % en 2015.
Sur les 35 caisses locales, 7 sont présidées par des femmes pour les cinq années à venir.
Au niveau central, si vous me permettez cette expression, la parité est en train d'être atteinte : sur les 25 administrateurs élus, 12 sont des femmes
Mais j'observe là encore la persistance de ce que l'on appelle le plafond de verre, puisque, malgré cette relativement forte proportion de femmes, le président et le vice-président sont des hommes.
Pour les prochaines élections de la MSA, qui auront lieu en 2020, une réflexion est actuellement menée pour déterminer les conditions dans lesquelles pourront être appliquées les dispositions de l'ordonnance n° 2015-950 du 31 juillet 2015 relative à l'égal accès des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration des mutuelles.
Pour ce qui concerne les chambres d'agriculture, lors des échanges avec les syndicats dans le cadre de la préparation du prochain renouvellement des membres, le ministre de l'agriculture a proposé que les bureaux des chambres puissent appliquer la règle de mixité d'ores et déjà retenue pour l'élection des membres de chambre lors du scrutin de 2013, à savoir un candidat de chaque sexe par groupe de trois candidats.
Tous les syndicats ont fait part de leurs difficultés. Toutefois, il nous reste encore un peu de temps pour les convaincre du bien-fondé d'une telle demande de parité dans ces instances.
M. le président. La parole est à Mme Jocelyne Guidez, pour le groupe Union Centriste.
Mme Jocelyne Guidez. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la délégation, mes chers collègues, en 2017, 58 % seulement des agricultrices ont exercé leur droit au congé de maternité. Elles demeurent pourtant exposées à des conditions de travail difficiles, qu'il s'agisse du port de charges lourdes ou du risque d'exposition aux pesticides et aux maladies touchant les animaux.
Cette situation, qui soulève de graves enjeux de santé publique pour la mère et l'enfant, s'explique par les défaillances des services de remplacement.
En cas de grossesse, les employés de ces services permettent en théorie à l'agricultrice d'être remplacée dans son exploitation. Toutefois, agricultrices et syndicats agricoles ont mis en exergue l'inadéquation, voire la carence, de l'offre de remplacement, le manque d'information et les réticences psychologiques des agricultrices à laisser leur exploitation à un tiers.
Surtout, la question du coût de ce remplacement suscite de l'inquiétude auprès de nombreuses agricultrices, en particulier depuis vos déclarations, madame la secrétaire d'État, selon lesquelles les agricultrices seraient les premières à bénéficier de la mise en place du congé de maternité unique et de l'octroi d'une indemnité journalière harmonisée, quel que soit leur statut professionnel.
Le monde agricole s'interroge sur la pertinence d'une telle indemnité au vu des spécificités de la profession. En effet, alors qu'un remplacement agricole coûte 145 euros par jour, les indemnités de maternité ne s'élèvent, pour les salariés du privé et du public, qu'à 80 euros environ.
Madame la secrétaire d'État, les indemnités journalières permettront-elles de couvrir les frais de remplacement ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice, je rappelle que le congé de maternité de toutes les non-salariées agricoles, chefs d'exploitation, mais aussi collaboratrices ou aides familiales implique, à l'heure actuelle, la prise en charge financière par la MSA du coût du service de remplacement.
J'ajoute que l'allocation de remplacement, particulièrement bien adaptée, d'après ce que nous disent les agricultrices, à l'activité agricole, n'a pas d'équivalent dans les autres régimes des indépendants ni pour aucune profession libérale. Même si le nombre de bénéficiaires a progressé de façon importante depuis 2010 60 % de femmes ont bénéficié d'une allocation de remplacement de maternité en 2015 , il nous faut lever tous les freins au recours au service de remplacement.
Vous l'avez dit, en tant que secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, je porte le projet du Président de la République de création d'un congé de maternité harmonisé pour toutes les femmes, quel que soit leur secteur d'activité, l'idée étant de protéger les femmes et non pas les statuts. Toutes les améliorations qui peuvent être apportées pour la protection de ces femmes et de leurs enfants sont bienvenues.
Je reconnais pour ma part la particularité du secteur agricole, dont les métiers justifient le maintien du recours au service de remplacement dans le cadre de la maternité. Il n'a jamais été question de le remettre en cause. Je sais que les femmes agricultrices y sont très attachées. Le congé de maternité harmonisé auquel nous sommes en train de travailler n'a nullement pour vocation de se substituer à l'indemnité de remplacement. Il s'agit de créer un complément permettant de reconnaître la spécificité de l'activité d'agricultrice.
M. le président. La parole est à Mme Marie-Pierre Monier, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Marie-Pierre Monier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la délégation, mes chers collègues, mon intervention portera sur l'installation des agricultrices, et plus précisément sur leur accès aux aides à l'installation et aux terres.
L'installation est un enjeu majeur pour l'agriculture dans son ensemble, alors que le nombre d'agriculteurs en Europe baisse de 25 % tous les dix ans. Les personnes qui souhaitent s'installer en tant qu'exploitante ou exploitant se heurtent à deux difficultés : d'une part, l'accès aux capitaux pour les aider à financer leurs investissements de départ et, d'autre part, l'accès à la terre, dans un contexte d'accroissement de la pression foncière.
Nous avons pu le constater au travers de nos échanges avec les agricultrices, ces difficultés sont plus prononcées pour les femmes. En effet, celles qui souhaitent s'installer ne sont pas toujours éligibles aux aides à l'installation, ou le sont plus difficilement que les hommes. En 2010, seulement 28 % des nouvelles installées ont bénéficié de la DJA, la dotation jeunes agriculteurs, contre 39 % des hommes installés au même âge.
Il existe principalement deux causes à cette situation. Tout d'abord, avant la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014, pour bénéficier de la DJA, le projet devait uniquement remplir des conditions minimales de surface. Depuis lors, les conditions d'activité minimale d'assujettissement prennent en compte des critères de temps de travail et de revenus générés en plus de la surface minimale. Toutefois, nous n'avons pas encore le recul nécessaire pour juger de leurs éventuels effets bénéfiques pour les agricultrices. Mais bien souvent, les surfaces exploitées par les femmes sont inférieures à celles qui le sont par les hommes.
Ensuite, le critère d'un l'âge limite fixé à quarante ans pour prétendre à cette aide peut pénaliser les femmes, dont les projets d'installation sont souvent plus tardifs que ceux des hommes. Pour prendre en compte ces spécificités, conformément aux recommandations du rapport, nous avons proposé de mettre à l'étude une évolution des critères d'attribution de la DJA, de façon à les rendre plus compatibles avec le profil des agricultrices.
Nous avons ainsi proposé trois dispositions : la modulation du critère de surface d'exploitation pour l'obtention de la DJA ; le remplacement du critère d'âge limite par un critère fondé sur la notion de première installation à titre principal ; la possibilité de considérer la grossesse comme une circonstance exceptionnelle justifiant la non-réalisation des engagements prévus dans le plan d'entreprise.
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Marie-Pierre Monier. Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, nous faire part de votre avis sur les trois propositions que je viens de vous soumettre ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice, vous souhaitez connaître mon avis sur trois propositions relatives à l'aide à l'installation des agricultrices.
La première de ces propositions concerne la modulation du critère de surface minimale d'exploitation pour l'obtention de la DJA. Vous le savez, il n'y a plus de surface minimale pour l'obtention de cette aide. Désormais, ce sont les notions de viabilité, de soutenabilité et de pérennité qui sont appréciées pour l'accès aux aides à l'installation.
En effet, quelle que soit la surface de l'exploitation, il convient de permettre à un futur chef d'exploitation de vivre de son métier et de concilier ses besoins professionnels et personnels. Une exploitation de petite taille en termes de surface peut s'avérer viable en fonction des activités mises en place et des modes de production.
S'agissant du critère d'âge limite, il est fixé, vous l'avez rappelé, à quarante ans par la réglementation européenne. Effectivement, le règlement du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 définit un jeune agriculteur comme une personne qui n'est pas âgée de plus de quarante ans au moment de la présentation de la demande, qui possède des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes et qui s'installe pour la première fois dans une exploitation agricole comme chef de ladite exploitation.
Une évolution de ce critère d'âge nécessite d'être abordée à l'échelle de l'Union européenne, par exemple à la faveur des discussions relatives à la PAC post-2020.
Enfin, concernant la possibilité de considérer la grossesse comme une circonstance exceptionnelle justifiant le report des engagements du plan d'entreprise, sachez que la circonstance exceptionnelle ne peut être retenue que si la situation rencontrée par le jeune agriculteur répond aux conditions cumulatives suivantes : ne pas être prévisible, ne pas dépendre d'une raison de convenance du jeune agriculteur et avoir des conséquences directes sur le non-respect d'un engagement. Cependant, des réflexions peuvent être menées, afin de tenir compte de l'évolution de la structure familiale pendant la période d'engagement et d'évolutions majeures comme la féminisation du métier de chef d'exploitation. Une nouvelle fois, l'ouverture des échanges relatifs à la PAC post-2020 me semble être le cadre approprié pour aborder ce sujet au niveau de l'Union européenne.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants-République et Territoires.
M. Jean-Pierre Decool. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la délégation, mes chers collègues, ma question concerne les retraites des agricultrices, en particulier des conjointes collaboratrices d'agriculteurs.
Les agricultrices perçoivent une pension de retraite figurant parmi les plus basses de toutes les catégories socioprofessionnelles. En juillet dernier, nos collègues Annick Billon, Corinne Bouchoux, Brigitte Gonthier-Maurin, Françoise Laborde, Didier Mandelli et Marie-Pierre Monier signaient un rapport excellent, mais alarmant sur cet état de fait. Ils formulaient une quarantaine de recommandations pour sécuriser les parcours et les statuts de ces femmes, en particulier leurs retraites.
En 2018, les retraites agricoles sont deux fois et demie plus faibles que la moyenne des retraites. Les retraites des agricultrices, mes chers collègues, sont souvent encore plus basses, en particulier lorsque ces femmes sont seules ou lorsqu'elles ont le statut de conjointe ou d'aide familiale.
Avec environ 500 euros par mois, contre 800 euros en moyenne pour les agriculteurs, il est impossible pour ces femmes de vivre décemment. Cette différence s'explique notamment par des carrières plus courtes, un plus grand nombre d'emplois occupés et un faible niveau de cotisation. Au XXIe siècle, nous ne pouvons accepter cette misère humaine et devons agir rapidement en faveur de ces femmes.
Plusieurs options sont aujourd'hui sur la table des négociations : une revalorisation des retraites agricoles, une évolution de leur base de calcul, le passage à une bonification forfaitaire pour enfant et une information systématique des agricultrices sur leurs statuts et leurs droits.
Madame la secrétaire d'État, quels moyens sont envisagés par le Gouvernement pour mettre fin à l'injustice sociale dont sont victimes les femmes agricultrices, en particulier les conjointes collaboratrices d'agriculteur ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le sénateur, votre question porte sur les projets du Gouvernement en matière de mode de calcul des retraites des agricultrices. Cela fait plusieurs fois que l'on m'interroge sur ce sujet, ce qui témoigne de la préoccupation importante dont il fait l'objet et que je partage.
De façon générale, il existe une inégalité concernant les retraites entre les femmes et les hommes, puisque, en moyenne, les hommes hors agriculteurs touchent 1 600 euros par mois de retraite, alors que les femmes ne perçoivent que 900 euros par mois. Cette inégalité et ces faibles pensions se retrouvent, de façon exponentielle, chez les agriculteurs et agricultrices.
Dans le régime des non-salariés agricoles, à même statut et même situation, les femmes ont théoriquement des droits identiques à ceux des hommes. Toutefois, vous l'avez rappelé, en raison de leur parcours, de cotisations moindres, d'interruptions de carrière, elles se retrouvent avec des montants de pension inacceptables, qui ne leur permettent pas de vivre décemment.
C'est un sujet de préoccupation pour le Gouvernement. Pour cette raison, le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye, achève ses consultations en la matière. J'ai eu un entretien avec lui la semaine dernière, et nous avons abordé cette question, à laquelle il est particulièrement sensibilisé. Nous irons ensemble dans la Vienne, pour faire en sorte que, aux niveaux national et européen, la question du montant de la retraite des femmes agricultrices devienne une priorité. Le Gouvernement fera des propositions efficaces en ce sens très prochainement.
M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Mme Françoise Laborde. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, en demandant ce débat, la délégation aux droits des femmes n'imaginait pas que l'actualité nationale rejoindrait à ce point nos préoccupations concernant le secteur agricole. Produire de la qualité, être formé et passionné ne suffit plus, pour les agricultrices et agriculteurs, à nourrir sa famille, comme le prouvent les récentes manifestations.
L'un des leviers à notre portée, c'est de combattre les inégalités persistantes en pérennisant la place des femmes dans les exploitations agricoles. Les femmes ont le choix entre trois types de statut professionnel : celui de cheffe d'exploitation ou d'associée ; celui de salariée ; ou celui de conjointe collaboratrice. Cette dernière peut être reconnue ayant droit du chef d'exploitation, sous son numéro de sécurité sociale. Si elle peut, avec ce statut, bénéficier de prestations, celles-ci ne concernent ni la retraite ni les accidents du travail.
Une catégorie échappe à tout classement, celle des 5 000 agricultrices sans aucun statut, assumant moult responsabilités dans l'exploitation, mais très précarisées, souvent dans un grand dénuement, que l'on découvre, hélas, à l'occasion d'un veuvage ou d'un divorce.
Pour pallier cette situation, la délégation propose d'engager trois types de mesures : recenser les agricultrices sans statut et déterminer avec elles celui qui leur serait le plus approprié ; sensibiliser les femmes aux préjudices sociaux qu'elles subissent par cette absence de statut ; enfin, face aux insuffisances du statut de conjoint collaborateur, la délégation préconise de le rendre transitoire pour cinq ans maximum, le temps pour l'intéressée d'affiner son projet professionnel et de choisir le statut le plus adapté à sa situation.
Madame la secrétaire d'État, ma question est simple : avez-vous l'intention de pérenniser le statut des agricultrices, essentiel pour l'avenir des agriculteurs et pour celui de la profession ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice, vous m'interrogez sur le statut des femmes dans l'agriculture.
En 1999, la création du statut de collaborateur-collaboratrice a permis d'améliorer les droits à la retraite de base, en donnant accès à la retraite proportionnelle au conjoint ou à la conjointe travaillant sur l'exploitation. Depuis 2010, les GAEC sont possibles entre époux et, en 2011, les femmes sous le statut de collaboratrice ont eu accès à la retraite complémentaire obligatoire. En 2014, le plan de revalorisation a bénéficié aux collaboratrices d'exploitation en leur donnant des points gratuits de retraite complémentaire obligatoire. Pour autant, les retraites des femmes restent inférieures à celles des hommes, en raison notamment d'un effort contributif inférieur.
Vous l'avez souligné avec raison, il y a une situation particulière pour ce qui concerne les 5 000 agricultrices sans aucun statut, qui sont largement évoquées dans le rapport qui nous a été remis. C'est un sujet de préoccupation pour le Gouvernement. Nous étudierons avec le ministre de l'agriculture la possibilité de travailler à un recensement. C'est pour cette raison que le Gouvernement est favorable à la limitation dans le temps du statut de collaboratrice, voire à sa suppression progressive.
En effet, seul le statut de chef d'exploitation permet d'avoir un statut plein et entier et de percevoir l'intégralité des droits à la retraite.
Le statut de collaborateur existe aussi dans d'autres catégories socioprofessionnelles, notamment pour les artisans et commerçants. Toutefois, son évolution doit aujourd'hui être envisagée, dans le contexte de la réforme globale menée notamment par Jean-Paul Delevoye.
M. le président. La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour le groupe Les Républicains.
Mme Frédérique Puissat. Madame la secrétaire d'État, au cours de votre intervention, vous avez évoqué les différents moments qui jalonnent la vie des agriculteurs et agricultrices. Toutefois, vous avez omis d'évoquer les périodes durant lesquelles la santé est défaillante.
Ma question croise agriculture et social et porte sur l'impact, pour la conjointe, de la situation d'un exploitant agricole en attente de la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, la RQTH.
En amont, réaffirmons que, comme toute activité, l'agriculture se conjugue au pluriel. Si l'on est en Beauce ou à 1 000 mètres d'altitude, si l'on fait le choix d'élever des escargots ou un troupeau de bovins, les conditions d'exploitation doivent être appréciées de façon différente.
Soulignons aussi que, si chef d'exploitation se conjugue au féminin, les capacités d'une femme et d'un homme divergent. Il est plus complexe pour une femme que pour un homme d'exercer certaines tâches très physiques.
Souvent, l'âge avançant ou bien à la suite de postures inappropriées, les agricultrices ou agriculteurs se trouvent confrontés à des complications physiques qui peuvent les empêcher partiellement d'exercer leur activité. Dès lors que le handicap touche le conjoint, c'est l'exploitante qui doit accomplir certaines tâches, avec parfois de nouvelles charges insupportables physiquement.
La première des difficultés tient à ce statut de travailleur handicapé à temps partiel, qui n'existe pas dans les textes : seul un taux de handicap, variable, est reconnu, ce qui rend d'autant plus complexe l'étude des dossiers.
La deuxième tient à la durée des procédures, dont tout le monde connaît la complexité. Dans une telle situation, l'agricultrice se voit soumise à une double peine : l'attente d'une décision concernant son dossier et des charges physiques souvent insupportables.
Nous savons qu'il existe dans certains départements une procédure accélérée de RQTH pour les agriculteurs. Madame la secrétaire d'État, ne pensez-vous pas que cette procédure pourrait être généralisée à tous les départements et tous les dossiers, afin que les exploitants puissent bénéficier d'un soutien plus rapidement ? Je pense surtout aux activités où des besoins urgents en termes de récoltes ou de traitements peuvent exister.
Une disposition pourrait également viser une meilleure coordination de ces dispositifs complexes. Par ailleurs, pourquoi ne pas envisager une pratique de dons de jours équivalente à celle qui a été adoptée dans le cadre du texte sur le don de jours aux aidants ? Il faut ouvrir un débat sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice, je vous remercie de votre question, qui révèle, n'ayons pas peur de le dire, l'un des angles morts de ce que nous proposons en direction des agricultrices.
D'abord, je veux rappeler qu'il n'existe pas de régime particulier. Par conséquent, toutes les situations que vous évoquez relèvent du régime général. Vous avez raison de le dire, faire le choix ou devenir agriculteur ou agricultrice par nécessité, cela ne signifie pas ne jamais être malade.
Vous avez évoqué la question difficile de l'accès aux soins, notamment lorsqu'on est agriculteur dans la Beauce, et il en est de même dans la Sarthe. Mais il existe d'autres zones de déserts médicaux. Je pense notamment à l'outre-mer ou aux zones insulaires comme la Corse.
Quant à la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé, elle relève du régime général. Toutefois, j'entends tout à fait votre questionnement et les spécificités attachées aux agriculteurs. Dès ce soir, j'interrogerai plus longuement mon collègue ministre de l'agriculture et ma collègue secrétaire d'État chargée des personnes handicapées. Je reviendrai ensuite vers vous pour vous apporter une réponse plus détaillée.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour le groupe La République En Marche.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux dans un premier temps féliciter pour son travail l'équipe des six corapporteurs qui apporte à notre assemblée des éléments de connaissance et de compréhension très approfondis et pertinents.
Parmi les constats dressés, on relève la difficulté à concilier vie familiale et vie professionnelle. Comment en effet conjuguer une vie très prenante d'agricultrice avec un rôle tout aussi prenant de mère de famille ? Promouvoir l'attractivité du métier d'agricultrice implique, entre autres, de se poser la question de la garde d'enfants.
Agriculture et ruralité vont de pair. Nous savons pourtant que les secteurs ruraux sont, en France, les plus dépourvus en termes d'outils d'accueil de la petite enfance.
D'ores et déjà, il a été annoncé que la prochaine convention d'objectifs et de gestion conclue entre l'État et les caisses d'allocations familiales comportera la création de places en crèche. Celles-ci devront répondre territorialement aux besoins des parents, en lien avec les communes ou les intercommunalités.
Dans le cadre de cette négociation, n'y a-t-il pas une attention particulière à avoir en matière d'accès au service public de la petite enfance, en développant de telles structures dans les secteurs ruraux ? À titre d'exemple, il conviendrait de prendre en compte les horaires de travail atypiques du secteur de l'élevage.
La même problématique peut être soulevée pour l'accueil des enfants de six à dix-sept ans pour ce qui concerne l'offre de loisirs sans hébergement. Là encore, le rôle de l'État via la CAF peut être décisif.
Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, de nous donner les orientations du Gouvernement sur ce sujet.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le sénateur, sur la période 2016-2020, conformément aux engagements de la convention d'objectifs et de gestion conclue avec l'État, la MSA continuera de soutenir les projets en faveur de la petite enfance dans les territoires ruraux, là où l'offre d'accueil des jeunes enfants est insuffisante, inadaptée, notamment en termes d'horaires, vous l'avez dit, ou déséquilibrée.
D'abord, 235 microcrèches accueillant moins de dix enfants ont ouvert leurs portes entre 2008 et 2016. Elles bénéficient de l'appui de la MSA et de ses partenaires, notamment la CAF et les PMI. Elles sont particulièrement adaptées aux besoins des territoires ruraux et offrent près de 2 500 places à 7 500 familles bénéficiaires.
Ensuite, les LAEP, les lieux d'accueil enfants-parents, situés dans des zones rurales, sont ouverts aux enfants de moins de six ans lorsque ces derniers sont accompagnés d'un adulte, pour participer à des temps conviviaux de jeux et d'échanges. Même s'il ne s'agit pas à proprement parler d'un mode d'accueil, c'est un mode de socialisation pour les jeunes enfants et, parfois, pour les parents.
Les solutions innovantes concernent majoritairement les horaires atypiques, l'accueil d'urgence, l'accueil saisonnier, les horaires extrêmes, l'accueil les week-ends et les jours fériés et l'accueil des enfants différents en milieu ordinaire.
Depuis 2016, une centaine d'innovations ont ainsi été repérées et répertoriées. En partageant l'expérience acquise et grâce à un nouveau dispositif, la MSA veut favoriser l'émergence de nouveaux projets, qui participeront à la qualité de vie des familles dans les territoires ruraux. Plus récemment, elle a contribué à la mise en place de haltes-garderies itinérantes, qui sont hébergées dans des bus circulant de commune en commune.
Vous m'interrogez également, monsieur le sénateur, sur les mesures en faveur de l'accueil des enfants de six à dix-sept ans dans le cadre de l'accueil de loisirs sans hébergement, ou ALSH. La MSA apporte un soutien financier à quelque 30 000 familles, pour environ 4,5 millions d'euros en 2016. La très grande majorité des ALSH en zone rurale accueille sans distinction les enfants de trois à onze ans, et la moitié propose des activités au-delà de onze ans.
Pour l'avenir, nous pensons que la MSA doit mener une étude complémentaire auprès des familles pour connaître leur perception des ALSH, ainsi que leurs attentes quant à leur évolution. Il convient également de cartographier les appels à projets et les démarches actuelles de la CAF et des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale. Un groupe de travail dédié à l'ALSH, des référents « enfance » au sein de la MSA et des partenaires institutionnels doivent être mis en place sur chaque territoire ciblé, afin de construire une démarche véritablement ancrée dans le terrain et répondant aux besoins que vous venez d'exposer, monsieur le sénateur.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Gontard, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
M. Guillaume Gontard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la délégation, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'organisation de ce débat et de ses riches travaux.
Vous me pardonnerez de m'éloigner légèrement des quarante préconisations pour aborder un autre sujet, celui des femmes et de l'agriculture biologique, que le rapport évoque sans l'approfondir, faute de données suffisantes. Néanmoins, le dernier recensement agricole de 2010, mentionné dans ce document, révèle que, parmi les exploitations agricoles gérées par des personnes de moins de quarante ans, 6,9 % d'exploitations certifiées bio sont gérées par des femmes, contre 5,3 % par des hommes. Dit autrement, cela signifie que, parmi les exploitants agricoles bio de moins de quarante ans, 56,6 % sont des exploitantes, contre 24 % dans l'ensemble de la filière.
Les pistes d'explication pour décrire ce phénomène sont balbutiantes, et la Fédération nationale d'agriculture biologique enquête actuellement sur ce sujet. Les résultats de ce travail seront présentés à l'occasion d'un colloque le 10 avril prochain. Aussi, pour éviter de tomber dans le stéréotype de genre, nous nous concentrerons sur les facteurs socio-économiques, plus objectifs.
Ainsi, 30 % à 50 % des agriculteurs et agricultrices bio se lancent hors cadre familial. Nous connaissons tous le problème de l'accès au foncier. Il est bien plus aisé, pour commencer, d'acquérir une petite parcelle plutôt qu'une exploitation importante. Or, sur de petites surfaces, le bio, associé aux circuits courts, est bien plus rentable que le conventionnel.
L'agriculture bio est également nettement moins mécanisée, ce qui nécessite un apport en capital moindre. L'activité est plus facilement diversifiable agrotourisme, vente directe pour accroître sa rentabilité.
On le voit, sans même prendre en compte d'autres considérations telles que la santé, le respect de la terre ou la qualité des produits, il est moins coûteux de se lancer en bio. Cet intérêt économique se traduit manifestement par un bien meilleur accès des femmes au statut d'exploitante.
Madame la secrétaire d'État, partagez-vous ce constat ? Afin d'atténuer les inégalités de sexe, peut-on compter sur votre concours pour défendre, au sein du Gouvernement, un soutien durable à l'agriculture biologique et une politique foncière favorisant l'accès à la terre de nouvelles arrivantes ou arrivants ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Je partage votre constat, monsieur le sénateur, s'agissant du lien entre agriculture bio et lutte contre les stéréotypes de genre, si l'on peut le formuler de cette manière.
Vous avez raison, les femmes s'engagent tout particulièrement dans l'agriculture biologique. D'ailleurs, les exploitations agricoles que j'ai eu l'occasion de visiter depuis que je suis en poste en tant que secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et qui sont dirigées par des femmes sont des exploitations en agriculture biologique.
Il semble y avoir plusieurs raisons à une telle situation. Nous n'aurons pas le temps de les développer cet après-midi, mais je note la date du colloque que vous avez mentionné. Je rappelle simplement l'existence de VIVEA, le fonds pour la formation des entrepreneurs du vivant, qui s'engage à accompagner les agriculteurs et agricultrices vers l'agriculture biologique.
Vous avez indiqué ne pas vouloir détailler toutes les questions liées à l'agriculture biologique, et notamment celle de la santé. Je rappelle cependant l'existence du plan Ecophyto 2+, qui vise à réduire l'utilisation des produits dangereux et à supprimer celle des produits les plus dangereux pour les exploitations agricoles. Cette question est liée à celle que vous avez évoquée. Elle peut motiver les femmes agricultrices à se lancer dans la création ou la reprise d'une exploitation agricole biologique.
Par ailleurs, des travaux sont en cours concernant les emballages des produits agricoles, notamment des pesticides, afin, d'une part, de réduire considérablement leur taille et, d'autre part, de permettre l'incorporation, très technique, des produits dans le pulvérisateur, sans avoir à soulever ou ouvrir le bidon. Le dispositif un système de transfert sans contact permettra en outre de limiter drastiquement l'exposition aux substances chimiques dangereuses. Car les conséquences sur la santé des agricultrices sont parfois plus importantes, même si l'évolution de ces protections est souhaitable pour les femmes comme pour les hommes dans les exploitations agricoles.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Janssens, pour le groupe Union Centriste.
M. Jean-Marie Janssens. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la délégation, mes chers collègues, alors que le nombre d'agriculteurs diminue de 25 % tous les dix ans en Europe, il est impératif de favoriser l'insertion de nouveaux exploitants, en particulier celle des femmes.
Les agricultrices se heurtent à des difficultés d'installation plus prononcées que celles que rencontrent leurs homologues masculins, car elles héritent rarement d'une exploitation et font face à des coûts d'accès à la terre et aux capitaux très élevés.
Afin de lutter contre ces inégalités, des dispositifs d'aide ont été mis en place, comme la dotation jeunes agriculteurs, la DJA, qui garantit un soutien financier en cas de première installation.
Dans les faits, une partie des agricultrices se trouve cependant exclue de l'accès à cette dotation, en raison de critères d'attribution rigides et inadaptés.
Pour en bénéficier, il faut en effet exploiter une surface minimale, ce qui pénalise fortement les agricultrices, lesquelles s'installent en général sur des surfaces beaucoup plus petites que les hommes.
Quant à la limite d'âge, fixée à quarante ans, et à la nécessité de présenter un plan d'entreprise sur cinq ans, ces critères ne prennent pas en compte les possibles maternités, qui peuvent retarder l'âge de l'installation et la mise en oeuvre du plan.
À l'aune de ces incohérences, la délégation aux droits des femmes préconise d'adapter les conditions d'attribution de la DJA au profil des agricultrices, en aménageant le plan d'entreprise en cas de grossesse, ou en remplaçant le critère d'âge limite par un critère fondé sur la notion de première installation à titre principal.
Madame la secrétaire d'État, quelles mesures envisagez-vous de prendre afin de faciliter l'installation des agricultrices ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le sénateur, le constat que vous dressez est très juste. Ayant répondu tout à l'heure à la question que vous posez sur la limite d'âge de quarante ans, je ne me répéterai pas. Je répondrai en revanche à une autre de vos questions, qui est très pertinente elle aussi : celle de l'orientation et de l'insertion des femmes dans le monde agricole.
Je pose d'abord un constat, sous la forme d'un chiffre simple : il y a 50 % de filles dans l'enseignement agricole. Cela nous montre que les métiers de l'agriculture sont aussi attractifs pour les femmes que pour les hommes, pour les jeunes filles que pour les jeunes garçons. C'est donc par la suite, monsieur le sénateur, en lien avec tous les éléments que vous avez très justement listés, que se produit un effet d'entonnoir, une sélection, un empêchement de ces jeunes filles à créer leur propre exploitation.
C'est dès l'orientation, néanmoins, que nous pouvons agir. L'enseignement agricole a en effet un double objectif : former ces jeunes et les préparer à être les citoyens de demain.
À cette fin, outre le face-à-face avec les élèves, l'enseignement agricole anime des politiques éducatives dans les champs de la citoyenneté, des valeurs de la République, de la santé, du projet professionnel. Il y a là, me semble-t-il, un levier très important dans la manière dont l'enseignement agricole peut armer les jeunes filles en matière de construction pérenne et de développement de leur projet professionnel, dans tous ses aspects : dans l'aspect très concret, très pragmatique, mais aussi dans l'aspect très business, n'ayons pas peur des mots, dudit projet.
Les bonnes pratiques et les capacités d'innovation pédagogique de l'enseignement agricole en matière d'éducation à l'égalité entre filles et garçons sont reconnues notamment par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, et sont souvent citées. Ces actions sont portées par un réseau qui existe depuis 2002, le réseau Insertion-égalité des chances. Je citerai, à titre d'exemple, des semaines thématiques organisées sur le thème « Santé, sexualité, développement de l'adolescent et stéréotypes de genre » en quatrième et en troisième ; des formations à destination des équipes enseignantes sont également mises en place.
Le recensement de toutes les actions menées dans les établissements agricoles, que nous avons effectué à l'occasion du Tour de France de l'égalité entre les femmes et les hommes, montre bien leur dynamisme. Un exemple : le colloque mené au lycée viticole de Mâcon, avec des témoignages forts, posant la question des préjugés sur les stéréotypes de genre et la manière dont on peut mieux accompagner les jeunes filles dans la création ou la reprise d'une exploitation agricole.
M. le président. Il faut conclure, madame la secrétaire d'État !
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. En outre, concernant l'accueil des jeunes en formation 30 % d'entre eux sont en internat , la dernière enquête sur le climat scolaire montre que les jeunes filles sont satisfaites à plus de 85 % de l'internat et de l'ambiance qui y règne entre les élèves.
M. le président. Madame la secrétaire d'État, je vous rappelle que vous disposez de deux minutes pour répondre aux orateurs.
La parole est à Mme Michelle Meunier, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la délégation, mes chers collègues, à mon tour de saluer le travail de mes six collègues et ex-collègues de la délégation et de les remercier, en particulier d'avoir ouvert à la réflexion du point de vue féministe des champs quasiment en jachère jusqu'ici.
Parmi toutes les recommandations formulées par la délégation, je retiens la trentième, celle qui a trait à la santé des femmes agricultrices.
Le rapport préconise la mise en oeuvre d'une évaluation scientifique des conséquences, sur la santé maternelle et infantile, et plus généralement sur l'organisme des femmes, de l'exposition aux produits utilisés : manipulation de médicaments vétérinaires, utilisation de pesticides vous venez d'évoquer la question, madame la secrétaire d'État.
La Haute Assemblée a très récemment débattu de la proposition de loi de notre collègue Nicole Bonnefoy portant création d'un fonds d'indemnisation des victimes de produits phytopharamaceutiques. Ces échanges nous ont permis de mesurer pleinement les responsabilités des autorités, du monde agricole et des industriels en matière de prévention sanitaire. Si de tels dispositifs d'indemnisation peuvent être mis en place, c'est parce qu'il existe désormais une connaissance scientifique suffisamment large des phénomènes, de l'impact des molécules phytosanitaires et des précautions à prendre.
Très récemment, et encore ce matin, la presse révélait les dernières avancées de la recherche française, mettant en évidence les effets toxiques de l'exposition aux pesticides.
Le même effort doit être engagé pour mieux connaître les effets des médicaments vétérinaires et des produits phytosanitaires sur les femmes agricultrices enceintes, sur le développement de leur foetus, voire sur les difficultés certaines personnes ont témoigné en ce sens que les agricultrices peuvent rencontrer pour tomber enceintes ou pour mener à terme leur grossesse.
Madame la secrétaire d'État, ces témoignages nous alertent ; nous nous devons donc de mettre en oeuvre une telle évaluation scientifique, afin de sensibiliser les femmes exposées, de développer des messages de prévention et de partager les bonnes pratiques. Ainsi répondrons-nous aux inquiétudes et aux attentes de la profession, et, plus largement, de la population rurale.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice, cette trentième proposition a également retenu notre attention vous avez pu le constater plus tôt au cours du débat.
Vous avez raison de le souligner, c'est la connaissance scientifique qui nous a permis de disposer d'une appréhension vraiment fine des conséquences de l'utilisation de ces produits et de mettre en place un système de protection des femmes contre les produits phytosanitaires et contre les pesticides.
J'ai rappelé tout à l'heure l'existence du plan Écophyto 2+, visant, disais-je, à réduire l'utilisation de ces produits et surtout à supprimer celle des plus dangereux d'entre eux.
Je veux rappeler également que le code du travail impose que les machines et les équipements de travail soient conçus de manière à ne pas exposer les utilisateurs à des risques pour leur santé et pour leur sécurité.
Vous savez cela a été dit précédemment que le ministère de l'agriculture a réalisé une cartographie des risques auxquels sont exposées les femmes agricultrices, pour ce qui concerne particulièrement deux problèmes : les questions de reproduction et de fertilité, de grossesse et de développement de l'enfant. Les risques sont multiples, mais les connaissances scientifiques, bien qu'elles progressent considérablement, restent insuffisantes pour pouvoir les évaluer d'une manière pleinement satisfaisante pour nous tous, pour ces femmes en particulier.
C'est pourquoi une campagne de sensibilisation devrait bientôt être lancée ; plusieurs caisses locales de la mutualité sociale agricole ont déjà conduit de telles campagnes. La protection de la santé des femmes agricultrices me semble véritablement une condition sine qua non du bon exercice de leur profession, mais également, à plus long terme, du maintien de l'attractivité de ces filières pour les jeunes générations.
Le Gouvernement est donc pleinement mobilisé à cet égard.
M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour le groupe Les Républicains.
M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, mes chers collègues, je salue l'initiative d'organiser un débat sur les femmes et l'agriculture. Les questions, en la matière, ne manquent pas : les petites retraites agricoles, la formation professionnelle notamment.
À mon tour, mes chers collègues, je souhaite rendre hommage à toutes ces femmes agricultrices et femmes d'agriculteurs dont le courage et la force font toute mon admiration. Je sais la place qu'elles occupent dans l'agriculture française, particulièrement dans mon département, très agricole, la Mayenne.
Je souhaite rendre hommage, donc, à toutes ces femmes souvent qualifiées d'« invisibles », qui travaillent dans l'élevage, la viticulture, le maraîchage et autres cultures, dans des conditions physiques et psychologiques parfois difficiles, et dont le statut n'a pas été, pendant trop longtemps, reconnu. Oui, la vie de ces femmes est faite de sacrifices et d'engagements forts, de passion.
La féminisation du milieu agricole augmente. On ne peut que s'en féliciter. Deux exemples me semblent significatifs : un quart des dirigeants ou codirigeants d'exploitation agricole sont des femmes ; le nombre de femmes qui font librement le choix de devenir agricultrice ne cesse d'augmenter.
Bien souvent, la question de la conciliation entre les vies professionnelle et personnelle se pose, notamment pour les femmes qui sont mères ou qui souhaitent le devenir.
Cette question représente aussi un frein, pouvant éveiller la réticence de celles qui désireraient exercer cette profession.
Il est de notre devoir et de notre responsabilité d'accompagner ces femmes et leur famille dans la maternité, mais aussi dans l'éducation des enfants. Nous devons, en la matière, avoir un rôle de facilitateurs.
Aujourd'hui, c'est à un risque sanitaire que nous sommes confrontés : 58 % des femmes agricultrices qui attendent un enfant ne prennent pas leur congé de maternité, parce qu'elles sont mal informées sur leurs droits, ou encore en raison du coût ou du problème de l'offre de remplacement cette dernière difficulté est un vrai problème également pour les hommes agriculteurs, s'agissant de la formation professionnelle ou de l'engagement dans les organisations professionnelles.
L'année dernière, madame la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, vous avez annoncé la mise en place d'un projet pilote au sein du ministère de l'agriculture en matière de budget « genré ». Il s'agirait d'identifier les bénéficiaires des financements publics et de déterminer si ces derniers servent également les intérêts des hommes et ceux des femmes. Il s'avère en effet que la répartition des subventions est déséquilibrée.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Guillaume Chevrollier. Il serait intéressant, par exemple, de réinjecter les excédents dans le financement de la maternité. Qu'en pensez-vous, madame la secrétaire d'État ? Et pourquoi le ministère de l'agriculture a-t-il été choisi pour cette expérimentation ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Merci, monsieur le sénateur, pour votre question, et, de manière plus générale, pour l'exposé que vous avez réalisé des conditions de travail des agricultrices.
Nous avons en effet décidé il s'agissait d'un engagement de campagne du Président de la République de mettre en place un budget dit « sensible au genre ».
Un tel budget existe depuis longtemps dans de nombreuses collectivités ; il s'agit même, en France pour certaines collectivités, d'une obligation légale. Un tel document est également réalisé depuis des années par de nombreux États, comme le Canada ou le Maroc. Le choix de commencer par le ministère de l'agriculture s'est fait sur la base du volontariat, tout simplement : le ministre de l'agriculture, Stéphane Travert, est très sensible à la question de l'égalité entre les femmes et les hommes. Il a fait, avec Laura Flessel, acte de candidature commune pour expérimenter ce budget sensible au genre.
L'idée est simplement de calculer l'argent qui est directement consacré, dans les politiques publiques, aux hommes et aux femmes. C'est ce calcul très fin qui permet de savoir s'il existe une iniquité des financements publics.
Par exemple, une collectivité locale finançant un skate-park dont on sait qu'il sera occupé à 90 % par des jeunes garçons pourra constater, via la budgétisation sensible au genre, qu'il y a là une iniquité de financement des équipements publics.
C'est ce travail qui sera mené avec le ministère de l'agriculture. Nous procéderons par étapes : cette démarche sera expérimentée, dans un premier temps, pour les budgets opérationnels de programmes concernés par le document de politique transversale Égalité, piloté par la DGCS, la direction générale de la cohésion sociale. En l'occurrence, il s'agit des programmes 142, « Enseignement supérieur et recherche agricoles », 143, « Enseignement technique agricole », et 149, « Économie et développement durable des entreprises agricoles, agroalimentaires et forestières ».
M. le président. La parole est à Mme Denise Saint-Pé, pour le groupe Union Centriste.
Mme Denise Saint-Pé. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la délégation, mes chers collègues, je souhaite évoquer la féminisation des instances dirigeantes, qui a une importance clé dans le combat pour l'égalité, en ce qu'elle permet de donner la parole aux femmes, de susciter des vocations, d'inspirer, d'illustrer des réussites au féminin.
Depuis l'entrée en vigueur du décret du 29 juin 2012 et de la loi du 4 août 2014, les chambres d'agriculture comptent désormais obligatoirement un tiers de femmes élues la moyenne nationale est actuellement de 27 %. Ce chiffre correspond peu ou prou à la démographie de la profession. Le problème se situe ailleurs. Comme dans beaucoup d'autres secteurs, les instances dirigeantes restent très masculines.
Si les chambres d'agriculture élues en 2013 ont vu, relativement aux précédentes, leur ouverture aux femmes, cette ouverture ne s'est pas traduite au sein des bureaux, lesquels n'ont fait l'objet d'aucune obligation juridique vous y faisiez référence tout à l'heure, madame la secrétaire d'État.
À titre d'exemple, le conseil d'administration de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, l'APCA, ne compte qu'une femme pour trente-trois hommes, et son bureau, une élue pour treize hommes.
Sur les quatre-vingt-quatre chambres départementales d'agriculture, trois d'entre elles seulement sont présidées par des femmes.
La délégation aux droits des femmes avait par conséquent recommandé que soit appliqué le système de proportion minimale d'un tiers de femmes au sein des instances dirigeantes des différentes chambres d'agriculture, de l'APCA, des syndicats agricoles, des coopératives agricoles.
Madame la secrétaire d'État, une modification de la loi est-elle envisagée sur ce plan ?
Quelle stratégie entendez-vous mettre en oeuvre pour encourager la féminisation de la gouvernance professionnelle ? Plusieurs leviers existent : rôles modèles, réseaux féminins, meilleure répartition des tâches dans la cellule familiale pour libérer du temps libre, législation, etc.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice, vous posez une question cruciale. Je ne reviens pas sur le constat, puisque vous l'avez très justement dressé.
La parité complète sur les listes électorales sera atteinte à compter du deuxième renouvellement des chambres départementales d'agriculture et des chambres régionales d'agriculture qui suit la promulgation de la loi, soit en 2020 les prochaines élections des chambres d'agriculture auront lieu en 2019.
Dans la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, que j'évoquais tout à l'heure, est inscrite l'amélioration de la représentation des femmes au sein des SAFER, les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, la représentation minimale de chaque sexe dans les collèges des conseils d'administration étant fixée à 30 % des membres.
Comme vous le savez sans doute, mesdames, messieurs les sénateurs, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation est engagé, en 2018, dans une démarche de double labellisation, égalité et diversité. Dans le cadre de cet engagement, il a pris la décision de veiller au respect des mêmes principes d'égalité et de parité chez les opérateurs qui sont sous sa tutelle.
Je partage évidemment ce sujet de préoccupation ; je puis vous dire que mon collègue Stéphane Travert et moi-même veillerons de près à ce que la parité, dans ces instances, devienne le plus vite possible une réalité.
M. le président. La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Victoire Jasmin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la délégation, chère Annick, mes chers collègues, il est des secteurs de l'activité humaine dont la féminisation fut d'abord perçue comme une contrainte, pour se révéler finalement une opportunité.
Vous conviendrez aisément qu'il en est ainsi de la politique comme de l'agriculture.
Aussi ne peut-on que se féliciter de l'excellent travail effectué par la délégation sénatoriale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes sur les femmes et l'agriculture ; la présentation de son rapport vient aujourd'hui clôturer un cycle de plus d'un an de colloques, de rencontres, d'auditions et de témoignages, au plus près de la réalité des agricultrices et de leurs territoires.
C'est donc avec fierté que la fille d'agricultrice que je suis souhaite se faire l'écho de la recommandation 34 dudit rapport, visant à encourager les jeunes filles à choisir le métier d'agricultrice.
Il s'agit d'un métier certes exigeant, mais ô combien prioritaire en matière d'économie, d'écologie, et surtout de santé publique.
Aussi est-il primordial de susciter des vocations et d'orienter les jeunes filles vers ces filières malheureusement peu ou mal connues, en les informant dès le collège sur la multiplicité des métiers et sur les opportunités de poursuite d'études ; en améliorant la connaissance des professionnels de l'éducation et de l'orientation sur les débouchés dans le milieu agricole ; en communiquant sur tous les supports, y compris sur internet et les réseaux sociaux, avec un vocabulaire adapté et des images s'adressant tant aux filles qu'aux garçons ; en valorisant davantage les bonnes pratiques et en insistant sur les aides à l'installation et les moyens existant pour accompagner les jeunes agricultrices et agriculteurs ; en créant, enfin, des internats et des structures d'accueil et d'hébergement adaptés aux filles, tant en formation initiale qu'en formation continue.
À n'en pas douter, ces recommandations de la délégation participent à valoriser le métier d'agricultrice, trop souvent sous-estimé. Les agricultrices constituent un maillon essentiel dans la revitalisation de territoires fréquemment en proie à la désertification rurale.
Il est donc indispensable de lever les freins qui pèsent sur la création ou la reprise d'exploitation par des filles.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Victoire Jasmin. Une telle politique pourrait être un vecteur d'innovations en matière de diversification des productions ou de transformation agroalimentaire.
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice, vous m'interrogez sur les actions conduites par le Gouvernement pour la diversification des choix d'orientation scolaire et professionnelle en direction des jeunes filles. Le réseau Insertion-égalité des chances anime des actions de sensibilisation spécifiques et des appels à projets auprès des établissements, pour faire réfléchir à la fois les élèves et l'ensemble du monde éducatif à ce sujet.
À titre d'exemple, le projet Filagri accompagne les filles minoritaires dans leur formation ; il a mobilisé huit régions pendant quatre ans.
Un guide à destination des équipes, dans les établissements, vise également à mieux accompagner les apprenants dans leurs projets personnels, scolaires et professionnels. Il a été conçu avec une attention spécifique à l'égalité entre filles et garçons, pour encourager l'orientation des jeunes filles en direction de ces filières.
Je crois, comme vous, madame la sénatrice, à l'importance des rôles modèles. C'est pour cette raison que nous renforçons notre communication destinée à valoriser des femmes qui exercent des métiers dans lesquels les hommes sont fortement représentés, dans l'agriculture et dans d'autres secteurs. J'étais hier sur le bassin d'Arcachon ; une députée, Sophie Panonacle, a remis une médaille de l'égalité à une femme ostréicultrice en présence de lycéens et de lycéennes, afin qu'ils puissent se projeter dans ce type de rôle. Il faut multiplier ce genre d'initiatives, particulièrement dans le domaine de l'agriculture.
Enfin, le Tour de France de l'égalité entre les femmes et les hommes a fortement mobilisé les lycées agricoles, qui ont travaillé dans ce cadre au regard porté sur les métiers de l'agriculture par les jeunes.
M. le président. La parole est à Mme Christine Bonfanti-Dossat, pour le groupe Les Républicains.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la délégation, mes chers collègues, ce rapport, dont je salue moi aussi la pertinence, nous permet de mesurer le chemin parcouru depuis les années 1960 pour faire progresser les droits et la condition des femmes agricultrices.
Mais, mes chers collègues, ne nous arrêtons pas en si bon chemin. Le tableau qui y est peint nous appelle également à nous retrousser les manches, tant les actions à mener sont structurantes.
En 1949, Simone de Beauvoir écrivait : « C'est le travail qui peut seul garantir à une femme une liberté concrète. » Cette liberté demeure à conquérir pour les femmes agricultrices. En effet, les conditions dans lesquelles celles-ci exercent leur métier nous interpellent, diront certains, nous révoltent, diront d'autres.
La faiblesse des revenus a des répercussions sur leur statut, leur protection sociale et le montant de leur retraite. Si cette problématique n'est pas exclusivement féminine, elle se pose avec d'autant plus de vigueur pour les femmes agricultrices en raison de la création récente du statut de conjoint collaborateur et de l'accès tardif au statut de chef d'exploitation.
Les chiffres sont éloquents : la retraite moyenne d'une femme agricultrice se situe entre 500 et 600 euros. Le minimum vieillesse, quant à lui, est d'environ 800 euros. Dans certaines situations, les plus préoccupantes, la retraite s'élève à 40 euros seulement !
Cette situation doit appeler une réponse ambitieuse, tant il semble anormal que des années de travail soient in fine moins rémunératrices et moins protectrices que le minimum vieillesse.
Madame la secrétaire d'État, les agricultrices sont les « héritières d'une longue invisibilité », comme le soulignent les auteurs du rapport. Il est de notre devoir de ne pas faire de ces femmes les prisonnières de cet héritage.
Le salon de l'agriculture ouvre dans quatre jours ; allez-vous leur tendre la main ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. En effet vous l'avez dit, madame la sénatrice, à raison , les métiers de l'agriculture sont pourvoyeurs d'emplois. Il est donc essentiel de travailler plus encore à améliorer leur image, y compris auprès des jeunes filles.
Ce thème a été largement évoqué lors de l'atelier 13 des états généraux de l'alimentation, Renforcer l'attractivité des métiers de l'agriculture et des filières agricoles et développer la formation. Les branches agricoles et le ministère de l'agriculture vont notamment travailler à la réalisation d'une campagne de communication sur ce sujet.
Madame la sénatrice, vous avez évoqué également d'autres thèmes, qui sont liés à celui que je viens de mentionner, en particulier la question des retraites. Je ne me répète pas : j'ai parlé tout à l'heure des pistes de travail sur lesquelles planche le Gouvernement, avec notamment le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye. Mais j'entends bien votre interpellation et vous assure une nouvelle fois qu'il s'agit d'un sujet majeur sur lequel l'ensemble du Gouvernement est mobilisé.
M. le président. La parole est à Mme Maryvonne Blondin, pour le groupe socialiste et républicain.
Mme Maryvonne Blondin. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, madame la présidente de la délégation, mes chers collègues, je dois dire que depuis sa sortie, en juin 2017, ce rapport a connu une notoriété sans cesse croissante. Il est devenu, pourrait-on dire, un best-seller, et aussi un outil de travail utilisé par les réseaux de femmes agricultrices, qui nous permet à nous, sénatrices et sénateurs, d'aller à leur rencontre et d'échanger avec eux sur toutes les recommandations qui y sont faites.
Il traite différents sujets, et surtout celui de la diffusion de l'information concernant les droits des femmes, au moment de leur installation notamment. La MSA, la mutualité sociale agricole, doit assurer l'organisation de campagnes d'information beaucoup plus poussées.
Nous avons parlé de l'articulation des temps, vie professionnelle, vie familiale, et, ajouterai-je, vie personnelle. Sur ce point, à ce stade du débat, vous avez bien entendu déjà répondu, madame la secrétaire d'État vous avez répondu à beaucoup de questions, et proposé des solutions innovantes. J'y ajouterai les bus itinérants de garde d'enfants, qui circulent chaque jour dans une commune différente et apportent des solutions.
La section des agricultrices de la FDSEA, la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles, du Finistère s'est réunie jeudi dernier en assemblée générale. Je peux vous dire, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, que ce rapport a été discuté. Justement, les membres de la section ont mis en exergue la proposition d'étendre le dispositif de remplacement ou de mettre en place un chèque emploi service prépayé utilisable pour la garde d'enfants, mais également pour les tâches ménagères, qu'il ne faut pas oublier ! Telle sera l'une de leurs recommandations de travail pour l'année 2018.
M. le président. Il faut conclure, ma chère collègue !
Mme Maryvonne Blondin. J'aurais voulu évoquer les violences faites aux femmes, monsieur le président
M. le président. Le temps qui vous était imparti est écoulé, ma chère collègue !
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice, j'ai entendu la fin de votre intervention, sur les violences faites aux femmes. Il s'agit bien sûr d'un sujet de préoccupation ; nous pourrons, si vous le souhaitez, en débattre plus longuement.
Il n'y a pas, me semble-t-il, de plus beau destin, pour un rapport du Sénat, que de devenir un best-seller et un outil de débat et de discussion. C'est la vocation première d'un tel document. Je salue donc le fait que chacune et chacun s'en empare et le fasse vivre, dans les politiques publiques ou dans sa vie quotidienne, faisant de ce rapport, après sa publication, une forme de média d'échange prolongé.
Plus particulièrement, madame la sénatrice, l'une des questions que vous me posez porte sur la mise en place des dispositifs de remplacement, dont le coût serait pris en charge, comme pour les maternités, en cas d'enfant malade.
J'ai évoqué tout à l'heure la question des bus itinérants et des modes d'accueil innovants. Actuellement, vous savez que seul le congé de maternité est pris en charge par la MSA. En cas de maladie très grave, il est possible de bénéficier de l'allocation journalière de présence parentale ; ce droit est ouvert aux personnes qui assurent la charge d'un enfant gravement malade. Mais cette allocation ne permet bien sûr pas de financer le remplacement de la mère par un salarié agricole. À l'heure actuelle, rien ne permet d'assurer ce financement.
Mais il s'agit d'une question importante, que, attentifs, justement, au rapport dont nous débattons aujourd'hui, mon collègue le ministre de l'agriculture, mais aussi ma collègue la ministre des solidarités et de la santé, qui est également concernée par ce sujet, et moi-même allons regarder de très près.
M. le président. La parole est à M. Christophe Priou, pour le groupe Les Républicains.
M. Christophe Priou. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je veux avant tout saluer le travail remarquable réalisé dans le cadre de la rédaction de ce rapport, sur l'initiative de la délégation aux droits des femmes cela a été dit, mais il faut le souligner de nouveau, surtout à l'époque des prix littéraires et des best-sellers. (Sourires.)
Mme la secrétaire d'État a rappelé la loi. Mais il y a aussi l'esprit de la loi, et, de ce point de vue, je pense qu'il est possible d'anticiper.
Au conseil régional des Pays de la Loire, nous avons une commission de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de la mer, et elle compte trois femmes agricultrices, dont l'excellente présidente Lydie Bernard, qui non seulement irrigue la région Pays de la Loire, mais rayonne aussi à l'Association des régions de France.
Cela étant, dans nos régions, nous avons tous des exemples des difficultés que rencontrent les agricultrices pour porter une exploitation. En effet, il faut se former pour s'installer tout en faisant face à une charge de travail importante et à une administration qui prend toujours plus de temps et de place !
Même s'il est souvent une passion, ce métier doit s'accompagner d'une meilleure protection sociale et d'un vrai statut.
L'exploitation familiale d'autrefois a largement muté pour tendre vers la gestion d'une véritable entreprise. Le rapport décrit d'ailleurs bien la variété des situations et des profils qui comportent toujours les mêmes contraintes et difficultés et s'accompagnent de conditions d'emploi souvent moins favorables que dans d'autres secteurs.
Dans la région Pays de la Loire, la démarche des agricultrices est souvent tournée vers le qualitatif et les circuits courts ; je pense notamment aux filières du sel, de l'élevage, du maraîchage ou de la viticulture.
Parmi les quarante recommandations du rapport, il me semble que les points suivants sont prioritaires et demandent que des solutions soient mises en oeuvre très rapidement. Je pense, d'abord, au statut, avec un parcours de formation initiale adapté. Je pense, ensuite, à la revalorisation du montant de base des retraites agricoles, incluant une bonification forfaitaire variable selon le nombre d'enfants. Il importe aussi d'encourager l'accès des agricultrices aux responsabilités et de renforcer la féminisation de la gouvernance de la profession, notamment pour ce qui concerne les chambres d'agriculture cela a été fait notamment dans les départements de la Mayenne et du Maine-et-Loire où nous avons des exemples de femmes agricultrices qui occupent les plus hautes responsabilités. Je veux enfin souligner l'importance de faciliter l'accès aux aides, à l'installation et aux terres. Dans notre région, nous aurons à vivre, en Loire-Atlantique, l'après- Notre-Dame-des-Landes, dont l'enjeu est la gestion future de centaines d'hectares.
Si ces seuls points étaient rapidement traités, nous ferions une avancée considérable au bénéfice des femmes agricultrices !
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le sénateur, j'ai déjà répondu, lors des échanges précédents, à un certain nombre des questions que vous me posez. Je vais donc consacrer mon développement à la question du taux de formation professionnelle continue des femmes, sujet qui n'a pas encore été traité cet après-midi.
Vous le savez, les femmes, qui représentent 30 % des contributeurs au fonds de formation, n'en bénéficient qu'à hauteur de 9 %, contre 14 % globalement.
VIVEA, qui est le fonds de formation des agriculteurs, mène une action spécifique sur le sujet. Pleinement conscient du défi à relever, il le soutient activement et l'a inscrit dans son plan stratégique pluriannuel.
Le ministère de l'agriculture est représenté par le commissaire du Gouvernement au conseil d'administration de VIVEA. Il a ainsi pu constater le souci qui anime les membres de ce fonds afin de faire progresser les choses, instituant notamment un suivi précis des indicateurs de progrès en ce domaine. Ce sujet est d'autant plus important pour les femmes que près de la moitié des exploitantes de moins de quarante ans ne sont pas passées par l'enseignement agricole. Seulement un cinquième des hommes sont dans ce cas, cela a été dit tout à l'heure.
Les femmes sont souvent plus diplômées de l'enseignement supérieur que les hommes, mais elles s'installent dans la plupart des cas plus tard et sans avoir bénéficié des formations idoines qu'elles suivront en formation professionnelle continue. Cette question, nous l'avons longuement évoquée dans le cadre des échanges précédents.
Je reste très vigilante sur le thème de la parité dans l'accès à la formation professionnelle tout au long de la vie. À cet égard, il m'a été remis ce matin, dans le cadre du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, un rapport qui contient un certain nombre de préconisations. Nous allons bien évidemment les mettre en lien avec les actions portées par le ministère de l'agriculture.
M. le président. La parole est à M. Pierre Cuypers, pour le groupe Les Républicains.
M. Pierre Cuypers. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, comme le rappellent nos excellents rapporteurs, au nom de la délégation aux droits des femmes : « Ce sont les femmes qui, pendant les guerres, ont fait tourner les exploitations agricoles ». Cette constatation souvent évoquée doit rester dans nos esprits.
L'épouse du chef d'exploitation a longtemps été considérée comme sans profession.
En 2014, 113 200 femmes étaient chefs d'entreprise, ce qui représente 25 % de l'effectif global.
Par ailleurs, 5 000 femmes d'exploitants agricoles occupant un emploi salarié dans l'entreprise de leur conjoint ne sont pas déclarées à la mutualité sociale agricole, la MSA, et sont donc considérées comme sans emploi.
Aujourd'hui, elles souhaitent un véritable statut qui leur assure une protection sociale adaptée et une retraite calculée sur les meilleures années de leur vie professionnelle.
Afin de survivre à l'agriculture, l'équilibre se fait souvent par l'exercice d'un métier extérieur. Je salue le mérite de ces femmes qui composent ainsi entre deux mondes, permettant très souvent de sauver l'exploitation.
Un couple d'agriculteurs vit en moyenne, selon une récente enquête de la MSA effectuée en 2017, avec à peine 354 euros par mois. Telle est la vérité, madame la secrétaire d'État !
Dès lors, comment valoriser la féminisation croissante de la profession agricole et encourager l'accès des femmes aux responsabilités dans les instances agricoles ? Cette démarche est indispensable.
Les femmes apparaissent comme les nouveaux catalyseurs du monde agricole. Je considère que leur avenir dépend d'une solide formation. Elles pourront davantage reconvertir une partie du secteur agricole en secteur de services.
Favoriser leur installation permettrait de pérenniser les exploitations, sans négliger pour autant la production.
Pouvez-vous, madame la secrétaire d'État, nous indiquer le plan envisagé par le Gouvernement pour conforter la place des exploitantes agricoles, qui, de jour en jour, font vivre le tissu rural ?
Quelles sont les suites proposées pour les aides à l'entrepreneuriat ou le remplacement en cas de congé de maternité et l'aide à domicile ?
Enfin, quelles mesures d'action locale adaptées à chaque territoire rural proposez-vous ?
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Monsieur le sénateur, votre question englobe un certain nombre de sujets. J'ai déjà répondu à une partie d'entre eux, précédemment. Soucieuse de ne pas me répéter, je note votre volonté de faire en sorte que l'on encourage l'orientation, sujet abordé tout à l'heure notamment à propos de la place des jeunes filles dans les lycées agricoles et de l'attractivité des métiers. Vous souhaitez également encourager l'installation. Nous avons évoqué la PAC post-2020 et les discussions qui pourraient s'engager pour favoriser cette installation et, au-delà, la pérennisation. Nous avons aussi évoqué et détaillé des politiques publiques de soutien aux agricultrices ; à ce sujet, mon collègue le ministre de l'agriculture, Stéphane Travert, s'appuiera sur un certain nombre des propositions formulées dans le rapport sénatorial dont tout le monde salue la qualité.
Vous avez parlé du congé de maternité. J'ai déjà répondu à un certain nombre de questions à ce propos. Je ressens en effet sur ce sujet une forte attente de la part des agricultrices. Je veux de nouveau vous rassurer sur ce point et préciser que ce qui est en cause, c'est bien l'harmonisation des congés de maternité. Il n'est, bien sûr, aucunement question de mettre la fin au système tel qu'il existe actuellement avec les indemnités de remplacement.
J'en viens à l'autonomisation des filles et des femmes dans le cadre de l'enseignement agricole, qui est l'une des questions liées à leur orientation. Il est bon de le rappeler, les méthodes pédagogiques développées par l'enseignement agricole sont centrées sur une forme de construction commune et de conduite du projet. De caractère très concret, elles sont l'ADN même de cet enseignement agricole. Elles cherchent à développer l'autonomie des jeunes femmes, à les rendre actrices de leur parcours, de leur formation et, plus généralement, de leur parcours professionnel.
Tel me paraît vraiment être le fil rouge de tous les sujets que vous évoquez, monsieur le sénateur : l'autonomisation, l'émancipation économique, mais aussi sociale des femmes agricultrices. L'enjeu consiste tout simplement à leur permettre de vivre de leur travail et de ce qu'elles produisent, non seulement pour elles et pour leur exploitation, mais aussi pour la France tout entière.
M. le président. La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour le groupe Les Républicains.
Mme Patricia Morhet-Richaud. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer à mon tour l'excellent travail réalisé par nos collègues de la délégation aux droits des femmes. Le thème des femmes et de l'agriculture, qui a donné lieu l'an dernier à un colloque et à un rapport d'information, permet de mettre un éclairage sur une réalité mal connue et sur des situations qu'il convient de corriger. C'est pourquoi j'espère que de nombreuses préconisations qui ont été formulées et qui relèvent, pour bon nombre d'entre elles, du bon sens paysan, seront retenues.
On ne peut que se réjouir, en effet, du nombre de femmes qui rejoignent chaque année le monde agricole en France. Elles entendent mener un projet professionnel qui est aussi le choix d'un mode de vie et qui a été très souvent mûrement réfléchi. Les femmes s'installent souvent plus tard que les hommes et avec un niveau d'études supérieur. Autrement dit, à l'issue d'un cursus plus complet, les nouvelles agricultrices ont une formation qui leur permet de mettre en place des projets innovants, lesquels s'inscrivent davantage dans l'air du temps et répondent mieux aux attentes des consommateurs.
C'est ainsi que, en 2017, dans mon département, les Hautes-Alpes, sur 47 nouvelles installations, 17 ont des femmes comme chef d'exploitation.
Le pastoralisme n'est pas en reste puisque de plus en plus de jeunes femmes se destinent au métier de bergère ou d'aide-bergère. Cette proportion peut même atteindre les deux tiers selon les territoires.
Or le plan Loup 2018-2023 vient de mettre un coup d'arrêt à cette dynamique. Aucune avancée significative n'a été réalisée pour défendre les troupeaux.
Le dispositif d'utilisation du tir de défense est toujours aussi contraignant pour les éleveurs et les mesures d'effarouchement ont montré leurs limites, avec des attaques de plus en plus nombreuses, puisque 10 000 animaux ont été tués par le loup en 2017 !
Dans le cadre des mesures de sensibilisation des jeunes gens à la diversité des métiers de l'agriculture, je vous demande, madame la secrétaire d'État, si le métier de bergère doit ou non être encouragé auprès des jeunes femmes. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains, du groupe Union Centriste, du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen et du groupe socialiste et républicain.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes. Madame la sénatrice, vous me permettrez, puisque c'est la dernière question, de saluer, en guise de conclusion, l'excellente qualité de ce rapport, même si mon propos n'est pas très original.
C'est, selon moi, grâce à la recherche du consensus qui a guidé l'élaboration de ce rapport que mon collègue Stéphane Travert, ministre de l'agriculture, et moi-même pourrons nous saisir très concrètement des propositions qui ont été faites.
J'en viens à la question particulière que vous soulevez, celle du plan Loup elle nous éloigne très légèrement du sujet, nous faisant esquisser un petit pas de côté.
Je ne partage pas, madame la sénatrice, l'analyse que vous faites de ce plan tel qu'il vient d'être annoncé. Il me paraît, au contraire, efficace. (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Je vous fais part de mon avis, mesdames, messieurs les sénateurs, puisque c'est le mien qui est sollicité ! Le plan Loup est un bon compromis. Il permettra à un certain nombre d'agriculteurs et d'agricultrices de se sentir plus protégés, car ils seront autorisés à se défendre en prenant les mesures indiquées par le ministre.
Comme je l'ai dit, je viens d'un village de la montagne corse. J'ai grandi dans une famille de bergers et je crois que le métier de bergère est un beau métier. Il doit être défendu, car il n'appartient pas seulement au passé. Dans le cadre de la loi et des normes européennes, nous devons mettre en oeuvre tout ce qui est possible pour permettre aux femmes bergères de continuer à exercer ce beau métier.
M. le président. Nous en avons terminé avec le débat sur les conclusions du rapport d'information Femmes et agriculture : pour l'égalité dans les territoires.
Je veux remercier tous les orateurs. J'adresse également mes remerciements à la délégation aux droits des femmes, à toutes celles et à tous ceux qui ont participé à ce rapport, lequel fait l'unanimité. Je remercie enfin Mme la secrétaire d'État de la qualité et de la précision de ses réponses.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
Source http://www.senat.fr, le 26 février 2018